Conseil de sécurité: le Président Salva Kiir est sur le point de signer l’accord de paix proposé par l’IGAD, annonce la Chef de la Mission de l’ONU au Soudan du Sud
La Représentante spéciale du Secrétaire général et Chef de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) a annoncé aujourd’hui aux membres du Conseil de sécurité que le Président sud-soudanais, M. Salva Kiir, devrait signer demain, 26 août, l’Accord de paix proposé par l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD Plus) auquel avaient déjà adhéré, le 17 août dernier, le Mouvement/Armée populaire de libération du Soudan dans l’opposition (M/APLS) et les anciens détenus*.
Mme Ellen Margrethe Løj, qui est intervenue avant le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires (OCHA) et le Président du Comité des sanctions imposées au Soudan du Sud, a prévenu que l’accord ne sera qu’un premier pas. La paix, la sécurité et la prospérité ne viendront pas en une nuit et le processus nécessitera un effort concerté et constant de la part des acteurs nationaux et des partenaires internationaux. Il faudra aussi prêter attention à l’éventail des conflits intercommunautaires et autres qui, dans certains États, sont tout simplement aussi violents que les luttes politiciennes. En jetant les bases d’une paix et d’un développement à long terme, nous devons trouver les moyens d’aider le peuple sud-soudanais à s’attaquer aux moteurs du conflit, a-t-elle insisté.
L’accord implique un certain nombre de tâches importantes pour la MINUSS mais aussi d’autres activités qui nécessiteront son soutien. En orientant la Mission vers ces tâches, a voulu la Représentante spéciale, il faudra être prudent et ne pas retirer leurs ressources aux composantes essentielles du mandat actuel. Les quatre piliers dudit mandat à savoir, la protection des civils, la surveillance de la situation des droits de l’homme, la création des conditions favorables à l’acheminement de l’aide humanitaire et l’appui à la mise en œuvre de l’accord sur la cessation des hostilités, seront « essentiels » pour créer un environnement dans lequel la paix peut s’enraciner.
La Représentante spéciale a en effet parlé d’une situation humanitaire « terrible » et sur le front des droits de l’homme, elle s’est dite profondément choquée par le non-respect de la vie humaine. Son homologue des affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, qui était au Soudan du Sud, du 22 au 25 juillet, a attiré l’attention du Conseil de sécurité sur la portée et le niveau de cruauté qui caractérisent les attaques contre les civils et qui révèlent « un gouffre d’antipathie allant bien au-delà des divergences politiques ».
M. Stephen O’Brien a indiqué qu’à cette date, plus de 2,2 millions de personnes ont fui de chez eux, soit une augmentation de 200 000 depuis le début de cette année. Plus de 1,6 million de personnes sont déplacées, tandis que plus de 616 000 autres sont parties vers les pays voisins. Près de 200 000 déplacés ont trouvé refuge dans les bases de la Mission, contre 121 000, il y a seulement quatre mois. L’énorme afflux de déplacés et les tensions politiques, ethniques et tribales qu’il entraîne, sans compter les activités criminelles, soulignent une nouvelle fois le caractère « intenable » de ces sites à long terme, a prévenu la Chef de la MINUSS.
Pour aider à relever les défis humanitaires, la communauté internationale devrait, selon le Coordonnateur des secours d’urgence, faire pression sur les parties au conflit pour qu’elles protègent les civils et luttent contre l’impunité; appeler toute personne ayant une influence sur les parties à faire en sorte que la réponse humanitaire ne soit pas entravée; assurer un financement adéquat aux opérations humanitaires, sachant que seulement la moitié des besoins du Plan d’intervention humanitaire de 2015 a jusqu’ici été assurée, et d’abord et avant tout, obtenir une cessation « crédible » des hostilités suivi d’un accord de paix durable.
Ce qui s’est passé le 17 août dernier, a rappelé le Président du Comité des sanctions imposées au Soudan du Sud**, n’est que la dernière de la dizaine de fois où l’une ou l’autre partie ne s’est pas tenue au délai fixé, au niveau international, pour la fin du conflit. Si toutes les parties signaient un accord, la question primordiale ne serait pas seulement celle de sa mise en œuvre et de la fin de la violence, mais aussi celle de la promotion de la réconciliation nationale et d’un règlement politique inclusif et durable, y compris l’établissement des responsabilités pour les crimes graves commis pendant la guerre. Le rôle des sanctions, envisagé par la résolution 2206, serait tout aussi essentiel pendant cette période voire plus.
M. Cristian Barros a relayé au Conseil la recommandation de son Groupe d’experts d’imposer un embargo total et général sur les armes au Soudan du Sud et à exhorter l’Union africaine à rendre public le rapport de sa Commission d’enquête sur les violations graves du droit international. Suivant une autre recommandation du même Groupe, le Comité des sanctions, a expliqué son Président, a inclus, le 1er juillet dernier, six autres noms sur la liste des individus et entités frappés par l’interdiction de voyager et le gel des avoirs. M. Barros a annoncé son intention de se rendre au Soudan du Sud dès le mois de novembre.
* S/2015/655; ** S/2015/656
RAPPORTS DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR LE SOUDAN ET LE SOUDAN DU SUD
Déclarations
Mme ELLEN MARGRETHE LØJ, Représentante spéciale du Secrétaire général et Chef de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), a indiqué qu’après la signature « partielle », le 17 août, de l’accord de paix de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD Plus), les partenaires régionaux et internationaux ont tous exhorté le Président Salva Kiir à le signer dans les 15 jours et appelé toutes les parties à cesser immédiatement les hostilités. À son retour d’Addis-Abeba, le Président Salva Kiir a mené d’intenses consultations. Un mini-Sommet est prévu demain au cours duquel le Gouvernement du Soudan du Sud devrait signer l’accord proposé.
Malgré cette évolution pleine d’espoirs, a poursuivi la Représentante spéciale, la situation en matière de sécurité a été volatile et tendue. Les combats de la région du Nil Supérieur sont demeurés intenses et l’escalade s’est aggravée dans le sud de l’État de l’Unité, avec des conséquences de plus en plus graves pour la population civile. Je suis déçue, a avoué Mme Loj, que les parties n’aient pas respecté la cessation des hostilités à laquelle elles ont adhéré à Addis-Abeba.
Le 16 août, les quatre Gouverneurs élus des États de l’Équatoria-central, du Nil Supérieur, de Warrap et de l’Équatoria-occidental, ont démissionnés ainsi que le Gouverneur de l’État du Bahr El-Ghazal du nord. Le 20 août, les cinq nouveaux gouverneurs ont prêté serment devant le Président.
Quant à la MINUSS, elle protège désormais plus de 200 000 déplacés répartis dans six sites de protection. Mais, a prévenu la Représentante spéciale, l’énorme afflux de déplacés et les tensions politiques, ethniques et tribales qu’il entraîne, sans compter les activités criminelles, soulignent, une nouvelle fois, le caractère « intenable » de ces sites à long terme. Il faut faire plus pour que ces sites n’attirent pas ceux qui recherchent que les services qu’ils offrent mais bien ceux qui ont vraiment besoin de protection. La MINUSS a certes multiplié les patrouilles pour renforcer la sécurité des populations locales en dehors des sites et faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire mais il lui manque des capacités et des ressources, sans compter les obstacles qu’érigent les parties à son action.
La Représentante spéciale a parlé d’une situation humanitaire « terrible » et sur le front des droits de l’homme, elle s’est dite profondément choquée par le non-respect de la vie humaine dont font preuve les parties. Elle n’a pas oublié de mentionner les obstacles à la liberté de la presse.
Le succès des discussions de paix, a-t-elle prévenu, aura des implications importantes quant aux ressources à débloquer. L’accord implique un certain nombre de tâches importantes pour la Mission mais aussi d’autres activités qui nécessiteront son soutien. En orientant la Mission vers ces tâches, il faut être prudent et ne pas retirer les ressources aux composantes essentielles du mandat actuel, dont la protection des civils. Les quatre piliers dudit mandat ne perdront rien de leur validité et seront essentiels pour créer un environnement où la paix peut s’enraciner, a souligné la Représentante spéciale.
Aussi important soit-il, l’accord ne sera qu’un premier pas. La paix, la sécurité et la prospérité ne viendront pas en une nuit. Le processus nécessitera un effort concerté et constant de la part des acteurs nationaux et des partenaires internationaux. Il faudra aussi, a conclu la Représentante spéciale, prêter attention à l’éventail des conflits intercommunautaires et autres qui, dans certains États, sont tout simplement aussi violents que les luttes politiciennes. En jetant les bases d’une paix et d’un développement à long terme, nous devons trouver les moyens d’aider le peuple sud-soudanais à s’attaquer aux moteurs du conflit.
M. STEPHEN O’BRIEN, Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires et Coordonnateur des secours d’urgence, qui relatait aux membres du Conseil de sécurité la visite qu’il a effectuée au Soudan du Sud du 22 au 25 juillet, la première dans ce pays depuis sa prise de fonctions, a indiqué avoir rencontré le Président Salva Kiir et le Ministre des affaires du Cabinet, M. Elias Lomuro, ainsi que les ambassadeurs de la région et des pays donateurs.
M. O’Brien a également pu aller à la rencontre de personnes directement touchées par le conflit dans le site de protection des civils de Juba, de même qu’à Bentiu et à Nyal, dans le sud de l’État de l’Unité, témoignant ainsi des conséquences de plus de 20 mois de conflit brutal sur la vie des hommes, des femmes et des enfants, une « expérience profondément pénible », a-t-il dit.
La situation humanitaire globale continue de se détériorer fortement, a souligné le Secrétaire général adjoint, précisant qu’à la date d’aujourd’hui, plus de 2,2 millions de personnes ont fui le conflit, une augmentation de 200 000 depuis le début de cette année. Plus de 1,6 million de personnes sont déplacées, tandis que plus de 616 000 autres ont fui vers les pays voisins. Près de 200 000 déplacés cherchent désormais refuge dans les bases de la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS), contre 121 000, il y a seulement quatre mois.
Une grave insécurité alimentaire affecte 4,6 millions de personnes cette année, a poursuivi M. O’Brien. Bien que le Programme alimentaire mondial (PAM) et ses partenaires aient aidé plus de 2,3 millions de personnes en 2015, la famine constituera une menace grave l’année prochaine, surtout si les combats continuent, a-t-il estimé.
La vie de plus d’un quart de million d’enfants est exposée au risque d’une aggravation rapide de la malnutrition, a-t-il expliqué, ajoutant que dans la moitié des États du Soudan du Sud, un enfant sur trois souffre de malnutrition aiguë. La situation des enfants dans les sites de protection des civils est particulièrement inquiétante. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) fait en effet état d’une malnutrition aiguë globale plus élevée à l’intérieur du site de Bentiu (12,9%) que pour les nouveaux arrivants (1,6%), laquelle pourrait être attribuée à des services de base débordés et aux maladies.
Le Coordonnateur des secours d’urgence a également constaté un nombre exceptionnellement élevé de cas de paludisme et de décès évitables, lesquels touchent particulièrement les moins de 5 ans et les femmes enceintes.
La situation est particulièrement alarmante dans les zones directement touchées par les affrontements armés, en particulier dans les États de l’Unité et du Haut-Nil, a-t-il dit, se déclarant très préoccupé par les atrocités qui continuent d’y être signalées. La portée et le niveau de la cruauté qui a caractérisé les attaques contre les civils révèlent un gouffre d’antipathie qui va bien au-delà des divergences politiques, a-t-il dit craindre.
M. O’Brien a ainsi fait état de meurtres, de viols, d’enlèvements, de pillages, d’incendies et de déplacements forcés, et même d’actes horribles au cours desquels des personnes sont brûlées vives à l’intérieur de leurs maisons. Il existe, a-t-il dit, des preuves de ciblage ethnique délibéré et de représailles contre les femmes et les filles. Des centaines de ces femmes et filles ont été enlevées et des centaines d’autres ont été victimes de violence sexuelle, y compris de viols collectifs, a-t-il précisé.
Par exemple, une survivante de Koch County a raconté comment elle avait été traînée hors de son tukul puis violée aux côtés de sa voisine par des soldats de l’armée nationale sous les yeux de son enfant de 3 ans. De même, un témoin de Rubkona a raconté avoir vu des éléments des forces gouvernementales violer une mère qui allaitait son bébé après lui avoir arraché celui-ci, le jetant sur le côté.
Bien que l’insécurité ait rendu difficile le maintien d’une présence humanitaire dans le sud de l’État de l’Unité, tous les efforts possibles sont entrepris pour venir en aide aux personnes déplacées et aux communautés d’accueil dans le besoin, a affirmé M. O’Brien. Afin de renforcer ces efforts, le Secrétaire général adjoint vient d’approuver une ponction de plus de 5 millions de dollars du Fonds central pour les interventions d’urgence pour des kits de survie contenant des aliments, des semences, des moustiquaires et autres articles essentiels.
Le Coordonnateur des secours d’urgence s’est déclaré préoccupé par les civils attaqués dans les sites de distribution dans le sud de l’État de l’Unité. Ces attaques sont inhumaines et illégales, et la communauté internationale devrait réitérer son appel à toutes les parties au conflit pour qu’elles respectent leurs obligations en vertu du droit international humanitaire et protègent les civils, a-t-il dit.
M. O’Brien a également exprimé sa vive préoccupation face à la sécurité des agents humanitaires au Soudan du Sud. Au moins 29 agents ont été tués depuis le début du conflit, tandis que beaucoup d’autres ont été blessés ou enlevés, et font souvent l’objet de ciblage ethnique. Cette situation est inacceptable, a-t-il dit, rappelant les obligations des parties à protéger et à respecter le personnel et les biens humanitaires.
Malgré cet environnement difficile, il s’est dit heureux de souligner qu’en 2015, les humanitaires ont atteint plus de 2,3 millions de personnes, leur fournissant des vivres et des moyens de subsistance et que plus de 1,6 million de civils ont pu bénéficier de services d’eau, d’assainissement et d’hygiène. Les agents de santé ont vu plus de 1,1 million de patients dans les États touchés par le conflit, et plus d’un demi-million de personnes ont obtenu des articles essentiels, comme des bâches, des couvertures et des ustensiles de cuisine, tandis que plus de 200 000 enfants ont eu accès à des espaces aménagés pour eux.
L’épidémie de choléra, qui a touché 1 644 personnes et fait 45 décès, a été largement contenue.
Les défis demeurent, notamment la nécessité d’intensifier les moyens de répondre rapidement aux besoins sans cesse croissants, en particulier dans les sites de Bentiu ou de Malakal, où les gens continuent d’arriver chaque jour par centaines.
Pour aider à relever les défis humanitaires, la communauté internationale devrait aborder les quatre domaines prioritaires suivants: la cessation crédible des hostilités suivi d’un accord de paix durable; la multiplication des appels aux parties au conflit pour qu’elles protègent les civils et le renforcement de la lutte contre l’impunité; l’appel à toute personne ayant une influence sur les parties à faire en sorte que la réponse humanitaire ne soit pas entravée; enfin, la mise à disposition d’un financement adéquat pour les opérations humaines, sachant que seulement la moitié des besoins du Plan d’intervention humanitaire de 2015 a jusqu’ici été assurée.
Cette déclaration a été suivie par celle du Président du Comité créé en vertu de la résolution 2206 (2015) sur l’interdiction de voyager et le gel des avoirs imposés à tout responsable ou complice d’activités ou de politiques faisant peser une menace sur la paix, la sécurité ou la stabilité au Soudan du Sud. M. CRISTIAN BARROS a indiqué que le Groupe d’experts chargé d’aider son Comité à remplir son mandat a présenté un rapport intérimaire recommandant que, pour réaliser les objectifs de la résolution 2206 et changer le calcul des parties au conflit, la liste des personnes tombant sous le coup des sanctions s’élargisse à celles qui ont la faculté de perpétuer le conflit ou d’y mettre fin, qui en profitent économiquement et politiquement et qui sont responsables de crimes graves en vertu du droit international et des droits de l’homme.
Le Groupe d’experts recommande aussi que le Conseil de sécurité impose un embargo total et général sur les armes au Soudan du Sud. Le Conseil devrait également exhorter l’Union africaine à rendre public le rapport de sa Commission d’enquête, sans plus de délai et quel que soit l’issue du processus de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD). Il s’agirait là de connaître ceux qui commettent des violations. Le Coordonnateur du Groupe d’experts a prévenu que ce qui s’est passé le 17 août n’est que la dernière de la dizaine de fois, depuis le début de 2014, où l’une ou l’autre partie ne s’est pas tenue au délai fixé, au niveau international, pour la fin du conflit. Si toutes les parties signaient un accord, la question primordiale ne serait pas seulement celle de sa mise en œuvre et de la fin de la violence, mais aussi celle de la promotion de la réconciliation nationale et d’un règlement politique inclusif et durable, y compris l’établissement des responsabilités pour les crimes graves commis pendant la guerre. Le Coordonnateur du Groupe d’experts a aussi prévenu que le rôle des sanctions, envisagé par la résolution 2206, serait tout aussi essentiel pendant cette période voire plus.
Le Président du Comité des sanctions a avoué qu’au sein de son organe, plusieurs délégations ont rejeté la recommandation concernant le rapport de la Commission d’enquête de l’Union africaine. Une délégation a demandé d’étudier plus avant l’idée d’un embargo sur les armes, rejetant en outre l’option d’une
justice de transition au Soudan du Sud. Le Comité a pris note de la seule recommandation qui lui était adressée à savoir l’inscription d’autres noms sur la liste des personnes tombant sur le coup des sanctions. Le 1er juillet, il a ainsi inclus six individus qui sont désormais interdits de voyager et ont leurs avoirs gelés. Le Président du Comité a conclu en annonçant son intention de se rendre au Soudan du Sud dès le mois de novembre.