Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires avertit contre la menace réelle d’une catastrophe humanitaire au Yémen
Le Secrétaire général adjoint aux affaires humanitaires, M. Stephen O’Brien, a prévenu les membres du Conseil de sécurité, cet après-midi, que la menace de catastrophe humanitaire était désormais bien réelle au Yémen. Si la pause humanitaire tient, un plan opérationnel d’aide humanitaire est prêt à être exécuté, a-t-il dit, avant d’annoncer qu’il se rendrait au Yémen dans les semaines à venir pour évaluer sur place les besoins et les obstacles en présence. Le représentant du Yémen est également intervenu pour demander aux membres du Conseil de sécurité de redoubler d’efforts en vue de rétablir l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire national.
Alors que la situation se détériore rapidement, M. O’Brien a indiqué que 80% d’une population d’environ 26 millions de personnes a actuellement besoin d’assistance humanitaire. Depuis le mois de mars, les combats ont fait plus de 1 895 morts parmi les civils.
Des frappes aériennes qui visaient un ensemble résidentiel à Mokha, le 24 juillet, ont fait au moins 73 morts, a-t-il indiqué en citant les chiffres du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme. La pause humanitaire annoncée pendant le week-end n’a été respectée par aucune partie au conflit, puisqu’on a constaté des tirs aériens sur huit gouvernorats, a-t-il fait observer.
Depuis la pause humanitaire, annoncée par l’Arabie saoudite, qui avait commencé dimanche à 23 h 59 (heure locale) les frappes aériennes de la Coalition ont été confirmées à Haijah, Lahj, Sa’ada, et plus récemment à Sanaa. Ces frappes aériennes ont notamment touché un centre médical à Haijah en faisant un mort et plusieurs blessés. De plus, des combats au sol ont eu lieu à Al Dhale’e, Lahj, Marib et Taizz. Des roquettes ont été lancées depuis des zones aux mains des Houthis-proSaleh aux environs d’Aden.
M. O’Brien a regretté que les parties au conflit n’aient pas honoré leurs responsabilités en vertu du droit international humanitaire et des droits de l’homme, citant, à la date du 24 juillet, les 4 000 morts et les 19 800 blessés enregistrés par les centres de santé depuis le 26 mars, en plus des dégâts aux infrastructures. Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a, pour sa part, recensé 1 895 morts et 4 182 blessés parmi la population civile.
Entre mars et juillet, a poursuivi le Secrétaire général adjoint, le nombre de personnes qui ont besoin d’aide humanitaire a augmenté de 33% en passant de 16 millions à plus de 21 millions. Il a aussi mentionné le nombre de personnes souffrant d’insécurité alimentaire qui est passé de 10,6 millions à 13 millions au cours de la même période, soit une augmentation de 21%. Certaines agences d’aide humanitaire parlent de « personnes affamées ».
Il a prévenu que les conditions sur le terrain avaient conduit à la propagation de maladies telles que la diarrhée aiguë, la dengue et la polio. En outre, plus de 15,2 millions de personnes n’ont pas accès à des soins de santé de base et plus de 20 millions n’ont pas accès à une eau propre.
Le Secrétaire général adjoint a également indiqué que les importations commerciales, qui représentaient 90% des denrées alimentaires et du carburant du Yémen avant le conflit, avaient fortement chuté. Il a rappelé la proposition d’établir un mécanisme d’inspection, qui serait mené par les Nations Unies, en vue d’augmenter les importations, sur laquelle les négociations se poursuivent.
M. O’Brien a indiqué que le Coordonnateur humanitaire, qui s’est rendu à Aden cette semaine, a constaté les dégâts et décrit la situation comme « poignante ».
Il a donc réitéré l’appel lancé par la communauté internationale aux parties afin qu’elles respectent une pause humanitaire significative, c’est-à-dire la suspension sans condition des combats afin de permettre un accès aux personnes qui ont gravement besoin d’assistance.
Les partenaires humanitaires, a-t-il indiqué, ont mis au point un plan opérationnel qui est prêt à être exécuté si la pause humanitaire tient. Il permettrait d’atteindre 3 millions de personnes de plus au cours d’une période initiale de cinq jours en leur fournissant une aide vitale dont l’eau et l’assainissement. Il a indiqué que 600 000 personnes pourraient recevoir des soins de santé vitaux, 3,1 millions de personnes recevraient une alimentation et 2 200 enfants de moins de 5 ans seraient traités médicalement pour malnutrition aiguë.
Malgré la violence qui pose des risques en matière de sécurité lors des livraisons, les partenaires continuent courageusement de fournir une assistance aux personnes dans le besoin, a apprécié M. O’Brien. Les agences humanitaires, dont le Programme alimentaire mondial (PAM), par exemple, ont pu envoyer hier de la nourriture à 62 000 personnes, tandis que 50 000 personnes ont pu recevoir de l’eau grâce à la livraison de carburant par l’UNICEF et ses partenaires pour faire fonctionner les pompes à eau. Il a aussi indiqué que des centres médicaux avaient pu rouvrir à Aden pour offrir leurs services à 360 000 personnes et vacciner 120 000 enfants.
En outre, les Nations Unies ont créé cinq centres dans le pays pour augmenter leur présence sur le terrain et, pour la première fois depuis le début du conflit, son personnel peut être basé ailleurs que dans la capitale.
Les efforts visant à répondre aux besoins humanitaires sont gravement sous financés, a ensuite averti le Secrétaire général adjoint. L’appel humanitaire pour le Yémen qui vise à lever 1,6 milliard de dollars n’est en effet financé qu’à hauteur de 241 millions, soit 15%. Il a donc appelé à fournir des ressources supplémentaires de toute urgence. « Maintenant », a-t-il insisté.
Invité à cette séance, le représentant du Yémen, M. Khaled Hussein Mohamed Alyemany, a condamné le coup d’État commis par les partisans de l’ancien Président Saleh, les Houthis et leurs complices. Il a rappelé que la pause humanitaire avait été violée par les Houthis qui se sont employés, depuis, à terroriser le courageux peuple du Yémen. Il a également indiqué qu’il avait envoyé, ce matin, un rapport à la présidence du Conseil sur les violences commises par les Houthis dans la nuit de lundi.
Le représentant du Yémen a lancé un appel pour que des pressions soient exercées sur les auteurs du coup d’État, afin que ceux-ci acceptent la mise en œuvre de la résolution 2216 (2015) du Conseil de sécurité. « Pour sortir de ce long tunnel, tous les membres du Conseil doivent redoubler d’efforts en vue de rétablir l’autorité de l’État au Yémen », a-t-il insisté.