L’annonce de pourparlers directs entre les Houthis et le Gouvernement du Yémen est une lueur d’espoir « pour ce pays à feu et à sang », selon l’Envoyé spécial de l’ONU
L’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen, M. Ismail Ould Cheikh Ahmed, a dressé, aujourd’hui, devant le Conseil de sécurité, un tableau très sombre de la situation au Yémen, « pays à feu et à sang », et dont la population est prise au piège « d’une guerre sans merci ». Il a néanmoins insisté sur la « lueur d’espoir » que constitue l’engagement des Houthis et, dernièrement, du Gouvernement du Yémen de se joindre à des pourparlers de paix, dont la date et le format doivent encore être définis. La représentante de la Lituanie, en sa qualité de Présidente du Comité créé par la résolution 2140 (2014), s’est également exprimée, au cours de cette séance, pour faire le point sur les activités du Comité et l’application des sanctions concernant le Yémen.
« Le Yémen est à feu et à sang et la population yéménite se trouve dans une situation catastrophique », a affirmé d’emblée l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour le Yémen. « Les Yéménites se voient privés de leurs droits les plus élémentaires et sont pris au piège d’un différend politique et d’une guerre sans merci ». M. Ould Cheikh Ahmed a regretté que les pourparlers de paix, qui s’étaient ouverts à Genève, n’aient pas abouti et que les consultations, qu’il avait annoncées au Conseil le mois dernier, aient été annulées. « Ces occasions manquées pèsent lourdement sur le bien-être des Yéménites et sur l’avenir de leur pays », a souligné l’Envoyé spécial, avant d’ajouter que ces derniers étaient aujourd’hui confrontés à « une spirale toujours plus négative de violence et de misère ».
Les groupes extrémistes, a-t-il averti, tirent rapidement profit du conflit. Il a ainsi dénoncé l’attaque perpétrée le 6 octobre par Daech contre le siège du Gouvernement à Aden. L’Envoyé spécial a expliqué que les attaques contre des mosquées étaient devenues monnaie courante au Yémen, pays autrefois réputé pour sa tolérance. « Plus la guerre continuera, plus les groupes extrémistes renforceront leur présence en profitant du chaos et d’un accès facile aux armes. » M. Ould Cheikh Ahmed a précisé que 80% de la population yéménite avaient un besoin urgent d’aide humanitaire et que plus de 500 000 enfants souffraient de malnutrition sévère. Seulement 1% des livraisons habituelles de carburant avaient pu être livrées en septembre, a-t-il dit.
En dépit de ce tableau très sombre, l’Envoyé spécial a insisté sur les facteurs de nature à susciter l’espoir au Yémen, en citant tout d’abord la récente tenue d’une conférence de femmes yéménites à Larnaca, au cours de laquelle les participantes ont demandé aux parties au conflit de revenir à la table des négociations. Elles ont également décidé de créer une « Alliance des femmes pour la paix et la sécurité », s’est-il félicité.
« Je suis resté en contact avec les dirigeants des Houthis et du Congrès général du peuple et je les ai encouragés à accepter la résolution 2216 (2015) comme base d’un règlement négocié du conflit », a poursuivi l’Envoyé spécial. Il a précisé que ces deux parties s’étaient « clairement » engagées à mettre en œuvre cette résolution, « y compris le retrait progressif des principales villes du Yémen et une remise de toutes les armes lourdes aux autorités de l’État ». M. Ould Cheikh Ahmed a ensuite mentionné les nombreux échanges qu’il a eus, au cours de ces derniers mois, avec les dirigeants de la région, notamment ceux d’Arabie saoudite.
« J’ai le plaisir d’annoncer que le Président Hadi a informé le Secrétaire général dans une lettre datée du 19 octobre de son intention d’envoyer une délégation pour participer à des pourparlers de paix afin de négocier le règlement du conflit sur la base de la résolution 2216 (2015) », a-t-il dit. L’Envoyé spécial a assuré qu’il allait immédiatement travailler avec le Gouvernement du Yémen, les Houthis et autres parties prenantes pour définir la date et le format de ces premiers pourparlers directs.
« Les négociations que j’ai proposées sont basées sur la résolution 2216 (2015) et visent à un règlement négocié des principaux éléments de ladite résolution, y compris le retrait des milices des principales villes, la libération des prisonniers, la remise des armes lourdes saisies à l’armée, l’amélioration de la situation alimentaire et la reprise d’un dialogue politique inclusif », a expliqué M. Ould Cheikh Ahmed. Il a également précisé que ces éléments avaient été clairement arrêtés pour que le pays s’engage de nouveau dans la voie ouverte par l’Initiative du Conseil de coopération du Golfe et les décisions de la Conférence de dialogue national.
L’Envoyé spécial a, enfin, formé l’espoir que ces discussions ouvrent un nouveau chapitre dans l’histoire du Yémen, avant de rappeler qu’il ne saurait y avoir de solution militaire au conflit. « Mais cette première lueur d’espoir doit être protégée et alimentée », a-t-il insisté, en faisant observer qu’il y avait encore des divergences profondes entre les différentes parties. Estimant qu’un appui était crucial, M. Ould Cheikh Ahmed a exhorté le Conseil à encourager les parties à s’engager dans ces pourparlers « de bonne foi et animés par le désir sincère de mettre fin au conflit ».
La représentante de la Lituanie, Mme Raimonda Murmokaitė, a fait le point sur les activités du Comité des sanctions contre le Yémen, créé par la résolution 2140 (2014), en sa qualité de Présidente de ce Comité, et rappelé les éléments des différentes résolutions adoptées par le Conseil relatives au Yémen, en particulier la résolution 2216 (2015). Celle-ci met en place un embargo ciblé pour empêcher la fourniture, la vente et le transfert directs ou indirects d’armes au profit d’individus nommément désignés, ou de ceux agissant pour leur compte ou sur leurs ordres, et élargit le mandat du Groupe d’experts afin d’y inclure la surveillance dudit embargo, a précisé la Présidente du Comité.
Les membres du Comité réaffirment qu’ils sont déterminés à faciliter la mise en œuvre des travaux du Groupe d’experts et exhortent les États à geler les avoirs des individus précités ou des entités agissant en leur nom, a-t-elle assuré. Mme Murmokaitė a insisté sur les efforts visant à améliorer la transparence des travaux du Comité, en rappelant, à cet égard, la séance du Comité du 1er septembre 2015, qui était ouverte à tous les États Membres. En conclusion, la Présidente du Comité a exhorté les États Membres à s’acquitter de leurs obligations découlant des résolutions du Conseil et à coopérer davantage avec le Groupe d’experts.