La mise en œuvre de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel exige l’appui de la communauté internationale, plaide l’Envoyée spéciale, Mme Hiroute Guebre Sellassie
Alors que la communauté internationale est endeuillée à la suite d’attaques terroristes sanglantes perpétrées à travers le monde ces dernières semaines, l’« unité » et la « solidarité » des États Membres sont plus que jamais nécessaires à la mise en œuvre de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel, une région qui abrite de nombreux groupes extrémistes, a plaidé aujourd’hui l’Envoyée spéciale du Secrétaire général de l’ONU chargée d’assurer le suivi de la concrétisation de cette Stratégie.
Venue présenter au Conseil de sécurité le dernier rapport en date du Secrétaire général sur la question, Mme Hiroute Guebre Sellassie a déclaré que les partenariats mondiaux « ne sont plus une option, mais une condition de survie ». C’est tout particulièrement vrai pour une sous-région où près de 41 millions de jeunes âgés de moins de 25 ans sont exposés à la radicalisation ou contraints à quitter le pays en l’absence d’opportunités économiques, a fait observer Mme Sellassie.
Dans son rapport, le Secrétaire général explique que « la prolifération des armes, la libre circulation des groupes armés à travers les frontières et la présence de groupes terroristes continuent de porter préjudice aux moyens de subsistance, à la bonne gouvernance et au développement humain » du Sahel. Ce « cercle vicieux intenable » ne peut qu’empirer en l’absence d’une assistance internationale vigoureuse, a ajouté l’Envoyée spéciale.
Il y a toutefois des raisons d’espérer, a-t-elle fait remarquer, en citant l’amélioration de la coordination et de la cohérence « à l’échelle du système des Nations Unies » dans la mise en œuvre de la Stratégie intégrée, ainsi que la multiplication des synergies et des plateformes entre toutes les parties prenantes concernées: États Membres de la sous-région, organisations régionales, gouvernements, société civile et « communautés bénéficiaires ».
Pour rappel, la Stratégie intégrée, demandée par le Conseil de sécurité dans sa résolution 2056 (2012), se fonde sur trois piliers: la bonne gouvernance dans l’ensemble de la région; des mécanismes de sécurité nationaux et régionaux capables de faire face aux menaces transfrontières; et l’intégration des plans humanitaires et de développement afin d’assurer la résilience à long terme.
Si elle a reconnu qu’il incombait en premier lieu aux dirigeants des pays du Sahel de répondre aux défis auxquels ils sont confrontés, l’Envoyée spéciale a cependant estimé que les « facteurs aggravants » étaient tels qu’ils ne pouvaient pas s’en acquitter eux-mêmes ».
C’est la raison pour laquelle Mme Sellassie a exhorté le Conseil à tirer parti des mécanismes existants et à « améliorer les mandats » en vue d’assurer un contrôle renforcé des trafics de stupéfiants dans la région du Sahel. Elle a également plaidé en faveur de l’inscription sur la Liste récapitulative des sanctions des individus ou entités qui financent ou soutiennent des activités terroristes au Sahel. La Lituanie a dénoncé, entre autres groupes, « Al-Qaida au Maghreb islamique, Boko Haram, MUJAO, Ansar Eddine, Al-Mourabitoun ».
Le représentant de l’Angola a regretté que les membres du Conseil de sécurité n’aient pas pu se mettre d’accord, aujourd’hui, sur les termes d’une déclaration présidentielle sur les meilleurs moyens de mettre en œuvre la Stratégie intégrée. Il les a appelés à être, à l’avenir, « davantage à l’écoute » des préoccupations du G-5 Sahel, formé de la Mauritanie, du Mali, du Burkina Faso, du Niger et du Tchad.
Le représentant tchadien, précisément, a estimé que la « source majeure de l’instabilité » actuelle dans la sous-région se trouve en Libye, « pays plongé dans le chaos et où prospèrent les groupes terroristes ». Abondant dans ce sens, les représentants de la Nouvelle-Zélande et de l’Angola ont également encouragé les factions rivales libyennes à signer l’Accord politique en vue de la formation d’un gouvernement d’entente nationale.
Le Tchad a par ailleurs annoncé que le G-5 Sahel envisageait de « construire des chemins de fer reliant les cinq pays », de « mettre fin à l’obligation des visas » pour se déplacer au sein de ce regroupement de pays, et de créer une « force militaire conjointe ». Quant à la « force multinationale mixte contre Boko Haram », dont le Nigéria, membre du Conseil de sécurité, fait partie, son « opérationnalisation » a reçu aujourd’hui les soutiens de la Malaisie et de la Jordanie.
Le représentant de la France a, de son côté, rappelé que, dans le cadre de l’Opération Barkhane, 3 500 militaires français étaient actuellement déployés au Mali, où un attentat terroriste meurtrier a été perpétré la semaine dernière contre un hôtel de Bamako. Dans le cadre de la coopération économique, a-t-il précisé, la France a débloqué plus de 360 millions d’euros pour la période 2015-2017, dont une partie considérable sera consacrée au nord du Sahel, tout en continuant de mettre en œuvre sa propre « stratégie sahélo-saharienne » avec six pays de la sous-région.
Son homologue de la Chine a annoncé la tenue d’un « sommet sur la coopération Chine-Afrique », le mois prochain à Johannesburg, où des partenariats devraient être conclus avec des pays du Sahel, notamment « dans les domaines de l’industrialisation, de la santé publique et de la sécurité ».
PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE
Rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel (S/2015/866)
Déclarations
Mme HIROUTE GUEBRE SELLASSIE, Envoyée spéciale du Secrétaire général pour le Sahel, a fait observer qu’elle prenait la parole à un moment où les attentats se multiplient à travers le monde, ce qui montre l’emprise du terrorisme international et l’interdépendance « de toutes les communautés ». Aucune d’elles, a-t-elle dit, n’est à l’abri de ce phénomène. « Le combat contre le terrorisme exige une solidarité internationale. Dans un tel contexte, les partenariats mondiaux ne sont plus une option, mais une condition pour la survie », a-t-elle souligné. Les pays de la région du Sahel, qui sont parmi les plus pauvres et les moins développés au monde, sont contraints de consacrer des parts importantes de leurs budgets pour répondre aux menaces auxquelles ils sont exposés, alors que seulement 56% des enfants sont scolarisés pour le cycle d’enseignement primaire et à peine 36% de la population savent lire et écrire. « Ce cercle vicieux intenable ne peut qu’empirer en l’absence d’une assistance internationale vigoureuse », a prévenu l’Envoyée spéciale. Elle s’est dite très préoccupée par le fait que près de 41 millions de jeunes âgés de moins de 25 ans au Burkina Faso, au Tchad, au Mali, en Mauritanie et au Niger sont exposés à des risques de radicalisation ou de migrations, en l’absence de perspectives dans leurs pays respectifs, « avec les conséquences regrettables que l’on sait ».
Pour Mme Sellassie, empêcher les conflits de naître au Sahel exige de mettre fin aux trafics illicites, y compris de stupéfiants et d’armes, et à la traite des êtres humains. Elle a également insisté sur la nécessité de répondre aux défis qui se posent à la bonne gouvernance des pays de la région, en faisant remarquer que des segments entiers des populations de la sous-région se voient refuser le droit de prendre pleinement part à la vie publique et politique de leurs pays. Pour l’Envoyée spéciale, le renforcement de la résilience communautaire est une autre priorité afin de trouver des solutions à la détérioration des sols cultivables, à la multiplication des chocs climatiques, et à l’expansion démographique actuelle. Ce sont autant de facteurs qui précipitent des millions de personnes dans de véritables catastrophes humanitaires, a-t-elle estimé.
Il y a toutefois des raisons d’espérer, a fait observer l’Envoyé spéciale, qui a cité l’amélioration considérable de la coordination des efforts de la communauté internationale. En outre, les pays de la région ont fait preuve de leadership et d’appropriation nationale dans le cadre de la mise en œuvre des initiatives lancées pour relever les défis qui se posent au Sahel, s’est-elle félicitée. Mme Sellassie en a voulu pour preuve le nombre de « plateformes » établies entre ces pays et leurs partenaires internationaux du G-5 Sahel, de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale et de la Commission du bassin du lac Tchad. L’ONU, de son côté, a poursuivi l’Envoyée spéciale, a amélioré sa coordination et sa cohérence à l’échelle du système dans la mise en œuvre de la Stratégie intégrée. Elle a assuré que des progrès considérables avaient été accomplis dans la synergie entre les pays concernés, les organisations régionales, les gouvernements, la société civile et les communautés bénéficiaires.
Si elle a reconnu le caractère central de la « responsabilité » et du « leadership » qui reviennent aux pays de la sous-région pour répondre aux défis auxquels ils font face, l’Envoyée spéciale a toutefois reconnu que le Sahel était victime des effets de phénomènes mondiaux comme les changements climatiques, le trafic de stupéfiants, l’extrémisme violent et le déclin économique. Autant de facteurs aggravants qui excèdent la capacité des nations concernées à s’en sortir par elles-mêmes, a-t-elle souligné. Mme Sellassie a exhorté le Conseil de sécurité à maintenir son engagement en faveur d’un appui du Sahel. Elle l’a encouragé à tirer le meilleur parti des mécanismes existants et à améliorer les mandats en vue d’assurer un meilleur contrôle des trafics de stupéfiants dans la région du Sahel. À cet égard, elle a plaidé en faveur de l’inscription sur la Liste récapitulative des sanctions des individus ou entités qui financent ou soutiennent des activités terroristes au Sahel. Sur ce dernier point, elle a salué les efforts du Comité du Conseil de sécurité concernant Al-Qaida qui a, jusqu’à présent, inscrit sept entités et six individus basés dans la sous-région sur la Liste.
M. TCHOULI GOMBO (Tchad) a souligné la situation sécuritaire instable au Sahel marquée par la persistance d’une multitude de menaces, dont le terrorisme et les conséquences de la crise libyenne. La source majeure de l’instabilité se situe en Libye, pays plongé dans le chaos et où les groupes terroristes prospèrent. Il ne faut épargner aucun effort pour contrer Daech et aider les acteurs libyens à mettre en place un gouvernement d’union nationale, a-t-il recommandé. Si Boko Haram a été affaibli et n’est plus en mesure de conquérir des villes, il continue cependant, a-t-il fait remarquer, à mener des attaques asymétriques ciblant les civils. Le représentant a assuré que le Tchad avait pris toute sa part dans la lutte contre la barbarie de Boko Haram, malgré des moyens limités, perdant des dizaines de soldats.
Il a ensuite appelé les partenaires internationaux à épauler les pays sahéliens, avant de rappeler que cinq pays du Sahel avaient formé le « Groupe de cinq pays du Sahel » (G-5 Sahel). Au sein de ce Groupe, les cinq pays ont renforcé leur coopération en matière sécuritaire et réfléchissent à la constitution d’une force militaire conjointe, à la construction de chemins de fer reliant les cinq pays et à la fin des visas pour les déplacements d’un pays à un autre.
Le délégué a souligné l’impérieuse nécessité de lever des fonds en faveur des jeunes dans le Sahel afin de lutter contre l’extrémisme religieux. Il a également insisté sur la pleine mise en œuvre de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel, à laquelle le G-5 Sahel devrait être pleinement associé. Il a demandé que le Bureau du Représentant du Secrétaire général pour le Sahel soit renforcé et qu’il soit relocalisé, conformément à une demande formulée de longue date. Enfin, le représentant du Tchad a souhaité que le Conseil se réunisse au moins trois fois par an pour discuter de la mise en œuvre de cette Stratégie et que le Fonds d’affectation spéciale des Nations Unies pour le Sahel puisse fonctionner le plus rapidement possible.
Mme RAIMONDA MURMOKAITĖ (Lituanie) a assuré que l’Union européenne restait un partenaire actif des Nations Unies, de l’Union africaine et des acteurs régionaux dans la région du Sahel et qu’elle avait établi sa stratégie et son plan d’action adoptés au début de cette année qui mettent l’accent sur quatre priorités, à savoir la prévention et la lutte contre la radicalisation, la création de conditions favorables à la jeunesse, la migration et la mobilité ainsi que la gestion des frontières, la lutte contre les trafics et le crime international organisé. Des formateurs lituaniens ont formé les forces maliennes à Koulikoro, a ajouté la représentante. La menace terroriste que posent Al-Qaida dans le Maghreb, Boko Haram, MUJAO, Ansar Eddine, Al-Mourabitoun et d’autres groupes, les trafiquants d’êtres humains, la contrebande et la libre circulation des armes dans la région, aggravés par la crise en Libye, continuent d’aggraver la vulnérabilité et l’insécurité dans la région du Sahel, a-t-elle soutenu.
La représentante a estimé que la lutte contre la pauvreté, l’exclusion sociale, la marginalisation et les mécontentements persistants des communautés dans les pays du Sahel restait importante. Les pays de la région avec l’aide des partenaires internationaux ont besoin de développer des moyens de subsistance durables, de renforcer la présence de l’administration dans toutes les régions des pays concernés, d’assurer la fourniture des services sociaux de base et de garantir l’accès à la justice. Elle a estimé qu’il faudrait également œuvrer au renforcement de l’état de droit, des forces de l’ordre et des capacités judiciaires afin de poursuivre et traduire en justice les terroristes et les extrémistes radicaux. Des améliorations concrètes sont nécessaires dans les systèmes pénitenciers. La sûreté et la sécurité des juges doivent être prises en compte, a-t-elle rappelé. Il faudrait en outre prendre les mesures nécessaires pour prévenir la radicalisation des réfugiés vulnérables et des communautés déplacées en particulier dans les zones frontalières. La protection des femmes, de la société civile, des personnes âgées et des dirigeants religieux doit aussi être renforcée. Avant de terminer, la représentante a demandé à l’Envoyée spéciale d’expliquer comment elle évalue les progrès dans l’élaboration des stratégies nationales contre le terrorisme dans les pays du Sahel et comment le Conseil de sécurité peut aider dans le processus. De même, elle lui a demandé de préciser les mesures prises pour évaluer les capacités des bureaux de lutte contre le terrorisme et quels sont les besoins urgents. Qu’est-ce qui a marché le mieux dans la Stratégie pour le Sahel et quels sont les principaux points d’achoppement où ce Conseil pourrait être utile? a-t-elle aussi voulu savoir.
M. RAFAEL DARÍO RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela) s’est déclaré vivement préoccupé par l’instabilité dans la région du Sahel. S’agissant de la situation au Mali, son pays, a-t-il assuré, appuie les efforts de dialogue menés sous la houlette de l’Algérie. Ces efforts, a-t-il estimé, bénéficient à toute la région. Le délégué a déploré l’intensification des opérations d’Al-Qaida et de Boko Haram au Sahel, ainsi que la libre circulation des armes. Face à ces défis, les pays de la région doivent privilégier le financement des efforts sécuritaires plutôt que de répondre aux urgences humanitaires, a-t-il poursuivi, avant de souligner les difficultés financières que connaissent les divers programmes humanitaires pour le Sahel.
Les efforts du G-5 Sahel, qu’il a salués, sont essentiels pour la mise en œuvre de nouvelles stratégies dans la région. Si l’on ne tient pas compte des causes profondes des conflits, telles que la pauvreté, nos efforts seront voués à l’échec, a-t-il averti. Le délégué du Venezuela a insisté sur l’acuité des défis migratoires au Sahel. Pour sa délégation, les ressources naturelles expliquent les raisons pour lesquelles la colonisation dans le passé avait été menée. À cette aune, le représentant a souhaité, en conclusion, que les stratégies pour le Sahel s’inscrivent dans la durée et soient portées par les populations de la région.
M. MAHMOUD DAIFALLAH MAHMOUD HMOUD (Jordanie) a noté lui aussi les nombreux défis auxquels sont confrontés les pays de la région du Sahel, laquelle offre, a-t-il dit, un terreau fertile au terrorisme international. Il n’est pas exagéré de dire, a-t-il affirmé, que la sous-région est devenue une « plaque tournante » du terrorisme. Après avoir condamné l’attaque terroriste qui a visé un hôtel de Bamako, il a fait observer que l’expansion des trafics illicites de stupéfiants et d’armes, en raison de l’insuffisance des mesures sécuritaires, a affaibli l’état de droit dans les pays concernés. La Jordanie s’est toutefois félicitée des initiatives qui ont été prises au niveau régional, comme le Processus de Nouakchott ou le déploiement de la Force multinationale mixte. Plaidant pour une « stratégie intégrée unifiée », il a estimé que c’était le meilleur moyen de s’assurer que les groupes terroristes soient privés de la possibilité de recruter des combattants au sein de la population civile. À cet égard, il a prévenu que la faible participation des jeunes et des femmes à la vie politique était un problème à résoudre de toute urgence, en pointant également l’absence d’opportunités économiques, qui fait le lit du terrorisme.
Mme JOY OGWU (Nigéria) a souligné les avantages de réunions plus fréquentes du Conseil de sécurité sur la situation au Sahel. Les nombreux défis transnationaux que connaît la région doivent être relevés de manière collective, a-t-elle déclaré. Mme Ogwu a souligné l’efficacité des efforts de l’Équipe spéciale, réunissant plusieurs pays, chargée de lutter contre Boko Haram. Les activités économiques ont repris dans les nombreuses zones libérées de Boko Haram, a-t-elle poursuivi, avant de souligner les efforts de son gouvernement pour consolider les progrès enregistrés.
La déléguée du Nigéria a demandé que des actions concertées soient prises pour lutter efficacement contre le commerce illicite des armes dans la région afin, comme l’a réclamé l’Union africaine, « de faire taire les canons ». Elle a souligné qu’il était nécessaire pour les pays de la région de prendre en main les projets pour la mise en œuvre de la Stratégie intégrée, avant de mentionner les initiatives pour le Sahel menées par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), l’Union africaine ou bien encore l’Union européenne. Ces initiatives doivent être mieux coordonnées et faire fond sur les avantages comparatifs des différents acteurs, a-t-elle affirmé en conclusion.
M. LIU JIEYI (Chine) a estimé que les questions de fond relatives à la situation actuelle au Sahel devraient être abordées par la communauté internationale, tenue d’appuyer les différents pays de la sous-région, en particulier le Mali où les efforts de réconciliation doivent se poursuivre. D’une manière plus générale, le représentant a mis l’accent sur le renforcement des capacités des États et sur la lutte contre le terrorisme, qui doivent également bénéficier d’un appui vigoureux de la part des partenaires internationaux. Les institutions financières internationales, quant à elles, devraient aider les pays à mettre en œuvre leurs stratégies de développement dans le respect de l’appropriation nationale. Le délégué a ainsi annoncé la tenue d’un sommet sur la coopération Chine-Afrique le mois prochain à Johannesburg, où les chefs d’État et de gouvernement se réuniront pour envisager des partenariats avec son pays dans les domaines de l’industrialisation, de la santé publique et de la sécurité, entre autres.
M. CRISTIÁN BARROS MELET (Chili) a souligné la vulnérabilité de la région soumise aux opérations croissantes des organisations terroristes, qui entravent les efforts de paix et la Stratégie intégrée des Nations Unies. Seule une réponse coordonnée permettra d’éviter la prolifération de ces organisations et le renforcement de l’extrémisme violent, a-t-il estimé. Une coordination à la fois aux niveaux régional et mondial s’impose d’urgence, compte tenu de la perméabilité des frontières et de l’étendue des territoires concernés, que les États de la région ne peuvent, à eux seuls, contrôler. Le délégué a donc salué les efforts de la Commission des États membres du Bassin du Lac Tchad et de la Force multinationale conjointe pour lutter contre le terrorisme et appelé les autres pays à s’inspirer de cet exemple.
En outre, la détérioration de la situation complique les interventions humanitaires et de développement, a souligné le représentant du Chili. L’insécurité persistante engendre un couloir de transit jusque vers l’Europe du Nord qu’empruntent les populations pour se mettre à l’abri, s’exposant ainsi à la traite des êtres humains, a-t-il expliqué. La situation d’urgence se double de la plus longue crise humanitaire de ces dernières années, qui a été aggravée par l’insécurité alimentaire et les désastres naturels. C’est pourquoi, a insisté le délégué, il est indispensable, pour y répondre, de renforcer la cohérence des interventions de l’ONU au Sahel et de faciliter ainsi le retour des réfugiés et déplacés.
M. GERARD VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande) a d’abord exprimé ses condoléances au peuple malien, en estimant que les événements de vendredi dernier à Bamako soulignaient l’importance, pour les parties prenantes au processus de paix en cours, de consolider les gains chèrement acquis. Les menaces à la sécurité d’un pays ou d’une région ne se laissent pas arrêter par des frontières, un désert ou même un océan. Si trop souvent le Conseil de sécurité a pu traiter et répondre aux situations isolément les unes des autres, la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel reconnaît que les menaces à la paix et à la stabilité dans cette vaste région sont interconnectées, a relevé le représentant.
Il a dégagé quatre points essentiels: d’abord la coopération militaire entre les États de la région à travers la Force spéciale multinationale des pays de la Commission du Bassin du Lac Tchad, est indispensable pour réduire les activités des groupes terroristes. Il faudrait, dans le même temps, continuer de garantir une assistance humanitaire de long terme pour traiter les causes profondes du conflit et de l’instabilité, comme l’insécurité alimentaire, le chômage ou le manque d’accès à l’éducation. Il faudrait, par ailleurs, mesurer l’impact de l’instabilité continue en Libye sur la sécurité au Sahel, a-t-il poursuivi en exhortant les parties concernées à signer l’Accord politique en vue de la formation d’un gouvernement d’union nationale. Enfin, il a encouragé l’Envoyé spécial à poursuivre son travail de sensibilisation, tout en soulignant que la multitude de stratégies en cours de la part d’un trop grand nombre d’acteurs risquait de saper les efforts entrepris dans la région.
M. ROMÁN OYARZUN MARCHESI (Espagne) a affirmé que la situation dans la région du Sahel était d’une importance particulière pour son pays car, a-t-il dit, le terrorisme qui y sévit est une menace à l’échelle mondiale. Consciente de la nécessité de coopérer étroitement avec les pays de la sous-région pour résoudre les problèmes qui alimentent le terrorisme, l’Espagne investit de manière conséquente au Sahel, a assuré le représentant. Pour lui, l’une des questions fondamentales qui se posent est celle de la cohérence de la Stratégie intégrée pour le Sahel, qui met à l’épreuve la capacité de coordination du système des Nations Unies. C’est pourquoi, il a estimé que le Sahel n’avait plus besoin, à ce stade, de faire l’objet d’« enquêtes » ou de « diagnostics ». Il faut intervenir « dès à présent » en tenant compte des priorités des pays concernés et en particulier du G-5 Sahel, a-t-il recommandé avant de conclure.
M. DAVID PRESSMAN (États-Unis) a condamné l’attaque odieuse qui s’est produite la semaine dernière à Bamako. « Notre travail au Mali est loin d’être achevé », a-t-il dit, avant de rappeler que les choix essentiels devraient être faits par les parties maliennes elles-mêmes. Il a souligné l’importance du dialogue en cours au Mali et souhaité que ces efforts débouchent sur un retour des patrouilles armées dans le nord du pays.
Le délégué a également souligné l’importance d’une bonne gouvernance dans la région et d’une transition pacifique du pouvoir. À cet égard, il a évoqué la situation politique au Burkina Faso. « Face au coup d’État de septembre dernier, le peuple du Burkina Faso s’est élevé contre la décision prise par le dirigeant du pays », a-t-il rappelé, avant de noter que la population se rendait aux urnes dimanche.
Il est important de lutter contre les causes profondes de l’extrémisme religieux, a souligné le délégué des États-Unis, avant d’appuyer le Processus de Nouakchott visant à l’opérationnalisation de l’Architecture africaine de paix et de sécurité dans la région sahélo-saharienne. Le Conseil de sécurité continuera à appuyer les mesures visant à renforcer les capacités des pays de la région du Sahel, a-t-il assuré. Ces pays devraient adopter, a-t-il souhaité, une approche transversale dans la lutte contre le terrorisme. Ce fléau ne pourra pas être vaincu uniquement par les armes, a-t-il prévenu.
M. JULIO HELDER MOURA LUCAS (Angola) a regretté que les membres du Conseil de sécurité n’aient pas pu se mettre d’accord sur les termes d’une déclaration présidentielle sur la Stratégie intégrée des Nations Unies au Sahel. Il les a appelés à être davantage à l’écoute des préoccupations du G-5 Sahel. Soulignant l’importance de l’appropriation nationale, il a estimé que la communauté internationale devrait aider les pays de la sous-région à répondre aux défis auxquels ils font face, notamment la pauvreté extrême. Notant que plusieurs d’entre eux s’apprêtent à organiser des élections, il a prévenu des risques que l’affaiblissement de l’état de droit et l’insécurité font peser sur le bon déroulement de ces scrutins. Au Mali, a relevé le représentant, malgré la signature d’un accord de paix, des terroristes et des extrémistes continuent de provoquer l’instabilité dans le nord du pays et s’en prennent aux forces de sécurité nationales et aux Casques bleus de l’ONU. Il est en outre essentiel, a-t-il ajouté, que les parties libyennes parviennent à former un gouvernement d’entente nationale, avec le soutien des Nations Unies. Le représentant s’est félicité, avant de conclure, de la décision du G-5 de renforcer la coopération de ses États membres en vue d’assurer leur développement économique et d’améliorer la sécurité de leurs frontières communes, qui mérite un appui de la communauté internationale.
M. PETR V. ILIICHEV (Fédération de Russie) a estimé que les États du Sahel jouaient un rôle de premier plan dans la mise en œuvre de la Stratégie intégrée, par le biais notamment de leurs propres mécanismes de coopération. Il a salué les efforts du G-5 Sahel. Il s’est cependant dit préoccupé par l’aggravation des défis sécuritaires au Sahel, région qui est devenue un havre de paix pour les groupes terroristes. Le représentant a ensuite insisté sur les « conséquences terribles » qui ont découlé de l’intervention étrangère en Libye, avant de déplorer le peu de progrès accomplis par le Processus de Nouakchott visant l’opérationnalisation de l’Architecture africaine de paix et de sécurité dans région sahélo-saharienne. L’instabilité politique et la marginalisation économique sont un terreau fertile pour la radicalisation, a-t-il dit. En conclusion, le délégué de la Fédération de Russie a demandé la pleine mise en œuvre de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel.
M. ALEXIS LAMEK (France) a expliqué que la pleine mise en œuvre de la Stratégie des Nations Unies pour le Sahel était une condition sine qua non pour la stabilisation et le développement de la sous-région. Pour sa part, la France y apporte une aide d’un montant de plus de 360 millions d’euros pour la période 2015-2017, dont une partie considérable va aux pays du nord de la sous-région. En outre, la France continue de développer la « stratégie sahélo-saharienne », qui couvre une coopération de la France avec six pays: Sénégal, Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad. Cette stratégie se concentre sur les quatre priorités suivantes: contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations, renforcer les capacités des États pour leur donner les moyens de lutter contre le terrorisme et les grands trafics; lutter contre la radicalisation en soutenant le développement de l’éducation et des médias; et encourager et faciliter la coopération sécuritaire régionale. « Les attaques terroristes du 13 novembre dernier ne font que renforcer notre conviction que la communauté internationale doit s’unir pour lutter contre le terrorisme », a affirmé le représentant. Il a précisé que 3 500 militaires français étaient actuellement déployés au Mali dans le cadre de l’Opération Barkhane et qu’ils avaient ainsi permis d’arrêter 100 terroristes en l’espace d’un an tout en portant un sérieux coup aux bases de ces groupes.
Mme SITI HAJJAR ADNIN (Malaisie) s’est dite préoccupée par la persistance des attaques terroristes dans la région du Sahel, avant d’exprimer l’appui de sa délégation à l’opérationnalisation de la force multinationale mixte contre Boko Haram. Elle a rendu hommage aux soldats ayant perdu la vie dans la lutte contre Boko Haram. La déléguée a regretté qu’à ce jour, 4 millions de personnes sont déplacées dans la région du Sahel, un chiffre qui est en constante augmentation. La situation humanitaire, a-t-elle souligné, est très précaire. Elle a ensuite plaidé pour une action collective robuste afin de relever les nombreux défis que connaît la région, parmi lesquels la circulation des armes, le trafic de stupéfiants ou bien encore le chômage des jeunes. La représentante a souhaité que les pays de la région puissent assurer eux-mêmes la mise en œuvre de la Stratégie intégrée des Nations Unies et que l’examen en cours de cette Stratégie débouche sur des « recommandations concrètes ». À cette fin, a-t-elle dit, l’appui de la communauté internationale est crucial pour les pays de la région.
M. PETER WILSON (Royaume-Uni) a vigoureusement condamné les actes de terrorisme perpétrés ces dernières semaines à travers le monde. Pour sa délégation, c’est le moment pour les pays du Sahel de s’unir dans la lutte contre ce fléau, accusant les groupes extrémistes et terroristes d’aggraver l’instabilité de pays déjà en proie à des défis considérables. Il a ensuite félicité le Gouvernement du Mali de son engagement en faveur de la paix, exhortant toutes les parties à redoubler d’efforts pour rétablir la stabilité dans le pays. Le représentant s’est félicité des progrès accomplis dans la capacité des pays de la sous-région à résoudre les problèmes auxquels elles ont pu se heurter, comme par exemple au Burkina Faso, où une médiation régionale a permis d’apaiser les tensions et d’organiser l’élection présidentielle prévue le 29 novembre. Le représentant britannique s’est dit convaincu que la mise en œuvre des trois volets de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel –gouvernance, sécurité et résilience– demeurait le meilleur moyen d’apporter une paix pérenne et d’assurer le développement des pays de la région.
« Oui, des progrès ont été accomplis par les pays de la région dans la lutte contre le terrorisme », a affirmé l’Envoyée spéciale, en réponse à une question de la représentante de la Lituanie. Elle a néanmoins indiqué que l’acuité du défi du terrorisme demandait de nouveaux efforts, avant de déplorer que la proposition de doter son Bureau d’un Conseiller spécial sur le terrorisme n’ait pas été suivie d’effet. « L’appui d’un Conseiller spécial aurait été très apprécié. »
« J’ai l’impression que les États Membres ont l’impression que l’ONU n’en fait pas assez au Sahel », a-t-elle dit, en répondant à une observation du représentant de la Chine. Elle a rappelé que son Bureau devrait relever des défis structurels, dont le règlement demande un certain temps. « Tout en veillant à gagner la confiance des pays de la région, mon Bureau a lancé neuf projets à l’échelle régionale qui devraient avoir un effet visible dans peu de temps », a-t-elle promis, en ajoutant que 10 autres projets avaient été lancés au niveau national. L’Envoyée spéciale a assuré que son Bureau faisait de son mieux avec des capacités réduites. Les efforts entrepris visent à prévenir les défis de la région et non pas à régler des conflits actuels.