En cours au Siège de l'ONU

7485e séance – matin
CS/11971

M. Bernardino León insiste pour que toutes les parties libyennes se joignent à l’accord de Skhirat du 11 juillet et passent à la phase suivante de la réconciliation nationale

Le nouvel accord signé par les parties libyennes à Skhirat, au Maroc, le 11 juillet dernier n’a pas empêché le Représentant spécial pour la Libye, M. Bernardino León, de faire part aux membres du Conseil de sécurité de son inquiétude concernant la détérioration de la situation en Libye résultant de la fragmentation politique et de la violence liée, en particulier à Daech.  Il s’est toutefois dit confiant que la phase suivante des négociations, avec la constitution d’un gouvernement d’accord national, permettrait de résoudre les questions en suspens et de sortir le peuple libyen du chaos.

Au cours de la séance d’information sur la Libye, le Conseil de sécurité a également entendu, ce matin, le Président du Comité des sanctions créé en vertu de la résolution 1970 (2011), M. Ramlan Bin Ibrahim (Malaisie), qui a présenté le dix-septième rapport de cet organe chargé de surveiller l’application de l’embargo sur les armes, l’interdiction de voyager et le gel des avoirs imposés en Libye.  Le représentant de la Libye est ensuite intervenu pour accuser ce Comité de contribuer indirectement à l’instabilité dans son pays et, de ce fait, à la montée du terrorisme.

M. León a constaté que le chaos sur le terrain avait contribué à l’avancée, dans plusieurs zones du pays, des groupes extrémistes, dont certains sont affiliés à Daech.  L’absence d’autorité et d’état de droit a été exploité par des trafiquants d’êtres humains, qui poussent de nombreux réfugiés, demandeurs d’asile et migrants se trouvant dans le pays à traverser la mer Méditerranée au moyen d’embarcations périlleuses, a-t-il précisé.

« Le peuple libyen appelle de ses vœux la fin du chaos », a-t-il dit en se réjouissant que ce message ait été entendu par plusieurs dirigeants libyens courageux qui, le 11 juillet à Skhirat (Maroc), avaient signé un accord politique.  Un message a ainsi été lancé en faveur de la réconciliation, encourageant tous les Libyens à joindre leurs efforts en vue de mettre fin à leurs souffrances.  Le Représentant spécial a indiqué que le Comité de dialogue de la Chambre des représentants de la Libye avait approuvé cet accord, ainsi que les membres boycottant cette Chambre, des personnalités indépendantes, des représentants des partis politiques et des municipalités de l’est et de l’ouest du pays.

Cet accord témoigne d’un consensus entre les parties dont l’intention claire est de ne pas amender le texte, a expliqué M. León, avant de préciser qu’il prévoit un cadre complet qui permettra à la Libye de poursuivre la transition commencée en 2011.  L’accord établit des principes directeurs visant la création d’institutions et de mécanismes de prise de décisions pour guider le processus de transition jusqu’à l’adoption d’une constitution définitive.  Ce processus doit aboutir à la création d’un État moderne et démocratique, fondé sur le principe de l’inclusion, la primauté du droit, la séparation des pouvoirs et le respect des droits de l’homme.

Le Représentant spécial a salué les participants libyens dont les négociations et la détermination politique ont abouti après de longs mois de consultations.  « C’est un accord libyen, développé par des représentants Libyens », a-t-il noté en soulignant que tous les secteurs de la société civile avaient participé activement à ce processus.

Il a rappelé néanmoins que le Comité de dialogue du Congrès national général avait décidé de ne pas parapher cet accord.  « La porte est toujours ouverte pour qu’ils se joignent à nous », a-t-il lancé en insistant sur le rôle important qu’ils peuvent jouer dans l’élaboration du texte de l’accord.  « Je suis sûr que les voix modérées entendront l’appel du peuple libyen en faveur de la paix », a-t-il dit, en assurant du soutien de la communauté internationale.  « Alors que nous allons passer à la phase suivante des négociations, avec la constitution d’un gouvernement d’accord national, je suis confiant que les questions en suspens vont être résolues », a déclaré le Représentant spécial, avant de remercier le Maroc et tous les pays voisins de la Libye qui ont soutenu ce dialogue et accueilli les réunions.

M. León a ensuite décrit la situation dans différentes parties du pays.  Dans l’ouest, les cessez-le-feu locaux et les accords de réconciliation ont amélioré la situation en termes de sécurité, ce qui a permis en outre d’améliorer la situation humanitaire.  Dans le centre, les militants affiliés à Daech ont pris le contrôle de Syrte et de la zone côtière, a-t-il indiqué.  Les divisions politiques et sécuritaires dans le pays, a-t-il regretté, ont empêché de traiter la menace que représente Daech.  Concernant la situation à Benghazi, il a signalé des incidents intervenus entre le Conseil Shura révolutionnaire de Benghazi et l’Opération Dignité.

La Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL), qu’il dirige, a poursuivi ses efforts pour convoquer le volet sécuritaire du dialogue politique, a assuré M. León, avant de mettre l’accent sur le rôle important que jouent les acteurs intervenant dans le domaine de la sécurité pour mettre en œuvre l’accord politique.  M. León a indiqué qu’il convoquera tous ces acteurs avant la signature définitive de l’accord.

Les violations de droits de l’homme et du droit international humanitaire, a-t-il déploré, se poursuivent partout dans le pays en toute impunité.  Des enfants et membres du personnel médical ont été tués ou blessés au cours de pilonnage de zones résidentielles, s’est-il indigné.  Il a également signalé que plus de la moitié de la population de Benghazi avait quitté la zone pour échapper à la violence, celle-ci sapant en outre les efforts sur le plan humanitaire.

M. León a alerté le Conseil de sécurité sur la gravité de la situation à Benghazi et a demandé de concentrer davantage les efforts sur cette ville, berceau de la révolution, pour mettre fin aux combats qui ont causé tant de destructions.

Pour ce qui est de l’ouest du pays, il a mentionné des incidents périodiques dans les zones résidentielles qui ont fait des morts et des blessés.  Les groupes armés ont visé des civils à cause de leur affiliation politique, a-t-il estimé.  De plus, des milliers de Libyens restent détenus illégalement et certains ont été torturés, a-t-il indiqué avant d’appeler à les libérer avant la fin du Ramadan.

M. León a ensuite parlé de la souffrance des migrants de l’Afrique subsaharienne présents illégalement en Libye au péril de leur vie et qui restent exposés à des abus, dont la violence sexuelle.  Il a émis de sérieuses craintes concernant la sécurité des personnes enlevées près de Syrte depuis la publication de vidéos par Daech, en avril dernier, qui montrent l’assassinat brutal de 50 chrétiens.

Le Représentant spécial a aussi fait remarquer que l’insécurité empêchait la reprise des activités judiciaires à Benghazi, Derna et Syrte.  À Tripoli, les procès de Saif al-Islam Qadhafi, Abdullah al-Senussi et de 35 autres hauts responsables de l’ancien régime ont eu lieu le 20 mai et les verdicts sont prévus pour le 28 juillet.  La Libye doit pouvoir tourner cette page sombre de son histoire en condamnant les responsables de crimes graves, a dit M. León.

La situation humanitaire en Libye est toujours une source de préoccupation, a-t-il déclaré, en précisant que le nombre de personnes déplacées avait doublé depuis septembre 2014.  Il s’est inquiété du manque de financement de l’aide humanitaire et des obstacles à l’acheminement de cette aide à cause de l’insécurité, en particulier dans le sud du pays qui est presque inaccessible.

La Libye est à la croisée des chemins, a estimé le Représentant spécial en demandant aux parties de s’engager constructivement dans le dialogue.  Ceux qui font obstacle au processus politique doivent être tenus responsables de leurs actes, a-t-il insisté, en recommandant au Conseil de sécurité d’envoyer un message sans ambigüité rappelant que rien ne pourra être accompli sans compromis politique.  Seul un gouvernement d’accord national pourra être considéré comme interlocuteur pour traiter de la menace de Daech et des groupes affiliés, a-t-il aussi estimé.

Intervenant à son tour, le Président du Comité des sanctions sur la Libye a indiqué que le Comité, au cours de la seule réunion convoquée depuis le 5 mars dernier, avait permis de mener des consultations informelles sur le programme de travail du Groupe d’experts chargé de l’aider à s’acquitter de son mandat.  Cette réunion a aussi conduit à approuver la liste de candidats experts pour la période allant jusqu’au 30 avril 2016.

Le Comité a en outre présenté des demandes d’informations auprès des autorités libyennes concernant l’exportation illicite du pétrole brut de la Libye.  Il a également envoyé à tous les États Membres une note verbale pour leur rappeler leurs obligations d’inspection en application de l’embargo sur les armes. 

À l’issue de cette brève présentation, le représentant de la Libye, M. Ibrahim Dabbashi, a déploré le fait que le Comité des sanctions contribue indirectement, selon lui, à entretenir l’instabilité qui se poursuit en Libye.  « Le Comité est responsable indirectement de l’ampleur croissante du terrorisme, compte tenu du veto non déclaré qu’il exerce pour priver les Forces armées libyennes des armes nécessaires », a-t-il dit. 

Il a rappelé que le paragraphe 7 de la résolution 2214 (2015) demandait au Comité d’examiner les demandes pour le transfert ou la fourniture au Gouvernement libyen d’armes et de matériel connexe, y compris les munitions et pièces détachées correspondantes, en vue de leur utilisation par les forces armées officielles libyennes pour combattre l’État islamique (EIIL), les groupes qui lui ont prêté allégeance, ainsi que tous les autres groupes associés à Al-Qaida qui opèrent en Libye.

Dans ce contexte, M. Dabbashi a déploré le fait qu’une demande émise le 26 février 2015 par le Gouvernement libyen ait été suivie d’une décision de mise en attente technique, malgré des informations supplémentaires fournies dans la foulée par la Libye.  Il a émis l’espoir que cette décision aboutira en temps voulu pour que son pays puisse combattre efficacement le terrorisme.  Il a en outre souhaité qu’il y ait davantage de transparence et de communication entre le Comité et la MANUL.

 

 

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