7543e séance – matin
CS/12098

« Nous ne devons pas rester indifférents devant les terribles conséquences du conflit en Syrie », prévient le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires

Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Stephen O’Brien, a dressé, aujourd’hui, devant le Conseil de sécurité, un tableau très sombre de la situation humanitaire en Syrie, pays qui vit « une tragédie difficilement imaginable il y a cinq ans ».  « Nous ne devons pas rester indifférents devant les terribles conséquences du conflit en Syrie », a-t-il exhorté, en soulignant qu’à ce jour, 13,5 millions de personnes ont besoin de l’aide humanitaire.  Le représentant de la Syrie s’est également exprimé pour dénoncer « ceux qui veulent porter atteinte au régime syrien et pactisent avec le démon du terrorisme ».

M. O’Brien, qui présentait le vingtième rapport* du Secrétaire général sur l’application des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014) et 2165 (2014), a fait le point sur l’application de ces résolutions par toutes les parties au conflit en Syrie.  Il a ainsi insisté sur « le mépris, mois après mois », des parties pour la résolution 2139 (2014) dont l’objectif est d’assurer la protection des civils pris dans les combats et d’assurer un accès sans entrave de l’aide humanitaire aux personnes qui en ont « un besoin désespéré ».

« La situation en Syrie, a-t-il indiqué, s’est, de toute évidence, aggravée depuis le début de la guerre. »  La tragédie et le désespoir que vivent les Syriens, a-t-il dit, étaient difficilement imaginables, il y a cinq ans.  À ce jour, 13,5 millions de personnes ont besoin d’une protection humanitaire dans le pays sous une forme ou sous une autre, ce qui représente « une augmentation de 1,2 million de personnes en 10 mois à peine » . « Plus de 6 millions d’entre elles sont des enfants », a déploré M. O’Brien.  

Le Secrétaire général adjoint a précisé qu’il y avait désormais 6,5 millions de personnes déplacées en Syrie, tandis que 4,2 millions de Syriens ont fui leur pays, dont plus de 300 000 étaient arrivés en Europe en 2015 après avoir traversé la mer Méditerranée.

Selon les dernières estimations, a indiqué M. O’Brien, plus de 120 000 personnes ont été déplacées depuis début octobre au nord de la Syrie en raison des offensives terrestres menées par les parties, y compris les 45 000 personnes déplacées de la région sud d’Alep.  Dans cette ville, les forces progouvernementales et les groupes de l’opposition armée non étatique ont continué leurs bombardements de zones peuplées de civils, faisant des centaines de victimes en septembre.  Plus de 1,2 million de personnes ont été déplacées depuis le début de l’année, un grand nombre pour la deuxième ou troisième fois, a poursuivi le Secrétaire général adjoint.  

« Malgré nos efforts, nous n’avons pu atteindre en 2015 qu’une petite partie des 4,5 millions de personnes vivant dans des zones difficiles d’accès, en raison des combats, des modifications des lignes de front, d’obstacles bureaucratiques et des conditions imposées par les parties », a regretté le Secrétaire général adjoint.

M. O’Brien a estimé à 393 700 le nombre de personnes vivant dans des zones assiégées en Syrie, dont 200 000 personnes assiégées par Daech à Deir el-Zor, 181 200 par les forces gouvernementales syriennes, notamment dans la Ghouta orientale et à Daraya et 12 500 personnes par les groupes de l’opposition armée non étatique et le Front el-Nosra à Foah et Kefraya.  L’accès aux zones assiégées demeure très largement insuffisant, a estimé M. O’Brien, en précisant que les Nations Unies n’avaient été capables d’apporter un soutien médical seulement à 3,6% des personnes et une assistance alimentaire à 0,5% d’autres personnes dans le besoin. 

Le Secrétaire général adjoint a ensuite fait le point sur les opérations humanitaires menées dans le cadre du cessez-le-feu signé à Istanbul le 22 septembre 2015 concernant les villes de Zabadani, Madaya, Foah et Kefraya.  « Au 18 octobre, 31 camions ont acheminé l’aide médicale et humanitaire à 29 500 personnes à Madaya, ainsi que dans les zones assiégées de Zabadani, Foah et Kefraya », a-t-il dit.  « Ces opérations complexes montrent une fois de plus que lorsqu’il y a une volonté politique il est possible d’améliorer le sort des civils pris au piège dans le conflit en Syrie », a-t-il affirmé.

M. O’Brien a noté que seulement 23 des 85 demandes d’affrètement de convois avaient été autorisées, en principe, par le Ministère des affaires étrangères de la Syrie.  À peine la moitié de ces convois a réussi à se mettre en route en raison de l’absence d’une autorisation finale de la part des autorités syriennes, d’un refus de passage sûr de la part des groupes de l’opposition et de l’insécurité, a regretté M. O’Brien.  « Nous ne devons pas rester indifférents à ces terribles conséquences du conflit en Syrie, a prévenu le Secrétaire général adjoint, en évoquant l’ampleur des chiffres et l’impasse politique. »

Comme l’hiver approche, compliquant une situation déjà grave, il est urgent de trouver une solution politique à la crise syrienne qui remédierait à ses causes profondes et répondrait aux aspirations du peuple syrien, a insisté M. O’Brien.  « J’exhorte le Conseil de sécurité et les États Membres concernés à continuer d’exercer leur influence auprès des parties afin qu’elles s’acquittent de leurs obligations en vertu du droit international humanitaire, fassent une distinction claire entre civils et combattants et prennent toutes les mesures possibles pour éviter de nouvelles pertes en vies humaines », a-t-il ajouté.

S’exprimant à son tour, le représentant de la Syrie a demandé que l’on change la manière dont la situation en Syrie est examinée.  Tout d’abord, il faut s’attaquer au terrorisme, soutenu par des « forces étrangères » et qui, selon lui, représente la cause principale de la crise qui déchire son pays.  Les résolutions pertinentes du Conseil doivent être mises en œuvre, a-t-il rappelé.  « Ceux dont le seul intérêt est de porter atteinte au régime syrien et pactisent avec le démon du terrorisme créent une situation absurde, qui est à l’origine de l’afflux de dizaines de milliers de terroristes dans le pays », a-t-il affirmé.

Le représentant syrien a tenu à faire remarquer que Daech et le Front el-Nosra n’avaient pas surgi ex nihilo.  « Ils ont été financés, armés et formés par les gouvernements de certains États », a-t-il déclaré, en dénonçant le Qatar et l’Arabie saoudite.  Le délégué syrien a également ironisé sur le fait que les États-Unis ont dépensé un milliard de dollars dans le cadre d’un programme de formation et d’équipement de l’opposition modérée, dont cinq soldats à peine ont bénéficié.

Le succès d’une solution politique doit passer par un dialogue entre Syriens « sans ingérence étrangère », comme le prévoit le Communiqué de Genève, a-t-il poursuivi.  Il a rappelé que le Gouvernement syrien avait annoncé il y a quelques semaines son accord pour participer au Groupe de travail dirigé par l’Envoyé spécial de l’ONU, M. Staffan de Mistura.  « Le problème, ce sont les autres parties », a-t-il dit, avant de dénoncer « les omissions et contre-vérités » contenues dans le rapport du Secrétaire général dont est saisi aujourd’hui le Conseil de sécurité.

 

*     S/2015/813

 

 

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