7549e séance – matin
CS/12105

Conseil de sécurité: la Procureure de la Cour pénale internationale demande la remise de Saif Al-Islam Qadhafi et s’alarme des crimes commis par Daech en Libye

La Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Mme Fatou Bensouda, présentant son dernier rapport aux membres du Conseil de sécurité concernant la Libye, a demandé, aujourd’hui, aux autorités libyennes de remettre à la Cour pénale internationale (CPI), dans les plus brefs délais, Saif Al-Islam Qadhafi, qui est visé par un mandat d’arrêt délivré le 27 juin 2011.  Les autorités de son pays sont engagées à s’acquitter de leurs obligations internationales, a assuré le représentant libyen, après que les 15 membres du Conseil ont pris la parole. 

Mme Bensouda s’est également dite alarmée par les attaques commises par les différentes parties en Libye, y compris l’armée nationale libyenne et Daech, ce dernier étant responsable du plus grand nombre de victimes civiles recensées dans le pays.  Les auteurs de ces crimes pourraient être traduits soit devant les juridictions nationales, soit devant la CPI, a affirmé la Procureure.

La Procureure a commencé son exposé en soulignant la lueur d’espoir que suscite la création d’un gouvernement d’entente nationale en Libye.  « Une ère de redevabilité et d’État de droit semble être à la portée des mains des Libyens », a-t-elle estimé.  Mme Bensouda a ensuite détaillé les derniers éléments des affaires portées à l’encontre de Saif Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi.

Les autorités libyennes n’ont pas respecté leur obligation de remettre Saif Qadhafi à la Cour, a-t-elle déploré, en insistant pour qu’il soit transféré à La Haye dans les plus brefs délais.  Plusieurs délégations, dont celle de la France, ont appuyé cet appel, en demandant que le Conseil de sécurité fasse davantage d’efforts pour que cela soit fait sans tarder.

Mme Bensouda a ensuite rappelé que son Bureau avait demandé à la Cour d’enjoindre à la Libye de ne pas exécuter Saif Qadhafi, avant de préciser que les autorités libyennes avaient assuré la Cour que cette condamnation à mort n’était pas applicable car Saif Qadhafi avait été jugé par contumace.  Le 28 juillet dernier, la Cour d’assises de Tripoli avait condamné à mort le fils de l’ancien dirigeant libyen et Abdullah Al-Senussi, au terme d’un procès qui, selon le rapport présenté ce matin, n’aurait pas respecté les principes fondamentaux garantissant un procès équitable.  Le délégué de la Nouvelle-Zélande a ainsi regretté la condamnation à mort de Saif Qadhafi.

En ce qui concerne l’affaire Al-Senussi, la Procureure a rappelé la décision de la Chambre préliminaire I relative à l’irrecevabilité devant la Cour.  Le Bureau n’est actuellement pas en mesure d’affirmer avec certitude que les raisons pour lesquelles cette affaire a été jugée irrecevable peuvent être infirmées, a-t-elle déclaré, tandis que le représentant de l’Espagne a estimé « que cette décision d’irrecevabilité pourrait être revue ».

« Les autorités libyennes sont engagées à s’acquitter de leurs obligations internationales, même si la Libye n’est pas partie au Statut de Rome », a répondu le représentant libyen, tout en faisant remarquer que le Bureau du Procureur général libyen, qui se trouve en territoire contrôlé par les milices, était confronté à de sérieuses contraintes.  « Le Gouvernement libyen estime que l’on ne peut pas parler de procès équitable quand ce procès se déroule dans une zone contrôlée par des groupes hors la loi et violents. »

Citant les attaques perpétrées par les parties en Libye, y compris l’armée nationale libyenne, Daech ou autres « acteurs internationaux », Mme Bensouda a fait observer qu’au cours de la période considérée, 634 incidents et au moins 1 539 civils avaient été tués.  Elle a affirmé que Daech était responsable du plus grand nombre de ces morts et que 26 des 37 attaques-suicide enregistrées lui étaient imputables.  Les auteurs de ces crimes, a-t-elle estimé, pourraient être poursuivis tant par les autorités libyennes que par le Bureau du Procureur de la CPI.

Partageant ce point de vue, la représentante des États-Unis a souligné que « la justice doit être rendue pour les atrocités commises en 2011 en Libye mais aussi pour les crimes perpétrés actuellement par les groupes affiliés à Daech ».  Elle a encouragé les États à poursuivre les combattants terroristes étrangers qui sont enrôlés dans les rangs de Daech, dont la « cruauté des actes » a notamment été condamnée par le représentant de l’Espagne.

Répondant au représentant du Tchad qui déplorait « les trainements inhumains auxquels les migrants africains sont soumis en Libye en raison de leur appartenance raciale ou religieuse », M. Ibrahim Omar Ali Dabbashi a soutenu que la couleur de la peau ne signifiait rien en Libye puisque beaucoup de Libyens sont noirs et que de « nombreux frères africains vivent et travaillent sous la protection de familles libyennes ».

LA SITUATION EN LIBYE

Déclarations

Mme FATOU BENSOUDA, Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), a souligné les progrès qui ont été faits en Libye sur la voie de la paix et de la stabilité grâce, notamment, à la création d’un gouvernement d’entente nationale.  Le dialogue national en cours est un espoir pour une transition et une paix durables, a-t-elle dit, avant de se féliciter également des pourparlers fructueux qui se sont tenus pour résoudre la question de Tawergha.

« Une ère de redevabilité et d’état de droit semble être à la portée des mains des Libyens », a-t-elle affirmé.  Elle a, de même, souligné que la communauté internationale ne saurait rester inactive en Libye alors que le pays glisse vers le chaos et l’instabilité.  Réitérant la volonté de son Bureau d’enquêter sur les atrocités commises en Libye, elle a rappelé que son Bureau avait sollicité auprès des États parties des ressources pour mener des enquêtes additionnelles.  Il semblerait que ces ressources ne seront pas débloquées, a-t-elle déploré, en soulignant qu’il était important pour le bon fonctionnement de son Bureau de disposer des ressources nécessaires.  Elle a ainsi exhorté le Conseil à appuyer son Bureau afin qu’il obtienne ces ressources, en application de l’article 115(b) du Statut de Rome.

Abordant le cas de M. Saif Al-Islam Qadhafi, elle a indiqué que les autorités libyennes n’avaient pas respecté leur obligation de remettre ce dernier à la Cour.  La Libye doit remettre M. Qadhafi dans les plus brefs délais, a-t-elle dit.  La Procureure s’est dite cependant très préoccupée par les vidéos montrant des actes de torture subis par M. Qadhafi et M. Al-Senussi à la prison Al-Habda, tout en précisant que les autorités libyennes l’avaient assurée qu’elles enquêtaient sur ces actes.

Rappelant que son Bureau avait demandé à la Chambre préliminaire I d’enjoindre à la Libye de ne pas exécuter M. Qadhafi, Mme Bensouda a indiqué que la Libye avait répondu que la condamnation à mort de ce dernier n’était pas applicable puisqu’il avait été jugé par contumace.  Les autorités libyennes ont reconnu qu’elles n’avaient pas la garde de M. Qadhafi, a-t-elle dit, en se référant à leur lettre du 20 août 2015.

En ce qui concerne M. Al-Senussi, le Bureau du Procureur continue de suivre le dossier et de collecter des informations aux fins d’identifier de nouveaux faits pouvant justifier une demande de réexamen de la décision de la Chambre préliminaire I relative à l’irrecevabilité devant la Cour.  Elle a précisé que le Bureau n’était actuellement pas en mesure d’affirmer avec certitude que les raisons pour lesquelles cette affaire avait été jugée irrecevable pouvaient être infirmées.

Mme Bensouda s’est dite préoccupée par les attaques commises par toutes les parties libyennes, y compris l’armée nationale libyenne, Daech et des « acteurs internationaux », causant la mort de civils.  Sur la période considérée, 634 incidents et au moins 1 539 civils tués dans des circonstances violentes ont été recensés, a-t-elle dit, en affirmant que Daech était responsable du plus grand nombre de ces morts.  Elle a précisé que 26 des 37 attaques-suicide enregistrées étaient le fait de Daech.  Elle a fait observer que Daech exécute des personnes pour des chefs d’espionnage, d’homosexualité et d’activisme social.  Mme Bensouda a rappelé que les auteurs de ces crimes pouvaient être poursuivis au niveau national ou devant la CPI.

La poursuite de la coopération, de la coordination et de la consultation entre mon Bureau et les autorités libyennes demeure cruciale pour l’application de l’accord conclu en novembre 2013 sur le partage du fardeau relatif aux enquêtes et poursuites diligentées en Libye, a déclaré Mme Bensouda.  Elle a encouragé les efforts du Procureur général de la Libye pour coopérer avec la Cour et dit son appréciation des efforts de coopération d’États parties et non parties et des organisations internationales.  Elle a souligné qu’il était nécessaire de renforcer les capacités nationales de la Libye pour répondre aux crimes identifiés par le Statut de Rome par le biais de la formation d’un groupe de contact international sur les questions judiciaires.  Les avancées récentes enregistrées en vue de la création d’un gouvernement d’entente nationale pourraient permettre une revitalisation des discussions sur cette question dans un futur proche, a déclaré Mme Bensouda.

« J’appelle tous les autres États, qui ne l’ont pas encore fait, à coopérer avec mon Bureau », a-t-elle conclu, en soulignant que certaines personnes pour lesquelles son Bureau a un intérêt se trouvaient hors de la Libye. 

M. KAYODE LARO (Nigéria) s’est félicité de l’échange d’informations entre le Bureau du Procureur de la Libye et la CPI, en plaidant pour une coopération davantage renforcée dans la lutte commune qu’ils mènent contre l’impunité.  Rappelant que la Chambre d’appel avait confirmé la recevabilité de l’affaire Saif Al-Islam Qadhafi devant la Cour, le représentant a ainsi demandé à la Libye, État partie au Statut de Rome, de s’acquitter de son obligation de le remettre à la Cour, conformément aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité.  Le délégué a ensuite condamné les exécutions et enlèvements documentés dans le rapport, commis par Daech et d’autres, en appelant au cessez-le-feu en Libye.  Il a également engagé les milices à déposer leurs armes et à prendre part au dialogue politique, en soulignant l’importance de former un gouvernement d’entente nationale en Libye.  Le Nigéria s’est déclaré inquiet de constater que l’insuffisance des ressources financières à disposition de la Cour pourrait compliquer la tâche du Bureau du Procureur à mener ses enquêtes.

M. JULIO HELDER MOURA LUCAS (Angola) a regretté le manque de progrès dans la mise en œuvre du mémorandum d’accord qui définit les paramètres de la coopération entre le Bureau du Procureur et les autorités libyennes.  En outre, le manque de ressources financières, comme les conditions sécuritaires, entravent la capacité du Bureau du Procureur à enquêter et à poursuivre les auteurs de crimes commis depuis 2011 et à offrir des garanties de procédure équitable.  Il s’est déclaré préoccupé par les informations concernant des actes de torture commis pendant les interrogatoires, ainsi que par l’état « déplorable » du système judiciaire libyen.  Le représentant a par ailleurs réaffirmé le soutien de l’Angola aux efforts déployés par la communauté internationale pour aider les parties à parvenir à un règlement politique, en les encourageant à adhérer à l’accord du 8 octobre, conclu sous les auspices du Représentant spécial du Secrétaire général.

M. CRISTIÁN BARROS MELET (Chili) s’est dit préoccupé par l’escalade de la violence en Libye, en réaffirmant que justice et responsabilité devaient aller de pair pour garantir l’instauration d’une paix durable dans le pays.  Il a condamné les actes de violence énumérés par la Procureure dans son rapport.  Pour sa délégation, c’est un « devoir » d’insister sur la nécessité de coopérer avec la CPI et son Procureur.  Aussi, a-t-elle rappelé à la Libye son obligation d’honorer ses obligations en vertu du Statut de Rome, auquel son pays est partie.  Le représentant a donc demandé que M. Saif Al-Islam Qadhafi soit remis à la Cour, et exigé qu’Abdullah Al-Senussi reçoive des garanties de procédures régulières, sous peine de voir la justice bafouée.  Enfin, a-t-il dit, des ressources suffisantes doivent être mises à la disposition de la Cour.

M. TCHOULI GOMBO (Tchad) a souhaité que les allégations d’actes de torture commis contre M. Qadhafi et M. Al-Senussi soient clarifiées par les autorités libyennes.  Il s’est dit préoccupé par les condamnations à mort prononcées en juillet dernier contre eux, avant d’appeler les autorités libyennes à coopérer avec la Cour pour faire en sorte que les personnes concernées bénéficient d’un procès équitable. Il a noté la décision du Bureau du Procureur de collecter de nouvelles informations en ce qui concerne l’affaire Al-Senussi.  Le représentant a appelé toutes les parties libyennes à œuvrer afin de mettre fin au conflit en Libye et de restaurer l’autorité de l’État.  Il a indiqué que des milliers de personnes étaient pris en étau par les combats, avant de déplorer que des migrants africains soient soumis à des trainements inhumains en Libye en raison de leur appartenance raciale ou religieuse.  Enfin, il a appelé le Conseil de sécurité et les États parties à appuyer le travail du Bureau du Procureur.

M. GERARD VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande) a souligné qu’une solution politique au conflit en Libye était vitale.  Le nombre de morts violentes ne cesse d’augmenter et les combats dans le sud du pays ont forcé le déplacement de 12 000 personnes en moins de quatre mois, a-t-il fait remarquer.  Les attaques contre des lieux de culte et hôpitaux et contre les minorités, comme l’indique clairement la Procureure dans son rapport, sont perpétrées par toutes les parties au conflit, a-t-il ajouté.  Par ailleurs, il est clair que l’EIIL/Daech et des groupes associés jouent un rôle particulièrement néfaste et destructeur en Libye, a constaté le représentant.  Par conséquent, la Procureure a exigé que les États traduisent en justice leurs ressortissants nationaux qui font partie de ces groupes en tant que combattants étrangers, ce qui fait écho à la position prise par le Conseil de sécurité sur cette question dans sa résolution 2178 (2015), a rappelé M. Van Bohemen. 

Au-delà de l’obligation de traduire en justice leurs ressortissants, les États ont également une obligation d’assistance mutuelle dans les enquêtes criminelles et en termes d’échange d’informations.  Pour le représentant de la Nouvelle-Zélande, la situation est d’autant plus compliquée que l’instabilité et l’absence de contrôle de l’État sur de larges parties de la Libye rendent l’application de la loi difficile.  Le travail de la Procureure est freiné à la fois par une situation sécuritaire difficile et par un manque de ressources suffisantes, a-t-il poursuivi.  C’est pourquoi, il a estimé que le Conseil de sécurité devrait soutenir les mandats qu’il donne à la Cour et les questions de financement devraient être transférées à l’Assemblée générale.

Il est ensuite revenu sur l’affaire Al-Senussi, que la Procureure suit depuis son retour en Libye pour des poursuites judiciaires.  M. Van Bohemen a indiqué que sa délégation s’attend à ce que M. Al-Senussi fasse appel et exhorte donc les autorités libyennes à tenir compte des exigences en matière de droits de la défense.  Par ailleurs, il s’est dit préoccupé par le fait que ces autorités aient refusé de remettre M. Saif Al-Islam Qadhafi devant la Cour pénale internationale et que la Cour d’assises de Tripoli l’ait condamné à la peine de mort.  Il a insisté sur les obligations de la Libye envers la CPI, comme le demande une résolution du Conseil de sécurité. 

M. RAFAEL RAMIREZ CARREÑO (Venezuela) a souligné qu’en sa qualité d’État partie à la CPI depuis 2002, le Venezuela défendait le renforcement de cette institution et l’efficacité de son fonctionnement.  C’est pourquoi, il a invité les pays qui ne l’ont pas encore fait à adhérer au Statut de Rome afin de réaliser son universalisation.  Le représentant s’est ensuite déclaré préoccupé par la célérité accordée à certaines affaires pour des motifs politiques, ainsi que par l’intervention du Conseil de sécurité dans le renvoi d’affaires à la CPI, comme celles concernant la Libye.  La politisation a un effet négatif sur le rôle de la CPI, dont l’autonomie, l’indépendance, l’objectivité et l’impartialité pourraient être affectées, a prévenu le représentant.

L’instabilité politique résultant de l’effondrement de l’État provoqué par l’intervention militaire de pays de l’OTAN en 2011 a sérieusement touché l’État de droit en Libye, en particulier son système judiciaire, a affirmé le représentant du Venezuela, en citant les exécutions sommaires, les cas de torture sur des membres de la famille Qadhafi, les disparitions et le harcèlement contre des défenseurs des droits de l’homme.  Il a ainsi rejeté la condamnation à mort de M. Saif Al-Islam Qadhafi en juillet dernier, en l’absence de garanties d’un procès équitable, et a appelé les autorités libyennes à coopérer avec la CPI afin de transférer M. Qadhafi à La Haye et à appliquer la résolution 1970 du Conseil de sécurité.  Il a aussi rappelé qu’un dialogue politique inclusif et l’établissement d’un gouvernement d’entente nationale constituaient le socle d’un État de droit avec des institutions judiciaires solides, garantes des droits de l’homme.

M. NERINGA JUODKAITĖ PUTRIMIENĖ (Lituanie) s’est dit profondément préoccupé par la situation en Libye, en particulier par les abus des droits de l’homme et les violations du droit international humanitaire.  Il a appelé toutes les parties au conflit à faire preuve de retenue et à cesser les violences.  Il a également dénoncé les menaces que subissent les défenseurs des droits de l’homme, les journalistes et les médias sur le territoire libyen et demandé à la Procureure de la CPI de suivre cette situation de près.

Pour sa délégation, les crimes « barbares » commis par Daech en Libye, et les groupes qui y sont associés, notamment les exécutions de masse, sont passibles devant la Cour pénale internationale.  Le délégué a salué les efforts de la Procureure visant à attirer l’attention sur le sort des personnes déplacées et, en particulier, la situation des Tawerghans.  À cet égard, il a salué la réunion du Comité conjoint Tawergha/Misrata, qui a eu lieu à Tunis en septembre dernier, et l’accord qui en a résulté en vue de développer des stratégies de retour et de réparation pour le préjudice subi, ce qui est, a-t-il dit, un élément important pour la réconciliation nationale.  Le délégué a également salué le dialogue en cours sur la coopération et le partage des responsabilités entre le Gouvernement libyen et le Bureau du Procureur en vue de lutter contre l’impunité.

Le représentant a également remercié la Procureure pour la mise à jour qu’elle a fournie dans son rapport concernant les affaires Saif Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi.  Il a appelé les autorités libyennes à s’acquitter de leurs obligations en vertu du Statut de Rome et à remettre M. Qadhafi à la CPI.  Pour ce qui est du verdict et des sentences annoncés en juillet dernier par la Cour d’assises de Tripoli contre M. Saif Al-Islam Qadhafi et d’autres membres de l’ancien régime libyen, le représentant a exhorté la Libye à veiller à ce que ces mesures n’affectent pas ses responsabilités et son obligation de coopérer avec la CPI.

Mme MICHELE J. SISON (États-Unis) a jugé fondamental que les parties en Libye mettent sur pied un gouvernement d’entente nationale.  Cela permettrait de remettre la Libye sur la voie de la stabilité, a-t-elle dit.  La représentante a jugé que l’absence de mécanismes de redevabilité en Libye avait laissé le champ libre aux milices qui avaient pu, dès lors, commettre de graves violations des droits de l’homme.  Elle a condamné dans les termes les plus forts les agressions commises contre les défenseurs des droits de l’homme et les ONG.  Les auteurs de telles violations doivent être traduits en justice, a-t-elle déclaré.  La déléguée a ajouté que la justice devrait être rendue pour les atrocités commises en 2011 en Libye mais aussi pour les crimes perpétrés actuellement par les groupes affiliés à Daech.  Elle a encouragé les États à poursuivre les combattants terroristes étrangers qui sont enrôlés dans les rangs de Daech.  La Libye doit coopérer avec la CPI et remettre M. Qadhafi à la Cour, a-t-elle conclu.

M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a regretté de constater qu’en dépit du renvoi de la situation en Libye devant la CPI, la justice n’ait toujours pas été rendue dans ce pays.  En dépit des allégations d’actes de torture dont le Bureau du Procureur s’est fait l’écho, il a noté que le rapport concluait à l’absence d’éléments suffisants pour demander le réexamen de la recevabilité de l’affaire Al-Senussi.  Il a également pris note du fait que la Procureure évoque dans son rapport des « atrocités criminelles ».  Or, a-t-il relevé, le Statut de Rome ne prévoit pas une telle catégorie de crimes.  Il faudrait donc s’en tenir aux termes agréés par les États parties au Statut, a recommandé la Fédération de Russie.  En conclusion, la délégation a souhaité que la Procureure tienne compte de l’importance du rétablissement des institutions étatiques en Libye.

« Nous ne devons pas tolérer l’impunité », a affirmé M. JUAN MANUEL GONZÁLEZ DE LINARES PALOU (Espagne).  Il a souligné que la communauté internationale ne devrait pas rester inactive face aux atrocités commises en Libye, avant de condamner la cruauté qui caractérise les agissements de Daech.  Il a noté les derniers développements des affaires concernant MM. Al-Senussi et Qadhafi, avant de demander à la Libye de remettre M. Qadhafi à la CPI.  Il a également souligné que le Bureau continuait de suivre le dossier Al-Senussi et de collecter des informations aux fins d’identifier de nouveaux faits pouvant justifier une demande de réexamen de la décision de la Chambre préliminaire I relative à l’irrecevabilité devant la Cour.  Cette décision d’irrecevabilité, a-t-il dit, pourrait être revue.  Prenant note de la pénurie des ressources à disposition de la Cour, il a rappelé que les coûts afférents au travail de la Cour devraient être pris en charge par les seuls États parties au Statut de Rome.  Il n’existe pas de solution militaire en Libye, a-t-il rappelé, avant d’exhorter les parties à parvenir à un accord mettant en place un gouvernement d’entente nationale.

M. MAHMOUD DAIFALLAH MAHMOUD HMOUD (Jordanie) a salué les efforts consentis par le Gouvernement libyen pour coopérer avec le Bureau du Procureur dans le cadre de son enquête et, d’une manière générale, a encouragé tous les États parties au Statut de Rome à coopérer avec la Cour.  La Libye, a-t-il constaté, est aujourd’hui confrontée à des défis redoutables, qui se posent également aux pays voisins, où sévissent des groupes armés nés de l’effondrement du régime de Mouammar Qadhafi.  Ce pays doit continuer d’œuvrer à la reconstruction d’un État de droit, a encouragé le représentant.  Dans ce contexte, a-t-il ajouté, la communauté internationale se doit de soutenir les autorités libyennes actuelles en vue de fonder une « nouvelle Libye démocratique » souveraine sur son territoire.

Mme SITI HAJJAR ADNIN (Malaisie) s’est dit préoccupée par les crimes graves commis par tous les belligérants en Libye.  Rien ne laisse penser que la situation va s’améliorer, a-t-elle dit, avant de condamner les attaques à la bombe commises par Daech.  La représentante de la Malaisie a souligné qu’il était important de traduire les auteurs de telles atrocités en justice.  Les efforts de la Libye pour coopérer avec la Cour sont tributaires d’un retour de la stabilité dans le pays, a-t-elle estimé.  Elle a ensuite appelé les parties libyennes à finaliser un accord politique en vue de former un gouvernement d’entente nationale.  La déléguée de la Malaisie s’est dite convaincue qu’un tel gouvernement représenterait une étape décisive dans les efforts visant à combattre l’impunité et à promouvoir l’état de droit en Libye.

M. YONG ZHAO (Chine) a souhaité le rétablissement des institutions de l’État en Libye, en appelant les parties à former un gouvernement d’entente nationale avec le soutien de la communauté internationale.  Le représentant a ensuite rappelé la position de principe de la Chine selon laquelle les organes de justice internationaux doivent respecter pleinement la souveraineté nationale des pays concernés.

M. TANGUY STEHELIN (France) a souligné que la coopération de la Libye avec la Cour pénale internationale était cruciale pour mettre un terme à une longue période d’impunité, en rappelant que la demande de la Libye selon laquelle M. Saif Al-Islam Qadhafi et M. Abdullah Al-Senussi doivent être jugés par un tribunal libyen.  La Cour s’étant déclarée compétente pour juger M. Saif Al-Islam Qadhafi, le représentant a déclaré que sa condamnation à mort par la Cour d’assises de Tripoli du 28 juillet 2015 était doublement regrettable et que le Conseil de sécurité devrait faire davantage d’efforts pour assurer la remise de M. Qadhafi à la Cour.  Quant à Abdullah Al-Senussi, dont l’affaire a été jugée irrecevable devant la Cour, le 11 octobre 2013, car elle faisait l’objet d’une enquête nationale, la France s’est jointe aux inquiétudes exprimées concernant les allégations de torture à son encontre qui, si elles étaient avérées, pourraient justifier une réouverture de l’affaire sur le fondement des articles 17 et 19 du Statut de Rome.  Le représentant a noté qu’en dépit de l’instabilité en Libye, la Procureure parvenait à échanger avec le Procureur général libyen et à mettre en œuvre le protocole d’entente sur le partage des tâches entre la Cour et les autorités libyennes signé en 2013, ce qui est un signe positif à encourager.

S’agissant des crimes imputables aux membres du  Daech mentionnés dans le rapport de la Procureure, le représentant a appelé de ses vœux une saisine de la CPI et a encouragé la Procureure à poursuivre ses investigations sur ces crimes.

En ce qui concerne la nécessité de soutenir concrètement les autorités libyennes, en particulier dans le domaine de la justice et de la reconstruction d’un État de droit, le représentant a déclaré que cet objectif rendait d’autant plus urgent d’aboutir à la formation d’un gouvernement d’entente nationale.  Il a exhorté les parties à endosser l’accord politique conclu récemment après d’intenses négociations pour former un gouvernement, seule voie, a-t-il dit, pour permettre le retour de la paix et de la stabilité en Libye.  À cet égard, il s’est réjoui de la nomination de M. Martin Kobler au poste de Représentant spécial du Secrétaire général pour la Libye et a réaffirmé le plein soutien de la France à la médiation onusienne en Libye.

M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni) a exprimé, lui aussi, ses préoccupations quant aux allégations d’actes de violence signalés dans le rapport présenté, ce matin, par la Procureure de la Cour pénale internationale, Mme Fatou Bensouda.  « La violence doit cesser car, a-t-il insisté, il n’y a pas de solution militaire à cette crise. ».  Pour sa délégation, la formation d’un gouvernement d’entente nationale représente sans aucun doute le meilleur moyen de rétablir l’état de droit en Libye.  C’est la raison pour laquelle il a appuyé les efforts actuellement déployés en ce sens sous l’égide du Représentant spécial du Secrétaire général.  Dans ce contexte, la lutte contre l’impunité jouera un rôle significatif, a souligné M. Rycroft.  Par ailleurs, a-t-il dit, le Royaume-Uni regrette que M. Saif Al-Islam Qadhafi n’ait toujours pas été remis à la Cour.  Avant de conclure, M. Rycroft a indiqué que sa délégation avait pris note de l’insuffisance des ressources à disposition du Bureau du Procureur pour mener ses enquêtes.

M. IBRAHIM O. A. DABBASHI (Libye) a déclaré qu’il n’avait pas grand-chose à ajouter par rapport à la déclaration qu’il avait faite devant le Conseil de sécurité sur ce sujet, le 12 mai dernier.  Il a tenu cependant à réaffirmer l’importance du principe de complémentarité entre la compétence de la CPI et celle des autorités libyennes, et ce, même si la Libye n’est pas partie au Statut de Rome.  Les autorités libyennes sont engagées à s’acquitter de leurs obligations internationales, malgré les contraintes auxquelles fait face le Bureau du Procureur général libyen qui se trouve en territoire contrôlé par les milices.

Le Gouvernement libyen estime que l’on ne peut parler de procès justes quand ces procès se déroulent dans des zones contrôlées par des groupes hors la loi.  Aucun Gouvernement libyen ne sera capable de garantir que justice soit rendue tant que la capitale Tripoli sera occupée par des milices hors la loi.  Aucun gouvernement, a-t-il affirmé, ne pourra mener ses efforts à bien tant qu’il ne travaillera pas dans la sécurité.  Il s’est félicité de la coopération entre le Bureau du Procureur de la CPI et le Procureur général de la Libye.

Certains membres de ce Conseil ont fait mention de discriminations raciales en Libye, a noté le délégué.  « Cela est inexact », a-t-il dit.  La différence de couleur de peau ne signifie rien en Libye, d’autant plus que de nombreux Libyens sont noirs, a-t-il fait remarquer.  Ces rumeurs, a-t-il précisé, avaient commencé lorsque Mouammar Qadhafi avait enrôlé des personnes issues de pays subsahariens pour lutter contre la révolution.  « De nombreux frères africains vivent et travaillent sous la protection de familles libyennes », a-t-il soutenu avant de conclure.

 

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