Le Représentant spécial plaide pour un retrait progressif, « non précipité », de la MONUSCO afin de préserver les avancées réalisées en RDC
« La neutralisation des groupes armés dans l’est de la RDC est un impératif régional pour parachever la paix et la sécurité », estime l’Envoyé spécial pour la région des Grands Lacs
S’exprimant pour la dernière fois en sa qualité de Représentant spécial pour la République démocratique du Congo (RDC), M. Martin Kobler a plaidé, aujourd’hui devant le Conseil de sécurité pour un retrait progressif, « non précipité », de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (MONUSCO). « Je ne peux pas dire avec certitude si les progrès enregistrés sont durables et si le spectre de la violence ne pourra pas ressurgir et annuler ce qui a été accompli jusqu’à présent », a expliqué M. Kobler, qui est également le Chef de la Mission.
Invités à s’exprimer au cours de cette réunion du Conseil, l’Envoyé spécial pour la région des Grands Lacs a partagé le constat dressé par M. Kobler en affirmant que la neutralisation des différents groupes armés qui sévissent dans l’est de la République démocratique du Congo était « un impératif régional », tandis que le représentant de la RDC a, quant à lui, souligné la « montée en puissance » des forces armées de son pays et demandé « un retrait conséquent de la composante militaire de la MONUSCO ».
« Les graines d’un Congo stable, sécurisé et résilient ont déjà été semées », a estimé le Représentant spécial, qui présentait le dernier rapport du Secrétaire général sur la MONUSCO*. Faisant le bilan des deux dernières années qu’il a passées en RDC, M. Kobler a toutefois indiqué qu’il ne pouvait dire avec certitude si les progrès enregistrés étaient durables et si le spectre de la violence ne pourrait pas ressurgir.
Le Représentant spécial a expliqué que les tensions politiques étaient vives dans le pays en prévision des élections présidentielle et législatives prévues pour novembre 2016. « La conduite d’élections pacifiques, crédibles et dans les temps opportuns enverra le signal clair que la République démocratique du Congo est un pays qui respecte sa Constitution », a affirmé M. Kobler.
S’appuyant sur le rapport du Secrétaire général, le Chef de la MONUSCO a exhorté le Gouvernement congolais à remédier sans tarder aux divergences au sujet du calendrier électoral et au manque de ressources financières. « Rien ne doit entraver la tenue dans les délais des élections présidentielle et législatives telles que prévues par la Constitution. »
Concernant la situation en matière de sécurité, il a indiqué que les membres de l’ancien Mouvement du 23 mars (ex-M23), défait militairement, se trouvaient toujours au Rwanda et en Ouganda, et que les efforts de réintégration menés dans le cadre des Déclarations de Nairobi avaient été vains. « C’est une bombe à retardement qui doit être désamorcée de toute urgence », a-t-il averti.
S’il s’est félicité de l’affaiblissement des Forces démocratiques alliées (ADF) dans les zones où elles sévissaient, « même si elles sont loin d’être vaincues », le Représentant spécial a, en revanche, estimé que les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) demeuraient le principal obstacle au processus de paix dans l’est de la RDC. « Il n’y a pas de doute là-dessus, 1 100 éléments des FDLR continuent de commettre de nombreux actes de meurtre, de viol, de mutilation, entre autres crimes », a-t-il dit.
M. Kobler a affirmé que la « seule solution efficace à la situation sécuritaire » était la conduite d’opérations conjointes entre la MONUSCO et les Forces armées de la RDC (FARDC), avant de regretter que le Président Kabila n’ait pas donné son feu vert pour de telles opérations.
La stratégie de retrait de la Mission, a expliqué le Représentant spécial, dépend des progrès tangibles enregistrés sur le terrain. « Nous ne pouvons, et ne devons pas partir à la hâte », a-t-il affirmé. Loin de s’améliorer, la situation sécuritaire, a-t-il fait remarquer, s’est détériorée dans 21 des 28 territoires touchés par les affrontements.
« L’accomplissement de notre objectif partagé d’un retrait graduel, sans remettre en cause les gains enregistrés, demande des discussions structurées plus approfondies entre le Gouvernement de la RDC, les Nations Unies et la communauté internationale », a convenu M. Kobler, en plaidant « pour un retrait progressif et non précipité, de la Mission ».
Tout comme M. Kobler, l’Envoyé spécial pour la région des Grands Lacs, M. Said Djinnit, a appelé à la reprise conjointe des opérations entre les FARDC et la MONUSCO contre tous les groupes armés dans l’est de la RDC et singulièrement les FDLR. « La neutralisation des groupes armés dans l’est de la RDC est une nécessité pour le Gouvernement congolais et un impératif régional afin de parachever la paix et la sécurité dans cette région », a affirmé M. Djinnit, qui présentait le dernier rapport du Secrétaire général sur la mise en œuvre de l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération pour la RDC et la région**.
Cette mise en œuvre, qui a certes enregistré quelques progrès, restait marquée par des défis, a estimé M. Djinnit. Il a ainsi regretté les efforts infructueux en vue du rapatriement des ex-combattants du M23, en coopération avec l’Ouganda et le Rwanda, « car les ex-M23 ont continué à évoquer des questions de sécurité pour s’opposer à leur rapatriement ».
L’Envoyé spécial a également souhaité l’accélération du rapatriement au Rwanda des ex-combattants FDLR qui, a-t-il dit, sont cantonnés dans les camps de transit en RDC. Dans ce contexte, l’Envoyé spécial s’est félicité de la réunion à la fin septembre entre les Ministres de la défense de la RDC et du Rwanda. « Cette rencontre constitue un pas important dans les relations entre la RDC et le Rwanda », a-t-il affirmé.
« Depuis sa signature en février 2013, l’Accord-cadre a indiscutablement permis des avancées significatives en vue de la stabilisation de l’est de la RDC, y compris la neutralisation des M23 », a résumé M. Djinnit. Expliquant que les défis liés aux processus électoraux dans différents pays de la région avaient contribué à diminuer l’attention portée à l’Accord-cadre, il a promis d’engager, dans les mois à venir, les pays signataires et garants de cet Accord-cadre « afin de redonner de l’élan à sa mise en œuvre ».
De son côté, le Représentant permanent de la RDC auprès des Nations Unies, M. Ignace Gata Mavita, a expliqué que l’application des déclarations de Nairobi avait été essentiellement ralentie par la « mauvaise foi de l’ex-M23 ». Estimant que seul son pays mettait en œuvre ces déclarations, il a appelé les autres parties, « particulièrement celles qui hébergent les combattants de l’ex-M23 », à traduire leurs engagements en actes.
« La montée en puissance des Forces armées congolaises et l’efficacité des opérations contre les FDLR ont abouti à la neutralisation considérable de cette force négative », a ensuite assuré le représentant, en estimant à 334 le nombre de combattants des FDLR qui restent encore à neutraliser. « Même les autorités rwandaises reconnaissent les progrès remarquables accomplis pour mettre fin à la menace », a-t-il dit.
Sur le plan politique, M. Gava Mavita a estimé que l’organisation des élections marquait la confirmation d’une rupture définitive avec la spirale de la violence et de l’instabilité. Tout est mis en œuvre pour relever « le défi d’élections respectueuses de tous les standards internationaux en matière d’inclusivité, de transparence, de crédibilité, et ce, dans un climat apaisé », a-t-il promis.
Enfin, le représentant de la RDC a reconnu que les pourparlers entre son pays et l’ONU en vue d’une stratégie de retrait de la Mission étaient « au point mort ». Son gouvernement souhaite que la présence onusienne sur le territoire congolais soit « reconsidérée », a-t-il rappelé. « Le dialogue stratégique en cours avec l’ONU doit déboucher sur une recommandation de retrait conséquent de la composante militaire de la MONUSCO », a conclu M. Gava Mavita.
*S/2015/741; **S/2015/735