« Il faut empêcher le déraillement de la transition en République centrafricaine », insiste M. Hervé Ladsous devant le Conseil de sécurité
Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Hervé Ladsous, a souligné, ce matin, devant le Conseil de sécurité, qu’il était nécessaire d’empêcher « les fauteurs de troubles » en République centrafricaine de faire dérailler le processus de transition, à quelques jours du premier tour des élections présidentielle et législatives prévues le 27 décembre prochain.
M. Ladsous a exhorté la communauté internationale à envoyer un ferme message de rejet, tandis que la Présidente du Comité créé par la résolution 2127 (2013) concernant la République centrafricaine, l’Ambassadeur Raimonda Murmokaitė, de la Lituanie, qui a présenté les conclusions du Groupe d’experts et les recommandations formulées par le Comité à sa réunion du 20 novembre dernier, a invité le Conseil à ne pas rester « silencieux » devant les interdictions de voyager frappant certains individus, dont l’ancien Président centrafricain, M. François Bozizé.
« Avec la tenue hier du référendum constitutionnel, nous sommes entrés dans la phase finale, la plus délicate du processus électoral », a affirmé M. Ladsous, qui présentait le dernier rapport du Secrétaire général sur la situation en République centrafricaine*. Le Secrétaire général adjoint a estimé que la République centrafricaine avançait « dans l’achèvement de sa phase de transition, dans le cadre du calendrier révisé, en dépit des nombreux défis et des tentatives répétées des fauteurs de troubles de faire dérailler ce processus ».
Le référendum constitutionnel s’est tenu de manière satisfaisante dans la majorité du pays, y compris dans certains points chauds tels que Bambari, s’est félicité M. Ladsous. Il a cependant déploré les efforts des éléments anti-Balaka et des membres ex-Séléka du Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique de Nourredine Adam visant à faire obstacle au processus de consultation. Le scrutin a néanmoins pu se dérouler dans certains bureaux de vote à Bangui et Bria, malgré certains incidents localisés, grâce aux mesures proactives de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA).
Dans les localités de Birao, de Bossangoa, de Ndele et de Kaga-Bandaro, la violence et les intimidations ont empêché la tenue du référendum, malgré les efforts de la MINUSCA, a poursuivi le Secrétaire général adjoint, en précisant que le scrutin avait été prolongé dans certains endroits. L’enregistrement de près de 2 millions d’électeurs, soit 95% du corps électoral, démontre la profonde volonté de changement de la population, a-t-il estimé. Un tiers des électeurs potentiels parmi les réfugiés, a-t-il indiqué, ont également pu être enregistrés.
« Il ne faut pas permettre à un petit nombre, comme cela a été démontré hier, de contrarier les espoirs et aspirations du plus grand nombre dans un processus électoral qui ramènerait l’ordre constitutionnel dans leur pays », a affirmé le Secrétaire général adjoint. Tous les Centrafricains, y compris ceux vivant à l’étranger, doivent pouvoir élire leurs gouvernants sans crainte d’être intimidés, a-t-il dit. M. Ladsous a ensuite pris note de la décision de la Cour constitutionnelle d’approuver une liste finale de 30 candidats aux élections présidentielles, dont une femme, avant d’appeler les partisans des candidats écartés à respecter la décision de la Cour.
Convaincu que le soutien des pays de la région et de la communauté internationale à la République centrafricaine est « absolument essentiel » à ce stade de la transition, M. Ladsous a souligné l’importance de la décision de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) de prolonger la transition afin que les élections puissent avoir lieu d’ici à la fin de l’année. Il a également appelé les pays à s’acquitter de leurs engagements en ce qui concerne le financement du processus électoral.
M. Ladsous est revenu sur la visite du pape François à Bangui les 29 et 30 novembre, qui a apporté un nouvel espoir aux Centrafricains et contribué à atténuer les tensions intercommunautaires. « L’image remarquable de l’unité de la mosquée du ‘PK5’ a illustré, une fois de plus, que la religion n’est pas au cœur des défis de la République centrafricaine », a fait remarquer le Secrétaire général adjoint.
S’agissant de la situation sécuritaire, qu’il a qualifiée de « fragile », M. Ladsous a expliqué que la MINUSCA, soutenue par l’opération Sangaris, continuait d’adopter une posture robuste pour protéger les civils et créer un environnement sécuritaire propice à la tenue d’élections libres et justes. Il est essentiel d’intégrer les groupes armés dans les forces de sécurité et de défense pour l’avancement d’un processus durable de désarmement, démobilisation et réintégration. Comme l’a démontré le référendum constitutionnel d’hier, cela ne suffit pas, a-t-il dit.
C’est pourquoi, a souligné le Secrétaire général adjoint, la communauté internationale doit rester unie et intransigeante dans son message rejetant toute tentative qui vise à faire dérailler le processus politique et à démontrer qu’il y aura un prix à payer pour ceux qui s’y emploieraient. Rappelant que ces élections n’étaient pas une fin en soi, il a insisté sur la nécessité pour le Conseil de sécurité de continuer d’appuyer la République centrafricaine.
La Présidente du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 2127 (2013) concernant la République centrafricaine a expliqué, quant à elle, que les groupes armés continuent de contrôler, ou d’exercer une influence sur pratiquement toutes les zones habitées du pays. Ils sont en outre constamment en train de se réarmer et présentent un risque majeur pour l’organisation des élections centrafricaines, tandis que l’Armée de résistance du Seigneur (LRA) continue de faire peser une menace bien réelle sur la République centrafricaine, dont elle se sert comme base arrière.
Au terme d’une visite dans le pays le 10 septembre dernier, le Comité a conclu que l’embargo sur les armes était plus que jamais nécessaire dans le contexte actuel et recommandé d’améliorer la capacité de stockage des arsenaux des forces armées, a rappelé sa Présidente. Mme Murmokaitė a également préconisé l’inscription de noms supplémentaires sur la liste du Comité des sanctions, en particulier en ce qui concerne les allégations d’exploitation d’enfants et de violences sexuelles.
Si les États Membres concernés continuent de ne pas s’acquitter pleinement de leurs obligations en application de la résolution 2127 (2013) ou ne souhaitent pas respecter les interdictions de voyager en vigueur pour un certain nombre d’individus, comme Noureddine Adam et François Bozizé, le « silence » du Conseil risque d’adresser un « message erroné », non seulement aux États de la région et au-delà, mais aussi aux individus sanctionnés eux-mêmes, « à savoir qu’il n’y a pas de conséquences pour les violations des interdictions imposées par le Conseil ». Elle a proposé, à cette fin, que la présidence du Conseil de sécurité et elle-même tiennent des réunions bilatérales à ce sujet avec les délégations du Kenya et de l’Afrique du Sud.