Le Conseil de sécurité réfléchit à la manière d’améliorer l’appui de l’ONU à la réforme « éminemment politique » du secteur de la sécurité dans les pays postconflit
Depuis la résolution inédite 2151 (2014), l’ONU a-t-elle réellement amélioré son appui aux efforts nationaux de réforme du secteur de la sécurité? C’est ce qu’a demandé aujourd’hui à ses collègues la Représentant permanente du Nigéria et Présidente du Conseil de sécurité pour le mois d’août, Mme Joy Ogwu, touchant là une question « éminemment politique », selon les mots du délégué de l’Espagne. Au cours des 16 derniers mois, le Conseil a adopté pas moins de 20 résolutions portant sur des pays particuliers, confiant à 10 opérations de paix de l’ONU le mandat d’accomplir des tâches d’une diversité croissante liées à cette réforme*.
La réforme du secteur de la sécurité, a expliqué le représentant de la France, est un processus au moins autant politique que technique. Ses objectifs, qui sont la reconstitution des forces armées et des forces de sécurité intérieures ainsi que de la justice et de l’administration pénitentiaire, touchent aux fonctions régaliennes fondamentales de l’État. Sa finalité, qui est de restaurer une chaine de commandement rétablissant un sentiment de sécurité, d’appartenance et de confiance dans l’État, en plaçant en son cœur la protection des civils et le respect des droits de l’homme, correspond aux exigences démocratiques fondamentales. Les missions des Nations Unies doivent donc disposer de moyens adéquats, c’est-à-dire de moyens adaptés à la phase de la crise, et c’est ce que le Conseil de sécurité tente de refléter dans son approche des mandats.
Cette réforme ne peut être réalisée sans le consentement des pays hôtes, a souligné le Sous-Secrétaire général pour l’état de droit et les institutions de sécurité. Personne ne peut imposer ni importer un système de sécurité, a dit avoir constaté M. Dmitry Titov. Les maître-mots sont appropriation, leadership et responsabilité au niveau national, a renchéri la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la violence sexuelle en temps de conflit. Le rôle de l’ONU doit se limite strictement à un rôle d’appui et en l’occurrence, l’expertise du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a été vantée par son Administratrice assistante, Mme Izumi Nakamitsu.
Admettant en effet que l’ONU se heurte à des situations difficiles quand les autorités nationales ne s’engagent pas aussi fermement dans la réforme que les résolutions les y invitent, le représentant français a prôné le dialogue permanent et inclusif entre ces autorités, les entités de l’ONU en charge de la réforme et la société civile, lequel dialogue est un des éléments « indispensables » au succès du processus. Nous devons, a reconnu son homologue britannique, apprendre à collaborer avec des institutions qui ne sont pas toujours des références en matière de redevabilité et de transparence. Les gouvernements concernés doivent faire preuve de courage et savoir que les solutions qu’ils s’approprieront seront toujours plus efficaces que celles imposées de l’extérieur.
Avec d’autres, il s’est félicité de l’idée avancée par le Département des opérations de maintien de la paix de demander au pays hôte et à l’ONU de se mettre d’accord sur un « pacte » qui faciliterait ainsi la mise en œuvre de la réforme et l’allocation durable des ressources, en fonction du degré d’engagement national. Une telle initiative est à saluer dans une réforme dont les difficultés tiennent à la mauvaise compréhension du contexte national, à l’absence ou l’insuffisance des ressources et au faible engagement des autorités, a estimé le représentant du Tchad. Si les efforts nationaux s’affaiblissent, l’ONU pourra toujours invoquer le « pacte » pour rappeler le pays hôte à ses responsabilités, a acquiescé le représentant des États-Unis.
Mais avec la multiplication des acteurs, a tempéré la Représentante du Nigéria, il est impératif de déterminer clairement le rôle des uns et des autres et de répartir judicieusement les tâches. L’effort de l’ONU doit être un effort « séquencé », adapté à la phase de la crise, centré sur quelques priorités initiales et en étroite relation avec la multiplicité des acteurs internationaux dont l’Union européenne, a insisté, à son tour le représentant de la France qui a réitéré son appel à ce que les représentants spéciaux du Secrétaire général détaillent encore mieux ces processus lors des différents briefings avec le Conseil de sécurité.
Une de ces Représentantes spéciales, Mme Bangura a d’ailleurs fait quatre recommandations. La collaboratrice de M. Ban Ki-moon, chargée de la violence sexuelle en temps de conflit s’est attardée sur « le nexus vital » entre la violence sexuelle et une réforme du secteur de la sécurité dysfonctionnelle ou un processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) incomplet. Elle a prôné le renforcement du rôle des institutions de sécurité dans la prévention de la violence sexuelle par une intégration de la question dans les processus de réforme du secteur de la sécurité. Cette prévention, a-t-elle dit ensuite, doit être considérée comme un critère de succès des programmes de réforme et être incluse dans les évaluations. Il faut aussi aider les institutions nationales de sécurité à renforcer leurs capacités de prévention et garantir une représentation proportionnelle des femmes dans ces institutions, comme élément fondamental de la mise en place de forces de sécurité propres à respecter et protéger les femmes et les enfants, en temps de guerre comme en temps de paix.
MAINTIEN DE LA PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES
Le renforcement de l’action du Conseil de sécurité au service de la réforme du secteur de la sécurité: pour une pleine application de la résolution 2151 (2014)
Déclarations
M. DMITRY TITOV, Sous-Secrétaire général pour l’état de droit et les institutions de sécurité, a rappelé que, l’année dernière, le Secrétaire général avait déclaré: « l’objectif de la réforme du secteur de la sécurité vise à rendre la vie des gens plus sûre ». On ne peut que soutenir cette position. Des militaires et des policiers bien formés, bien encadrés et bien préparés représentent, a souligné M. Titov, la meilleure défense d’un pays contre la violence et l’instabilité qui menacent à la fois la population et les biens. Pour le Département des opérations de maintien de la paix, le Conseil a raison de faire plus pour renforcer les institutions légitimes et la gouvernance, non seulement pour rompre les cycles de violence, mais également pour assurer la sécurité des citoyens, la justice et la croissance économique. Selon l’index 2015 de Foreign Policy, les cinq pays les plus fragiles -Soudan du Sud, Somalie, République centrafricaine, Soudan et République démocratique du Congo– montrent combien le secteur de la sécurité d’un pays est étroitement lié à la fois à la perception de la légitimité de l’État et aux progrès dans les domaines politique, économique et social. C’est pourquoi, le Département des opérations de maintien de la paix estime que, compte tenu des circonstances particulières, la gestion du secteur de la sécurité et la professionnalisation des militaires et de la police devraient être au cœur des mandats et des activités des opérations de maintien de la paix. Toutefois, a-t-il fait remarquer, la réforme du secteur de la sécurité ne peut être réalisée que si les pays hôtes y consentent. Personne ne peut imposer, ni importer un système de sécurité, a-t-il insisté, en précisant que les Nations Unies ne peuvent qu’appuyer les efforts entrepris par les pays concernés.
Les Nations Unies considèrent la réforme du secteur de la sécurité comme étant un processus politique, a indiqué M. Titov. Comme cela a été démontré dans le cadre de diverses missions des Nations Unies, la gestion du secteur de la sécurité ne peut être très efficace que si elle est engagée dans le cadre de réformes plus vastes. Au Mali, la MINUSMA a fourni une expertise technique pendant l’élaboration de l’Accord de paix récemment signé. Elle aide maintenant les autorités maliennes dans l’intégration de groupes armés dans les forces nationales de sécurité et à réviser le décret présidentiel sur le Conseil national de la réforme du secteur de la sécurité. En République centrafricaine, a-t-il ajouté, la MINUSCA a assisté le Gouvernement dans la rédaction du projet de constitution qui prévoit maintenant des dispositions sur la défense et la sécurité. Pour sa part, la communauté internationale doit axer les efforts sur la nécessité d’intégrer d’autres aspects que la simple défense, à savoir la justice et les services pénitentiaires, les services de l’ordre public et la gestion des frontières. En Somalie, la Mission des Nations Unies et le Gouvernement somalien examinent actuellement la mise en place du secteur de justice et de sécurité afin d’assurer une architecture de la sécurité durable dans le pays. Les Nations Unies assurent un appui multidimensionnel similaire en Guinée-Bissau, a assuré M. Titov, en rappelant que le Département des affaires politiques avait informé le Conseil de sécurité de la situation politique dans le pays, vendredi dernier.
Dans l’esprit d’une appropriation nationale, les Nations Unies appuient les gouvernements dans leurs efforts visant à établir des plans et à faire participer des partenaires internationaux, a indiqué le Sous-Secrétaire général, en citant le plan de transition en matière de sécurité au Libéria où la MINUL a formé près de 3 000 officiers de police. En Haïti, l’appui apporté à la Police nationale par la MINUSTAH a permis de certifier 1 221 officiers de police supplémentaires. Aujourd’hui, la Police nationale haïtienne, grâce à l’appui des Nations Unies et de donateurs, dispose de 14 000 officiers de police et de 200 officiers des services pénitentiaires. L’édification de secteurs de la sécurité solides et démocratiques permet aux Nations Unies de jouer son rôle dans des domaines clefs comme la protection des civils ou la prévention de la violence sexuelle. En RDC, par exemple, a rappelé M. Titov, la Police des Nations Unies déployée aux côtés de la Police nationale congolaise, assiste dans la protection des civils à Béni, où les groupes armés ont lancé des attaques meurtrières contre la population. La MONUSCO gère également le Programme d’appui en matière de poursuites qui aide la justice militaire à réduire l’impunité et à faire face aux violences sexuelles commises pendant le conflit. D’autres efforts sont entrepris en coopération avec les partenaires régionaux comme l’Union africaine, ce qui a permis d’adopter le cadre de politique de cette organisation en matière de réforme du secteur de la sécurité, a-t-il également indiqué avant de conclure.
Mme ZAINAB HAWA BANGURA, Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des violences sexuelles commises en période de conflit, a mis l’accent sur le « nexus vital » entre la violence sexuelle et une réforme du secteur de la sécurité dysfonctionnelle ou un processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR) incomplet. Nous savons, a-t-elle poursuivi, qu’un certain nombre de policiers et de soldats sont parmi les auteurs de violence sexuelle dans les zones de conflit. C’est pourquoi, nous avons encouragé les autorités nationales à répondre à cette question de manière appropriée et c’est pourquoi nous les aidons dans le processus visant à renforcer leurs capacités institutionnelles de contrôle et à garantir la responsabilisation dans les forces de sécurité.
Le point de départ, a insisté la Représentante spéciale, est l’appropriation nationale, le leadership et la responsabilité. Je fais donc tout, a-t-elle affirmé, pour obtenir des engagements aux plus hauts niveaux politiques. Ces deux dernières années, en particulier, nous avons pu informer le Conseil de sécurité des engagements obtenus auprès des leaders politiques et militaires, lesquels engagements sous-tendent l’élaboration de plans opérationnels et de mise en œuvre concrets, intitulés « Plans d’action pour prévenir la violence sexuelle liée aux conflits ». Cela a été le cas en République démocratique du Congo et en Côte d’Ivoire.
Mme Bangura a conclu par quatre recommandations. Elle a d’abord souligné que le rôle des institutions de sécurité dans la prévention de la violence sexuelle pourrait être renforcé par une intégration de la question dans les processus de réforme du secteur de la sécurité. Cela veut dire que le Conseil de sécurité doit faire une référence « explicite » à la prévention de la violence sexuelle dans les dispositions liées à la réforme et au DDR ainsi que dans tous les accords de paix et cadres de cessez-le-feu. Prévenir la violence sexuelle et assurer l’établissement des responsabilités, a-t-elle dit ensuite, doivent être considérés comme un indicateur fondamental et un critère de succès des programmes de réforme dans leur ensemble et à ce titre, être inclus dans les cadres d’évaluation. Il faut aussi, a-t-elle ajouté, faire en sorte que l’appui bilatéral et multilatéral à la réforme inclut des ressources et une formation spécifiques pour aider les institutions nationales de sécurité à renforcer leurs capacités de prévention et à répondre aux crimes de violence sexuelle. Enfin, Mme Bangura a jugé essentiel de garantir une représentation proportionnelle des femmes dans les institutions de sécurité à tous les niveaux, comme élément fondamental de la mise en place de forces de sécurité propres à respecter et protéger les femmes et les enfants, en temps de guerre comme en temps de paix.
Mme IZUMI NAKAMITSU, parlant au nom de l’Administratrice du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a rappelé les trois éléments essentiels pour le succès de la mise en œuvre d’une réforme du secteur de la sécurité dans les situations postconflit, en soulignant tout d’abord qu’une telle réforme exigeait à la fois des efforts concertés pendant le mandat de l’opération de maintien de la paix qui est déployée et des efforts soutenus et un appui à long terme qui vont au-delà de cette opération. Un solide appui politique du Conseil de sécurité pour soutenir les Nations Unies dans ce cadre est indispensable. En même temps, les efforts axés sur le renforcement des capacités nationales doivent être appuyés par des ressources financières prévisibles et adéquates. Ils doivent également tenir compte de la situation sensible d’un pays sortant d’un conflit et envisager un programme d’aide au développement à long terme.
Au niveau national, a estimé Mme Nakamitsu, il est important d’établir un équilibre entre, d’une part, l’expertise technique et les conseils nécessaires et, d’autre part, l’appui politique qui permettront d’assurer le succès de la réforme du secteur de la sécurité. Elle s’est félicitée que le rapport du Groupe de haut niveau indépendant sur les opérations de maintien de la paix ait reconnu le rôle que les institutions du système des Nations Unies et, en particulier le PNUD, jouent pour appuyer les opérations de maintien de la paix dans ce domaine. Le fait que le Conseil de sécurité ait invité le PNUD à présenter ses travaux sur cette question témoigne également, a-t-elle dit, de l’importance de l’expertise technique qu’il fournit dans la mise en œuvre des mandats établis par le Conseil. Le PNUD travaille avec les partenaires du Point focal mondial, le Département des opérations de maintien de la paix et ONU-Femmes, ainsi que la Mission des Nations Unies en Somalie, pour établir un programme en matière d’état de droit qui prévoit la formation des forces de la Police du Puntland. À travers ce programme, le PNUD assiste 25 officiers de police, dont 6 femmes, pour étudier la criminologie, grâce à une bourse octroyée par l’Université de l’État du Puntland. Une initiative conjointe avec la MINUSCA, ONU-Femmes et le Point focal mondial a permis à des forces de police et de gendarmerie redéployées en République centrafricaine de bénéficier d’une indemnité pour les repas et de recevoir leur salaire.
Pour réussir, la réforme du secteur de la sécurité exige que soient pris en compte tous les acteurs impliqués –Nations Unies, organisations régionales et États Membres-, ainsi qu’une appropriation nationale et un engagement politique des parties prenantes du pays concerné, a rappelé Mme Nakamitsu. Le succès de cette réforme, a-t-elle précisé, exige également l’appui et des investissements de la part des États Membres, qu’il s’agisse d’appui au développement, de déploiement de personnel ou de participation directe aux activités sur le terrain, afin de renforcer les efforts des Nations Unies. En outre, la coordination entre les missions des Nations Unies et les équipes de pays des Nations Unies devrait être engagée dès que les mandats du Conseil de sécurité en matière de réforme du secteur de la sécurité sont établis et devrait se faire en lien avec la
planification conjointe entreprise par le Point focal mondial qui couvre les aspects importants de ce domaine, en particulier la réforme de la police. Avant de conclure, Mme Nakamitsu a souligné que le système des Nations Unies a besoin de traduire la réforme du secteur de la sécurité au lendemain d’un conflit en résultats tangibles qui ont un impact immédiat sur des gens ordinaires. Cette réforme est un processus à long terme que le PNUD considère comme étant la priorité numéro un d’un mandat de maintien de la paix des Nations Unies.
M. PETR ILIICHEV (Fédération de Russie) a estimé qu’il faut inscrire la réforme du secteur de la sécurité dans le processus plus large de l’amélioration des conditions économiques et sociales des pays. Le succès de la réforme dépend du degré d’appropriation des actions par l’État concerné. C’est une armée non représentative de la composition sociographique du Soudan du Sud et de la République centrafricaine qui a été la principale cause de la dégradation de la situation. La réforme doit s’appuyer sur l’accord de l’État concerné et tenir dûment compte des spécificités nationales. L’ONU peut apporter sa contribution avec les nombreux instruments dont elle dispose, dont le Fonds de consolidation de la paix. Le représentant a aussi jugé important de tenir compte de ce que peuvent apporter les organisations régionales et sous-régionales dans la réforme du secteur de la sécurité.
Mme RAIMONDA MURMOKAITĖ (Lituanie) a estimé que depuis l’adoption, l’année dernière, de la résolution 2151, on peut se poser plusieurs questions. La voix des femmes, des jeunes, de la société civile a-t-elle été entendue par ceux qui sont chargés de la réforme du secteur de la sécurité? Les policiers et les militaires qui ont commis des viols et des abus ont-ils été jugés et déchus de leurs fonctions? Les besoins des pays concernés ont-ils été pris en compte? La représentante l’a répété: assurer l’appropriation nationale des processus de réformes du secteur de la sécurité est « essentiel ». Elle s’est félicitée de l’initiative « Compact » du Département des opérations de maintien de la paix qui vise à mieux coordonner les responsabilités entre l’ONU et les gouvernements. Ces derniers doivent faire en sorte que la réforme et tous les segments de la société répondent aux préoccupations des groupes les plus touchés et les plus vulnérables, a insisté la représentante. Une armée ou une police composée exclusivement d’une seule ethnie, d’une seule tribu ou d’une seule religion dans une communauté multiethnique et multiconfessionnelle poserait le problème de la partialité, de la réticence à protéger toute la population et de la suspicion. Des situations comme les heurts interreligieux en République centrafricaine l’année dernière l’ont amplement démontré.
De la même manière, une force de police composée uniquement d’hommes poserait le problème de l’insensibilité à la sécurité des femmes et empêcherait certainement celles-ci de porter plainte en cas d’abus sexuels et autres. Intégrer une dimension sexespécifique dans le travail quotidien de l’armée, de la police et des institutions judiciaires conduirait à davantage d’intégration et de responsabilisation, renforcerait la confiance de l’opinion publique et améliorerait l’efficacité globale de la réforme du secteur de la sécurité. Dans ce contexte, des programmes spécifiques contre la violence sexuelle sont essentiels.
La justice et la redevabilité sont des parties intégrantes des efforts de paix et de réconciliation, a poursuivi la représentante. La réforme du secteur de la sécurité doit inclure une formation solide dans les droits de l’homme et une bonne compréhension de la responsabilité individuelle, à tous les niveaux, s’agissant des abus. Des mécanismes de reddition de comptes doivent être prévus pour en finir avec les abus et mettre en place des forces disciplinées et respectueuses des droits de l’homme. « Nettoyer les rangs » est une façon, s’est expliquée la représentante, de renforcer la confiance de la population vis-à-vis de l’armée et sa foi dans le caractère irréversible de la paix. Le succès de la réforme du secteur de la sécurité exige que l’on ait une image claire de ce qui marche et de ce qui ne marche pas et de la manière d’éviter les erreurs « typiques ».
M. MAHMOUD HMOUD (Jordanie) a insisté sur les nouveaux défis de la réforme du secteur de la sécurité, dans le contexte d’une augmentation sans précédent du nombre des mandats des opérations de maintien de la paix. Ne négligeons pas, a-t-il mis en garde, la nature politique de cette réforme. Il a appelé à des efforts concertés entre les Départements des opérations de maintien de la paix et des affaires politiques à chaque étape de la réforme. Le Conseil de sécurité pourrait être plus efficace en définissant plus clairement les mandats de maintien de la paix et la place que doit y tenir la réforme du secteur de la sécurité, a insisté le représentant.
La résolution 2015 a bien fait de mettre l’accent sur l’appropriation nationale comme un élément clef de la réforme du secteur de la sécurité, a souligné M. DAVID PRESSMAN (États-Unis). Les réformes conduites par la sphère nationale ont donné de bons résultats au Timor-Leste, au Libéria et en Sierra Leone. Mais, a-t-il dit avoir constaté, quand l’attention de la communauté internationale s’affaiblit, la réforme conduite par l’État s’affaiblit aussi. En République centrafricaine, les progrès étaient là jusqu’à ce que la réforme soit poussée de côté par des tensions internes qui ont conduit à une reprise du conflit. L’appropriation nationale, en a conclu le représentant, ne veut pas dire que la communauté internationale doit rester passive. Il a donc salué l’idée de créer un « pacte » entre l’ONU et les pays hôtes parce que lorsque les efforts nationaux s’affaiblissent, l’ONU pourra toujours invoquer le « pacte » pour rappeler le pays hôte à ses responsabilités. Le représentant a insisté sur l’urgence qu’il y a à ce que le Soudan du Sud signe l’accord de paix qu’il a sur la table, le statu quo étant « une recette pour le viol et le meurtre ». Il a aussi insisté sur le fait que l’ONU doit améliorer sa formation pour permettre à davantage de femmes d’intégrer le secteur de la sécurité.
M. RAFAEL DARÍO RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela) a déclaré que le rétablissement de l’autorité de l’État après un conflit est un élément fondamental de la réforme du secteur de la sécurité. Il a souligné l’importance de la volonté et du dialogue politiques mais surtout celle de l’appropriation nationale. Les gouvernements doivent pouvoir déterminer leurs propres priorités et en assumer les résultats. Le processus de réforme ne saurait être imposé aux États. Le représentant a, à son tour, insisté sur l’importance qu’il y a à ne pas oublier la réintégration des ex-combattants dont l’exclusion pourrait les contraindre à reprendre les armes. L’effondrement des institutions publiques en Iraq et en Libye doit inciter la communauté internationale, en général, et le Conseil de sécurité, en particulier, à la réflexion sur une situation qui a conduit à l’émergence de l’État islamique et autres groupes terroristes. C’est une réalité « terrible et désastreuse » dont le Conseil de sécurité doit débattre et tirer les enseignements pour éviter qu’elle ne se reproduise.
M. ISMAEL ABRAÃO GASPAR MARTINS (Angola) a dit que la réforme du secteur de la sécurité constitue un élément fondamental pour la paix et le développement durable. Il a réitéré le fait que cette réforme doit se fonder sur l’appropriation nationale et que son succès passe par la disponibilité des ressources et l’engament politique de tous. En Angola, a ajouté le représentant, la réforme a été accompagnée de programmes de formations technique, professionnelle et de réinsertion sociale des ex-combattants de la très longue guerre civile. Le processus continue et certains de ces ex-combattants formés sont désormais recrutés au sein de la police. La réforme doit s’ouvrir à la participation de tous, dont celle de la société civile. Elle doit être flexible et adaptée aux besoins nationaux, et le grand défi reste l’absence de volonté politique. Reformer le secteur de la sécurité, a insisté le représentant, est un effort politique et pas uniquement technique. La réforme doit permettre le dialogue politique et prévenir les violences dont la violence électorale.
Le représentant a souligné l’importance du partenariat avec les organisations sous-régionales lesquelles doivent permettre aux représentants spéciaux du Secrétaire général de l’ONU d’établir une répartition claire des tâches. Dans les pays qui ont développé des programmes de démobilisation, désarmement et réintégration (DDR), l’ONU doit travailler en évitant d’exclure les ex-combattants. La Commission de consolidation de la paix doit jouer son rôle de plaidoyer, sachant que la réforme ne s’impose pas seulement aux pays postconflit puisqu’elle concerne aussi les secteurs de la justice et de l’état de droit.
Des milliers de personnes ont été tuées dans les conflits depuis l’adoption de la résolution 2151, s’est alarmé M. PETER WILSON (Royaume-Uni), voyant là l’urgence de progresser en matière de réforme du secteur de la sécurité. Cette réforme est « cruciale » et mal gérée, elle peut alimenter l’insécurité. Évitons de saper les efforts en se montrant trop enthousiastes. Il faut apprendre à collaborer avec des institutions qui ne sont pas des références en matière de redevabilité et de transparence, a conseillé le représentant, en se félicitant de l’inclusion dans les futurs objectifs de développement durable, un objectif relatif à la paix, à la sécurité et à la justice. Les gouvernements concernés doivent faire preuve de courage et promouvoir eux-mêmes la réforme de leur secteur de la sécurité. Les solutions qu’ils s’approprieront seront toujours plus efficaces que celles imposées de l’extérieur. Nous devons utiliser tous les outils, a dit le représentant en appelant à une coopération renforcée avec les organisations régionales et sous-régionales pour une réforme « cohérente et intégrée ».
M. PHILLIP TAULA (Nouvelle-Zélande) a jugé indispensable que la réforme du secteur de la sécurité soit intégrée dès les premières phases d’une opération de maintien de la paix. Il a, à son tour, salué le « pacte » entre l’ONU et les gouvernements, en jugeant indispensable de lier les critères et l’efficacité de la réforme à la stratégie de sortie des missions de maintien de la paix. Si la résolution 2151 est un pas très important, nous devons encore faire des progrès pour que la réforme soit la plus efficace possible, a insisté le représentant.
M. CRISTIÁN BARROS MELET (Chili) a demandé que les chefs de missions des opérations de paix, les commandants des forces, les représentants et les envoyés spéciaux des Nations Unies prêtent une attention accrue à la réforme du secteur de la sécurité dans les pays hôtes. Il a insisté sur leur rôle de coordination avec les autorités nationales. La réforme doit bénéficier de capacités institutionnelles existantes et tenir compte des réalités nationales. Le suivi des programmes doit faire l’objet d’une attention particulière du Conseil de sécurité. Il faut, a estimé le représentant, un accord « large et inclusif » au niveau national pour le succès d’une réforme qui implique en outre la réadaptation du système judiciaire et pénitentiaire. Sans une amélioration des conditions économiques et sociales, la réforme se déploierait dans le vide, ce qui explique l’importance de la réconciliation entre la population, l’armée, la police, les groupes armés et les gouvernements. Le représentant a souligné l’importance de la coopération Sud-Sud sur cette question et s’est enorgueilli que 60 officiers et sous-officiers haïtiens par an soient formés dans les académies militaires chiliennes. Il a souligné, à son tour, l’importance de la participation des femmes dans la réforme car elle implique un changement culturel dont l’impact est important sur le relèvement postconflit. Le représentant a enfin mis en exergue l’importance qu’il y a à élaborer des mandats de maintien de la paix adaptés aux priorités nationales en matière de réforme du secteur de la sécurité.
M. MAHAMAT ZENE CHERIF (Tchad) a reconnu que la réforme du secteur de la sécurité est une entreprise difficile et de longue haleine qui requiert des conditions politiques favorables qui n’existent pas souvent dans les pays concernés. À cet égard, il a jugé « nécessaire et essentielle » la contribution de l’ONU dans une réforme dont les difficultés tiennent à la mauvaise compréhension du contexte national, au faible engagement des autorités, et à l’absence ou l’insuffisance des ressources. Le Conseil de sécurité doit négocier avec les pays hôtes pour déterminer leurs priorités nationales. Il revient en effet à l’État hôte de déterminer les composantes concernées par la réforme comme l’armée, la police, le système pénitencier ou encore la police des frontières. Mais dans un contexte de transition, sans accord de paix, l’appui de l’ONU est « indispensable ».
Le Conseil de sécurité doit améliorer son interaction avec l’Union africaine qui dispose d’un cadre stratégique sur la réforme du secteur de la sécurité. Le représentant a souligné l’importance des programmes DDR pour les ex-combattants. Le Tchad, a-t-il rappelé, a connu une longue guerre civile à l’issue de laquelle il a donné la priorité à la mise en place de tels programmes et à l’amélioration de ses relations avec les pays voisins. Le représentant a en effet souligné l’importance qu’il y a à renforcer la sécurité aux frontières dans la région du Sahel et a appelé l’ONU et les autres partenaires à appuyer son pays à cet égard.
M. WANG MIN (Chine) a salué les progrès de l’ONU, en précisant que c’est grâce à cette dernière que la Sierra Leone et le Libéria ont progressivement rétabli leur secteur de la sécurité. À cet égard, il a insisté à son tour sur l’appropriation nationale et le respect, par l’ONU, des principes de souveraineté nationale et d’intégrité nationale. Il faut adapter la réforme aux réalités nationales. L’ONU doit renforcer sa communication et sa coordination grâce au partage des pratiques optimales, a-t-il conclu.
La réforme du secteur de la sécurité est un exercice difficile pour un pays postconflit mais il n’y a pas d’autres alternatives, a prévenu M. FANCISCO JAVIER GASSO MATOSES (Espagne). Il faut une meilleure collaboration entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales et savoir que les efforts n’auront aucun sens sans la participation de la société civile. Si la réforme a une composante technique, elle est surtout « éminemment » politique et son but ultime doit être le renforcement de la confiance de la population envers ses institutions. La participation des femmes à toutes les étapes de ce processus s’avère « essentielle » pour l’appropriation nationale. La réforme du secteur de la sécurité est un processus qui par nature dure plus longtemps que les mandats de maintien de la paix de l’ONU, à tenu à souligner le représentant.
M. RAMLAN BIN IBRAHIM (Malaisie) a souligné l’importance de la réforme du secteur de la sécurité dans les pays où les forces de l’ordre sont devenues les bourreaux de la population. Il a mis l’accent sur la Commission de la consolidation de la paix (CCP) qui peut assumer un rôle de coordination entre les acteurs de la réforme dans les pays hôtes. Il a appuyé l’idée d’une nécessaire complémentarité entre la réforme du secteur de la sécurité et les programmes de développement. La CCP peut insister sur les aspects nationaux de la réforme, et surtout sur l’importance d’avoir des institutions résilientes pendant la phase de retrait d’une opération de paix. Le représentant a insisté sur l’importance de la coordination entre les bailleurs de fonds et les bénéficiaires pour garantir de bons résultats. Il a salué le Cadre stratégique de l’Union africaine sur la réforme du secteur de la sécurité et a mis l’accent sur la nécessité d’avoir un certain niveau de flexibilité dans l’élaboration et la mise en œuvre de la réforme. La lutte contre les armes légères et de petit calibre est un élément clef de la réforme du secteur de la sécurité, a tenu à dire le représentant.
M. ALEXIS LAMEK (France) a rappelé que la réforme du secteur de la sécurité est une activité qui est de nature bien plus politique que technique tout en étant déterminante dans la stabilisation et la consolidation post-crise. Elle nécessite un travail conséquent en appui à l’État hôte. En situation de sortie de crise, a dit le représentant, il est important de mettre en place des institutions de sécurité transparentes, efficaces et justes, œuvrant dans un système de bonne gouvernance, dans le respect des principes démocratiques et des droits de l’homme. Mais l’appropriation par l’État hôte, la volonté politique et le dialogue permanent et inclusif entre les entités en charge de la réforme, la société civile et les autorités constituent des éléments indispensables au succès du processus. Les Nations Unies sont d’ailleurs confrontées à des situations difficiles quand les autorités locales ne s’engagent pas aussi fermement dans la réforme que les résolutions les y invitent, a dit avoir constaté le représentant.
Il ne faut pas oublier que la réforme est un processus au moins autant politique que technique et que ses objectifs, qui sont la reconstitution des forces armées et des forces de sécurité intérieures ainsi que la justice et l’administration pénitentiaire, touchent aux fonctions régaliennes fondamentales de l’État. Sa finalité, qui est de restaurer une chaine de commandement rétablissant un sentiment de sécurité, d’appartenance et de confiance dans l’État, en plaçant en son cœur la protection des civils et le respect des droits de l’homme, correspond aux exigences démocratiques fondamentales. Afin de mener ces activités, les missions des Nations Unies doivent disposer de moyens adéquats, c’est-à-dire de moyens adaptés à la phase de la crise, et c’est ce que le Conseil de sécurité tente de refléter dans son approche des mandats, a-t-il assuré. La réforme est un processus « long et délicat ». Les Nations Unies doivent améliorer l’expertise des missions et son accès aux acteurs locaux, ce qui pose la question de la langue des experts. Les Nations Unies doivent aussi nouer des relations étroites avec les autres acteurs sur place, comme c’est le cas de la Mission de l’ONU au Mali (MINUSMA) avec la mission de formation de l’Union européenne, EUTM Mali.
Le représentant a aussi souligné que le déploiement immédiat de sections de taille conséquente en charge de la réforme du secteur de sécurité n’est pas forcément nécessaire dans les opérations de maintien de la paix. Ces opérations n’ont pas vocation à assumer un rôle opérationnel direct, mais plus une fonction de conseil stratégique, d’impulsion ou de coordination. Il a ajouté que ce rôle ne substitue pas à celui des autorités locales qui doivent mener une analyse précise des besoins et définir les besoins d’appui international. Des priorités et une séquence doivent donc plutôt être établies: parmi les mesures généralement urgentes, la réhabilitation de services de police et de gendarmerie et le redémarrage d’une chaîne pénale intégrale sont prioritaires, comme le Conseil l’a constaté en République centrafricaine. Le Conseil, a insisté le représentant, joue son rôle légitime lorsqu’il identifie certaines de ces priorités, comme lorsqu’il évoque la nécessité d’une capacité militaire de réaction rapide en République démocratique du Congo.
L’effort des opérations de maintien de la paix en la matière doit être un effort « séquencé », adapté à la phase de la crise, centré sur quelques priorités initiales qui impliquent des experts en nombre et en qualification ajustés aux besoins et aux capacités de l’État, en étroite relation avec la multiplicité des acteurs internationaux que sont l’Union européenne, les partenaires bilatéraux et les autres bailleurs. Il est important que le Conseil dispose d’éléments précis sur la mise en œuvre des programmes de réforme du secteur de la sécurité et malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Le représentant a donc réitéré son appel à ce que les représentants spéciaux du Secrétaire général détaillent encore mieux ces processus lors des différents briefings. Ce Conseil doit pouvoir disposer d’une évaluation régulière des résultats et des améliorations à apporter, a insisté le représentant.
Mme U. JOY OGWU (Nigéria) a estimé que cette réunion donne l’occasion au Conseil de sécurité de progresser dans le débat relatif à la réforme du secteur de la sécurité et d’envisager des exemples concrets de la mise en œuvre de la résolution 2151. Le nombre de mandats confiés par le Conseil en matière de réforme du secteur de la sécurité ne cesse d’augmenter, a constaté la représentante en saluant le travail du PNUD. Avec la multiplication des acteurs, il est impératif de déterminer clairement le rôle des uns et des autres et de répartir judicieusement les tâches, a-t-elle estimé. Elle a appuyé la proposition de M. Titov d’établir un « pacte » entre les opérations de maintien de la paix, les partenaires internationaux et les pays hôtes pour éviter les doublons et garantir la redevabilité et la transparence. Les États hôtes doivent jouer un rôle de chef de file, en déterminant leurs priorités. La représentante a particulièrement salué le Cadre stratégique de l’Union africaine qui souligne la complexité des relations avec les cadres des anciens secteurs de la sécurité et le rôle et la résilience des autorités coutumières. Elle s’est félicitée aussi de la mise en place d’un Cadre par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) qui pourrait compléter le processus de la réforme au niveau régional. Si nous avons maintenant une plateforme d’action avec la résolution 2151, nous devons faire davantage et promouvoir l’implication concertée de tous les acteurs, a conclu la représentante.