En cours au Siège de l'ONU

7582e séance – matin  
CS/12162

Dix ans après le renvoi de la situation au Darfour, la Procureure de la CPI plaide pour un soutien renforcé du Conseil de sécurité

Dix ans après le renvoi de la situation au Darfour devant la Cour pénale internationale (CPI), la population de cette région soudanaise en proie à un conflit armé continue d’être livrée à son « triste sort », « tandis que les individus contre lesquels des mandats d’arrêt ont été émis par la CPI continuent de se soustraire à la justice ». 

C’est par ces mots que la Procureure de la Cour pénale internationale, Mme Fatou Bensouda, a commencé, ce matin, son exposé devant le Conseil de sécurité, auquel elle a demandé, au nom des victimes, un soutien et un suivi plus vigoureux.  « J’observe, à grands regrets, que l’adoption de chaque résolution se solde, concrètement, par une promesse non tenue », a-t-elle déclaré.

Le soutien du Conseil est indispensable, tout d’abord, pour faire exécuter, par les États Membres, les mandats d’arrêt émis contre les quatre personnes actuellement visées par une procédure de la Cour: le Président du Soudan, M. Omar Al-Bachir; l’ex-Ministre d’État aux affaires humanitaires, M. Ahmad Harun; l’actuel Gouverneur de l’État de Khartoum, M. Abdel Rahim Mohammed Hussein; et M. Ali Kushayb, présumé dirigeant des miliciens janjaouites.

Rappelant que certains de ces individus, dont le Président Al-Bachir, se déplacent à l’étranger sans être inquiétés à ce jour, Mme Bensouda a été soutenue par plusieurs membres du Conseil, dont le Royaume-Uni, la France, l’Espagne, le Chili, la Lituanie et les États-Unis.

À l’inverse, les délégations africaines siégeant au Conseil, le Tchad, l’Angola et le Nigéria, se sont ralliées à la position de l’Union africaine, appelant à lever les sanctions dont fait l’objet le Président Al-Bachir et à retirer la situation au Darfour de l’ordre du jour de la CPI au profit d’une coopération avec le Soudan.  Ce point de vue a également été défendu par la Fédération de Russie et la Chine.

Tandis que le représentant du Soudan rappelait l’« aversion systématique de l’Union africaine pour l’ingérence et les fausses accusations de la Cour », son homologue du Tchad a jugé, pour sa part, préférable de « travailler de manière concomitante sur les questions de paix et de justice », plutôt que de voir la Cour s’acharner à « tenter de rendre justice en temps de guerre ».

La délégation soudanaise a accusé le Bureau du Procureur de la CPI d’être « responsable, à travers ses actions et ses encouragements aux rebelles et aux hors-la-loi armés, de toutes les pertes en vies humaines depuis 2005, des violations des droits de l’homme commises par ces hors-la-loi, des souffrances endurées par les personnes blessées et déplacées, et de la destruction de biens, non seulement au Soudan, mais aussi dans tous les autres cas où la Cour est intervenue sur le continent africain ».

Si certains membres du Conseil se sont réjouis du dialogue national, initié en octobre dernier par le Président Al-Bachir en personne, auquel les groupes armés sont appelés à prendre part, le représentant de la France a toutefois regretté que la dernière réunion préalable à ce processus, qui s’est tenue à Addis-Abeba il y a quelques semaines, « n’ait pas permis d’aboutir à des progrès substantiels ».

Le soutien renforcé du Conseil que la Procureure a appelé aujourd’hui de ses vœux ne concernait pas seulement l’exécution des mandats d’arrêt.  Il porte aussi, a-t-elle expliqué, sur la capacité de son Bureau à enquêter.

« Contrairement à la rumeur infondée selon laquelle les enquêtes au Darfour auraient cessé », a-t-elle fait remarquer, une équipe d’avocats et d’enquêteurs, diligentée par ses soins, continue d’entendre des témoins et de recueillir des éléments de preuve et des informations à partir de sources multiples.

Ces efforts, a-t-elle cependant prévenu, sont entravés par un manque de ressources.  Elle a souligné, « une fois encore », que, conformément aux dispositions de l’article 115 (b) du Statut de Rome, le financement de la Cour doit être assuré par les Nations Unies, « en particulier pour couvrir les dépenses entraînées par le renvoi de situations par le Conseil de sécurité, comme c’est le cas de celle au Darfour ».

La Procureure a, enfin, plaidé pour le renforcement et le développement des interactions entre la CPI et le Conseil de sécurité, également couvertes par le Statut de Rome.  Plaidant pour des échanges réguliers, « des exposés indépendants et périodiques » sur la situation au Darfour, Mme Bensouda a souhaité que le Conseil de sécurité soit en mesure, à l’avenir, de répondre plus efficacement aux attentes de la Cour et aux situations dont elle est saisie.

« Seule une action et un engagement vigoureux du Conseil et des États Membres de l’ONU pourra mettre fin à l’impunité des crimes graves commis au Darfour et tenir pour responsables les auteurs de ces actes abominables. »

RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD

Exposé

Mme FATOU BENSOUDA, Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), a rappelé que 10 ans s’étaient écoulés depuis que ce Conseil avait conclu que la situation au Darfour constituait une menace à la paix et à la sécurité internationales, en décidant de la renvoyer devant la Cour.  « J’observe, à grands regrets, que l’adoption de chaque résolution se solde, concrètement, par une promesse non tenue », a-t-elle déclaré, déplorant ainsi que la population du Darfour continue d’endurer leur « triste sort et la désolation », les violations flagrantes de leurs droits fondamentaux, des meurtres aveugles, des violences sexuelles, « pendant que les individus contre lesquels des mandats d’arrêt ont été émis par la CPI continuent de se soustraire à la justice ». 

« Les victimes, innombrables, sont démoralisées.  Après tout, qui peut les blâmer quand la réalisation de la justice semble si évasive?  L’absence de suivi et de soutien adéquats de la part du Conseil de sécurité n’en est pas la moindre raison », a-t-elle affirmé.  La Procureure a également dénoncé le fait que les États n’exécutent pas les mandats d’arrêt lorsque les individus visés se déplacent à l’étranger.  Le message que j’ai pour les victimes du Darfour est « ferme et sans équivoque », a-t-elle assuré: son Bureau continuera d’être engagé à leurs côtés et d’appeler ce Conseil à un soutien toujours plus vigoureux.

« Contrairement à la rumeur infondée selon laquelle les enquêtes au Darfour auraient cessé », a-t-elle fait remarquer, une équipe d’avocats et d’enquêteurs diligentée par son Bureau continue d’entendre des témoins et de recueillir des éléments de preuve et des informations à partir de sources multiples.  La capacité de son Bureau à enquêter, s’est alarmée Mme Bensouda, a été entravée par le manque de ressources.  Elle a souligné, « une fois encore », que, conformément aux dispositions de l’article 115 (b) du Statut de Rome, le financement de la Cour doit être assuré par les Nations Unies, en particulier pour couvrir les dépenses entraînées par le renvoi de situations par le Conseil de sécurité, comme c’est le cas de celle au Darfour. 

Par ailleurs, elle a souhaité que se développent et se renforcent les interactions entre la CPI et le Conseil de sécurité, que prévoit le Statut de Rome.  Plaidant pour des échanges réguliers, « des exposés indépendants et périodiques » sur la situation au Darfour, Mme Bensouda a appelé de ses vœux à ce que le Conseil de sécurité soit en mesure, à l’avenir, de répondre plus efficacement aux attentes de la Cour et aux situations dont elle est saisie.  « Seule une action et un engagement vigoureux du Conseil et les États Membres pourront mettre fin à l’impunité des crimes graves commis au Darfour et tenir responsables de ces actes abominables. »

Déclarations

Mme HELEN MULVEIN (Royaume-Uni), partageant les préoccupations de la Procureure de la CPI, a invité les parties à parvenir à un règlement politique de la situation au Darfour.  Les violences contre les civils doivent cesser, a-t-elle dit, avant de demander qu’il soit mis un terme aux attaques contre les travailleurs humanitaires.  Elle a regretté que quatre fugitifs recherchés par la CPI occupent des postes à responsabilité au sein du Gouvernement du Soudan, avant d’exhorter ce dernier à s’acquitter de ses obligations.

Préoccupée par les déplacements du Président soudanais dans certains pays d’Afrique, dont l’Afrique du Sud, et au-delà, elle a demandé l’application intégrale de la résolution 1593 (2005).  Elle a également déploré la non-exécution du mandat d’arrêt délivré contre M. Banda.  Le Conseil de sécurité doit prendre des mesures afin de remédier à la non-coopération avec la CPI et faire en sorte que celle-ci puisse s’acquitter du mandat que ce Conseil lui a conféré en la saisissant de la situation au Darfour, a-t-elle insisté.  En conclusion, la représentante du Royaume-Uni a exhorté la Cour à poursuivre ses activités en mettant à profit toutes les ressources mises à sa disposition.

M. FRANCOIS DELATTRE (France) a partagé les préoccupations dont fait état le rapport du Procureur de la CPI, et qui reflètent celles exprimées par le Conseil de sécurité dans ses résolutions 2173 et 2228, d’autant plus que les mandats d’arrêt délivrés par la Cour il y a plus de 10 ans n’ont toujours pas été exécutés.  Il a dénoncé une situation d’impunité qui encourage la poursuite des exactions et remet en cause la crédibilité de la justice pénale internationale.

« Les réponses à cette situation sont connues de longue date de ce Conseil », a déclaré M. Delattre.  La fin des multiples formes de violence et de crimes suppose notamment la conclusion et la mise en œuvre d’une solution politique engageant le Gouvernement et les groupes rebelles.  À cet égard, il a regretté que la dernière réunion de pré-dialogue national, qui s’est tenue à Addis-Abeba il y a quelques semaines, n’ait pas permis d’aboutir à des progrès substantiels.

En outre, le représentant a estimé qu’il faudrait assurer une protection effective des civils et la pleine coopération des autorités soudanaises pour permettre la mise en œuvre par la MINUAD de son mandat, de même qu’un accès humanitaire sans entrave aux populations civiles déplacées.  Il a également insisté sur « la poursuite des auteurs des crimes et une lutte effective contre l’impunité ».  Il a appelé à limiter les contacts avec les personnes visées par un mandat d’arrêt de la CPI à ceux qui sont jugés « essentiels », conformément à la politique du Secrétaire général.

Enfin, M. Delattre a estimé que le Conseil devrait continuer de se mobiliser sur deux fronts: conduire les parties à cesser toutes les violences contre les civils; et rendre effective la coopération avec la CPI et veiller à ce qu’il soit procédé à l’exécution des mandats d’arrêt.    

M. USMAN SARKI (Nigéria) s’est dit préoccupé par les allégations récentes de violences sexuelles visant des femmes et des filles au Darfour et les actes hostiles à l’encontre des Casques bleus et du personnel humanitaire. Il a déclaré que sa délégation attendait de savoir avec intérêt si de tels actes pouvaient être considérés comme des crimes de guerre.  Alors que 760 morts ont été dénombrés pendant la période à l’examen, il est plus que jamais nécessaire d’accélérer les efforts en vue de mettre fin aux hostilités, a estimé le représentant, pour qui il n’existe pas de solution militaire au conflit au Darfour.  À cet égard, le délégué du Nigéria s’est félicité des efforts déployés par le Président soudanais, M. Omar Al-Bachir, en faveur d’une solution politique et, notamment, pour obtenir une cessation des hostilités. C’est pourquoi, le représentant a encouragé les groupes armés à accepter la proposition faite par le chef de l’État et à déposer leurs armes.

M. GERARD VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande), qui s’est dit alarmé par la situation au Darfour, et a fait siennes les préoccupations de la Procureure de la CPI en ce qui concerne, notamment, les cas de non-coopération.  Il y a des États non parties au Statut qui ne partagent pas ces préoccupations, a-t-il regretté, avant de rappeler que le Soudan devrait coopérer avec la Cour, en vertu de la résolution 1593 (2005).  Le délégué a ensuite confié sa « gêne » devant l’inaction du Conseil face aux violations répétées de cette résolution.  La crédibilité du Conseil en est entamée, a-t-il dit, en soulignant la gravité de cet état de fait.  Il a rappelé que M. Banda, contre lequel un mandat d’exécution a été délivré, était à l’origine de l’attaque ayant coûté la vie à plusieurs soldats de la paix au Darfour et déploré que les efforts de la CPI à son encontre soient aujourd’hui bloqués.  M. Banda, que ce Conseil s’est engagé à traduire en justice, est en liberté au Soudan, a-t-il fait remarquer.

Pour faire face à cette situation, il a proposé que le Conseil examine de manière plus approfondie et plus structurée ces cas de non-coopération.  Le Conseil devrait envisager toutes les options à sa disposition afin d’y remédier, a-t-il dit.  Le délégué a proposé un réexamen par le Conseil de ses relations avec le Soudan. L’approche actuelle ne fonctionne pas, a-t-il estimé, avant de souhaiter que  cette nouvelle relation soit basée sur une meilleure connaissance de la situation sur le terrain.  « Une mission du Conseil sur place devrait être considérée », a-t-il suggéré avant de conclure.

M. JULIO HELDER MOURA LUCAS (Angola) a rappelé que 10 ans s’étaient écoulés depuis le renvoi, par le Conseil de sécurité, de la situation au Darfour devant la CPI. Pourtant, cette situation est toujours aussi grave, si ce n’est davantage, comme en témoigne la détérioration constante des conditions de sécurité dans cette région, a-t-il regretté, à l’instar d’autres membres du Conseil.  Il a toutefois dénoncé la « politisation » de la Cour, comme en témoigne, selon lui, le caractère sélectif du renvoi de certaines situations devant cette juridiction.  Le représentant a repris à son compte la position défendue par l’Union africaine selon laquelle il faudrait lever les sanctions qui pèsent sur le Président Al-Bachir et retirer la situation au Darfour de l’ordre du jour de la CPI.  Le représentant de l’Angola a en outre lancé un appel au Conseil de sécurité pour qu’il participe, de manière constructive, à la recherche d’une solution au conflit.  Comme la Procureure, il a estimé que les victimes du conflit au Darfour méritaient justice.  Il a souhaité que les initiatives actuelles lancées par le Président du Soudan soient couronnées de succès.

M. CRISTIÁN BARROS MELET (Chili), après avoir condamné les crimes graves commis contre les populations civiles du Darfour, a appelé le Soudan à coopérer pleinement avec la Cour pénale internationale (CPI) et son Procureur.  Il a déploré le fait que les mandats d’arrêt, délivrés par la Cour il y a une décennie, n’ont toujours pas été exécutés.  À cet égard, il a souligné qu’il était prioritaire de fournir au Bureau du Procureur les ressources financières dont il a besoin pour mener à bien son mandat.  

Le Chili, a assuré son représentant, œuvre en faveur d’une relation plus étroite entre le Conseil de sécurité et la CPI, notamment en ce qui concerne les affaires renvoyées par le Conseil.  L’absence de suivi a un impact négatif sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales, a-t-il prévenu.   

M. JUAN MANUEL GONZÁLEZ DE LINARES PALOU (Espagne) a rappelé que le Soudan, même s’il n’est pas partie au Statut de Rome, devrait coopérer avec la Cour pénale internationale.  La résolution 1593 (2005) a été un jalon dans l’engagement du Conseil dans la lutte contre l’impunité, a-t-il rappelé, avant de s’interroger sur « ce qu’il restait de cet engagement » 10 ans plus tard.  Rien n’a changé et aucun des mandats d’arrêt n’a été exécuté, a-t-il noté.  Le délégué a vivement déploré l’inertie du Conseil de sécurité, laquelle, a-t-il dit, sape sa crédibilité, mais aussi, celle de la Cour.  « Quel est l’intérêt d’adopter une résolution si le Conseil ne l’applique pas? » a demandé le représentant de l’Espagne, en faisant remarquer que l’impunité régnait toujours au Darfour.  Jugeant cet état de fait inacceptable, il a estimé que l’heure était venue d’une lutte véritable contre l’impunité.  Le délégué a souligné la responsabilité du Soudan dans la protection de sa population, avant d’estimer que le règlement de la situation au Darfour ne pourra découler que d’un dialogue inclusif entre les parties.  En conclusion, il a appuyé les efforts de la MINUAD et s’est dit convaincu que les auteurs de violations graves seront un jour traduits en justice.

M. MAHAMAT ZENE CHERIF (Tchad) a regretté que la situation au Darfour continue d’être émaillée de violences à l’encontre des civils et de déplacements massifs de la population.  Il a toutefois jugé pertinente la position adoptée récemment par l’Union africaine qui appelle à travailler de manière concomitante sur les questions de paix et de justice. Bien qu’ils soient « hautement appréciés », quels ont été les résultats des efforts du Bureau du  Procureur ayant pour objectif de tenter de rendre justice en temps de guerre? s’est demandé le représentant.  Ne serait-il pas plus pertinent d’inclure les questions de justice dans le processus de paix?  Dans cette optique, le Conseil de sécurité et l’Union africaine devraient parler d’une seule voix afin de restaurer la paix et de donner la chance à la justice d’être rendue.  

C’est pourquoi le représentant a exhorté tous les mouvements armés à adhérer au dialogue national, initié en octobre dernier par le Président Al-Bachir, « car un processus ouvert est indispensable pour mettre fin à un conflit qui dure depuis plus d’une décennie ».  Dans cette perspective, a poursuivi le délégué du Tchad, il serait opportun d’engager une discussion conjointe sur la meilleure manière de soutenir la CPI, en gardant à l’esprit les leçons apprises jusqu’à présent. Le représentant a donc exhorté cette juridiction à renforcer son interaction avec l’Union africaine en vue d’une action « beaucoup plus efficace » « destinée à produire des résultats ».

Mme NIDA JAKUBONĖ (Lituanie) a dénoncé l’impunité prévalant au Darfour et engagé le Bureau du Procureur de la CPI à continuer de suivre de près les crimes qui y sont commis.  La CPI ne peut exécuter son mandat tant que les suspects ne sont pas arrêtés et transférés à La Haye, a-t-elle fait remarquer.  Cinq individus, inculpés de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, a-t-elle déploré, continuent de se soustraire à la juridiction de la Cour.  Ils continuent, pour la plupart, d’occuper de hautes fonctions au sein du Gouvernement du Soudan. 

Pour la représentante, la dernière décision de la Cour relative à la non-coopération du Soudan souligne combien il est important que le Conseil de sécurité assure le suivi des situations qu’il a déférées à la Cour.  « À ce jour, cependant, malgré les efforts de nombreux membres du Conseil, il n’a pas été possible de trouver un accord sur un mécanisme de suivi », a-t-elle regretté.  La représentante a rappelé qu’il existe également un manque de coopération de la part d’autres États qui, en tant que parties au Statut de Rome, sont tenus de coopérer avec la CPI.  Le Gouvernement du Soudan doit redoubler d’efforts pour faire cesser les attaques contre la population civile et traduire leurs auteurs en justice.

Mme SITI HAJJAR ADNIN (Malaisie) a jugé urgent que le Gouvernement soudanais s’attaque aux causes profondes du conflit intercommunal au Darfour.  Elle a prévenu contre l’escalade de la violence qui risque de déstabiliser davantage la région.  Elle a également dénoncé la prolifération des armes légères et de petit calibre qui a aggravé la situation sécuritaire. 

Ensuite, la représentante a appelé le Soudan à enquêter sur les attaques perpétrées contre la MINUAD.  Préoccupée par la situation humanitaire, elle a exhorté toutes les parties à cesser immédiatement leurs attaques contre la population civile et à respecter les engagements pris en vertu du Document de Doha pour la paix au Darfour.

Mme DINA KAWAR (Jordanie) a réaffirmé que la Cour était un pilier important de la justice internationale et de la lutte contre l’impunité et c’est pourquoi, a-t-elle souligné, la coopération des États avec la Cour est importante.  Mme Kawar s’est également dite préoccupée par la situation sécuritaire au Darfour, marquée par  de graves violations des droits de l’homme.  La déléguée de la Jordanie a appelé de ses vœux la mise en place d’un plan pour le développement économique du Darfour, qu’elle a considéré comme étant crucial pour une paix durable.

M. ZHAO YONG (Chine) a déclaré que les groupes armés au Darfour devraient prendre part au dialogue national soudanais et mettre fin au conflit armé dans la région.  « La position de la Chine s’agissant de la CPI et du Darfour demeure la même, mais nous estimons que la proposition de l’Union africaine devrait être prise en considération », a ajouté le représentant.

M. RAFAEL DARÍO RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela) a estimé que la coopération entre la Cour pénale internationale, l’Union africaine et le Conseil de sécurité sera déterminante pour permettre au Soudan de parvenir à conclure les accords politiques indispensables au retour de la paix, de la stabilité, du développement et de la justice dans le pays.  Après avoir rendu hommage aux efforts du Bureau du Procureur, le représentant s’est toutefois déclaré préoccupé par les tentatives de « politisation » des activités de la CPI, au mépris des principes qui la régissent.  Extrêmement préoccupé par les violences et abus contre les civils signalés par la Procureure, le représentant du Venezuela a réitéré que sa délégation appuyait la position des organismes régionaux comme l’Union africaine, l’Organisation de la coopération islamique, la Ligue des États arabes et le Mouvement des pays non alignés, en soulignant qu’il faudrait « épuiser les procédures constitutionnelles du Soudan pour pouvoir répondre aux demandes de la Cour dans le cadre de la complémentarité ».  Selon lui, le renforcement de la coopération de la CPI avec le Gouvernement soudanais contribuera à donner forme à une solution au conflit au Darfour.

M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a déploré la publication tardive du rapport dont le Conseil est aujourd’hui saisi.  Il a affirmé que les rebelles au Darfour n’avaient pas le soutien de la population locale et félicité le Soudan pour ses efforts visant à réconcilier les tribus belligérantes.  Il a émis des doutes sur certaines allégations contenues dans ce rapport, notamment celle selon laquelle deux tiers des attaques enregistrées au Darfour seraient commises par des forces gouvernementales.  Les rebelles sont également coupables de violations graves et entravent par leurs actions les efforts de l’ONU, a-t-il soutenu, en faisant remarquer qu’ils utilisaient la population civile comme boucliers humains. Soulignant que l’appui des États était essentiel pour permettre à la Cour de s’acquitter efficacement de son mandat, il a néanmoins tenu à rappeler que certains pays pouvaient avoir des préoccupations différentes.  Le représentant a ainsi dit comprendre l’inquiétude de l’Union africaine à l’égard de la CPI.  Avant de conclure, le délégué russe a rappelé que la position de son pays sur le suivi par le Conseil des situations qu’il a déférées à la Cour était bien connue et invité la Procureure à adopter une approche « équilibrée ».

M. DAVID PRESSMAN (États-Unis) a estimé que la détérioration continue de la situation au Darfour depuis plus de 10 ans n’est pas une raison de détourner les yeux de ce qui s’y passe.  Appelant tous les États à coopérer avec la Cour, il a jugé anormal qu’Omar Al-Bachir puisse continuer de se rendre à l’étranger en toute impunité.  Le fait que lui et d’autres individus visés par les mandats d’arrêt émis par la CPI continuent de se soustraire à la justice constitue un affront aux centaines de victimes des crimes graves commis au Darfour.  Il ne s’agit pas seulement du peuple du Darfour, « mais aussi des femmes et des hommes qui se sont engagées, dont les Casques bleus », a-t-il précisé, en rappelant que depuis 2007,  date à laquelle la MINUAD avait été déployée, 218 membres de la Mission ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions, dont un encore au mois d’octobre dernier.

« Le Conseil devrait au moins faire preuve d’unité pour condamner les violences faites à des soldats de la paix », a estimé le délégué.  Les États-Unis ont demandé au Gouvernement du Soudan, qu’ils ont accusé d’entraver le travail de la MINUAD, de respecter l’Accord sur le statut des forces: « les enjeux sont trop importants pour accepter le statu quo », a précisé le représentant.  Le Gouvernement du Soudan ne peut pas en conclure qu’il peut continuer d’employer les mêmes tactiques, a-t-il dit, avant d’insister pour que les responsables d’actes haineux et de violence soient traduits en justice.

M. OMER DAHAB FADL MOHAMED (Soudan) s’est d’abord référé à la position de l’Union africaine qui souligne « une aversion systématique pour l’ingérence et les fausses accusations de la Cour pénale internationale (CPI) ».  Le Soudan, a-t-il souligné, n’est pas partie au Statut de Rome et, par conséquent, n’est pas lié par lui.  Saluant les négociations de Paris sur le climat, il a rappelé ensuite que le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) avait, dans un rapport de 2007, attribué les causes du conflit au Darfour à la dégradation de l’environnement et à la désertification.

M. Mohamed a précisé que son pays respectait ses obligations en vertu d’autres traités internationaux, dans la limite de sa souveraineté nationale.  Il a jugé le rapport du Procureur « sélectif » car, a-t-il dit, il ne contient aucune référence aux auteurs de violations que le Soudan avait lui-même présentés de façon détaillée, lors de l’examen du rapport périodique de la MINUAD en octobre dernier.  

De plus, il a jugé le Bureau du Procureur de la CPI « responsable, à travers ses actions et ses encouragements aux rebelles et aux hors-la-loi armés, de toutes les pertes en vies humaines depuis 2005, des violations des droits de l’homme commises par ces hors-la-loi, des souffrances endurées par les personnes blessées et déplacées, et de la destruction de biens, non seulement au Soudan, mais aussi dans tous les autres cas où la Cour est intervenue sur le continent africain ».  Pour sa délégation, a-t-il soutenu, la CPI a créé « une contradiction injustifiée entre les principes de justice et de paix ».

La Cour, a-t-il encore accusé, a fait de ces hors-la-loi des criminels capables de commettre toutes sortes de crimes, y compris des attaques contre des soldats de maintien de la paix, à des fins « de propagande et de couverture médiatique ».  Pour lui, la Cour a tout fait pour contourner l’Accord de paix d’Abuja de 2006, et pour ignorer le Document de Doha pour la paix au Darfour.

Une fois de plus, M. Mohamed a reproché à la CPI de cibler des dirigeants et des peuples africains.  Comparant le travail accompli par le Tribunal de Nuremberg qui, en une année seulement, avait statué sur des centaines d’affaires, il a fait remarquer que la CPI n’avait quant à elle, depuis 2002, traité que deux ou trois affaires, dont les coûts ont absorbé plus d’un milliard d’euros.

Reprenant la parole, la déléguée du Royaume-Uni a répondu au représentant du Soudan que son pays coopérait avec la Cour dans le cadre de l’examen préliminaire des activités des forces britanniques en Iraq.  Elle a également tenu à dire que, contrairement à ce qui a pu être avancé, la Cour pénale internationale ne visait pas en particulier les pays africains, avant de rappeler les différents modes de saisine de la Cour.

 

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