En cours au Siège de l'ONU

7481e séance – matin
CS/11961

Le Conseil débat d’une résolution relative au conflit qu’a connu la Bosnie-Herzégovine après le rejet du texte par le vote négatif d’un membre permanent

Faisant usage de son statut de membre permanent du Conseil de sécurité et du droit de veto qui l’accompagne, la Fédération de Russie s’est opposée, aujourd’hui, à l’adoption d’un projet de résolution relatif au conflit qui a embrasé, il y a une vingtaine d’années, l’ex-Yougoslavie, notamment la Bosnie-Herzégovine et la ville de Srebrenica, lieu d’un génocide commis en juillet 1995.  La séance de travail du Conseil de sécurité a été marquée par l’observation d’une minute de silence en mémoire des victimes et par les regrets exprimés par le Vice-Secrétaire général de l’ONU, qui a déploré que l’Organisation n’ait pu empêcher ce génocide.

Un certain nombre de délégations, dont celles de la Chine, du Venezuela, du Nigéria et de l’Angola ont exercé un vote d’abstention sur une résolution dont elles ont estimé les termes partiaux, non consensuels et trop orientés contre une seule des parties au conflit qui s’est déroulé en Bosnie-Herzégovine.  Ces délégations ont regretté que les auteurs de la résolution aient refusé une poursuite des consultations et un échange plus poussé de points de vue sur le contenu du projet de texte.

La solennité de cette réunion, qui se tenait à l’occasion du vingtième anniversaire « du crime le plus grave commis en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale », selon certains intervenants –plus de 8 000 personnes avaient trouvé la mort dans la ville de Srebrenica, située aujourd’hui en Bosnie-Herzégovine–, n’a pas empêché des échanges très vifs entre représentants d’États membres du Conseil de sécurité, avant et après le déroulement de la procédure de vote du projet de résolution.  D’un côté, le représentant de la Fédération de Russie, et de l’autre, les représentants des États-Unis et du Royaume-Uni ont exprimé des vues très divergentes sur le soutien que l’ONU et la communauté internationale devraient apporter à la réconciliation entre les différentes communautés des Balkans.  

« Ce projet de résolution rejette la faute des violences survenues il y a 20 ans sur un seul peuple et laisse l’impression que tous les crimes de guerre ont été commis par une seule partie », a relevé le représentant de la Fédération de Russie, qui a demandé l’observation de la minute de silence.  Il a estimé que le texte soumis au vote du Conseil était devenu, « un sujet de polémique en Bosnie-Herzégovine, et qu’il y attisait les tensions et ne servait pas la promotion d’une paix durable ».  « En lisant ce document, on ne peut qu’y remarquer des tentatives d’imposer une pression politique sur Belgrade », a-t-il déclaré.  Estimant que l’adoption du projet de résolution serait « contreproductive », il a demandé à ses auteurs, soutenu en cela par son homologue de la Chine, de ne pas le soumettre au vote.

Ce vœu a été rejeté par le représentant du Royaume-Uni, principal auteur du projet de résolution, qui a affirmé que « le texte ne stigmatisait pas les Serbes et reconnaissait que des crimes avaient été commis par toutes les parties contre toutes les autres parties ».  Après le vote et le rejet du projet de résolution, la représentante des États-Unis a déclaré que « le veto de la Fédération de Russie brisait le cœur des familles des victimes de Srebrenica ». 

« Comment la Fédération de Russie peut-elle s’opposer à ce projet de résolution? » a-t-elle demandé, avant de souligner que le projet de résolution « ne nommait pas les responsables du génocide ».  « Si les mères des garçons tués à Srebrenica étaient présentes aujourd’hui, elles se demanderaient comment des pays peuvent s’abstenir et comment un pays peut utiliser son privilège de membre permanent pour nier ce qui s’est passé », a-t-elle dit. 

À cette critique le représentant de la Fédération de Russie a répondu en exerçant son droit de réponse.  « Pourquoi, pour le dixième anniversaire de l’ingérence et de l’invasion illégale des États-Unis en Iraq, le Conseil n’a-t-il pas adopté une résolution qui aurait désigné les choses par leur vrai nom? » a-t-il demandé.  « L’humanisme des États-Unis et du Royaume-Uni s’allume et s’éteint en fonction de leurs considérations politiques et leurs intérêts », a-t-il ajouté.

Pour sa part, le représentant de la France a souhaité que les cinq membres permanents s’engagent sur une base volontaire à renoncer à l’usage du veto lorsque des crimes de masse sont constatés et débattus par le Conseil.  « L’usage du droit de veto n’est pas un privilège, c’est une responsabilité », a-t-il déclaré.  À l’instar de nombreuses délégations, il a également souligné la part de responsabilité des Nations Unies dans le génocide de Srebrenica, « car elles ont échoué à remplir leur mission fondatrice: le maintien de la paix et de la sécurité internationales ».

Cette impuissance de l’ONU et de la communauté internationale a été au cœur de l’intervention du Vice-Secrétaire général de l’ONU, M. Jan Eliasson, qui a ouvert la séance.  « Nous nous rassemblons aujourd’hui dans l’humilité et sommes au regret de reconnaître l’échec des Nations Unies et de la communauté internationale, qui n’ont pu empêcher que cette tragédie ne se produise », a-t-il dit.  Les Nations Unies ont reconnu avoir échoué à protéger les personnes qui avaient cherché secours et refuge à Srebrenica, a-t-il poursuivi, rappelant qu’un rapport du Secrétaire général de 1999 avait identifié les fautes commises par l’Organisation et la communauté internationale.

« Comment avons-nous pu, tous aux Nations Unies, être aussi inconséquents au point de n’avoir su anticiper le meurtre de 8 000 hommes et garçons à Srebrenica? » s’est également demandé M. Zeid Ra’ad Al Hussein, Haut-Commissaire aux droits de l’homme (HCDH), qui s’est exprimé en visioconférence depuis Genève, en Suisse.  Retraçant les évènements clefs ayant contribué à décrédibiliser l’ONU et sa Force de protection des Nations Unies (FORPRONU) déployée à l’époque, il a expliqué que la FORPRONU craignait les Serbes de Bosnie et n’avait jamais fait en sorte que les Serbes de Bosnie la redoutent. 

LA SITUATION EN BOSNIE-HERZÉGOVINE

Déclarations

M. JAN ELIASSON, Vice-Secrétaire général de l’ONU, a rappelé que l’une des principales missions assignées aux Nations Unies était la prévention du génocide.  « Le génocide de Srebrenica a été l’un des chapitres les plus sombres de l’histoire récente », a-t-il dit.  « Aujourd’hui, nous nous réunissons à New York pour rendre hommage à toutes les victimes et pour partager le chagrin des familles et des communautés touchées par ces atrocités.  Nous nous rassemblons aujourd’hui dans l’humilité et sommes au regret de reconnaître l’échec des Nations Unies et de la communauté internationale qui n’ont pu empêcher que cette tragédie ne se produise », a ajouté M. Eliasson.  Il a ensuite fait part de la détermination des Nations Unies à tirer les leçons de ces jours « innommables » de juillet 1995, afin, dans l’avenir, de détecter les dangers qui se posent aux populations à un stade plus précoce.  « Nous devons bâtir une Organisation qui soit mieux outillée pour empêcher que de tels crimes et atrocités ne se reproduisent », a souligné le Vice-Secrétaire général.

Les Nations Unies ont reconnu avoir échoué à protéger les personnes qui avaient cherché secours et refuge à Srebrenica, a-t-il poursuivi, rappelant qu’un rapport du Secrétaire général publié en 1999 avait identifié les fautes commises par l’Organisation et la communauté internationale.  Cette même année, une enquête indépendante sur les agissements de l’ONU pendant le génocide de 1994 au Rwanda avait identifié des déficiences similaires, a rappelé M. Eliasson.  Il a ensuite retracé les mesures prises pour mettre en œuvre les recommandations contenues dans ces rapports, la prévention des génocides étant devenu un impératif.  « Des tribunaux pénaux internationaux ont jugé les auteurs de ces crimes odieux », a-t-il dit, avant de rappeler que l’Assemblée générale avait entériné en 2005 la notion de « responsabilité de protéger », qui fait de la prévention des génocides, des crimes de guerre, des nettoyages ethniques et des crimes contre l’humanité une responsabilité étatique et internationale essentielle.  Si les Casques bleus sont désormais dotés de mandats robustes pour protéger les civils, a-t-il dit, il faut cependant souligner qu’ils continuent de faire face aux mêmes défis qui se posaient au moment où est survenue la tragédie de Srebrenica, défis en particulier caractérisés par des « divisions paralysantes » entre États Membres et entre membres du Conseil de sécurité et par un manque de soutien politique et matériel aux initiatives que pourraient prendre l’ONU.

« L’Organisation des Nations Unies et ses États Membres, de même que les organisations régionales, ont l’obligation de renforcer leurs efforts collectifs de prévention des violences et des conflits et de trouver des solutions pacifiques dans l’esprit des Chapitres VI et VII de la Charte », a souligné le Vice-Secrétaire général, avant d’insister sur le rôle central du Conseil de sécurité.  « Nous voyons comment les situations peuvent se détériorer et échapper à tout contrôle lorsque le Conseil est divisé », a-t-il poursuivi, avant de souligner que le carnage en Syrie avait indéniablement entaché la réputation et le prestige du Conseil et des Nations Unies.

M. Eliasson a rappelé que des crimes atroces étaient commis en Iraq, au Soudan du Sud et ailleurs, et que des groupes extrémistes, comme Daech, Boko Haram et Al-Chabab, rivalisent désormais d’horreur et de brutalité pour semer la peur au sein des populations.  « Comme nous l’obligent la Charte et la moralité, nous devons unir nos forces contre de tels actes et menaces.  Quand les mots manquent pour dire notre indignation, nous devons agir et nous montrer à la hauteur des valeurs et des principes élémentaires de notre humanité, inscrits dans la Charte », a-t-il conclu.

« Comment avons-nous tous, aux Nations Unies, pu être aussi inconséquents, et n’avons-nous pas su anticiper le meurtre, de sang-froid, de 8 000 hommes, adolescents et jeunes garçons à Srebrenica? » s’est demandé M. ZEID RA’AD AL HUSSEIN, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), qui intervenait par vidéoconférence depuis Genève.  « Comment avons-nous pu commettre autant d’erreurs et ne toujours pas les comprendre?  Comment n’avons-nous pas, depuis, pris depuis des mesures correctives afin d’éviter la répétition des erreurs commises dans le passé? » s’est-il inquiété après avoir rendu hommage aux mères, sœurs et filles des 8 000 hommes et garçons assassinés.  Il a indiqué qu’il y a une semaine le Hague Institue for Global Justice Institute et le Musée de l’Holocauste des États-Unis ont organisé une discussion rassemblant pour la première fois de nombreux officiels ayant une relation avec les événements qui se sont déroulés en Bosnie-Herzégovine il y a 20 ans, et en particulier à Srebrenica. 

Rappelant les évènements clefs qui ont contribué à décrédibiliser l’ONU et la Force de protection des Nations Unies (FORPRONU), il a cité l’assassinat, au début de l’année 1993, du Vice-Premier Ministre bosniaque Hakija Turajlić par des soldats serbes-bosniaques à un point de contrôle situé en dehors de Sarajevo, alors que le Vice-Premier Ministre était à bord d’un véhicule blindé de l’ONU.  Même si un semblant de crédibilité a pu être restauré lorsque le général Morillon a placé Srebrenica sous la protection de l’ONU, il a fallu attendre février 1994 pour voir l’ONU recourir à la menace d’une intervention aérienne de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) pour obliger les Serbes à mettre fin aux bombardements qu’ils menaient contre la ville de Sarajevo, a-t-il expliqué. 

Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme a noté que la FORPRONU avait renoncé à « faire usage du bâton » lors de la crise de Gorazde en avril 1994 parce que le Secrétaire général des Nations Unies, son représentant spécial, le Département des opérations de maintien de la paix (DOMP) et le chef de la FORPRONU avaient jugé qu’il serait contreproductif de voir des troupes de maintien de la paix recourir à la force et prendre part ainsi au conflit.  Il a rappelé que le recours à des interventions aériennes les 24 et 25 mai 1995 contre des positions des Serbes de Bosnie s’était traduit par la prise d’otages de 400 Casques bleus.  Après cela, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France avaient décidé de suspendre les interventions aériennes, ce qui a « préparé ainsi le terrain » à ce qui s’est ensuite passé à Srebrenica. 

Un peu plutôt, le 8 mars 1995, Radovan Karadzić avait approuvé sa « Directive 7 » ordonnant à l’armée serbe de Bosnie « d’écraser les enclaves orientales », dont Srebrenica, afin de créer des faits sur le terrain et une situation de non-retour.  Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme a estimé que c’est la pause décidée dans la conduite des interventions aériennes qui a ouvert la voie aux actes qu’a commis Ratko Mladić.  Le 3 juin, les Serbes de Bosnie ont attaqué la zone de protection de Srebrenica en rencontrant très peu de résistance.  Le 4 juin, après une rencontre avec le chef des forces de l’ONU, le général Bernard Janvier, Ratko Mladić a eu le sentiment que l’ONU ne ferait pas appel à un appui aérien de l’OTAN tant que les Serbes de Bosnie s’abstiendraient de menacer ou de s’en prendre au personnel de l’Organisation.

Un mois plus tard, alors que l’armée serbe de Bosnie avançait sur Srebrenica par le sud-est, deux demandes d’interventions aériennes ont été respectivement refusées les 6 et 8 juillet, ceci alors qu’il était clair que la résolution 836 (1993) avait été délibérément violée.  Le 9 juillet, constatant que ses troupes rencontraient très peu de résistance, le général Mladić a décidé de prendre la ville.  Dans un télégramme daté du 10 juillet, le général Janvier a exprimé son opposition à toute intervention aérienne.  Le 11 juillet, les avions de l’OTAN ont survolé Srebrenica à partir de 6 heures du matin, prêts à frapper si la requête en était faite, mais il n’y a pas eu de demande de la part du général Janvier.  Lorsqu’une demande a été faite, elle a été exprimée après 11 heures, et elle mettait des conditions au lancement de tout raid aérien, indiquant que l’usage de l’aviation contre les forces serbes ne pourrait avoir lieu que si ces forces faisaient feu sur les positions de l’ONU.  Il était alors déjà trop tard pour sauver Srebrenica

Dans la nuit du 11 juillet, Ratko Mladić a commencé à transformer sa victoire militaire en un crime perpétré à une échelle jamais vue en Europe depuis 1945, a poursuivi M. Zeid Ra’ad Al Hussein.  « Apparemment, c’est au cours de cette nuit qu’il a pris la décision d’exécuter de manière sommaire 1 000 hommes et garçons bosniaques détenus et rassemblés à Potocari », a poursuivi le Haut-Commissaire aux droits de l’homme en précisant que les exécutions de masse ont débuté le 13 juillet et se sont ensuite poursuivies, faute d’avoir pu être détectées par l’ONU. 

Le Chef du Haut-Commissariat des droits de l’homme (HCDH) s’est étonné qu’il n’y ait jamais eu de discussions appropriées à ce sujet aux Nations Unies, au-delà d’un débat sommaire tenu à l’Assemblée générale en 1999.  Par ailleurs, il a noté que la FORPRONU craignait les Serbes de Bosnie, et que la Force onusienne n’avait jamais reçu les moyens et la possibilité de faire en sorte que les Serbes de Bosnie puissent, aux aussi, la craindre.  Il a jugé dangereuse l’attention qui avait été accordée aux prétextes invoqués par la partie serbe et à ses récriminations, alors que c’était elle l’oppresseur.  Certaines mesures ont même donné l’impression qu’on faisait preuve de sympathie à l’égard des Serbes de Bosnie.  Si toutes les parties ont commis des crimes, a dit le Haut-Commissaire aux droits de l’homme en estimant cependant que toutes les parties ne partageaient pas les mêmes responsabilités si l’on tient compte de l’échelle et de la proportion de certaines tueries.  Il a estimé qu’une des leçons de la Bosnie-Herzégovine était que les commandants des forces de l’ONU auraient dû assumer leurs tâches de commandement de troupes de combat et laisser la conduite des négociations avec les parties à d’autres responsables onusiens. 

« Tant que l’on ne respectera pas l’ONU, d’autres massacres seront commis », a conclu M. Zeid Ra’ad Al Hussein avant de préciser que si l’ONU veut respecter et assumer l’engagement qu’elle a pris concernant la protection des civils, il faut qu’elle soit indivisible, présente un front uni aux parties belligérantes et soit claire et ferme sur ses intentions.  Le concept de « zone de protection » mis en œuvre à Srebrenica aurait pu et peut fonctionner si sa mise en œuvre est correctement conduite, a relevé le Haut-Commissaire. 

Déclarations avant la procédure de vote sur le projet de résolution

Après avoir demandé une minute de silence, M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a rappelé que des crimes ont été commis par toutes les parties à la crise qu’a connue la Bosnie-Herzégovine il y a 20 ans: les Bosniens, les Croates et les Serbes ont tous commis des actes répréhensibles.  « Doit-on se poser la question de savoir qui a souffert le plus, alors que des centaines de milliers de Serbes ont été chassés de leurs terres traditionnelles au cours des 10 années de conflit qui ont marqué les Balkans? » s’est demandé M. Churkin.  Le Représentant permanent de la Fédération de Russie a appelé les membres du Conseil et la communauté internationale à célébrer le vingtième anniversaire des accords de Dayton en adoptant des mesures qui rassemblent, et non pas en voulant lancer des initiatives qui divisent. 

Dans ce contexte, M. Churkin a estimé que le projet de résolution dont le Conseil de sécurité était aujourd’hui saisi allait dans une mauvaise direction et représentait un outil de confrontation politiquement motivé.  Le texte est source de confrontation et de division « en rejetant la faute de la tragédie en Bosnie-Herzégovine sur un seul peuple et en donnant l’impression que tous les crimes de guerre ont été commis par une seule partie », a relevé le diplomate russe.  « C’est pourquoi nous avons proposé une version alternative », a annoncé M. Churkin en ajoutant que le projet de résolution initialement soumis a entrainé des réactions très dures en Bosnie-Herzégovine et dans les alentours.  Il a estimé que ce projet de texte attise les tensions, car il est déjà devenu le sujet d’une vive polémique en Bosnie et est déjà la source de menaces à la stabilité du pays.  Le contenu de ce projet de résolution n’entre pas dans la ligne des documents qui peuvent être considérés comme œuvrant à l’établissement d’une paix durable entre les différentes communautés des Balkans.  Dans ce projet de texte, on remarque clairement que ses auteurs tentent d’amener le Conseil à imposer une pression politique sur Belgrade, a ajouté M. Churkin.  Étant donné qu’il y a une absence totale de consensus sur ce texte, ni le parlement ni le Présidium bosniens n’ont pu parvenir à une entente sur les questions soulevées dans le document.  Compte tenu de ces constations, a dit M. Churkin, la Fédération de Russie estime que l’adoption de ce projet de résolution serait contreproductive.  « Notre opposition aux termes de ce texte ne signifie pas que nous sommes sourds ou indifférents à la souffrance des peuples qui ont subi les évènements survenus en Bosnie-Herzégovine », a souligné le représentant en appelant le Conseil de sécurité à ne pas soumettre le texte au vote ou à l’adoption de ses membres.

M. LIU JIEYI (Chine) a estimé que les membres du Conseil de sécurité devaient poursuivre des consultations et continuer à échanger leurs vues afin de pouvoir améliorer les termes du texte, et il en a appelé les auteurs à ne pas vouloir le soumettre dans sa forme actuelle à une décision du Conseil de sécurité.

M. PETER WILSON (Royaume-Uni) a indiqué que des délégations ont travaillé sur ce texte pendant plus d’un mois.  Il a ajouté que sa délégation reconnaissait que des crimes ont été commis par toutes les parties contre toutes les autres parties.  « Nous ne pensons pas que les termes de ce texte stigmatisent les Serbes », a-t-il estimé.  Il a précisé que le texte appelle l’ONU à tirer les enseignements douloureux de Srebrenica.  Il a regretté le fossé existant entre délégations sur le contenu du projet de résolution, et a rappelé que les verdicts rendus sur le conflit de Bosnie-Herzégovine et sur la tragédie de Srebrenica par la Cour internationale de Justice (CIJ) et le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) font état d’un génocide à Srebrenica.  « Il n’y a pas lieu aujourd’hui de revenir sur ces conclusions », a-t-il estimé.

Déclarations après la procédure de vote sur le projet de résolution

Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a indiqué qu’elle se trouvait, en tant que journaliste, à Sarajevo lors de l’entrée des forces serbes à Srebrenica.  « Je ne pensais pas que les forces serbes de Bosnie puissent exécuter chaque homme et garçon musulman à Srebrenica.  Les seuls mots auxquels je pouvais penser étaient « non, non, ce n’est pas possible », a-t-elle ajouté.  Elle a expliqué que lorsqu’elle a appris que la Fédération de Russie pouvait opposer son veto à l’adoption de la résolution dont le Conseil était saisi aujourd’hui, elle a eu la même réaction: « Non. Comment la Fédération de Russie peut-elle s’opposer à ce projet de résolution? »

Mme Power a estimé que le vote d’aujourd’hui était important, et que « le veto de la Fédération de Russie brisait le cœur des familles des victimes de Srebrenica ».  « C’est une tâche de plus sur la réputation de ce Conseil », a dit la Représentante permanente des États-Unis.  Elle a ensuite expliqué qu’en 2005 elle faisait partie de la marche qui avait été organisée « pour marquer le dixième anniversaire du génocide » et qu’elle était revenue en 2010 pour le même évènement aux côtés d’adolescentes et de femmes qui avaient grandi sans leurs pères, frères et maris.  « Une mère cherchait encore la dépouille de son cinquième fils tué à Srebrenica, et c’est cette mère que la Fédération de Russie vient d’ignorer en opposant son veto », a dit Mme Power.

La représentante a ensuite rappelé que les Casques bleus censés protéger les populations à Srebrenica « avaient été humiliés par les forces serbes ».  « Il est important que tous les chefs qui ont commandité ce génocide soient jugés à La Haye », a-t-elle dit, avant d’établir un parallèle « avec le régime Assad, qui massacre son peuple et le régime de la Corée du Nord qui affame des prisonniers dans des camps ».  « Un génocide a bel et bien eu lieu à Srebrenica », a-t-elle poursuivi, avant d’estimer que « le déni de ce génocide ne saurait servir à la réconciliation entre communautés.  C’est une folie que de penser cela ».  Vingt ans après que la communauté internationale a échoué à protéger les populations de Srebrenica, elle a déploré que « la Fédération de Russie ait refusé d’appeler les évènements par leur nom, qui est celui de génocide ».  La représentante a souligné que le projet de résolution ne nommait pas les responsables du génocide.  « Si les mères des garçons tués à Srebrenica étaient présentes aujourd’hui, elles se demanderaient comment des pays peuvent s’abstenir et comment un pays peut-il user d’un privilège que lui donne son statut de membre permanent pour dénier ce qui s’est passé », a dit la représentante.  Mme Power a estimé que « la reconnaissance de la gravité de ce génocide était essentielle pour promouvoir la réconciliation entre communautés ».

M. FRANCOIS DELATTRE (France) a dit que la France regrette profondément l’opposition de la Fédération de Russie à l’adoption d’une résolution dont le but était d’honorer la mémoire de toutes les victimes du génocide de Srebrenica, mais aussi celle de toutes les victimes innocentes de tous bords durant l’ensemble du conflit en Bosnie-Herzégovine, et par là même de rappeler la responsabilité particulière qui incombe au Conseil concernant la prévention des massacres de civils.  Il a estimé qu’un tel sujet méritait l’unanimité du Conseil.  « Mais en s’opposant à cette résolution, la Fédération de Russie empêche toute expression du Conseil destinée à accompagner les moments de recueillement et de mémoire organisés pour les victimes du génocide et du conflit en Bosnie-Herzégovine », a dit M. Delattre.  « Sous couvert de respect d’une mémoire particulière, la Russie s’oppose à ce que le Conseil enjoigne aux parties de dépasser les souffrances du passé et de s’engager résolument sur le chemin de la réconciliation », a ajouté le Représentant permanent de la France, avant d’insister que la réconciliation « doit passer par la reconnaissance de la réalité du génocide commis à Srebrenica il y a 20 ans », qualifié comme tel par les juridictions internationales, le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et la Cour internationale de Justice.  M. Delattre a dit que la justice est la condition de la réconciliation et de la paix, et que le texte soumis avait certes un but mémoriel, mais était aussi tourné vers l’avenir.  « Il avait en effet aussi pour but de participer à la réconciliation des peuples des Balkans et de les aider à construire un avenir de paix et de sécurité », a-t-il insisté avant de dire que sa délégation regrettait profondément l’échec d’aujourd’hui.

M. RAFAEL DARÍO RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela) a expliqué que son pays s’est abstenu parce que ce projet de résolution n’était pas un texte équilibré.  Le texte faisait porter toutes les responsabilités du conflit à une seule partie sans souligner la complexité de la situation qui prévalait en Bosnie-Herzégovine et dans les Balkans, a estimé le représentant.  « Nous ne pouvons pas accuser tout un peuple pour des actes commis par un groupe agissant au nom d’un nationalisme exacerbé, et auquel incombe la responsabilité de ce qui s’est passé », a-t-il dit.  Déclarant que sa délégation est convaincue que la justice doit s’appuyer sur la seule vérité, le représentant du Venezuela a salué le travail réalisé par le TPIY.  Il a noté que le projet de résolution rejeté aujourd’hui n’a pas suscité de consensus auprès des autorités de la Bosnie-Herzégovine et de la région.  Au lieu de contribuer à la réconciliation, ce projet de texte ne faisait qu’attiser les dissensions entre les peuples de la région qui doivent bâtir un avenir commun basé sur le respect des droits de l’homme, a souligné le représentant.  Il a exhorté l’ONU à favoriser la réconciliation des peuples des Balkans et à continuer à s’appuyer sur l’accord de Dayton, qui est le fruit d’un consensus politique entre les parties.

M. JOÃO IAMBENO GIMOLIECA (Angola) a expliqué que sa délégation s’est abstenue lors du vote non pour nier le génocide et la gravité de cet évènement, mais parce que « nous sommes en désaccord avec un texte qui devrait tenir compte du fait que des milliers de victimes de tous bords ont péri dans toute la région », a-t-il souligné.  Il a estimé que le texte aurait dû dresser le bilan de la réconciliation entre les peuples de la région des Balkans en se tournant vers l’avenir pour panser les plaies, ceci dans l’intérêt de tous les peuples.  Tel qu’il a été soumis, ce projet de résolution n’apportait aucune contribution concrète à la promotion de la réconciliation, a déclaré le représentant en estimant qu’il fallait cependant tirer les enseignements du passé.

Déclarations

M. MAHAMAT ZENE CHERIF (Tchad) a rappelé que le génocide de Srebrenica avait été le pire massacre commis en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale.  « Les victimes ont été visées en raison de leur identité, et les hommes ont été séparés des femmes pour être froidement massacrés », a-t-il ajouté.  Il a également rappelé que le génocide du Rwanda avait échappé à la vigilance de la communauté internationale, avant d’inviter celle-ci à mettre la prévention des génocides au centre de son action.  Le représentant a ensuite indiqué que la situation en Bosnie-Herzégovine restait fragile, et il a encouragé le TPIY à poursuivre l’exécution de son mandat.  « La réconciliation passe forcément par la reconnaissance de la douleur des familles des victimes du génocide de Srebrenica », a-t-il poursuivi, avant de souligner la nécessité de commémorer les horreurs du passé afin qu’elles ne se reproduisent pas.  « C’est dans cet esprit que le Tchad a voté en faveur du projet de résolution », a déclaré le représentant, avant de regretter que le veto ait été utilisé s’agissant d’une question aussi sensible que celle de crimes de masse.  En conclusion, il a estimé que le projet de résolution n’accusait personne nommément.

Mme DINA KAWAR (Jordanie) a regretté que le texte soumis n’ait pas pu être adopté.  Elle a rappelé qu’à la veille du massacre, il n’y avait aucune arme à Srebrenica, mais uniquement des enfants, des vieillards et des hommes qui étaient sous la protection de l’ONU.  Elle a estimé qu’une des plus importantes leçons que l’ONU doit retenir, est celle de la nécessité de mettre au point un système d’alerte rapide et d’anticipation des massacres de civils.  La représentante a dit que les efforts du Bureau du Conseiller spécial du Secrétaire général sur la prévention du génocide n’auront d’effets que si le Conseil de sécurité agit de manière unie.  « Vingt ans après, assurer la justice en Bosnie-Herzégovine exige que tous les accusés des faits qui ont eu lieu soient traduits devant les tribunaux », a-t-elle préconisé avant d’exhorter tous les États Membres à coopérer avec le TPIY.

M. KAYODE LARO (Nigéria) a souligné les progrès accomplis en Bosnie-Herzégovine depuis 1995.  Il a encouragé le pays et ses habitants à laisser le passé derrière eux et à avancer sur la voie de la réconciliation.  Chaque État a la responsabilité de protéger ses citoyens, a-t-il poursuivi, avant de déclarer que le Nigéria était en faveur de la mise en place de points de contact institutionnels entre États, afin de promouvoir la responsabilité de protéger.  Le représentant a également appelé de ses vœux le lancement d’une campagne contre les crimes de génocide.  La lutte contre l’impunité est cruciale, a-t-il poursuivi.  Il a ensuite souhaité que les Conseillers spéciaux pour la prévention du génocide et pour la responsabilité de protéger fassent davantage d’exposés devant le Conseil.  « De tels exposés servent en effet de mécanismes d’alerte précoce », a-t-il expliqué.  Enfin, le représentant du Nigéria a dit que sa délégation appuyait la proposition de faire du 11 juillet une journée internationale de commémoration du massacre de Srebrenica.

M. ROMÁN OYARZUN MARCHESI (Espagne) a regretté l’opposition et les abstentions qui se sont exprimées envers le projet de résolution, qui évoque l’un des épisodes les plus tragiques de l’histoire contemporaine de l’Europe.  « Les victimes de Srebrenica sont nos victimes », a-t-il dit, avant de saluer le travail réalisé depuis par l’ONU en matière d’alerte précoce.  Il a salué les conclusions du Sommet de 2005 sur la responsabilité de protéger (R2P) et des avancées telles que la création du poste de Conseiller spécial du Secrétaire général sur les violences sexuelles en situation de conflit.  Il s’est félicité des progrès réalisés par les peuples de la Bosnie-Herzégovine et de la région sur la voie de la réconciliation en citant l’importance de l’accord de stabilisation avec l’Union européenne.  

M. FRANCOIS DELATTRE (France) a estimé qu’il était important que les membres du Conseil de sécurité puissent aussi commémorer le vingtième anniversaire du génocide de Srebrenica et rendre hommage à toutes les victimes innocentes, de tous bords, du conflit en Bosnie-Herzégovine.  Lorsque de tels massacres se produisent, il s’agit toujours d’un échec collectif et les Nations Unies ont leur part de responsabilité, car elles ont échoué à remplir à Srebrenica leur mission fondatrice, qui est le maintien de la paix et de la sécurité internationales, ainsi que la protection des populations civiles.

À ce titre, a poursuivi M. Delattre, la prévention doit constituer le cœur de l’action du Conseil de sécurité lorsque des vies humaines sont en jeu.  Prévenir c’est d’abord alerter, a-t-il dit, en rappelant la création du bureau conjoint pour la prévention du génocide et la responsabilité de protéger.  Prévenir c’est aussi agir, a-t-il ajouté, en mettant l’accent sur l’adoption en 2005, par les chefs d’État et de gouvernement, du concept de « responsabilité de protéger ».  Prévenir c’est enfin juger, a conclu le représentant en attirant l’attention sur le Statut de Rome, qui a été précédé par le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY). 

Malgré ces avancées, a regretté M. Delattre, force est de constater les situations tragiques où les Nations Unies restent impuissantes.  Il a cité la Syrie, « où des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre sont commis tous les jours, sous nos yeux », tandis que « le Conseil reste paralysé ».  La France, a-t-il affirmé, pousse pour que les cinq membres permanents s’engagent sur une base volontaire à renoncer à l’usage du veto lorsque des crimes de masse sont constatés.  « L’usage du droit de veto n’est pas un privilège, c’est une responsabilité. » 

« Ceux qui ne tirent pas les enseignements de l’histoire sont condamnés à la répéter », a déclaré M. RAMLAN BIN IBRAHIM (Malaisie).  Il a souligné la nécessité d’envoyer un signal clair à tous ceux qui nient l’existence du génocide de Srebrenica.  Il a ensuite rappelé que sa délégation a voté en faveur du projet de résolution.  « Les Nations Unies et les États Membres sont en partie coupables de ce qui s’est passé à Srebrenica », a-t-il poursuivi, avant d’insister sur les progrès accomplis depuis dans la prévention du génocide.

« Combien de fois le monde devra-t-il constater son échec à faire respecter l’expression « plus jamais ça », a demandé M. Bin Ibrahim?  Soulignant la responsabilité de protéger les populations qui incombe aux États et à la communauté internationale, il s’est dit préoccupé par les divisions qui règnent au sein du Conseil de sécurité.  « Si nous avons échoué à prévenir le génocide de Srebrenica, nous devons au moins faire en sorte que justice soit rendue aux familles des victimes », a-t-il dit, avant de saluer les travaux du TPIY.  En conclusion, le représentant de la Malaisie a déploré le rejet du projet de résolution.  « Les dissensions politiques face aux crimes historiques nous empêchent de rendre justice aux victimes », a-t-il regretté.

M. LIU (Chine) a appelé le Conseil de sécurité et la communauté internationale à faire de manière continue des efforts pour mettre en œuvre les Accords de Dayton et à garder à l’esprit la nécessité de promouvoir le dialogue entre tous les groupes ethniques de la région des Balkans.  « Forcer un vote sur un projet de résolution portant à controverse va totalement à l’encontre de l’esprit de la promotion de la réconciliation dans la région », a souligné le représentant.  « C’est pourquoi la Chine s’est abstenue », a-t-il expliqué.  La souveraineté et l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine doivent être respectées et le Conseil de sécurité doit respecter les choix du Gouvernement et adopter une approche équilibrée et prudente dans le traitement des questions de la région.  

M. CRISTIÁN BARROS MELET (Chili) a dit la nécessité de reconnaitre les échecs survenus sous les yeux du système des Nations Unies.  Il a dit que toute société avait le droit à la mémoire.  « Dix ans après le débat de l’ONU sur la responsabilité de protéger (R2P), nous réaffirmons qu’il incombe aux États de poursuivre les responsables de crimes commis sur leur sol », a-t-il dit.  Pour prévenir les délits, il n’est pas inutile de rappeler l’initiative du Secrétaire général intitulée « les droits avant tout », a ensuite estimé le représentant.  Il a salué l’importance de la mission accomplie par le TPIY ainsi que celle de tous les mécanismes de prévention de l’ONU. 

M. GIMOLIELA (Angola) a souligné la nécessité de s’attaquer aux causes profondes des conflits.  « Nous fêtons cette année le dixième anniversaire du concept de « la responsabilité de protéger », qui a été entériné en 2005 par l’Assemblée générale », a-t-il rappelé, avant d’encourager les États Membres à renforcer leurs efforts de prévention des crimes de guerre et des génocides.  Il a également souhaité que les missions de maintien de la paix soient dotées de mandats robustes s’agissant de la protection des civils.  Enfin, le représentant de l’Angola a appelé la communauté internationale à renforcer ses efforts de coopération pour prévenir le crime de génocide, et à continuer de promouvoir la réconciliation en Bosnie-Herzégovine.

Mme NIDA JAKUBONE (Lituanie) a rappelé qu’aujourd’hui encore, 20 000 victimes de violences sexuelles « cruelles et préméditées » vivent dans l’ombre, dans la crainte de parler et de demander justice.  Elles ont besoin de soins, de protection et d’appui.  L’ampleur « énorme » du crime commis il y a 20 ans en Bosnie-Herzégovine contraste de manière frappante avec les quelques dizaines de coupables condamnés à ce jour.  Or, seule la vérité et la justice nourrissent la paix et la stabilité, a estimé la représentante.  L’expérience de la Bosnie a été douloureuse pour l’histoire de l’ONU, et des enseignements doivent en être tirés. 

Aujourd’hui, l’ONU est mieux équipée pour détecter les premiers signes d’éventuelles atrocités.  La « responsabilité de protéger » ne doit pas rester un concept sur le papier, et peut-être que la leçon la plus importante de ces terribles évènements est le fait qu’il faut prendre toutes les mesures possibles et afficher une volonté politique ferme face à ceux qui ont pour politique déclarée de terroriser le peuple, a dit la représentante.  Il est vrai que trop souvent, c’est la volonté politique qui manque, et que ce sont les divisions qui empêchent les actions fermes.  Soyons clairs: renoncer au droit de veto dans les situations de crimes de masse ne doit pas rester une option théorique, a-t-elle ajouté.  Nous appelons donc tous les membres permanents du Conseil de sécurité à le déclarer sans ambigüité, a conclu la représentante. 

M. WILSON (Royaume-Uni) s’est dit « indigné par le veto russe », et il a indiqué qu’il tenait à mentionner les souffrances des familles des 8 000 victimes de Srebrenica.  Il a indiqué que le projet de résolution cherchait uniquement « à assurer la reconnaissance des évènements, sans objectif politique ».  Il a dit que le génocide de Srebrenica était un « fait juridique » et non une question politique sujette à débat et à compromis.  Il a déclaré que les divisions de ces dernières semaines « montrent que tant que nous ne reconnaitrons pas les faits du passé nous n’avancerons pas ».  « C’est le déni et non le projet de résolution qui causera les divisions, car ce déni est une insulte ultime aux victimes », a-t-il insisté.  Il a regretté que « deux décennies après les horreurs, certains essayent encore de nier ce drame », alors que les familles des victimes continuent de rechercher des dépouilles et la vérité.  L’acceptation du passé est une condition d’une saine réconciliation. 

Il a repris une déclaration de M. Kofi Annan, qui a dit un jour que « la tragédie de Srebrenica hantera pour toujours les Nations Unies ».  Il s’est félicité que l’ONU dispose aujourd’hui de plus d’outils pour prévenir les crimes en saluant notamment l’adoption du nouveau cadre d’analyses pour les crimes atroces.  Parce que « Alerte rapide ne signifie pas action rapide », il a appelé « à agir et à utiliser tous les instruments qui sont à la disposition du Conseil pour éviter tout risque de génocide au Soudan du Sud, en Syrie et d’autres situations ».   

Il y a 20 ans, a rappelé M. GERARD VAN BOHEMEN (Nouvelle-Zélande), des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants se sont rassemblés autour de la « zone de sécurité » de Srebrenica, croyant qu’ils seraient protégés par l’autorité de ce Conseil de sécurité et par les Casques bleus de l’ONU.  Or, ce sentiment de sécurité s’est avéré être une « illusion ».  Le représentant a rappelé que, dans son rapport de 1999 portant sur la chute de Srebrenica, l’ancien Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, se demandait ce que l’ONU peut faire pour éviter qu’aucune opération de maintien de la paix ne soit le témoin d’une catastrophe qu’elle était sensée prévenir.  Plus de 15 ans plus tard, c’est une question qui attend toujours une réponse convaincante, a estimé M. Van Bohemen.  Le Conseil de sécurité a le devoir de garder le passé à l’esprit pour éviter que l’histoire ne se répète.  Il doit faire plus qu’élaborer de meilleurs mandats et améliorer les capacités des opérations de maintien de  la paix.  Il doit être plus actif dans la prévention des conflits violents.  Mais, a ajouté le représentant, soyons honnêtes et admettons que la seule manière de prévenir les horreurs que l’on a vues à Srebrenica est d’obtenir des États qu’ils respectent les engagements qu’ils ont pris en adhérant à la Charte des Nations Unies.  Nous, les membres de l’ONU, nous devons faire nôtre cette responsabilité, quelles que soient la race, la couleur, la religion, l’histoire ou l’état de développement de la zone concernée.  « C’est fondamental pour notre humanité commune et partagée », a conclu le représentant.

Le représentant de la Fédération de Russie a exercé son droit de réponse et a tout d’abord fait une remarque de procédure, en s’étonnant que certaines délégations aient pris deux fois la parole au cours du débat.  Le représentant de la France n’a pas expliqué son vote lors de sa première prise de parole, a-t-il constaté.  Il a ensuite a accusé le Royaume-Uni et les États-Unis d’Amérique d’avoir délibérément procédé à une présentation erronée et déformée de la position de son pays.  « Les représentants de ces États auraient du mieux prêter attention et écouter notre explication de vote », a-t-il relevé.  Il s’est ensuite demandé pourquoi le Conseil n’avait-il pas tenu de réunion sur la guerre du Viet Nam et sur les bombardements au napalm commis par l’armée américaine. « Pourquoi, pour marquer le dixième anniversaire de l’ingérence et de l’invasion illégale des États-Unis en Iraq, le Conseil n’a-t-il pas adopté une résolution qui désignerait les choses par leur vrai nom? » a-t-il poursuivi.  « L’humanisme de ces pays est du genre qui s’allume et s’éteint en fonction de leurs considérations politiques et leurs intérêts », a-t-il constaté.

Exerçant à son tour son droit de réponse, la représentante des États-Unis a repris la parole et a dit que « chaque pays devrait être aux prises avec son passé ».  « C’est ce que nous avons fait aux États-Unis au lendemain de la tuerie de Charleston en nous penchant sur les fractures et les blessures raciales de notre histoire », a-t-elle dit.  Elle a déclaré que la Fédération de Russie « avait aujourd’hui cherché à soustraire à l’attention de la communauté internationale les 8 000 hommes et garçons tués à Srebrenica parce qu’ils étaient musulmans ».

Dans l’exercice de son droit de réponse, le représentant du Royaume-Uni a jugé « qu’il était vital que nous braquions les projecteurs de l’attention internationale sur l’évènement survenu à Srebrenica à quelques jours du vingtième anniversaire de cette tragédie ».

Reprenant la parole, le représentant de la Fédération de Russie a déclaré que sa délégation n’avait aucune envie de réagir ou répondre aux attaques des représentants des États-Unis et du Royaume-Uni concernant le sujet débattu ce jour. 

 

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