Session de 2015
9e & 10e séances – matin & après-midi
ECOSOC/6671

Vers le programme de développement pour l’après-2015: l’ECOSOC poursuit son dialogue sur le positionnement d’un système de l’ONU marqué par la fragmentation et la compétition

Quel impact aura le programme de développement pour l’après-2015 sur le travail des 34 entités de l’ONU qui s’emploient à aider, « dans la fragmentation et la compétition », les pays du Sud à se sortir de leur condition?  C’est la question à laquelle le Conseil économique et social (ECOSOC) s’efforce de répondre dans le « Dialogue » qu’il a entamé le 15 décembre dernier, repris le 30 janvier et poursuivi aujourd’hui sur le positionnement du système de l’ONU, compte tenu dudit programme pour l’après-2015.  L’ECOSOC s’attache à réfléchir aux relations entre l’alignement des fonctions des entités de l’ONU, leurs pratiques de financement, leurs structures de gouvernance, leurs capacités et leur influence, leurs formes de partenariat et leurs arrangements organisationnels.

Les deux premières phases du dialogue ont permis de poser des constats clairs: la routine n’est pas une option; l’appropriation nationale est cruciale; et une réflexion s’impose sur le rôle du système de développement des Nations Unies dont l’action est toujours marquée par la fragmentation, la compétition et des coûts de transaction élevés, a résumé aujourd’hui Mme María Emma Mejía Vélez, Vice-Présidente de l’ECOSOC.

Nous devons, a admis le Vice-Secrétaire général de l’ONU, « réduire vigoureusement les coûts des transactions et le faire beaucoup plus vite ».  Pour avoir un système de développement « à la hauteur de sa tâche », M. Jan Eliasson a proposé une approche à trois volets: des réponses différenciées aux besoins et capacités différenciés des pays; l’amélioration des capacités gouvernementales pour aider les pays à tirer le meilleur parti des partenariats, grâce entre autres aux innovations technologiques; et le renforcement de la coordination au sein du système et entre le système et les autres acteurs. 

Il faut que l’ONU soit en mesure d’offrir un appui cohérent, intégré et adapté aux besoins et priorités des pays, a insisté la Vice-Présidente de l’ECOSOC.  Mme Mejía Vélez a aussi insisté sur la nécessité pour les entités de l’ONU de recourir davantage aux capacités nationales dont les gouvernements réclament d’ailleurs une gouvernance du système de l’ONU à laquelle ils peuvent participer.  Mme Mejía Vélez a ajouté à ces nécessités celles de voir plus de résultats et plus de redevabilité.  Enfin, elle a cité la nécessité d’une plus grande ouverture aux autres acteurs de la coopération au développement; arguant que les nombreuses questions mondiales ne sauraient être bien traitées sans une approche « multipartite ».

On gagnerait en efficacité si on laissait la porte ouverte à d’autres partenaires au développement, a commenté le représentant des États-Unis, au cours d’une des deux tables rondes que l’ECOSOC a organisées aujourd’hui.  Beaucoup de délégations ont en effet critiqué les réticences de l’ONU à s’ouvrir à d’autres, fustigeant en outre la concurrence que se livrent ses entités.  « Au lieu d’avoir neuf agences en Jamaïque, ne serait-il pas mieux de les fusionner en une seule agence? » s’est, par exemple, interrogé le représentant du Royaume-Uni.  « Que les Nations Unies travaillent à leur complémentarité plutôt qu’à leur concurrence », a commenté celle du Kenya.

Quatre-vingt-treize pour cent des pays estiment pourtant que le système de développement de l’ONU est efficace dans son action auprès des plus pauvres et des plus désavantagés, s’est défendu le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales, en reconnaissant néanmoins les problèmes liés au manque d’harmonisation. 

En 2013, le montant total des contributions aux activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies s’est élevé à 26,4 milliards de dollars, soit 17% du total de l’aide publique au développement (APD) de 147 milliards de dollars.  Ce financement s’est beaucoup diversifié: en 2013, par exemple, 23% des contributions provenaient des organisations multilatérales, des fonds internationaux, des ONG et des fondations privées, contre 8% seulement en 1997. 

Devant une situation où les autres ressources dites « ressources préaffectées » représentent 75% du budget du système de développement, les fonds et programmes de l’ONU ont développé des principes communs pour le concept de « masse critique » des ressources de base.

Le déséquilibre entre ressources de base et autres ressources a été dénoncé par plusieurs délégations.  Le Vice-Ministre de la planification et de l’investissement de la République démocratique populaire lao a argué que les ressources de base sont en fin de compte un outil d’amélioration organisationnelle.  Elles sont, pour lui, la manière la plus efficace de créer des partenariats pertinents et efficaces avec les pays.  Les ressources de base ont un autre avantage, celui de renforcer l’indépendance, la neutralité et le rôle du système de développement de l’ONU et d’en faire alors un partenariat fiable et digne de confiance. 

Le « Dialogue sur le positionnement du système de l’ONU à long terme, compte tenu du programme de développement pour l’après-2015 » devrait se poursuivre jusqu’à l’adoption en 2016 de la résolution sur « l’examen quadriennal des activités opérationnelles de développement » visant à rendre le système de l’ONU capable d’aider véritablement les pays à mettre en œuvre le programme de développement qui devrait prendre le relais après 2015 des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD). 

L’ECOSOC poursuivra ses travaux demain, mardi 24 février, à partir de 10 heures.

ACTIVITÉS OPÉRATIONNELLES DU SYSTÈME DES NATIONS UNIES AU SERVICE DE LA COOPÉRATION INTERNATIONALE POUR LE DÉVELOPPEMENT

Suite donnée aux recommandations de politique générale de l’Assemblée générale et du Conseil (A/70/62–E/2015/4)

Table ronde sur le thème « Le positionnement à long terme du système des Nations Unies dans le cadre du programme de développement pour l’après-2015 »

À neuf mois du remplacement des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) par le programme de développement durable pour l’après-2015, des questions se posent: comment ce programme et les changements qui interviennent dans le paysage du développement vont-ils influer sur le positionnement à long terme du système de développement des Nations Unies et surtout sur les liens entre alignement des fonctions, pratiques financières, structures de gouvernance, capacités, approches du partenariat et arrangements organisationnels?

« Au-delà de la quantité c’est la qualité qui compte », ont en effet souligné les participants à la table ronde qui ont entendu les interventions du représentant du Ministère allemand de la coopération économique et du développement de l’Allemagne, M. THOMAS SILBERHORN, et du Ministre de la planification et du développement de la Côte d’Ivoire, M. ALBERT TOIKEUSSE MABRI, qui a participé aux débats depuis « Abidjan, une ville détruite il y quatre ans seulement ».

M. Mabri a reconnu que son pays, qui a pu compter sur la volonté de tous les Ivoiriens pour se reconstruire, a aussi tiré parti de l’appui du système de l’ONU s’agissant du renforcement des capacités, des conseils stratégiques, de l’aide à la mobilisation des ressources nationales et internationales et de la transition énergétique.  Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire jouit d’un taux de croissance qui approchait les 10% en 2014 boosté par un bon cadre de gouvernance et l’intégration régionale.  « Mener des activités ensemble signifie que nous devons être redevables ensemble », a souligné le Ministre.  

La redevabilité mutuelle entre les gouvernements et le système de l’ONU a été mise en avant par plusieurs délégations dont celles du Kenya, de la Jamaïque et de Trinité-et-Tobago, au nom de la communauté des Caraïbes (CARICOM), qui ont appelé à s’efforcer de fournir un appui cohérent, intégré et adapté à l’évolution des besoins et des priorités des pays.  Une large majorité d’États a déjà dit, s’est expliqué M. WU HONGBO, Secrétaire général aux affaires économiques et sociales, en présentant le rapport du Secrétaire général*, que le Plan-cadre des Nations Unies pour l’aide au développement (PNUAD) a renforcé l’appropriation et le leadership national.  

« L’Onu doit travailler là où elle est la plus susceptible d’apporter de la valeur ajouté », a insisté la Vice-Présidente de l’ECOSOC, Mme María Emma Mejía Vélez (Colombie).  Parmi les domaines de prédilection de l’ONU, elle n’a pas été la seule à citer le renforcement des capacités institutionnelles, en particulier, comme l’a dit la représentante de la CARICOM, dans la collecte des données et statistiques, compte tenu de leur importance pour la définition des politiques de développement. 

C’est le renforcement des capacités institutionnelles au niveau sous-national qui doit être la priorité, selon le représentant Ministre allemand de la coopération économique et du développement, pour corriger les déséquilibres entre le pouvoir central et les provinces ».  « Tenir compte des spécificités non seulement nationales mais aussi sous-nationales sera décisif pour nous aider à atteindre nos objectifs de développement », a acquiescé la représentante du Kenya, en appelant l’ONU à développer ses partenariats avec la société civile, les ONG et le secteur privé.   Il faut « une meilleure synergie entre le système de l’ONU et les acteurs locaux », a acquiescé, à son tour, le représentant du Luxembourg, un des rares pays à verser 1% de son revenu national brut (RNB) à l’aide publique au développement (APD).

« Pour gagner du temps, il faut en effet tenir compte des avis de tous ceux qui ont de l’expérience dans le développement », a ajouté l’animateur de la table ronde et représentant du Centre de la coopération internationale au développement de l’Université de New York.  M. David Steven a appelé « à une alliance des forces qui aille au-delà de tout ce que nous avons vu par le passé ».

Quatre-vingt-treize pour cent des pays estiment déjà que le système de développement de l’ONU est efficace dans son action auprès des plus pauvres et des plus désavantagés, a affirmé le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales.  Le système a recours aux institutions et experts nationaux pour la définition de programmes et leur mise en œuvre mais il est vrai qu’il y recourt beaucoup moins pour les achats, la gestion financière, le suivi, l’évaluation et la rédaction des rapports.

Il faut dire que les obstacles à un recours plus systématique aux systèmes nationaux sont les capacités limitées des institutions nationales, le manque de transparence, les changements fréquents de personnel et les exigences toujours strictes des donateurs.  D’ailleurs pour les gouvernements, les procédures de l’ONU sont beaucoup trop complexes pour permettre le recours aux systèmes nationaux.

Comment la diversité croissante des expériences en matière de développement affectera-t-elle la pertinence du système de l’ONU après-2015?  D’emblée, le représentant des États-Unis a estimé qu’on gagnerait en efficacité si on laissait la porte ouverte à d’autres partenaires au développement.  Beaucoup de délégations ont en effet critiqué les réticences de l’ONU, fustigeant en outre la concurrence que se livrent ses entités.  « Au lieu d’avoir neuf agences en Jamaïque, ne serait-il pas mieux de les fusionner une seule agence? » s’est par exemple, interrogé le représentant du Royaume-Uni.  « Que les Nations Unies travaillent à leur complémentarité plutôt qu’à leur concurrence », a commenté la représentante du Kenya.  Une facilité commune devrait devenir opérationnelle au Brésil au début de cette année, regroupant huit entités dans une phase pilote, a rassuré le Secrétaire général aux affaires économiques et sociales.  Expliquant que ce genre d’initiatives devrait devenir la priorité dans les deux ans à venir, il a tout de même indiqué que de nombreux services communs au niveau des pays ne nécessitent pas forcément l’harmonisation des règles, des politiques et des procédures.

Harmonisation, ont insisté les délégations, y compris celle du Luxembourg qui a salué la démarche « Unis dans l’action ».  Une plus grande harmonisation, rationalisation et cohérence des pratiques de fonctionnement, des politiques, des procédures et des arrangements ne pourra que réduire la charge de travail des pays de programme, ont argué les participants.  Le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales a reconnu qu’il faut encore harmoniser les instruments de programmation des entités de l’ONU pour mieux l’aligner avec le PNUAD.

Comment l’augmentation des ressources de base pourrait-elle aider les entités de l’ONU à lever des fonds auprès d’autres acteurs de la coopération au développement pour réaliser le programme de développement pour l’après-2015?  Si une réponse claire n’a pas été apportée à cette question, le débat a néanmoins une nouvelle fois montré que l’argent reste le nerf de la guerre.

Le Secrétaire général adjoint aux affaires économiques et sociales a apporté quelques précisions: en 2013, le montant total des contributions aux activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies s’est élevé à 26,4 milliards de dollars, soit 17% du total de l’APD, à savoir 147 milliards de dollars.  Le système de développement de l’ONU n’est le plus grand canal des partenaires au développement: il vient désormais après la Commission européenne.  Le financement des activités opérationnelles s’est beaucoup diversifié ces dernières années.  En 2013, par exemple, 23% des contributions provenaient des organisations multilatérales, des fonds internationaux, des ONG et des fondations privées, contre 8% seulement en 1997.  Devant cette situation, les fonds et programmes de l’ONU ont développé des principes communs pour le concept de « masse critique » des ressources de base et leur dialogue avec les États Membres permettra de définir la meilleure architecture financière pour l’après-2015.

Rassurant? Pas aux yeux du représentant de la Jamaïque.  « Chaque année nous accumulons les déficits à cause d’une facture énergétique qui représente près de deux tiers de nos exportations », s’est-il alarmé, au nom de « l’un des pays les plus endettés au monde avec un taux de chômage élevé ».  Il est temps, s’est-il impatienté, que l’on cesse de catégoriser les pays en fonction de leur produit intérieur brut (PIB).  Le rang de « pays à revenu intermédiaire » de la Jamaïque ne reflète en rien ses vulnérabilités particulières qui sont d’ailleurs partagées par tous les États insulaires en développement. 

Le représentant jamaïcain, qui a constaté la baisse inexorable de l’APD, a proposé une règlementation pour faciliter les investissements des fonds de pensions dans le secteur des infrastructures.  Nous serions moins dépendants de l’aide si nous avions un cadre international de gouvernance qui lutte véritablement contre les flux de capitaux illicites, a argué, pour sa part, la représentante du Kenya.  

Celui du Ministère allemand de la coopération économique et du développement a appuyé la proposition de la Banque mondiale de créer un groupe d’alerte des pandémies, estimant que la crise d’Ebola a montré l’importance d’une collaboration efficace de la Banque mondiale, de l’Union européenne et du système des Nations Unies. 

« Comment assurer la cohérence dans le financement des activités opérationnelles? » a d’ailleurs été le thème de la deuxième table ronde.

Les participants ont réaffirmé que les ressources de base des entités de l’ONU, en raison de leur caractère non lié, doivent demeurer la première source de financement des activités opérationnelles de développement du système des Nations Unies.

M. KIKEO CHANTHABOURY, Vice-Ministre de la planification et de l’investissement de la République démocratique populaire lao, a jugé important d’assurer une certaine souplesse dans l’affectation des autres, celles qui ne sont pas de base.  Il a aussi jugé inacceptable que l’intégration voulue dans les objectifs du programme de développement pour l’après-2015, exigerait des instruments financiers différents pour le système de développement de l’ONU.  Il a tenu à souligner que les ressources de base sont en fin de compte un outil d’amélioration organisationnelle. 

Le Vice-Ministre a estimé que les mécanismes de financement commun peuvent offrir des avantages s’ils sont bien gérés.  Les avantages seraient alors une meilleure coordination des donateurs, un moindre risque de doublons, une plus grande prévisibilité et une masse critique de fonds.  En règle générale, il a insisté sur le fait que les ressources de base et non liées sont la manière la plus efficace de créer des partenariats pertinents et efficaces avec les pays programmes.  Les ressources de base ont un autre avantage, celui de renforcer l’indépendance, la neutralité et le rôle du système de développement de l’ONU qui devient alors un partenariat digne de confiance et fiable. 

Les pays à revenu intermédiaire comme la République démocratique populaire lao ont besoin d’instruments de financement variés pour leur développement, tandis que les pays les moins avancés (PMA) devraient au premier chef pouvoir compter sur les ressources de base et autres.

M. GEORGE WILFRED TALBOT (Guyana) a plaidé pour un regroupement des ressources afin d’éviter des pertes inutiles dues aux doublons.  Il a insisté sur la coopération Sud-Sud et la coopération triangulaire et appelé le système des Nations Unies à les promouvoir.  Mme BERIT FLADBY (Norvège) a en effet insisté sur le fait que d’autres possibilités de financement existent en dehors des Nations Unies.  Le caractère universel du futur programme de développement pour l’après-2015 ne doit pas faire croire que les Nations Unies devraient tout financer.  Le système de développement des Nations Unies ne s’est pas encore hissé à la hauteur des ambitions, a-t-elle noté en déplorant le déséquilibre constant et croissant entre les ressources de base et les autres ressources. 

« L’architecture de l’aide au développement est complexe », a admis M. OLAV KJØRVEN, Directeur du Bureau des partenariats publics au Fonds des Nations Unies pour l’enfance, en décrivant un système plus fragmenté que jamais marqué par des financements ciblés et peu de ressources de base.  Il faut recentrer l’aide publique au développement (APD) et utiliser son rôle de catalyseur, a-t-il préconisé.  Il a aussi invité le système de développement des Nations Unies à explorer les financements innovants, notamment auprès du secteur privé.  Il a pris l’exemple de l’UNICEF dont plus de la moitié du budget est assuré par le public.

M. Kjørven a en outre estimé que le financement des activités humanitaires devrait être plus différent et plus prévisible car « ce système n’est pas seulement fragile, il est même cassé ».  « On ne peut lier le bien-être de ceux qui ont besoin d’aide à des actes de charité hypothétiques et aux appels de fonds », a-t-il tranché.

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