Conseil de sécurité: l’Iraq doit surmonter ses divisions politiques et engager d’ambitieuses réformes, plaide le Représentant spécial, M. Jan Kubiš
Dans un Iraq instable menacé par les divisions politiques, les difficultés budgétaires et une situation de conflit, le Gouvernement iraquien doit continuer à mettre en œuvre d’ambitieuses réformes répondant aux besoins de la population et à lutter contre Daech, a déclaré, ce matin devant le Conseil de sécurité, le Représentant spécial du Secrétaire général pour ce pays, M. Jan Kubiš.
Venu présenter le rapport* trimestriel du Secrétaire général sur les activités de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI), qu’il dirige, M. Kubiš a rappelé qu’un an après sa formation, le Gouvernement du Premier Ministre Haider al-Abadi était aux prises avec une opposition de plus en plus contestatrice.
« La semaine dernière, le Conseil des Représentants avait décidé, à l’unanimité, d’empêcher le Gouvernement iraquien d’adopter des réformes cruciales qui auraient empiété sur la séparation des pouvoirs entre les trois branches gouvernementales et la Constitution », a relevé M. Kubiš.
Parallèlement, les réformes déjà en cours sur les plans sécuritaire, social, budgétaire et humanitaire ne sont pas à la hauteur des attentes de la population, qui continue pourtant, dans sa majorité, d’accorder sa confiance au Premier Ministre, également soutenu par le très influent ayatollah Ali al-Sistani.
Mais, au lieu de voir aboutir les efforts du Chef du Gouvernement pour promouvoir la réconciliation nationale et rallier la communauté sunnite au processus politique en cours, nous avons assisté à des tentatives d’obstruction par des éléments issus de toutes les composantes iraquiennes, a déploré le Représentant spécial.
« J’exhorte le Gouvernement iraquien, ainsi que ses partenaires étrangers, y compris les institutions financières régionales et internationales, à prendre des mesures urgentes », a déclaré le Représentant spécial, qui a assuré de l’impact positif que pourraient avoir sur les blocages actuels des progrès vers une solution politique en Syrie.
Des divergences entre Bagdad et Erbil, la capitale du Kurdistan iraquien, ont également émaillé la période considérée, a poursuivi M. Kubiš, en citant la question du partage des ressources et des revenus pétroliers et les discussions budgétaires pour l’exercice 2016.
De même, de profonds désaccords ont été signalés entre les principales formations politiques du Kurdistan iraquien, au risque de mettre en péril l’unité de cette région considérée de longue date comme une « source de stabilité et de développement » dans le pays. M. Kubiš les a donc encouragées à s’engager dans un dialogue inclusif afin de présenter un front uni contre Daech.
Le Représentant spécial s’est félicité des succès remportés contre le groupe terroriste, au cours de ces trois derniers mois, par les Forces de sécurité iraquiennes, alliées aux Forces de mobilisation populaire et aux volontaires issus de tribus, notamment à Baiji, qui est « désormais placé sous le contrôle du Gouvernement ».
La Coalition internationale a amélioré son soutien auprès des Forces de sécurité iraquiennes et des Peshmergas, s’est également félicité le Chef de la MANUI. Il a également indiqué qu’une cellule commune de renseignement avait été ouverte à Bagdad, conjointement par le Gouvernement iraquien, la Fédération de Russie, l’Iran et la Syrie.
« Et pourtant, Daech continue de posséder les moyens financiers et militaires de prolonger son règne de terreur sur de larges portions du territoire », a déploré le Représentant spécial.
Face à une crise humanitaire extrêmement préoccupante, les Nations Unies ont dû, faute de financement suffisant, mettre fin ou restructurer ses programmes à destination des personnes déplacées, a constaté le Représentant spécial. « Dans la mesure où l’immense majorité de ces populations veulent rester en Iraq, le meilleur moyen de les y encourager est de fournir une aide humanitaire sur place. Elles seront dès lors moins tentées de fuir vers des pays tiers, en particulier vers l’Europe. »
Ces Iraquiens déplacés seraient au nombre de 3 millions, « en raison du contrôle exercé par Daech sur certaines zones », a précisé, de son côté, le représentant de l’Iraq, qui a assuré que son gouvernement s’attachait à créer des conditions propices à leur retour.
Pour M. Mohamed Ali Alhakim, la victoire contre le terrorisme ne sera possible que grâce aux efforts concertés de tous les acteurs internationaux. À la lumière des progrès accomplis récemment dans la stabilisation de Tikrīt, le Représentant spécial a indiqué, pour sa part, qu’il incombait aux autorités iraquiennes de promouvoir la bonne gouvernance et l’état de droit dans les zones reprises à Daech.
Par ailleurs, le Représentant spécial s’est réjoui de l’« atmosphère positive » et de la « coopération étroite » régnant entre l’Iraq et le Koweït en ce qui concerne la question des Koweitiens et ressortissants d’États tiers portés disparus ainsi que des biens koweïtiens disparus, notamment les archives nationales.
Venu également présenter un rapport** du Secrétaire général à ce sujet, M. Kubiš a toutefois estimé que les mesures prises jusqu’à présent étaient insuffisantes. Il a ainsi encouragé l’Iraq à s’acquitter de ses obligations en dépit des graves problèmes financiers auxquels le pays est confronté.
Soulignant la détermination de son pays d’aller de l’avant, le représentant iraquien a remercié le Koweït d’avoir accepté le report du paiement des réparations, d’un montant total de 4,6 milliard de dollars, jusqu’au 1er janvier 2017.
S’agissant, enfin, de la question des résidents du camp d’Hurriya, cible d’une nouvelle attaque meurtrière le 29 octobre dernier, le Représentant spécial s’est dit convaincu que la seule solution pour garantir la sécurité de « ses résidents » était leur réinstallation dans des pays tiers. C’est pourquoi, il a lancé un appel à tous les États Membres pour qu’ils envisagent de les accueillir.
* S/2015/819
** S/2015/826