Le Conseil tient son débat sur les Tribunaux pénaux internationaux à quelques jours de la fermeture du TPIR, salué pour sa jurisprudence novatrice
Le Procureur du TPIR annonce l’arrestation, à Goma (RDC), d’un ancien maire rwandais, Ladislas Ntaganzwa, accusé de génocide et de crimes contre l’humanité
Le Conseil de sécurité a tenu, ce matin, son débat biannuel sur les activités des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et pour le Rwanda (TPIR) et du Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles de ces deux juridictions dans un contexte particulier, marqué par la fermeture du TPIR à la fin de cette année et l’arrestation la nuit dernière, en République démocratique du Congo, de l’un des neuf fugitifs recherchés par ce Tribunal.
Ces éléments ont été au cœur d’une réunion, en présence des Présidents et Procureurs du TPIY et du TPIR et du Président du Mécanisme, au cours de laquelle la plupart des intervenants ont souligné la jurisprudence novatrice du TPIR, autour de la notion de génocide notamment.
Ils ont également regretté le retard enregistré dans l’achèvement des travaux du TPIY, qui doit fermer ses portes en 2017, le représentant de la Fédération de Russie se disant défavorable à l’extension du mandat des juges de ce Tribunal. De son côté, le Président du Mécanisme a assuré que cet organe devenait de plus en plus « une petite institution autonome », conformément à la « vision » exprimée par le Conseil dans sa déclaration présidentielle du 16 novembre*.
Le Président du TPIR, M. Vagn Joensen, qui présentait le dernier rapport** du Tribunal, a annoncé que le Tribunal se prononcera, le 14 décembre, en dernier ressort sur l’appel dans l’affaire Butare. « Ce sera le premier tribunal pénal spécial qui achèvera ainsi ses travaux et transmettra les fonctions résiduelles au Mécanisme créé à cette fin », a-t-il affirmé.
Il a rappelé le rôle joué par le Tribunal dans le développement de concepts juridiques internationaux, citant l’affaire Akayesu qui a conduit au premier jugement par un tribunal international sur un crime de génocide. « Ce fût aussi la première fois qu’une juridiction internationale reconnaissait l’existence du génocide des Tutsis, au Rwanda, en 1994 », a-t-il noté, en ajoutant que le TPIR avait également établi le lien entre génocide et violences sexuelles.
Cet apport a été souligné par de nombreuses délégations dont celles de la Chine et de l’Espagne, le délégué de ce dernier pays créditant le Tribunal d’avoir œuvré « à la stabilisation dans la région des Grands Lacs ». Ce point de vue a été partagé par la représentante du Rwanda qui a insisté sur l’importance cruciale de transférer les archives du Tribunal dans son pays.
C’est le Procureur du TPIR et du Mécanisme, M. Hassan B. Jallow, qui a annoncé aux membres du Conseil de sécurité l’arrestation, cette nuit, de M. Ladislas Ntaganzwa, l’ancien maire-bourgmestre de la localité rwandaise de Nyakiza. Accusé par le TPIR de génocide et de crimes contre l’humanité, il est actuellement détenu à Goma, en République démocratique du Congo (RDC), en l’attente de son transfert aux autorités rwandaises, a-t-il précisé.
M. Jallow a appelé les États Membres à coopérer au maximum avec le Mécanisme pour que les huit derniers fugitifs soient arrêtés et jugés. « Des centaines d’autres personnes soupçonnées d’être les auteurs d’actes de génocide doivent être jugées dans le pays où elles ont trouvé refuge ou faire l’objet d’une extradition par le Rwanda pour y être jugées », a-t-il dit.
« Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, qui continue de tout mettre en œuvre pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la stratégie d’achèvement de ses travaux, a rencontré un certain nombre de difficultés ayant causé des retards dans certaines procédures », a regretté son Président, M. Carmel Agius, qui présentait le dernier rapport*** du TPIY.
M. Agius, qui prenait la parole pour la première fois devant le Conseil en cette qualité, a insisté sur l’« attrition » du personnel, « qui reste un problème endémique majeur ». Le flot « croissant et alarmant » des départs de fonctionnaires compétents risque sérieusement de compromettre les efforts déployés pour mener à bien le mandat du TPIY dans les délais prévus, a-t-il mis en garde. « L’autre difficulté, a-t-il ajouté, c’est le moral des fonctionnaires. »
« Le départ du personnel qualifié de ce Tribunal n’est pas la cause mais la conséquence de la lenteur des procédures suivies devant le TPIY », lui a répondu le délégué de la Fédération de Russie, qui a déploré que les mesures prises par le Tribunal n’aient pas donné les résultats escomptés. Dans ce contexte, il a déclaré que son pays envisageait négativement la prorogation des mandats des juges du TPIY, contrairement aux représentants du Tchad et de la Nouvelle-Zélande, qui y sont favorables.
Le Procureur du TPIY, M. Serge Brammertz, a, pour sa part, centré son intervention sur la coopération des pays de l’ex-Yougoslavie. « Ces pays continuent à répondre à nos demandes d’assistance », a-t-il assuré. Dans l’ensemble de l’ex-Yougoslavie, a-t-il estimé, « on peut et on doit parvenir à mieux établir les responsabilités ». Une stratégie nationale pour poursuivre et juger les auteurs de crimes haineux commis en ex-Yougoslavie dans les années 1990 devrait être finalisée sous peu, a promis le représentant de la Serbie.
Le Mécanisme, a affirmé son Président, M. Theodor Meron, devient de plus en plus « une petite institution autonome », efficace et économique. « Nous ne ménageons aucun effort pour que le Mécanisme concrétise l’idée que l’on se fait d’une institution judiciaire internationale », a indiqué le juge Meron, qui présentait le rapport**** du Mécanisme. Le délégué de la France s’est félicité de l’examen approfondi du rapport du Mécanisme à vocation temporaire que mène actuellement le Conseil et a encouragé un « audit externe » du fonctionnement de la Cour pénale internationale, comme l’a approuvé récemment l’Assemblée générale, et de l’étendre à l’ensemble des juridictions pénales internationales.
TRIBUNAL INTERNATIONAL CHARGÉ DE JUGER LES PERSONNES ACCUSÉES DE VIOLATIONS GRAVES DU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE COMMISES SUR LE TERRITOIRE DE L’EX-YOUGOSLAVIE DEPUIS 1991
Exposés
M. CARMEL AGIUS, Président du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), s’est déclaré heureux de pouvoir dire que le Tribunal a continué de progresser dans l’achèvement de ses travaux. Au cours de la période considérée, a-t-il dit, 4 accusés étaient jugés en première instance dans le cadre de 4 procès, et 10 en appel dans le cadre de 3 affaires. Dans l’affaire Stanišić & Simatović, l’arrêt définitif sera rendu le 15 décembre 2015. Le TPIY reste saisi de quatre affaires en première instance et de deux en appel, a précisé le Président. « Le Tribunal, qui continue de tout mettre en œuvre pour atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la stratégie d’achèvement de ses travaux, a cependant rencontré un certain nombre de difficultés ayant causé des retards dans certaines procédures », a regretté M. Agius.
Ainsi, le 26 octobre dernier, dans le cadre du procès de Goran Hadžić, la Chambre a rendu une décision par laquelle elle suspendait le procès, ayant considéré à la majorité des juges que si l’accusé était toujours apte à être jugé, son état de santé excluait qu’il soit détenu au quartier pénitentiaire des Nations Unies à La Haye. Cette décision, prise pour une période initiale de trois mois renouvelable, a fait l’objet d’un appel. « L’état de santé de Goran Hadžić est suivi de près », a-t-il assuré. En dépit des difficultés auxquelles il est confronté, le Tribunal continue de faire des progrès. Ceux-ci ont malheureusement été « affaiblis » par le report du prononcé du jugement dans les affaires Karadžić et Šešelj, qui n’aura pas lieu d’ici à la fin de l’année 2015, comme initialement prévu, a déploré le juge. « Ceci étant, la rédaction du jugement à l’issue du procès, très complexe, de Radovan Karadžić, est déjà très avancée et le Président de la Chambre m’a assuré que l’affaire serait terminée avant la fin du mois de mars 2016 », a ajouté le Président du TPIY, qui a souhaité que l’affaire Šešelj, soit terminée à la même date.
M. Agius s’est également félicité que les affaires Mladić en première instance et Stanišić et Župljanin/ et Prlić et consorts en appel se déroulent conformément aux calendriers fixés, avec une date d’achèvement fixée à la fin du mois de novembre 2017 pour la dernière de ces affaires. Il a assuré le Conseil qu’il mettrait tout en œuvre pour parvenir à respecter cette échéance. Il a estimé, par conséquent, qu’il faudrait s’attendre à ce que les activités judiciaires du Tribunal se terminent dans les délais prévus, malgré des difficultés bien connues. Il a commencé par citer l’« attrition » du personnel, « qui reste un problème endémique majeur ». Le flot « croissant et alarmant » des départs de fonctionnaires compétents risque sérieusement de compromettre les efforts déployés pour mener à bien le mandat du TPIY dans les délais prévus, a-t-il mis en garde. L’autre difficulté, c’est le « moral des fonctionnaires », a-t-il pointé. Afin de préserver celui-ci autant que possible, le Greffier du Tribunal a élaboré, en consultation avec le syndicat du personnel, un processus clair et transparent de suppression de postes, et proposé les services d’un conseiller en reconversion professionnelle. En dépit de ces problèmes, le Président du TPIY s’est déclaré résolu à veiller à la fermeture de l’institution judiciaire d’ici à la fin de l’année 2017.
M. VAGN JOENSEN, Président du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), a retracé les étapes importantes du Tribunal au cours de ses 21 années d’existence, au moment où il est sur le point d’achever ses travaux. Le 14 décembre, a-t-il dit, le Tribunal rendra son quarante-cinquième jugement en dernier ressort, dans la procédure d’appel de l’affaire Nyiramasuhuko et al. - ou affaire Butare, contre six accusés. Cela marquera la fin de ses fonctions judiciaires principales, le Tribunal devant fermer ses portes le 31 décembre 2015. Il ne restera que les activités de liquidation, qui seront menées au cours du premier semestre 2016. Ce sera, a-t-il fait remarquer, le premier tribunal pénal spécial à terminer son mandat et à transmettre les fonctions résiduelles au Mécanisme créé à cette fin. Le rapport final du TPIR, a poursuivi le magistrat, fait état des chiffres suivants: 5 800 jours de procédures, 93 personnes inculpées, 55 jugements en première instance et 45 décisions en appel. Il a aussi entendu plus de 3 000 témoins qui ont courageusement relaté des évènements parmi les plus traumatisants qu’il est possible d’imaginer.
Le Président a rappelé le rôle joué par le Tribunal dans le développement de concepts juridiques internationaux, citant l’affaire Akayesu qui a conduit au premier jugement d’un tribunal international sur un crime de génocide et à la première interprétation de la définition du génocide telle que prévue dans la Convention de 1948. Ce fût aussi la première fois qu’une juridiction internationale reconnaissait l’existence d’un génocide des Tutsis, au Rwanda, en 1994. Parmi les autres décisions novatrices, il a cité la première condamnation pour viol et violence sexuelle constituant un génocide, ainsi que le premier jugement contre un chef d’État depuis les jugements des tribunaux de Nuremberg et de Tokyo. M. Joensen a salué, à cette occasion, les efforts des juges, procureurs et greffiers qui se sont succédé, ainsi que le Conseiller juridique de l’ONU et son bureau, sans oublier le Gouvernement du Rwanda pour son soutien.
L’héritage du TPIR se retrouve aussi dans le transfert de dossiers vers les juridictions rwandaises et, en conséquence, dans les évolutions législatives qui ont suivi, comme l’abolition de la peine de mort. Le Président du Tribunal a également souligné que cette expérience fournissait un modèle de coopération entre un tribunal pénal international et des autorités nationales en matière de reconstruction du secteur de la justice après un conflit. Il a en outre remercié le Gouvernement de la République-Unie de Tanzanie où siège le TPIR, notant qu’Arusha est devenu un centre important pour le droit international puisqu’il accueille d’autres instances judiciaires internationales.
M. Joensen a mentionné l’étude de l’Organisation internationale pour les migrations sur les options possibles de dédommagement des victimes, dont la version finale sera présentée ultérieurement. Il a assuré du soutien de son bureau jusqu’à la fin de l’année en ce qui concerne la relocalisation des personnes acquittées ou ayant purgé leur peine, une question dont est désormais chargé le Mécanisme. « Je pense que cette question représente toujours un sérieux défi pour la crédibilité de la justice pénale internationale », a-t-il dit avant d’appeler, à nouveau, le Conseil de sécurité à assister, de manière urgente, le Tribunal pour trouver une solution. Le magistrat a ensuite indiqué que le TPIR avait transmis 80% de sa fonction financière et 80% de ses dossiers au Mécanisme. Enfin, il a parlé des évènements organisés pour marquer la fin des travaux, comme l’inauguration du nouveau Parc de la paix, à Arusha, et des initiatives qui ont permis de jeter des ponts entre le Tribunal et la population rwandaise. Il a aussi jugé utiles le manuel de meilleurs pratiques élaboré par le Procureur, ainsi que le partage d’expertise du Tribunal avec des pays d’Afrique et ailleurs, en se disant convaincu que ce sont des moyens permettant de renforcer les capacités des systèmes nationaux de justice pénale.
« Le Mécanisme continue de s’acquitter du mandat qui lui a été confié dans le respect des normes les plus rigoureuses et conformément à la vision du Conseil selon laquelle une institution de petite taille est plus économique et efficace », a déclaré M. THEODOR MERON, Président du Mécanisme pour les Tribunaux pénaux internationaux. Il a indiqué que les trois organes du Mécanisme avaient continué de préparer au niveau opérationnel, d’un côté, les appels historiques dont l’ouverture est prévue ce printemps après la fin des procès en première instance menés par le TPIY dans les affaires Karadžić et Šešelj et, de l’autre, les procès des derniers fugitifs mis en accusation par le TPIR qui devront être jugés par le Mécanisme.
« L’élaboration du cadre réglementaire et juridique du Mécanisme a également bien avancé et un certain nombre de nouvelles politiques et d’autres instruments juridiques portant sur différentes questions, dont l’aide juridictionnelle et la consultation des archives, devraient être publiés dans les mois à venir », a-t-il dit. Le juge Meron a noté que le Mécanisme avait continué d’assurer le suivi des affaires renvoyées devant les autorités françaises et rwandaises et à donner suite aux demandes d’assistance qui lui étaient adressées au sujet des procédures portées devant les juridictions nationales. Il a également continué de contrôler l’exécution des peines dans un certain nombre d’États situés sur deux continents, a-t-il ajouté.
M. Meron a ensuite souligné les progrès importants réalisés dans la préparation et le transfert des dossiers des Tribunaux internationaux au Mécanisme, la grande majorité des dossiers du TPIR d’une valeur durable à permanente étant désormais détenus par ce dernier. La Division d’Arusha a connu une période d’activité très intense, le Mécanisme prenant en charge, en vue de la fermeture du TPIR à la fin de l’année, une part croissante des dernières fonctions et obligations de celui-ci, dont la gestion du Centre de détention des Nations Unies. Il a précisé qu’un certain nombre de sections administratives du TPIY avaient collaboré avec les fonctionnaires du Mécanisme et du TPIR pour que toutes les dispositions contractuelles et les structures soient en place à la Division d’Arusha afin d’assurer la continuité des services administratifs après la fermeture du TPIR. « La construction du siège du Mécanisme à Arusha continue d’avancer », a-t-il déclaré.
Le Président du Mécanisme a ensuite évoqué les défis que rencontre le Mécanisme pour les Tribunaux internationaux, en précisant que depuis l’entrée en fonctions du Mécanisme d’Arusha le 1er juillet 2012, neuf personnes mises en accusation par le TPIR n’avaient été, à ce jour, ni arrêtées ni traduites en justice. Ce nombre reste, à ce jour, inchangé, a-t-il regretté, en soulignant l’importance de l’engagement des États pour appréhender les fugitifs. Le Président du Mécanisme a déclaré que le second défi concernait la réinstallation d’un petit nombre de personnes acquittées par le TPIR ou qui ont purgé la peine prononcée à leur encontre. « Nous devons pouvoir compter sur la communauté internationale pour relever ce défi humanitaire », a-t-il dit.
Conformément à la déclaration présidentielle du Conseil en date du 16 novembre 2015, a-t-il expliqué, le Mécanisme avait soumis un rapport faisant état de l’avancement des travaux pendant sa période d’activité initiale. Le Mécanisme est prêt à fournir plus d’informations afin que l’examen soit achevé d’ici au 21 décembre 2015 comme l’a demandé le Conseil. Le Président a indiqué que le Mécanisme devenait de plus en plus une petite institution autonome mettant en pratique les enseignements tirés de ses prédécesseurs et qui s’acquitte de ses obligations et de son mandat de façon efficace et économique. Le succès du Mécanisme dépend en grande partie d’une gestion efficace, axée sur la recherche de nouvelles méthodes, et qui tire pleinement partie de la structure et du cadre juridique uniques du Mécanisme. Il a rappelé que, selon le Statut du Mécanisme, ce sont des juges uniques qui se prononcent sur la plupart des questions en première instance, et non pas une Chambre de première instance siégeant en formation complète comme c’est le cas au TPIR et au TPIY. Le Mécanisme pourra réaliser d’importantes économies par rapport au TPIR et au TPIY grâce au principe selon lequel ce sont les juges de la mise en état en première instance et en appel qui effectuent la majeure partie du travail préparatoire, la Chambre en formation complète ne siégeant qu’en cas de nécessité et n’étant rémunérée que pour les jours travaillés. Il a précisé que les travaux de la Chambre en formation complète étaient menés à distance, sauf exception. M. Meron a tenu à assurer les membres du Conseil qu’il ne ménageait aucun effort pour que le Mécanisme soit à la hauteur des espérances et « concrétise l’idée que l’on se fait d’une institution judiciaire internationale ».
En conclusion, le Président a invité à ne pas sous-estimer la valeur d’institutions comme le Mécanisme pour démontrer l’importance de l’état de droit et de la lutte contre l’impunité. « Il est important que le Conseil de sécurité prenne toutes les mesures possibles afin de garantir que les outils importants dont il dispose pour lutter contre l’impunité, comme le Mécanisme, soient utilisés pleinement ».
« Nous avons continué de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour achever nos travaux dans le cadre des affaires portées en première instance et en appel devant le Tribunal », a déclaré M. SERGE BRAMMERTZ, Procureur du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). Il a précisé que les quatre derniers procès en première instance et les trois dernières affaires en appel étaient encore en cours. « Mon bureau attend le prononcé du jugement dans deux affaires en première instance: Karadžić et Šešelj ». Il a précisé que dans l’affaire Mladić, son bureau s’efforçait de répondre aux éléments de preuve présentés par la défense, alors que dans l’affaire Hadžić, il continuait d’étudier toutes les solutions raisonnables permettant d’achever le procès. S’agissant des procès en appel, il a noté que l’arrêt dans l’affaire Stanišić et Simatović sera prononcé la semaine prochaine.
Le Procureur a ensuite déclaré que les départs du personnel demeuraient un défi constant, nombre de fonctionnaires de la Division des appels ayant été recrutés par le Bureau du Procureur du Mécanisme. « En dépit des retards dans le calendrier des procès, nous avons continué à réduire les effectifs et supprimé 50% des postes depuis janvier 2014 », a-t-il assuré. Grâce à l’amélioration de son efficacité et la gestion avec souplesse des effectifs, a-t-il ajouté, son bureau a fait en sorte que les départs de personnel ne retardent pas l’achèvement de ses travaux.
« Les pays de l’ex-Yougoslavie continuent à coopérer avec mon bureau et à répondre à nos demandes d’assistance », a-t-il dit. La Serbie, a-t-il assuré, continuera d’exécuter les mandats d’arrêt délivrés par le TPIY. Le Procureur s’est également félicité que le parquet de Bosnie-Herzégovine ait redoublé d’efforts, tout en faisant observer que les objectifs de la stratégie nationale sur les crimes de guerre étaient loin d’être atteints. Il a estimé que le processus d’établissement des responsabilités en Serbie était à la croisée des chemins. Un engagement politique ferme est nécessaire pour accomplir de nouveaux progrès, a-t-il cependant fait observer. S’agissant de la Croatie, il a noté que d’importants progrès avaient été accomplis en matière de coopération régionale. Il est néanmoins clair, a affirmé M. Brammertz, « que, dans l’ensemble de l’ex-Yougoslavie, on peut et on doit parvenir à mieux établir les responsabilités ».
Le Procureur a souligné qu’il était important de retrouver et d’identifier, pour toutes les parties au conflit, les personnes portées disparues. Pour ce faire, les personnes connaissant l’emplacement des fosses communes doivent être encouragées à se manifester, a-t-il dit, tout en notant les éventuelles représailles que ces personnes pourraient endurer. Il a exhorté tous les États de la région à lancer d’importantes campagnes de sensibilisation afin d’encourager les témoins, y compris les auteurs de crimes et leur entourage, à fournir des informations.
Au chapitre de l’indispensable partage du savoir-faire du Tribunal, le Procureur a indiqué que son bureau venait d’achever une étude détaillée de ses travaux sur les poursuites dans les affaires relatives à des violences sexuelles perpétrées lors de conflits et qui devrait être publiée au mois d’avril.
Rappelant que son objectif premier était l’achèvement des dernières affaires du TPIY, le Procureur a indiqué qu’il allait poursuivre la réduction des effectifs et des dépenses et continuer d’appuyer les capacités des institutions qui travaillent à l’échelon national. Il a souligné l’importance des dernières affaires du Tribunal, puisque dans quelques mois le jugement sera rendu dans l’affaire Karadžić. « Les procès Karadžić et Mladić incarnent la raison d’être de ce Tribunal, ainsi que les nombreux défis que nous avons dû relever pour mener à bien notre mandat », a-t-il dit avant de conclure.
M. HASSAN BUBACAR JALLOW, Procureur du Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR) et Mécanisme international appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux, a tout d’abord annoncé au Conseil de sécurité l’arrestation, cette nuit, de Ladislas Ntaganzwa, l’ancien maire-bourgmestre de la localité rwandaise de Nyakiza. Accusé par le TPIR de crimes de génocide et de crimes contre l’humanité, il est actuellement détenu à Goma, en République démocratique du Congo (RDC), par la Mission de l’ONU dans ce pays (MONUSCO), en l’attente de son transfert aux autorités rwandaises.
M. Jallow a ensuite évoqué les travaux du Mécanisme résiduel. Les activités liées à la recherche de trois fugitifs devant être jugés par le Mécanisme se sont intensifiées au cours de la période considérée, a-t-il indiqué. « Nous déployons des efforts considérables pour garantir l’arrestation de ces personnes et leur procès devant le Mécanisme avec l’appui des divers partenaires que sont l’Organe national de poursuite judiciaire du Rwanda, Interpol, le Programme War Crimes Rewards du Bureau de la justice pénale internationale du Département d’État américain et les autorités judiciaires de plusieurs autres États, a-t-il expliqué. Pour ce qui est des activités judiciaires, un grand nombre de dossiers ont été récemment déposés devant le Mécanisme. Depuis juin 2015, le Bureau du Procureur du Mécanisme près la Division d’Arusha et près la Division de La Haye a travaillé sur 23 affaires, a précisé le Procureur. Alors que les Tribunaux pénaux internationaux réduisent leurs effectifs, a-t-il dit, le Bureau du Procureur du Mécanisme fait de plus en plus appel à la polyvalence de ses fonctionnaires pour utiliser au maximum ses ressources, offrir une plus grande flexibilité et remplir le mandat du Mécanisme dans le cadre de ses fonctions essentielles et ad hoc. Le Bureau a en outre adopté d’autres stratégies pour travailler le plus efficacement possible, notamment en reportant le recrutement à certains postes afin de s’adapter à des changements du calendrier des procès en première instance devant le TPIY, a précisé M. Jallow.
Le 1er décembre 2015, s’est-il ensuite félicité, le TPIR a organisé à Arusha, en Tanzanie, une cérémonie officielle pour sa fermeture afin de marquer l’achèvement de ses travaux et de son mandat, à l’exception du prononcé de l’arrêt dans l’affaire Butare. Le Tribunal ferme ses portes après avoir mis en accusation 93 personnes sur la base de leur position hiérarchique et de leur large participation au génocide de 1994 et à la commission de crimes atroces. Hormis huit personnes, toutes celles mises en accusation ont été arrêtées et, à quelques exceptions près, « jugées définitivement en quelques 5 800 jours d’audience ». À ce jour, a souligné M. Jallow, 75 d’entre elles ont été jugées, 61 déclarées coupables de génocide et de crimes connexes et 14 acquittées. En outre, a-t-il relevé, le Tribunal a été la première institution judiciaire à élaborer une jurisprudence en matière de génocide. Il a rendu plusieurs décisions historiques dans lesquelles il a par exemple donné une définition du viol et reconnu et défini le lien existant entre génocide et violences sexuelles, ainsi que, entre autres, les principes du commandement et de la responsabilité du supérieur hiérarchique ». Le Tribunal a contribué aussi à la restauration et au renforcement du système judiciaire rwandais, a noté le Procureur. Néanmoins, il reste beaucoup à faire pour établir toutes les responsabilités, a-t-il estimé. C’est pourquoi, il a appelé les États Membres à coopérer au maximum avec le Mécanisme pour que les neuf derniers fugitifs soient arrêtés et jugés. Des centaines d’autres personnes soupçonnées d’être des génocidaires doivent être jugées dans le pays où elles ont trouvé refuge ou être extradées au Rwanda pour y être jugées, a-t-il rappelé en conclusion.
Déclarations
M. CRISTIÁN BARROS MELET (Chili) a salué les efforts déployés par les magistrats pour achever les travaux du TPIY, tout en rappelant qu’il était nécessaire pour les États de coopérer avec le Tribunal et qu’il bénéficie de l’appui de la communauté internationale, notamment du Conseil de sécurité, pour mettre fin à l’impunité. En ce qui concerne le TPIR, il l’a félicité d’avoir respecté sa stratégie d’achèvement cette année. Il a souligné le caractère historique des travaux du TPIY, la richesse de la jurisprudence développée à ce jour et la bonne gestion des archives. Le représentant a par ailleurs dit attendre avec intérêt le rapport final de l’Organisation internationale pour les migrations sur l’indemnisation des victimes. M. Barros Melet a ensuite reconnu la contribution significative du Mécanisme résiduel, tout en se disant préoccupé par le fait que des accusés soient toujours en fuite et que les personnes acquittées ou libérées soient contraintes de demeurer à Arusha. Il a donc appelé à la coopération internationale pour s’assurer que la justice soit rendue.
M. TCHOULI GOMBO (Tchad) a salué les efforts considérables consentis par le TPIR pour mener à bien ses travaux dans les délais requis. Il s’est également dit confiant que la date de fermeture du TPIY, en 2017, sera respectée. Tout en notant le « travail immense » du TPIY et sa contribution précieuse à la justice internationale, il a souligné les difficultés liées au départ de son personnel qualifié auxquelles ce Tribunal continue de faire face. Le représentant a appelé de ses vœux un réexamen de la stratégie financière concernant le TPIY afin de lui permettre d’exécuter son mandat de manière satisfaisante. L’extension du mandat des juges, a-t-il assuré, devrait être accueillie favorablement. Sa délégation se félicite de l’achèvement des travaux du TPIR, même si les coûts prévus ont été dépassés, a-t-il dit. Le délégué a noté que des fugitifs continuaient d’échapper à la justice, avant de se féliciter de l’arrestation en RDC de l’un des neuf fugitifs recherchés par le TPIR. Enfin, M. TCHOULI GOMBO a salué l’activité déjà conséquente du Mécanisme résiduel.
M. RAMLAM BIN IBRAHIM (Malaisie) a salué le respect du calendrier de fin d’activités du Tribunal pénal international pour le Rwanda et du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. Il a ensuite souligné que les membres du personnel du TPIY étaient confrontés à divers problèmes administratifs, déclarant aussi qu’il ne faudrait pas « ignorer ou refuser d’assister ce Tribunal » dans l’optique de résoudre ces défis, d’autant plus que la fin de son mandat approche. En outre, le représentant a aussi indiqué qu’avec la cessation d’activités du TPIR prévue en fin de cette année, il faudrait penser à son héritage, notamment en préservant ses archives qui pourraient servir de référence aux futurs tribunaux internationaux, afin de « rappeler à l’humanité l’importance de combattre l’impunité ». M. Ibrahim a aussi souligné que le TPIY et le TPIR n’auraient pas pu œuvrer pour la justice sans la pleine coopération d’États Membres. Bien qu’il soit idéal pour ces deux Tribunaux de s’acquitter de leur mandat sans plus tarder, cette nécessité de rendre justice doit cependant respecter les principes applicables pour un procès équitable et l’état de droit ».
M. KAYODE LARO (Nigéria) a salué les efforts déployés par le TPIY pour assurer la transparence de ses travaux, notamment auprès des médias. En ce qui concerne le TPIR, le représentant s’est félicité de l’achèvement, par le Tribunal, de l’ensemble des affaires jugées en première instance, en notant que les juridictions nationales rwandaises avaient pris le relais pour un certain nombre d’autres. Pour le Nigéria, le transfert de la plupart des fonctions judiciaires au Mécanisme résiduel est une bonne chose. Le délégué a relevé que ce Mécanisme avait assumé l’entière responsabilité du procès des derniers fugitifs et encouragé les États Membres à continuer de lui apporter leur soutien pour l’aider à achever ses travaux.
M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a affirmé que les mesures prises par le TPIY pour remédier aux retards dans le calendrier d’exécution de ses travaux n’avaient pas donné les résultats attendus. Le prononcé des jugements continue d’être reporté. La Fédération de Russie, a-t-il dit, envisage défavorablement l’extension des mandats des juges du TPIY. Le départ du personnel qualifié au sein de ce Tribunal n’est pas la cause mais la conséquence de la lenteur des procédures suivies devant le TPIY, a-t-il estimé. Le représentant a souhaité que la santé de certains détenus soit également prise en compte. Il a rappelé que l’un des prévenus, M. Šešelj, avait passé 11 ans en détention provisoire et que le jugement dans l’affaire le concernant était à nouveau reporté. « C’est une aberration alors que les audiences dans cette affaire se sont achevées en 2012 », a-t-il soutenu. Sa délégation, a-t-il dit, insiste pour que toutes les mesures soient prises afin d’accélérer les procédures suivies devant le TPIY.
Le délégué s’est félicité de la fermeture du TPIR à la fin de cette année, même si le délai fixé par le Conseil a été dépassé d’une année. « Ce Tribunal a atteint son objectif », a-t-il dit, tout en reconnaissant que des erreurs ont été commises. Seul l’avenir dira quel a été le véritable apport du TPIR, a-t-il ajouté. Avant de conclure, le délégué a invité le Mécanisme à faire preuve d’efficacité dans la conduite de ses travaux et à respecter les paramètres contenus dans la déclaration présidentielle du Conseil de sécurité du 16 novembre 2015.
M. MAHMOUD D. HMOUD (Jordanie) a rendu hommage aux travaux accomplis par les Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda dans la lutte contre l’impunité au cours des 20 dernières années. Se félicitant des avancées considérables réalisées au cours des six derniers mois, il a noté le volume des affaires traitées par ces deux juridictions, en particulier par le TPIR, qui s’apprête à confier ses fonctions au Mécanisme résiduel. Les progrès accomplis par ces deux juridictions internationales ont démontré la pertinence de la justice internationale, en dépit des difficultés auxquelles elles se sont heurtées, a poursuivi le représentant, en citant en exemple la jurisprudence développée au cours des différentes affaires. C’est pourquoi, il a encouragé toutes les juridictions nationales à tirer le meilleur parti de l’héritage que leur lèguent ces deux Tribunaux. Le soutien de la communauté internationale demeurera indispensable pour aider le TPIY à achever ses travaux dans les délais impartis, a assuré le délégué avant de conclure.
M. FRANCISCO JAVIER GASSO MATOSES (Espagne) a demandé au TPIY de redoubler d’efforts pour mener à bien ses travaux dans les délais requis. Il a appuyé la prorogation des mandats des juges du TPIY, avant de lancer un appel pour que soit rendue une véritable justice transitionnelle au niveau national. La Serbie, la Croatie et la Bosnie-Herzégovine doivent en faire davantage, a-t-il dit, tout en insistant sur la non-coopération de la Serbie en ce qui concerne certains aspects des travaux du TPIY. La Serbie a le devoir de coopérer avec le Tribunal, a-t-il rappelé.
Le délégué a salué la contribution du TPIR à la jurisprudence internationale, ainsi qu’à la stabilisation de la région des Grands Lacs. Il a appelé tous les États à coopérer afin d’appréhender les fugitifs recherchés par le TPIR. Après avoir salué son efficacité, le représentant de l’Espagne a invité le Mécanisme à tirer le meilleur profit des bonnes pratiques du TPIR et du TPIY. En conclusion, il a souligné que le travail du Mécanisme doit être appuyé par les efforts des juridictions au niveau national. « La lutte contre l’impunité doit être la priorité de ce Conseil ».
M. JOÃO IAMBENO GIMOLIECA (Angola) a souligné qu’au cours de ces 20 dernières années, les Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda avaient joué un rôle fondamental dans la lutte contre l’impunité. La fin du procès dans l’affaire Butare, a-t-il noté, a permis au TPIR d’achever ses travaux et de transférer ses fonctions au Mécanisme résiduel, qui a pour responsabilité d’appréhender les neuf fugitifs restants inculpés par le TPIR et d’assurer le suivi des affaires dans lesquelles ils sont impliqués. Il a ensuite rendu hommage au TPIY pour ses efforts en vue d’accélérer le rythme du traitement des affaires d’ici à la fin de l’année 2017, date à laquelle il est tenu d’achever ses travaux. À l’instar d’autres délégations, le représentant de l’Angola s’est dit préoccupé par les difficultés rencontrées par cette juridiction, notamment pour fidéliser son personnel, ainsi que par les faibles ressources qui lui sont allouées. En conclusion, il s’est dit encouragé par le degré de coopération dont fait preuve le Mécanisme avec les autorités du Rwanda et celles des pays issus de l’ex-Yougoslavie.
M. LI YONGSHENG (Chine) a salué la contribution du TPIR à la stabilité dans la région des Grands Lacs. Il a invité le TPIR à partager le savoir-faire qu’il a accumulé au fil des années « afin de guider les générations à venir ». Il a noté que le TPIY devrait rendre son jugement dans deux affaires avant la fin de cette année. Néanmoins, les procès dans certaines affaires ne seront pas achevés dans les délais requis, a-t-il déploré. Le représentant a espéré que le nouveau Président du TPIY remédiera à ces retards et fera en sorte que les travaux du Tribunal s’achèvent au plus tôt. La délégation de la Chine se félicite des progrès du Mécanisme depuis son entrée en fonctions, a-t-il dit avant de souhaiter un examen approfondi de la demande de personnel formulée par le Mécanisme afin qu’il puisse s’acquitter de ses travaux de manière efficace et économe. En conclusion, le délégué a souhaité que le TPIY et le Mécanisme répondent aux attentes de la communauté internationale.
Si elle a salué les progrès accomplis jusqu’à présent, Mme HELEN MULVEIN (Royaume-Uni), s’est déclarée déçue des retards accusés par un certain nombre de procès par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), qui semble rencontrer des difficultés à respecter les délais impartis. Après avoir apporté son soutien à la prorogation du mandat des juges du TPIY, la délégation du Royaume-Uni a repris à son compte l’appel lancé par le Procureur à certains pays de l’ex-Yougoslavie en vue de procéder à des exhumations des « fosses communes » et à faire preuve de la plus grande coopération possible, a-t-elle indiqué. S’agissant du TPIR, qui vient d’achever ses travaux, la représentante s’est félicitée des décisions rendues par cette juridiction, dont de nombreux enseignements peuvent être tirés, notamment à partir des manuels qu’elle a publiés. Elle a ensuite encouragé tous les États concernés à coopérer avec le Rwanda pour parvenir à arrêter les fugitifs restants. À cet égard, elle s’est félicitée de l’arrestation de l’un d’entre eux, ce matin même en RDC. La représentante s’est félicitée, avant de conclure, que le recrutement de personnels compétents par le Mécanisme se poursuive.
Mme NIDA JAKUBONE (Lituanie) a estimé que le TPIR avait joué un rôle crucial dans la consolidation de l’état de droit, la promotion de la réconciliation et la stabilité à long terme. Elle a noté la contribution de ce Tribunal à l’évolution du droit pénal international et du droit international humanitaire, notamment avec sa jurisprudence qualifiant la violence sexuelle pendant un conflit d’acte de génocide, de crime contre l’humanité et de crime de guerre. Elle a également apprécié l’examen du rôle des médias en ce qui concerne l’incitation au génocide. En outre, a-t-elle noté, le Tribunal a étendu l’assistance aux victimes et aux témoins, tout en renforçant les capacités et en préservant l’héritage de ce processus. La représentante a ensuite rappelé que neuf accusés étaient toujours en fuite, appelant ainsi tous les États et, en particulier ceux de la région, à coopérer avec le Tribunal.
En ce qui concerne le TPIY, Mme Jakubone a noté le taux élevé de départs parmi le personnel et l’âge avancé de certains accusés, des facteurs qui contribuent à des retards importants dans les procédures en cours. Elle a encouragé le Tribunal à prendre les mesures nécessaires pour qu’il puisse achever rapidement ses travaux, tout en s’acquittant des procédures dans le respect des principes applicables. Elle a demandé que les mandats des juges soient étendus jusqu’à la fin des affaires dont ils sont saisis. Enfin, elle a salué la coopération entre le Mécanisme résiduel et les deux Tribunaux pénaux internationaux, notamment en ce qui concerne l’exécution des jugements, la protection des victimes et des témoins, la gestion des archives et le relogement des personnes acquittées ou libérées. Il faut trouver des solutions, a-t-elle dit, pour accueillir les huit personnes acquittées et les trois personnes libérées.
M. RAFAEL RAMIREZ CARREÑO (Venezuela) a indiqué que les réalisations du TPIR et du TPIY attestaient de l’attachement de la communauté internationale à la lutte contre l’impunité. S’agissant du TPIY, il a souligné les retards considérables dans le calendrier d’exécution de ses travaux et espéré qu’ils seront surmontés. Le délégué a souhaité que l’héritage du TPIR, qui va fermer ses portes à la fin de cette année, alimente les travaux de la CPI. Il a exhorté les autorités des pays concernés à appréhender dans les plus brefs délais les fugitifs recherchés par le TPIR. Le Mécanisme doit appuyer la réinsertion des personnes acquittées ou ayant purgé leur peine, a-t-il rappelé. Il a également invité le Mécanisme à préserver son rythme de travail. Avant de conclure, le représentant du Venezuela a réaffirmé l’attachement de son pays aux Tribunaux pénaux internationaux, qui demeurent essentiels pour lutter contre l’impunité.
M. GERARD VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande) a estimé que compte tenu des succès des deux Tribunaux pénaux internationaux, il n’y a pas de doute sur le fait que le Conseil de sécurité avait pris une bonne décision en les établissant. Il a ensuite salué le travail des personnels de ces deux juridictions, tout en félicitant les pays qui ont coopéré avec eux. Il a néanmoins déploré le fait que le Conseil de sécurité n’eût pas toujours soutenu le travail du TPIY et du TPIR comme cela était souhaité, en précisant notamment que des restrictions budgétaires avaient faussées les débats sur le rôle et la performance des deux Tribunaux.
Le délégué a noté que le TPIY et le TPIR n’avaient pas fonctionné de manière exemplaire mais, a-t-il fait observer, on ne peut pas conclure qu’ils ont échoué dans leur tâche. Il a aussi relevé qu’un mode de financement exclusivement volontaire ne pouvait être efficace pour ce type d’organes, en faisant remarquer qu’« une vraie justice a un vrai coût ». Il a en outre assuré du soutien de sa délégation au Mécanisme international qui est appelé à exercer les fonctions résiduelles des Tribunaux pénaux et souhaité que le Mécanisme puisse assurer leur pérennité en mettant en œuvre les leçons apprises de leur fonctionnement. Il a par ailleurs invité le Conseil à continuer de soutenir le travail du TPIY jusqu’à la fin de son mandat.
M. ALEXIS LAMEK (France) a estimé que les branches TPIR et TPIY du Mécanisme résiduel avaient bien engagé la transition afin que cette œuvre de justice aille à son terme. Il s’est félicité de l’examen approfondi du rapport du Mécanisme et a encouragé, à l’instar de l’initiative de la France en faveur d’un audit externe du fonctionnement de la Cour pénale internationale, la poursuite et l’approfondissement de cette démarche à l’égard de l’ensemble des juridictions pénales internationales. M. Lamek a aussi demandé que les deux Tribunaux pénaux internationaux continuent de rendre la justice dans le plein respect des garanties procédurales. Il a appelé à accorder une attention redoublée à l’objectif d’efficacité des travaux et d’utilisation des moyens alloués, une double exigence qui conditionne le soutien de la France à l’extension des mandats actuels au-delà du 31 décembre 2015.
Le représentant a salué l’œuvre majeure réalisée par ces deux Tribunaux au service de la réconciliation et de la lutte contre l’impunité. Le TPIR, a-t-il noté, a été à l’avant-garde de cette lutte et il a jeté les bases d’une nouvelle ère dans la justice pénale internationale. Il a rappelé qu’il avait été le premier tribunal pénal international sur le sol africain et le premier à interpréter la notion de génocide créée par la Convention de 1948. La France, a-t-il indiqué, maintient son soutien au TPIR et au Mécanisme s’agissant notamment de l’arrestation des fugitifs visés par des mandats d’arrêt émis par le Tribunal. Il a aussi rappelé à tous les États leur obligation de coopérer avec ces instances. En ce qui concerne les deux affaires renvoyées devant les juridictions françaises, il a assuré qu’elles étaient traitées avec toute la diligence et la rigueur nécessaires.
Passant au TPIY, M. Lamek l’a apprécié comme « un acte majeur de la dynamique de réconciliation à l’échelle régionale ». Il appartient désormais aux États concernés, a-t-il averti, de poursuivre la construction de l’état de droit et de juger les criminels dits « intermédiaires », et ce, grâce à une coopération et une entraide régionales. À la veille de la clôture des travaux du TPIY, le représentant a salué l’acquis jurisprudentiel qu’il laisse, en invitant à préserver cet héritage sur le plan de la mémoire et sur le plan académique, tout en restant vigilant à la protection des témoins et aux droits des victimes.
M. DAVID PRESSMAN (États-Unis) s’est félicité du travail accompli jusqu’à présent par les Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, notamment pour juger les auteurs d’actes de génocide ou d’autres crimes graves. Saluant l’arrestation, ce matin même en RDC, d’un fugitif recherché par le TPIR, le représentant a demandé son extradition, dans les meilleurs délais, aux autorités rwandaises. Pour sa délégation, il s’agit d’une victoire sur l’impunité, a-t-il dit, en précisant que cet individu avait été reconnu coupable de nombre d’atrocités, comme la commission de meurtres et de « de viols répétés de femmes ». S’agissant des travaux du TPIY, des progrès considérables ont été accomplis au cours de la période à l’examen, en dépit des défis qui se sont posés à lui. L’importance des jugements rendus par les deux Tribunaux est d’autant plus grande dans un contexte marqué par des situations de crises susceptibles de dégénérer, a estimé le représentant. Alors que nous observons cette année le vingtième anniversaire du génocide de Srebrenica, le Conseil de sécurité n’a pas été en mesure d’adopter la moindre résolution reconnaissant qu’un génocide avait été commis, a-t-il regretté. Il est aujourd’hui de notre responsabilité collective de veiller à ce que de telles situations ne se reproduisent plus jamais, a-t-il insisté.
M. VLADIMIR DROBNJAK (Croatie) a estimé qu’en ce qui concerne le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), peu de choses avaient changé au cours des six derniers mois. « Nous attendons toujours les verdicts dans des affaires cruciales dans lesquelles sont impliqués les cerveaux des crimes parmi les plus atroces à avoir été commis. Le rythme trop lent des procédures judiciaires demeure un problème réel. Plus de deux décennies après l’établissement du Tribunal, des milliers de victimes et leurs proches attendent toujours que justice soit rendue », a déclaré le représentant. Il a ainsi réitéré la nécessité d’achever les procès dans les affaires Šešelj, Karadžić, Hadžić et Mladić. C’est pourquoi M. Drobnjak s’est déclaré préoccupé par la suspension de la procédure dans l’affaire Hadžić, avant de rappeler que justice retardée était justice déniée.
Le représentant a ensuite attiré l’attention du Conseil sur l’affaire Šešelj et l’effet négatif de la libération temporaire de ce dernier. « Le fait que ce criminel de guerre ayant été condamné soit en mesure de se livrer à une rhétorique haineuse et de tourner en dérision ses victimes, en apparaissant occasionnellement dans des émissions télévisées serbes, est un camouflet pour la justice internationale et l’humanité », a-t-il dit. M. Drobnjak a également déploré que, toujours dans cette affaire, trois personnes accusées d’outrage à la Cour n’aient pas été arrêtées et remises au TPIR. Le délégué croate a exhorté la Serbie à coopérer pleinement avec le TPIR et rappelé qu’une telle coopération était une condition essentielle du processus d’adhésion à l’Union européenne. Estimant que l’œuvre importante du TPIY n’était pas achevée, le représentant a rappelé que des procédures trop longues avaient pour effet de saper la confiance envers la justice internationale. « Nous devons toujours avoir cet élément à l’esprit », a-t-il dit, avant d’assurer que son pays appuyait pleinement les efforts du Tribunal.
M. SAŠA OBRADOVIĆ (Serbie) a réaffirmé l’engagement de son gouvernement en faveur de la justice pénale internationale et de son rôle déterminant dans la lutte contre l’impunité. En ce qui concerne le TPIY, il a rappelé que, le 23 février 2016, le procès Šešelj entrera dans sa quatorzième année consécutive. En dépit de ce qu’il a qualifié d’« anomalie », la Serbie, a assuré le représentant, continuera à appuyer le Tribunal dans ses efforts pour achever ses travaux dans les délais impartis. Dans ce contexte, il a expliqué que son pays poursuivait les procédures judiciaires pour les affaires relatives à des crimes graves. Ainsi, a noté M. Obradović, une stratégie nationale sur les questions relatives aux crimes de guerre est en cours d’élaboration et devrait être finalisée sous peu. Elle constituera une « feuille de route » des activités et des améliorations nécessaires pour enquêter, poursuivre en justice et juger les auteurs de crimes haineux commis en ex-Yougoslavie dans les années 1990, a-t-il expliqué.
Le représentant a tenu à rappeler au Conseil de sécurité que la Croatie n’avait jusqu’à présent rendu qu’un seul jugement dans les affaires dans le cadre desquelles des crimes de guerre ont été commis, même si, a-t-il précisé, « le TPIY et la Cour internationale de Justice ont reconnu les forces gouvernementales croates coupables de la mort de nombreux civils serbes en 1995 ». Il a souhaité que la Croatie soit guidée dans ce qui doit être fait pour rendre justice à ces victimes. Pour M. Obradović, le Procureur du Mécanisme doit à l’avenir élargir sa surveillance pour « inclure également la justice croate ».
M. MILOŠ VUKAŠINOVIĆ (Bosnie-Herzégovine) a estimé que les travaux des deux Tribunaux pénaux internationaux avaient eu un impact important sur le droit pénal international et les systèmes judiciaires nationaux des pays concernés. Son pays a, pour sa part, toujours coopéré avec le TPIY et exécuté ses décisions, a-t-il assuré. Il a invité ce Tribunal à atteindre sans retard les objectifs de sa stratégie d’achèvement. La fin du mandat du TPIY ne signifie pas, a-t-il fait remarquer, que la lutte contre l’impunité a pris fin en Bosnie-Herzégovine. Son pays reste engagé à renforcer le système national de justice et à poursuivre en justice les auteurs de crimes atroces, a-t-il indiqué en citant, à cet égard, la Stratégie nationale pour la poursuite des crimes de guerre que de nombreuses institutions étatiques s’efforcent d’appliquer. Ainsi, s’est-t-il prévalu, nous avons pu faire baisser de 15% le nombre d’affaires de crimes de guerre non résolues.
M. Vukašinović a aussi mentionné la base de données sur les crimes de guerre créée par le Bureau du Procureur au niveau étatique, ainsi que l’harmonisation des pratiques judiciaires des juridictions nationales quant à cette catégorie de crime. Toutefois, le représentant a fait part des difficultés financières rencontrées dans la mise en œuvre de cette stratégie, avant de saluer le soutien fourni par l’Union européenne, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). Enfin, il a indiqué que son pays avait adopté, cette année, une stratégie de réforme du secteur de la justice pour la période 2014-2018. Il a également souligné le rôle crucial de la coopération régionale afin de rétablir la confiance dans la région, en citant les protocoles de coopération en matière de poursuite pénale des crimes de guerre conclus entre le Bureau du Procureur de la Bosnie-Herzégovine et les pays voisins.
Mme JEANNE D’ARC BYAJE (Rwanda) a invité les membres du Conseil à méditer sur l’échec de la communauté internationale, il y a 20 ans, lorsque celle-ci avait détourné les yeux du génocide rwandais. Le Conseil est-il mieux outillé pour éviter qu’une telle tragédie ne se reproduise? a-t-elle demandé. Il est important de lutter contre ceux qui veulent nier le génocide rwandais, a-t-elle souligné avant d’insister sur le rôle clef du TPIR dans la lutte contre l’impunité et sa précieuse contribution à la jurisprudence internationale. Le Tribunal a notamment établi juridiquement qu’un génocide a été commis contre les Tutsis en tant que groupe particulier, a-t-elle dit. La déléguée a ensuite souhaité que le fugitif recherché par le TPIR et qui vient d’être arrêté en RDC soit remis aux autorités rwandaises. Les autres fugitifs doivent être appréhendés, a-t-elle insisté. La représentante a assuré que certaines affaires concernant des acteurs du génocide rwandais suivaient leur cours devant les juridictions rwandaises, avant de déplorer que la juridiction française compétente dans l’affaire Bucyibaruta envisage une décision de non-lieu.
La déléguée du Rwanda a souhaité l’installation des archives du TPIR dans son pays, à la fin du mandat du Mécanisme. Ces archives vont aider à la bonne compréhension de l’histoire du génocide rwandais, a-t-elle dit, avant d’espérer que les parties prenantes comprendront la légitimité d’une telle demande. La représentante a estimé que la réparation due aux victimes de génocide était l’une des faiblesses de la justice internationale. Sa délégation déplore profondément l’espace médiatique qui peut être accordé à certaines personnes ayant été impliquées dans un génocide, a-t-elle dit. Enfin, la représentante a commenté un tweet, publié ce matin, selon lequel les actions des FDLR auraient fait des morts en RDC et rappelé que le génocide n’était pas un crime ordinaire.