M. Edmond Mulet plaide pour une solution politique au Darfour et demande la levée les obstacles qui entravent l’action de la MINUAD
Estimant que la situation sécuritaire au Darfour demeurait « précaire et imprévisible », le Sous-Secrétaire général aux opérations de maintien de la paix, M. Edmond Mulet, a affirmé, aujourd’hui, devant le Conseil de sécurité, que seul un accord politique entre le Gouvernement du Soudan et les mouvements armés permettra de régler le conflit au Darfour de manière durable.
Il a également exhorté le Gouvernement du Soudan à lever les restrictions entravant la bonne exécution du mandat de l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD), qui est maintenant confrontée à des « défis opérationnels considérables ». De son côté, le représentant du Soudan, M. Omar Dahab F. Mohamed, a estimé que les incidents au Darfour ne reflétaient pas « la présence d’un conflit interne, tel que défini par le droit international » et souligné les « préoccupations croissantes » concernant la pertinence de la Mission.
« La situation sécuritaire au Darfour demeure précaire et imprévisible », a affirmé M. Mulet, qui présentait le rapport* du Secrétaire général sur l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD). Les forces du Gouvernement soudanais, a-t-il indiqué, ont enregistré des succès militaires importants sur les mouvements armés non signataires dans le cadre de la deuxième phase de son opération contre-insurrectionnelle, baptisée « Été décisif », de décembre 2014 à juin 2015. Ces opérations, a-t-il fait remarquer, ont conduit au déplacement de 104 000 nouvelles personnes.
En revanche, il n’y a pas eu de pause dans les conflits intercommunautaires qui demeurent une source majeure d’instabilité au Darfour, a poursuivi M. Mulet. Un tiers des pertes en vies humaines et 40% des déplacements enregistrés cette année résultent de ces affrontements, a-t-il précisé. Si le Gouvernement soudanais a essayé de contenir la violence par le déploiement rapide des forces de sécurité, il n’a pas été remédié aux causes profondes du conflit, liées à l’utilisation et la gestion des ressources naturelles et à l’impunité des auteurs de violence, a déploré M. Mulet.
Faisant le point sur les négociations, le Sous-Secrétaire général a mentionné le décret pris le 28 septembre par le Président Omar Al-Bashir déclarant une cessation des hostilités de deux mois au Darfour et dans les États du Kordofan méridional et du Nil bleu. Ce décret pardonne en outre, et sans conditions, les membres de l’opposition politique et armée soudanaise ayant décidé de participer au processus de Dialogue national. Le 18 octobre, le Front révolutionnaire du Soudan a décrété sa propre cessation des hostilités, pour une période de six mois, au Darfour et dans les deux zones, conformément à la feuille de route du 14 septembre.
« Ces signes positifs n’ont néanmoins pas réduit le niveau de défiance entre les deux parties », a-t-il néanmoins convenu. Le 10 octobre, le Président Al-Bashir a lancé le Dialogue national sans la participation des principaux groupes d’opposition armés et non armés, tout en réaffirmant son engagement en faveur de discussions visant l’établissement d’un cessez-le-feu permanent.
De son côté, l’opposition politique et armée soudanaise a réitéré son boycott du processus en l’absence d’un dialogue véritable, a indiqué M. Mulet. Il a ajouté que cette dernière avait affirmé sa volonté de participer aux rencontres relatives au Dialogue national et à la cessation des hostilités qui se tiendront à Addis-Abeba, en Éthiopie, sous les auspices de l’Union africaine, du 16 au 19 novembre prochain.
S’agissant de la situation humanitaire, le Sous-Secrétaire général a déclaré que la MINUAD et les acteurs humanitaires faisaient face à des « défis opérationnels considérables » au Darfour. Le Gouvernement du Soudan continue d’entraver les déplacements aériens et terrestres de la Mission, en particulier dans les zones de conflit, en invoquant une situation sécuritaire très précaire, a-t-il dit.
M. Mulet a indiqué que les retards ou les refus dans la délivrance de visas et des documents autorisant l’envoi de conteneurs, y compris de rations alimentaires, faisaient obstacle à la mise en œuvre du mandat de la MINUAD. « Aucun progrès n’a été enregistré sur la question des visas depuis mon dernier exposé devant le Conseil de sécurité, il y a deux semaines. » Il a également souligné la recrudescence, au cours de ces quatre derniers mois, des attaques visant la MINUAD, en particulier celle ayant causé la mort d’un Casque bleu sud-africain à Mellit, dans le nord du Darfour, le 27 septembre.
« Malgré ces obstacles considérables, la Mission reste résolue dans l’application de ses priorités stratégiques », a noté le Sous-Secrétaire général, en mettant l’accent sur les efforts de la Mission en faveur du dialogue intercommunautaire et de la mise en œuvre du Document de Doha pour la paix au Darfour. Il a rappelé que le Président Al-Bashir avait annoncé la tenue d’un referendum visant à déterminer le statut administratif du Darfour pour le mois d’avril 2016.
« Le règlement global du conflit au Darfour, permettant le retour de plus de 2,6 millions de personnes déplacées, passe, d’abord et avant tout, par un accord politique entre le Gouvernement du Soudan et les mouvements armés », a tenu à préciser M. Mulet. Les rencontres d’Addis-Abeba doivent se dérouler comme prévu. Le Gouvernement du Soudan doit, a-t-il insisté, lever toutes les restrictions qui entravent les déplacements du personnel de la Mission, en particulier dans les zones de conflit, et régler la question de la délivrance des visas, « afin de permettre à la Mission d’exécuter efficacement son mandat ».
Prenant la parole à son tour, le représentant du Soudan, M. Omar Dahab F. Mohamed, a tout d’abord regretté les incidents qui ont pris pour cibles des membres du personnel de la MINUAD, « commis, selon lui, par les auteurs de vols à main armée et de pillages ». Ces incidents, examinés à l’aune du mandat de la Mission de protéger les civils et de son droit à l’autodéfense, justifient les « préoccupations croissantes » quant à la pertinence de la Mission, a-t-il estimé.
Le représentant a rejeté les « accusations », selon lesquelles le Gouvernement soudanais aurait mis un frein à la délivrance des visas aux membres du personnel de la MINUAD. La question du dédouanement des cargos de vivres à Port-Soudan, a-t-il dit, aurait pu être résolue si la MINUAD avait respecté la règlementation en vigueur.
Sur le plan politique, le représentant soudanais a exprimé sa « profonde préoccupation » quant au manque supposé de progrès vers une « solution pacifique » du conflit. Pour lui, la réitération faite par le Secrétaire général au Gouvernement soudanais et aux mouvements armés au Darfour de reprendre immédiatement les pourparlers directs « sans conditions préalables » est un autre motif d’inquiétude.
Il a en effet estimé que l’adhésion au Document de Doha pour la paix au Darfour était une condition préalable dont personne ne doit être exonérée. « Y renoncer ne signifierait rien d’autre qu’une récurrence du cycle de violences et un retour à un conflit à durée indéfinie », a averti le représentant du Soudan. Les incidents constatés au Darfour, a-t-il assuré, « ne reflètent pas la présence d’un conflit interne, tel que défini par le droit international ».