Le Conseil de sécurité est saisi de la situation en Afrique de l’Ouest, marquée par les actes de Boko Haram et les risques posés par le virus Ebola et les élections à venir
Le Représentant spécial du Secrétaire général pour l’Afrique de l’Ouest, qui faisait cet après-midi une présentation de l’état de la situation dans la région de l’Afrique de l’Ouest, s’est dit préoccupé par la persistance des attaques perpétrées par le secte Boko Haram et par leurs effets déstabilisateurs sur la situation humanitaire, les droits de l’homme et la sécurité dans la région du bassin du lac Tchad.
Présentant le quinzième rapport* du Secrétaire général sur les activités du Bureau des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest durant la période allant du 1er janvier au 30 juin 2015, ainsi que les tendances qui s’y dessinent, M. Mohamed Ibn Chambas, s’est aussi inquiété des risques liés à la préparation de plusieurs élections présidentielles qui vont avoir lieu dans des pays d’Afrique de l’Ouest, et à la persistance de la présence du virus Ebola dans certaines zones de la région.
M. Chambas a par ailleurs déclaré que la criminalité transnationale et l’épidémie à virus Ebola restaient des sources de grandes inquiétudes en dépit d’efforts continus menés aux niveaux national, régional et international pour faire face à ces menaces. Il a précisé que ces domaines continueront à guider les efforts de diplomatie préventive que déploie le Bureau qu’il dirige dans les mois à venir.
M. Chambas a indiqué que l’image d’ensemble de l’Afrique de l’Ouest se résumait à des inquiétudes persistantes relatives à la situation sécuritaire dans le bassin de lac Tchad et sur son impact humanitaire, malgré les progrès réalisés par les pays limitrophes du Tchad dans la lutte contre Boko Haram. Des risques persistants d’instabilité continuent aussi à être visibles dans plusieurs pays de l’Afrique de l’Ouest, et ils sont liés à l’organisation et à la conduite de scrutins électoraux présidentiels à venir, ceci après le succès retentissant qu’a connu le processus électoral au Nigéria.
« Depuis le mois de mai, Boko Haram a intensifié ses attaques dans le bassin du lac Tchad en prenant notamment pour cible des civils, ce qui a abouti à la détérioration de la situation sécuritaire et humanitaire de la zone. Même si les capacités opérationnelles de ce groupe terroriste ont été sapées par l’action des armées des États de la région, Boko Haram continue de mener des attaques au Nigéria, au Niger au Tchad et au Cameroun », a noté M. Chambas avant de souligner la nécessité de mesures coordonnées au niveau régional. Il a salué la solidarité sans précédent démontrée par les opérations militaires conjointes menées contre Boko Haram par le Nigéria, le Niger, le Tchad et le Cameroun depuis janvier avec l’appui de la communauté internationale.
Il a relevé que le nouveau Président Muhammadu Buhari, du Nigéria, a, immédiatement après sa prise de pouvoir, visité le Niger et le Tchad les 3 et 4 juin derniers afin de lancer des consultations régionales de haut niveau et galvaniser le soutien dans la lutte contre Boko Haram. Le 11 juin, un Sommet de haut niveau des chefs d’État et de gouvernement des membres de la Commission du bassin du lac Tchad, auquel s’est ajouté le Bénin, a eu lieu à Abuja et s’est traduit par la prise de décisions pour accélérer l’opérationnalisation de la Force spéciale mixte multinationale (MNJTF), a indiqué M. Chambas.
Au-delà des efforts de guerre, le Chef du Bureau de l’ONU en Afrique de l’Ouest a ajouté que la nécessité, sur le long terme, est de s’attaquer aux racines de l’insurrection de Boko Haram. M. Chambas a déclaré qu’il est indispensable que l’on mette sur pied une stratégie postconflit coordonnée pour restaurer des conditions de vie normales dans les zones affectées par les violences de Boko Haram et organiser le retour des réfugiés et des personnes déplacées.
Alors que l’insécurité liée aux activités de Boko Haram a empêché que des activités d’évaluation de terrain soient menées dans le nord du Nigéria, M. Chambas s’est dit heureux d’annoncer que dans le contexte des activités de la Commission mixte Cameroun-Nigéria –qu’il préside au nom de l’ONU– les deux pays ont continué à faire des efforts pour la démarcation de leur frontière. Il a précisé que la Commission s’apprêtait à initier des projets de renforcement de la confiance au bénéfice des populations touchées de manière négative par cette nouvelle démarcation des frontières entre les deux États.
Parlant de la situation en Guinée, M. Chambas a dit aux membres du Conseil de sécurité que le dialogue politique interguinéen a commencé le 19 juin. Il a indiqué que le représentant de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et lui-même ont tenu un rôle officieux de facilitateur. « Il convient de souligner que la question difficile du séquençage des élections a été résolue, et qu’il a été décidé que l’élection présidentielle aurait lieu avant les élections municipales et locales », a-t-il précisé. Il a mis l’accent sur la nécessité de renforcer les capacités techniques de la CENI, de parvenir à des listes électorales crédibles, et d’évaluer les préparatifs de ces élections avec le soutien de l’ONU de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’OIF et des partenaires bi- et multilatéraux. Il a souligné la nécessité de combler les lacunes financières affectant le processus et le savoir-faire électoral à quatre mois de l’élection.
S’agissant du Burkina Faso, M. Chambas a indiqué que le Groupe international de suivi et d’appui à la transition au Burkina Faso s’est réuni le 12 juin 2015 en marge du vingt-cinquième Sommet des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine réuni à Johannesburg. Le Groupe a noté des progrès dans la préparation des élections, notamment avec l’examen des listes électorales, qui a été achevé. « Des préoccupations demeurent, notamment au vu de l’équilibre fragile de la transition et des tensions existant entre le Premier Ministre Zida et le Régiment de la sécurité présidentielle, a noté M. Chambas.
Il a néanmoins salué les efforts louables déployés par le Président Michel Kafando pour apaiser la situation et préserver la transition afin que l’élection présidentielle puisse se tenir le 10 octobre 2015 comme prévu. M. Chambas a indiqué qu’il se rendrait à Ouagadougou en compagnie du Président de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et du Commissaire de l’Union africaine à la paix et à la sécurité en leur qualité de coprésidents du Groupe international de suivi et d’appui à la transition.
Dans ses conclusions, le Chef du Bureau de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest a particulièrement souligné les défis à relever en raison de la persistance du virus Ebola dans la région. À cet égard, il a rappelé que son Bureau a facilité, le 24 juin dernier, une conférence téléphonique entre le secrétariat de l’Union du fleuve Mano et les différentes missions de maintien de la paix de la région qui a été l’occasion de souligner les difficultés rencontrées dans les zones frontalières en raison des restrictions liées à l’épidémie à virus Ebola, dont les conséquences continuent d’affecter les conditions de vie des populations locales.
Malgré des acquis déterminants dans la lutte contre Ebola, nous ne sommes pas encore parvenus à éradiquer le virus en Guinée et Sierra Leone, a prévenu M. Chambas. Il s’est particulièrement inquiété que bien que l’épidémie ait été déclarée éradiquée le 9 mai dernier au Libéria, trois nouveaux cas aient été détectés depuis cette date. Alors que l’épidémie est toujours active dans un contexte politique sensible en Guinée, les ressources en place depuis 2014, dont la Mission des Nations Unies pour l'action d'urgence contre l'Ebola (MINUAUCE), restent déterminantes pour atteindre l’objectif « zéro cas Ebola » a-t-il souligné.