Conseil de sécurité: le Chef des affaires humanitaires se dit « en colère » face à l’incapacité de la communauté internationale de protéger les Syriens
Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, M. Stephen O’Brien, a présenté au Conseil de sécurité, ce matin, un exposé sur la situation humanitaire en Syrie, appelant la communauté internationale à « faire davantage » pour protéger les civils dans un conflit qui, a-t-il dit, a déjà fait « plus d’un quart de million de morts et plus d’un million de blessés ».
De retour de Syrie, M. O’Brien a confié qu’il était « difficile de trouver les mots pour décrire avec justesse la profondeur de la souffrance que les Syriens endurent au quotidien ». « J’ai quitté le pays profondément attristé et scandalisé », a-t-il déclaré, avant d’ajouter: « Je suis en colère, parce que nous, la communauté internationale, nous ne sommes ni autorisés ni capables de faire davantage pour protéger les Syriens qui ont plus que jamais besoin de notre soutien sans faille ».
Le Secrétaire général adjoint a ainsi demandé instamment aux membres du Conseil de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour mettre fin à cette crise. « Avec toute la volonté du monde, l’action humanitaire ne peut pas être un substitut à l’action politique. Le Conseil doit exercer un leadership pour pousser à une solution politique. »
M. O’Brien avait entamé son intervention en égrenant les chiffres terribles de la situation humanitaire consécutive au conflit syrien. « Quelque 7,6 millions de personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays. Pour cette seule année, plus d’un million de personnes ont dû fuir. Plus de 4 millions de personnes ont traversé les frontières en quête désespérée de survie et d’avenir, plaçant les pays et communautés d’accueil sous pression, « jusqu’à un point, aujourd’hui, de rupture ».
« Au nom, à la fois, de la sécurité et de l’humanité, nous devons trouver une meilleure façon, plus durable pour la communauté internationale dans son ensemble, de partager le fardeau en accueillant des réfugiés syriens », a affirmé le Coordonnateur des secours d’urgence.
La violence a continué d’augmenter à travers le pays, a expliqué M. O’Brien. « Les attaques indiscriminées et ciblées par toutes les parties au conflit ont fait des morts, détruit des infrastructures, tandis que l’accès à des services de base, comme l’eau, a été refusé à des centaines de milliers de Syriens. »
Les 12 et 16 août, a-t-il rappelé, des frappes aériennes des forces gouvernementales ont visé un marché à Duma, tuant plus de 100 personnes et faisant beaucoup de blessés. Cette attaque a eu lieu quelques jours après le bombardement aveugle de Damas par des groupes armés non étatiques, a-t-il précisé, avant de faire état d’une série d’autres bombardements contre des civils.
« Le mépris total des parties pour la vie humaine et la survie n’a apparemment aucune limite », a estimé le Secrétaire général adjoint. « Les attaques contre des civils sont illégales, inacceptables et doivent cesser », a-t-il poursuivi, lançant un appel à toutes les parties engagées dans la lutte contre la violence pour qu’elles protègent les civils. « Toutes les parties impliquées dans des violations du droit international humanitaire doivent être tenues pour responsables », a ajouté M. O’Brien.
« La destruction des infrastructures civiles a continué au cours de la période considérée. Des groupes armés non étatiques et des groupes terroristes ont délibérément coupé l’accès aux services essentiels tels que l’eau et l’électricité. De tels actes violent le droit international humanitaire et doivent cesser immédiatement. »
Malgré un environnement de plus en plus difficile, des millions de personnes continuent de recevoir une aide. Au cours de la première moitié de 2015, les agences onusiennes et les organisations non gouvernementales ont fourni une aide alimentaire à 5,9 millions de personnes en moyenne par mois; des médicaments et d’autres biens à 9 millions de personnes; de l’eau et de l’assainissement à plus de 5 millions de personnes; et des articles essentiels de secours à plus de 4 millions de personnes.
Le Secrétaire général adjoint s’est néanmoins dit « particulièrement préoccupé » par l’accès très limité aux 4,6 millions de personnes vivant dans des zones difficiles à atteindre et assiégées. Les parties au conflit continuent de restreindre fortement l’accès à ces zones. Il a également exprimé son extrême préoccupation à l’égard de la situation des réfugiés palestiniens en Syrie.
M. O’Brien a indiqué que lors de sa visite en Syrie, il avait discuté avec des représentants gouvernementaux de haut niveau de la nécessité de renforcer la protection des civils et la réponse humanitaire globale. Il a dit avoir exhorté le Gouvernement à accorder un accès complet et sans entrave à toutes les personnes dans le besoin, où qu’elles se trouvent.
Le Coordonnateur des secours d’urgence a annoncé qu’il se rendrait également en Turquie et en Jordanie en septembre afin d’évaluer par lui-même les efforts d’intervention en cours pour répondre aux besoins des réfugiés et des communautés que ces deux pays accueillent.
« La proie, c’est nos peuples », a lancé, de son côté, le représentant de la République arabe syrienne, M. Bashar Al-Jaafari, dénonçant en particulier le terrorisme, « qui détruit la civilisation, le patrimoine culturel ».
Pour l’Ambassadeur syrien, la visite de M. O’Brien dans son pays « n’est qu’un préambule pour placer les choses dans le bon chemin en vue de renforcer une coopération transparente avec l’ONU dans le domaine humanitaire ».
M. Jaafari a dit espérer la poursuite des discussions avec l’ONU « pour le bien de la Syrie et des Syriens », exprimant à cet égard l’engagement de son gouvernement à favoriser « l’accès de l’assistance humanitaire à ceux qui en ont besoin ».
Selon M. Jaafari, « les souffrances du peuple syrien ne peuvent prendre fin avec la seule assistance humanitaire ». Le délégué syrien a en outre vivement critiqué « les ingérences étrangères dans son pays sur les plans économique, politique et militaire », lesquelles sont la « cause principale », à ses yeux, de la poursuite de la crise humanitaire en Syrie. « On ne pourra mettre fin à cette situation humanitaire sans mettre fin à cette ingérence grossière », a-t-il observé.
Le représentant a dénoncé les bombardements de populations civiles par des « groupuscules militaires dits modérés » et certains membres du Conseil de sécurité qui demeurent, selon lui, « silencieux devant leurs crimes ».
Il a ainsi fait état d’une « campagne médiatique » visant à protéger l’« opposition militaire modérée », avant de brandir devant les membres du Conseil de sécurité le quotidien « New York Times » et l’article qu’il a consacré, il y a deux jours, à un « allié des États-Unis en Syrie », le groupe Ahrar al-Sham.
« Le Gouvernement syrien ne peut rester silencieux lorsque des terroristes visent les populations civiles, comme à Damas, à Alep ou dans d’autres villes », a-t-il souligné, ajoutant que l’armée syrienne agissait « conformément au droit international pour protéger les civils et contrer ces attaques ».