Conseil de sécurité: « pour changer la dynamique » entre Israéliens et Palestiniens, le Chef des affaires politiques préconise une approche globale à trois niveaux
« Je vous parle à un moment où le risque d’escalade est palpable entre Israël et la Palestine », a prévenu aujourd’hui le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques lors de sa réunion d’information mensuelle avec le Conseil de sécurité. M. Jeffrey Feltman a parlé d’un mois où l’on a vu des éléments extrémistes commettre des crimes de haine « inconcevables », des actes de représailles répréhensibles, des provocations dans les lieux saints de Jérusalem et une multiplication inquiétante des tirs de roquettes de Gaza vers Israël.
Dans un environnement aussi tendu, rétablir la confiance, avant un retour à des négociations réalistes, est un devoir. Ce qu’il faut, a préconisé le Secrétaire général adjoint, c’est une approche globale à trois niveaux, sur le terrain, dans la région, et avec la communauté internationale, pour changer fondamentalement la dynamique négative actuelle et commencer à creuser une voie claire et positive vers la paix. Les incidents violents et la radicalisation ont un point commun, a-t-il tranché. Ils sont les produits inévitables de l’échec à faire des choix difficiles mais nécessaires pour résoudre la crise et la conséquence de l’échec à donner la priorité à la poursuite d’un avenir partagé et fondé sur la confiance et non la peur.
« Nous ne pouvons plus accepter cette réalité. Il est temps d’inverser cette tendance dangereuse et de restaurer, aussi bien chez les Israéliens que chez les Palestiniens, un espoir qui risque d’être étouffé par ceux qui veulent faire avancer un agenda guidé par la haine », a déclaré M. Feltman.
Dans sa déclaration, le Secrétaire général adjoint, M. Jeffrey Feltman, a rappelé que nous sommes à la veille du premier anniversaire de la fin du conflit dévastateur de Gaza, un conflit duquel les Palestiniens doivent encore se relever. Leurs souffrances, un an plus tard, mettent en lumière le caractère « inadéquat » de notre réponse collective, a alerté M. Jeffrey Feltman. « Je lance un appel aux dirigeants politiques, militaires, communautaires et religieux de tous les côtés, pour qu’ils travaillent ensemble à atténuer les tensions, rejeter la violence et empêcher les extrémistes d’aggraver la situation et de prendre en otage l’agenda politique. »
M. Feltman a réitéré la ferme condamnation du Secrétaire général face à l’incendie terroriste horrible, apparemment commis par des colons juifs extrémistes, contre une famille palestinienne dans le village de Douma, en Cisjordanie occupée, le 31 juillet, tuant Ali Dawabsha, un enfant de 18 mois dont le père a succombé à ses blessures, 5 jours plus tard, et dont la mère et le frère de 4 ans sont toujours entre la vie et la mort.
Le Secrétaire général adjoint a souligné que M. Ban Ki-moon a dûment salué la forte condamnation de l’attaque par le Premier Ministre israélien, M. Benjamin Netanyahu et d’autres responsables israéliens ainsi que par les dirigeants politiques et religieux de tous bords. Dans le même temps, nous dénonçons, a souligné M. Feltman, les appels du Hamas et du Djihad islamique à intensifier la violence et à mener des actes de représailles. Au moment où l’émotion et la colère sont au plus haut, ces incitations ne peuvent apporter que plus de drames, a prévenu Feltman qui a exhorté le Gouvernement israélien à traduire rapidement en justice les auteurs de cet acte de haine.
Le Secrétaire général adjoint a aussi pris note de la décision du Gouvernement israélien de renforcer les moyens juridiques et institutionnels contre le terrorisme des juifs extrémistes et de faire en sorte que la nouvelle loi antiterroriste s’applique, de manière égale, à tous les auteurs. M. Feltman s’est tout de même dit préoccupé par la décision d’élargir le recours à la détention administrative prolongée à laquelle l’ONU s’est toujours opposée.
Cette attaque comme beaucoup d’autres, y compris contre les colons israéliens, survient dans le contexte d’un manque chronique de maintien de l’ordre en Cisjordanie. Une telle violence n’est possible qu’à cause d’un environnement créé par la politique multi-décennale d’implantation illégale de colonies, a tenu à souligner le Secrétaire général adjoint.
« L’objectif est clair. Mais plus de 20 ans d’échecs dans les négociations ont engendré la méfiance et, bien pire, la lente et douloureuse érosion de l’espoir. Dans un environnement aussi tendu, rétablir la confiance, avant un retour à des négociations réalistes, est un devoir. » Ce qu’il faut, a préconisé le Secrétaire général adjoint, c’est une approche globale à trois niveaux, sur le terrain, dans la région, et avec la communauté internationale, pour changer fondamentalement la dynamique négative actuelle et commencer à creuser une voie claire et positive vers la paix.
Du côté israélien, il faut un changement de politique significatif pour permettre une véritable souveraineté, économie et sécurité de la Palestine. Du côté palestinien, l’unité est essentielle et l’autorité légitime palestinienne doit représenter toute la Palestine et tous les Palestiniens. M. Feltman s’est dit encouragé par la coopération croissante entre le Quatuor et les acteurs clefs de la région. Il a pleinement appuyé l’idée d’explorer plus profondément la façon dont la région, y compris à travers l’Initiative de paix arabe, pourrait contribuer à régler le conflit. Le Secrétaire général, a confié M. Feltman, appuie le travail du Quatuor pour connecter ces différents niveaux d’engagement.
Le Secrétaire général adjoint a rappelé qu’en Cisjordanie, après la tentative ratée de former un gouvernement d’unité nationale, un remaniement gouvernemental a conduit le 31 juillet à la nomination de cinq nouveaux ministres. Le processus a été accueilli par une certaine résistance parmi les factions palestiniennes. La période a aussi été marquée par la poursuite de la violence, y compris des incidents causant des victimes parmi les Palestiniens ainsi qu’un certain nombre d’attaques contre les Israéliens et les Forces de sécurité israéliennes. Le Secrétaire général, a dit son adjoint aux affaires politiques, appelle les autorités israéliennes à arrêter la démolition des structures appartenant aux Palestiniens en Cisjordanie, à supprimer les plans qui pourraient provoquer le transfert forcé des communautés palestiniennes et à mettre en œuvre une planification inclusive et un régime de zonage permettant le développement des zones résidentielles et des communautés palestiniennes.
M. Feltman a encore indiqué que les changements législatifs et politiques récents en Israël, touchant le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est, risquent d’aggraver une situation des droits de l’homme déjà précaire. Le 30 juillet, la Knesset a amendé la loi sur les prisons qui permet désormais au juge d’ordonner l’alimentation forcée d’un prisonnier en grève de la faim. Le 20 juillet, la Knesset avait déjà amendé le Code pénal pour élargir les peines les plus sévères, soit plus de 20 ans de réclusion, aux jeteurs de pierre contre les véhicules en marche. Cette loi ne pourra qu’affecter les enfants de manière disproportionnée, a prévenu M. Feltman. En outre, la Cour suprême israélienne a validé l’applicabilité de la loi de 1951 sur les propriétaires palestiniens absents à Jérusalem-Est.
À Gaza, a indiqué M. Feltman, la pression implacable sur la situation socioéconomique des bouclages constants, du manque d’électricité et d’eau et de la lenteur de la réconciliation continuent d’alimenter le mécontentement de la population. Il a néanmoins salué quelques développements positifs dans la reconstruction. Les incidents se poursuivent, a-t-il néanmoins poursuivi, en rappelant que le Secrétaire général a condamné les 24 tirs de roquettes contre Israël par des militants palestiniens à Gaza. Le Secrétaire général est en revanche soulagé par l’annonce faite aujourd’hui par le Commissaire général, M. Piere Krähenbühl, selon laquelle les écoles de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) ouvriront à temps.
Concernant la situation au Liban et en Syrie, M. Jeffrey Feltman s’est alarmé de ce que le bombardement aérien mené par les forces syriennes sur le marché de la ville de Douma, tuant et blessant plus de 300 civils, les 15 et 16 août, ait été le plus sanglant depuis le début du conflit en mars 2011. Voilà un autre crime de guerre pour lequel les auteurs devront être jugés, a-t-il commenté. Les hostilités doivent cesser et les parties doivent montrer un engagement authentique à résoudre le conflit par une transition politique irréversible en participant aux efforts de l’Envoyé spécial, M. Staffan de Mistura. Au Liban, le Secrétaire général adjoint a appelé les dirigeants politiques à agir, de manière urgente et responsable, pour combler sans délai « le vide présidentiel ».
M. Feltman a conclu en soulignant que la récurrence des incidents violents et la radicalisation en Cisjordanie occupée, y compris à Jérusalem-Est et à Gaza, menacent de déstabiliser davantage un environnement déjà tendu. Ces incidents ont un point commun: ils sont les produits inévitables de l’échec à faire des choix difficiles mais nécessaires pour résoudre la crise. Ils sont la conséquence de l’échec à donner la priorité à la poursuite d’un avenir partagé et fondé sur la confiance et non la peur. « Nous ne pouvons plus accepter cette réalité. Il est temps d’inverser cette tendance dangereuse et de restaurer, aussi bien chez les Israéliens que chez les Palestiniens, un espoir qui coure le risque d’être étouffé par ceux qui veulent faire avancer un agenda guidé par la haine », a déclaré M. Feltman.