Le Représentant spécial souligne la nécessité pour l’Iraq d’engager des réformes afin de préserver l’unité du pays, d’encourager la réconciliation nationale et de vaincre DAECH
Le Représentant du Secrétaire général pour l’Iraq, M. Ján Kubiš, a souligné, ce matin, devant le Conseil de sécurité, la nécessité d’entreprendre des réformes institutionnelles et législatives en Iraq, même au prix de « compromis douloureux », afin de préserver l’unité du pays, d’encourager la réconciliation et de vaincre le groupe terroriste Daech qui contrôle un tiers du territoire iraquien.
« Le Gouvernement iraquien doit prendre les mesures visant la protection des différentes minorités ethniques et religieuses et leur pleine et égale participation à la vie économique, sociale et politique de l’Iraq, afin d’assurer la future cohésion du pays », a déclaré M. Kubiš, qui présentait deux rapports du Secrétaire général portant, respectivement, sur les progrès de la Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Iraq (MANUI)* et sur la question des ressortissants du Koweït et d’États tiers portés disparus et des biens koweïtiens disparus.**
À l’occasion de ce débat trimestriel sur la situation en Iraq, le Conseil a également entendu le représentant de l’Iraq, M. Mohamed Ali Alhakim, qui a mis l’accent sur l’appui essentiel fourni par la MANUI dans l’accompagnement du processus démocratique en cours dans le pays. Il a souhaité que le Conseil approuve la prorogation du mandat de la Mission à la fin de ce mois.
M. Kubiš, qui est également Chef de la MANUI, a commencé son intervention en rappelant que depuis l’offensive de Daech l’été dernier, l’Iraq vivait l’une des phases les plus difficiles de son histoire. « Le processus politique avance mais pas avec la vigueur nécessaire », a-t-il dit.
Le Représentant spécial a expliqué que les forces politiques qui avaient soutenu le Gouvernement iraquien et son programme ne coopéraient désormais plus qu’avec réticence, « comme si la menace existentielle de Daech et les difficultés économiques et sociales appartenaient au passé ». « L’unité qui avait permis la mise en place du Gouvernement actuel ne s’est pas traduite par une unité d’objectifs ou d’actions », a-t-il regretté.
Dans le même temps, il a souligné l’existence de certains signes attestant de la conviction de plus en plus partagée que le temps était venu pour réaliser des accords politiques complets et « une réconciliation nationale historique ». M. Kubiš a mentionné certains documents et projets allant dans ce sens, dont le plan d’action, connu sous le nom de « Document de Bagdad », qui avait été élaboré par la Commission de réconciliation nationale.
M. Kubiš a ensuite insisté que les réformes institutionnelles et législatives étaient essentielles pour préserver l’unité de l’Iraq, encourager la réconciliation politique et vaincre Daech. « Malheureusement, l’absence de consensus politique a abouti à la suspension du processus de réforme », a-t-il dit, en déplorant le manque de progrès enregistrés en ce qui concerne l’adoption d’un paquet législatif pour la réconciliation nationale, qui s’articule autour de trois projets de lois clefs sur la Garde nationale, sur une amnistie générale et sur la justice.
« Ces trois projets de lois ont été soumis devant le Conseil des représentants, mais, en raison du manque de confiance entre communautés iraquiennes et de l’absence de volonté politique, d’autres progrès n’ont pu être enregistrés », a fait remarquer M. Kubiš. Il a ajouté qu’il avait informé ses interlocuteurs au Parlement et au Gouvernement iraquiens de la nécessité de consentir des « compromis douloureux » pour que ces lois soient adoptées. « L’Iraq et son peuple ne peuvent s’offrir le luxe d’attendre. »
Un an après la chute de Mossoul, un tiers de l’Iraq demeure sous le contrôle de Daech, a poursuivi M. Kubiš. Les offensives militaires des Forces de sécurité iraquiennes, menées avec l’appui des forces de mobilisation populaire, des volontaires sunnites et de la coalition internationale, n’ont pas encore changé de manière significative la situation sur le terrain. « Tikrit a été libéré en mars mais Ramadi est tombé en mai », a-t-il fait observer.
« Le bilan humain de ce conflit est très élevé », a poursuivi le Représentant spécial, qui a précisé que, depuis son dernier exposé devant le Conseil, 1 200 civils au moins avaient été tués et plus de 2 000 autres blessés en raison du conflit armé ou d’attaques terroristes.
Chaque composante du peuple iraquien, a-t-il affirmé, a enduré toute une série d’abus et de violations au cours des dernières décennies qui ont sapé la confiance entre communautés et érodé l’identité nationale. Pour rétablir la confiance et l’unité, M. Kubiš a donc estimé nécessaire que les violations et abus commis ne restent pas impunis, quelle que soit la date à laquelle ils ont eu lieu et quels qu’en soient les auteurs. Les discriminations doivent également prendre fin.
« Le Gouvernement doit prendre les mesures visant la protection des différentes minorités ethniques et religieuses et leur pleine et égale participation à la vie économique, sociale et politique de l’Iraq, afin d’assurer la future cohésion du pays », a-t-il affirmé.
Le Représentant spécial a ensuite qualifié la situation humanitaire de « très préoccupante », en estimant qu’au moins 8,2 millions d’Iraquiens avaient besoin d’une aide d’urgence. Il s’est aussi dit très préoccupé par les informations selon lesquelles communautés et familles étaient obligées de se tourner vers Daech pour recevoir de l’aide, tandis que les programmes appuyés par l’ONU devaient fermer en raison d’un manque de fonds.
Les relations entre l’Iraq et le Koweït, a ensuite indiqué M. Kubiš, sont dans une phase ascendante. Il a émis l’espoir que la bonne volonté constatée se traduise par des résultats tangibles sur la question des ressortissants du Koweït et d’États tiers portés disparus ainsi que des biens koweïtiens disparus, notamment les archives nationales. Discutant brièvement du sort des résidents du camp de Hourriya, M. Kubiš a souligné qu’il était nécessaire « d’alléger le fardeau de l’Iraq » et appelé tous les pays à considérer l’accueil de ces résidents ou à user de leur influence afin de faciliter leur réinstallation.
« Votre décision, à la fin de ce mois, sur le mandat de la MANUI établira un cadre politique de l’ONU recentré en Iraq, y compris à l’égard de la Mission », a précisé le Représentant spécial, en ajoutant que l’Iraq continuera d’avoir besoin du soutien massif de la communauté internationale.
Un point de vue partagé par le représentant de l’Iraq qui a souhaité la prorogation du mandat de la Mission jusqu’au 31 juillet 2016, en saluant son rôle essentiel pour conseiller le Gouvernement iraquien et accompagner le processus démocratique, s’agissant notamment de « la protection des droits des femmes et des enfants et des minorités religieuses et du développement du système judiciaire ».
M. Alhakim a ensuite mis l’accent sur l’importance de la coopération internationale pour appuyer les efforts de l’Iraq dans la lutte contre Daech, en rappelant que les attaques perpétrées par ce groupe extrémiste avaient forcé le déplacement de deux millions d’Iraquiens. Soulignant les efforts de son gouvernement pour reprendre le contrôle, il a indiqué que l’armée iraquienne était en train de libérer les villes de Fallouja et Ramadi.
S’agissant des relations entre l’Iraq et le Koweït, il a assuré que son pays œuvrait inlassablement pour retrouver les dépouilles des personnes koweïtiennes portées disparues lors de l’invasion iraquienne. La résolution 2231 (2015), qui a entériné, il y a deux jours, l’accord intervenu le 14 juillet sur le dossier nucléaire iranien, est extrêmement importante pour les pays de la sous-région, a-t-il souligné.
* S/2015/530
** S/2015/518