Conseil de sécurité: face aux appels à un dialogue préalable, le représentant du Burundi écarte l’idée d’un quatrième report des élections
Devant la gravité de la situation politique et en matière de sécurité au Burundi, le Conseil de sécurité a tenu aujourd’hui une réunion d’urgence pour demander aux parties burundaises d’engager immédiatement un dialogue ouvert à tous et axé sur les mesures à prendre pour créer les conditions propices à la tenue d’élections libres, régulières, transparentes et crédibles. L’idée d’un quatrième report des élections a été d’emblée écartée par le Représentant permanent du Burundi, arguant qu’une élection imparfaite vaut mieux que pas d’élection du tout.
Dans la déclaration lue par le Président du Conseil de sécurité pour le mois de juin, M. Ramlan Bin Ibrahim, de la Malaisie, le Conseil prend note de la déclaration dans laquelle l’Union africaine signale que le dialogue politique n’a pas produit les résultats escomptés et que la situation actuelle pourrait mettre en péril les importantes avancées réalisées à la suite de la signature de l’Accord de paix et de réconciliation d’Arusha et de l’Accord global de cessez-le-feu de 2003, et compromettre la stabilité de la région.
Il demande donc aux parties burundaises d’engager d’urgence un dialogue ouvert à tous et axé, dans l’esprit des Accords d’Arusha et de la Constitution, sur la reprise des activités de la presse privée; la protection des droits de l’homme, y compris la liberté d’expression et de réunion pacifique, qui doit notamment permettre aux membres des partis d’opposition de faire librement campagne; la libération des personnes arrêtées arbitrairement à l’issue de manifestations; le respect de l’état de droit; et le désarmement d’urgence de tous les groupes de jeunes gens armés alliés à des partis politiques. Autant de mesures à prendre pour créer des conditions propices à la tenue d’élections communales, présidentielles et sénatoriales libres, régulières, transparentes et crédibles, souligne le Conseil de sécurité.
Il prend note du fait que, dans son communiqué du 13 juin, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a déclaré que la date des élections devait être fixée par consensus entre les parties burundaises, dans l’esprit du Communiqué du 31 mai 2015, dans lequel la Communauté d’Afrique de l’Est demandait le report des élections.
« Nulle part dans la Constitution burundaise n’est écrite que le calendrier électoral est établi par les hommes politiques », a tranché le Représentant permanent du Burundi, en soulignant que c’est la Commission électorale nationale indépendante qui a les prérogatives en la matière. M. Albert Shingiro a cité les « dates rouges » qui sont les boussoles de la paix et de la stabilité et qui doivent être strictement respectées: le 29 juin pour les élections communales, le 15 juillet pour la présidentielle et le 27 juillet pour les sénatoriales.
Le Gouvernement, a insisté le représentant, a déjà reporté à trois reprises le calendrier électoral pour donner le temps aux partis qui refusaient de participer aux élections de se préparer et éviter ainsi tout prétexte. Même si le Gouvernement est d’accord avec le principe du dialogue, il ne saurait s’inscrire en dehors des contraintes constitutionnelles car l’autorité en charge de la convocation des élections à savoir, le Chef de l’État, « tomberait sous l’accusation de haute trahison ».
La population, a poursuivi le représentant, les partis politiques et les coalitions politiques en pleine campagne électorale depuis plus d’un mois sont déjà « fatigués » par les reports successifs et se montrent de plus en plus impatients d’aller aux scrutins. M. Shingiro a accusé l’opposition radicale de ne faire aucun geste positif et de se comporter comme « un enfant gâté qui réclame et obtient tout ». Le dialogue, qui par ailleurs fait partie du processus de paix, se poursuivra bien entendu même après les élections, a-t-il affirmé.
Le représentant a tenu à insister sur le respect de la dimension régionale car il a dit avoir constaté « par moment » que ce respect n’a pas été complet. Il a pointé un déficit réel entre les positions sous-régionales et continentales et celles de certains non-Africains face à la situation au Burundi. En toute logique les Nations Unies et les partenaires hors continent devraient s’aligner pleinement aux positions des acteurs régionaux qui connaissent mieux l’histoire et la culture des pays concernés. « C’est ce que j’appelle une approche de proximité. Personne ne peut prétendre accorder plus d’importance au respect de l’Accord d’Arusha que la Tanzanie, pays où il s’est négocié et conclu », a martelé le représentant.
Après l’échec du « plan Burkina Faso » au Burundi, c’est-à-dire des manifestations violentes suivies de coup d’État, puis de transition, certains partenaires veulent cette fois-ci tenter le plan de la Côte d’Ivoire, c’est-à-dire des reports interminables des élections jusqu’au vide institutionnel, avec les conséquences que l’on a vues. Sollicitant la compréhension de la communauté internationale et du Conseil de sécurité par rapport à un Gouvernement qui veut éviter le vide constitutionnel et le chaos, le représentant s’est dit convaincu qu’un autre report de 48 heures avant la date prévue, ferait plus de mal que l’option de laisser le peuple burundais choisir ses dirigeants. Une élection imparfaite vaut mieux que pas d’élection du tout, a-t-il plaidé.
Les appels de certains politiciens de reporter « encore et encore » les élections sont motivées, a estimé le représentant, par leurs attentes désespérées car ils n’ont pas de militants sur le terrain. « La vérité est qu’il vaudrait mieux pour eux avoir un gouvernement de transition où ils peuvent obtenir quelque chose plutôt que de dépenser leurs maigres économies pour rien », a taclé le représentant.
Déclaration du Président du Conseil de sécurité
Le Conseil de sécurité exprime à nouveau sa profonde préoccupation devant la gravité de la situation politique et en matière de sécurité au Burundi dans le contexte des prochaines élections communales, présidentielle et sénatoriales et l’impact de la crise dans la région. Il condamne fermement tous les actes de violence et les violations des droits de l’homme et atteintes à ces droits, et réaffirme que les responsables doivent être amenés à en répondre devant la justice.
Le Conseil se félicite des efforts déployés aux niveaux régional et sous-régional pour faire face à la crise et, à cet égard, prend note des conclusions des réunions au sommet de la Communauté d’Afrique de l’Est tenues les 13 et 31 mai 2015 à Dar es-Salaam, du communiqué publié par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine à l’issue de son sommet tenu le 13 juin 2015 à Johannesburg (Afrique du Sud) et des lettres que lui a adressées le Gouvernement burundais.
Le Conseil rend hommage à l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, Saïd Djinnit, pour ses efforts inlassables, rappelant que ses bons offices ont permis aux parties burundaises de faire quelque peu avancer un dialogue difficile.
Le Conseil prend note de la déclaration dans laquelle l’Union africaine signale que le dialogue politique n’a pas produit les résultats escomptés et que la situation actuelle pourrait mettre en péril les importantes avancées réalisées à la suite de la signature de l’Accord de paix et de réconciliation d’Arusha pour le Burundi et de l’Accord global de cessez-le-feu de 2003 et compromettre la stabilité de la région.
Le Conseil se félicite de la reprise du dialogue entre toutes les parties burundaises sous les auspices de l’Union africaine, de l’Organisation des Nations Unies, de la Communauté d’Afrique de l’Est et de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs. À cet égard, il salue la nomination par l’Union africaine d’Ibrahima Fall comme nouveau Représentant spécial de la Présidente de la Commission pour la région des Grands Lacs et Chef du Bureau de liaison de l’Union africaine à Bujumbura. Il se félicite également de l’arrivée à Bujumbura du Représentant spécial du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies pour l’Afrique centrale et Chef du Bureau régional des Nations Unies pour l’Afrique centrale, Abdoulaye Bathily, qui permettra à la médiation internationale d’aider immédiatement toutes les parties burundaises à accélérer la recherche d’une solution politique consensuelle à la crise.
Tout en constatant que les parties ont pris des mesures pour respecter les décisions de la Communauté d’Afrique de l’Est et du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine, le Conseil demande néanmoins aux parties burundaises d’engager d’urgence un dialogue ouvert à tous et axé, dans l’esprit des Accords d’Arusha et de la Constitution, sur les mesures à prendre pour créer des conditions propices à la tenue d’élections libres, régulières, transparentes et crédibles.
Le Conseil prend note du fait que, dans son communiqué du 13 juin, le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine a déclaré que la date des élections devait être fixée par consensus entre les parties burundaises, dans l’esprit du communiqué du 31 mai 2015, dans lequel la Communauté d’Afrique de l’Est demandait le report des élections, et sur la base d’une évaluation technique devant être menée par l’Organisation des Nations Unies.
Le Conseil souligne que le dialogue devrait porter sur toutes les questions sur lesquelles les parties sont en désaccord. Il souligne en outre que ce dialogue devrait porter sur les préoccupations concernant la reprise des activités de la presse privée; la protection des droits de l’homme, y compris la liberté d’expression et de réunion pacifique, qui doit notamment permettre aux membres des partis d’opposition de faire librement campagne, comme le garantit la Constitution du Burundi; la libération des personnes arrêtées arbitrairement à l’issue de manifestations; le respect de l’état de droit; et le désarmement d’urgence de tous les groupes de jeunes gens armés alliés à des partis politiques, ainsi qu’il ressort des conditions définies dans le communiqué de la Communauté d’Afrique de l’Est en date du 31 mai 2015, ces conditions devant être remplies préalablement à la tenue des élections.
Le Conseil se félicite de l’engagement pris par l’Union africaine et par la Présidente de la Commission de l’Union africaine d’assumer pleinement les responsabilités qui découlent du rôle de l’Union en tant que garante de l’Accord d’Arusha, ainsi que de la détermination de la région à ne pas rester inactive si la situation venait à se détériorer.
À cet égard, le Conseil accueille avec satisfaction la décision prise par l’Union africaine de déployer immédiatement des observateurs des droits de l’homme et d’autres membres du personnel civil; de déployer des experts militaires chargés de vérifier le désarmement de tous les groupes de jeunes gens armés alliés à des partis politiques, qui présenteront régulièrement des rapports sur la mise en œuvre du processus de désarmement; et de dépêcher une mission d’observation électorale si les conditions nécessaires à la tenue d’élections libres, régulières, transparentes et crédibles sont remplies. Il engage instamment le Gouvernement burundais et les autres acteurs concernés à coopérer pleinement à ces processus.
Le Conseil accueille également avec satisfaction la décision prise par le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine d’envoyer, au plus tard la première semaine de juillet, une délégation ministérielle comprenant des membres de la Commission pour évaluer la mise en œuvre des conditions exigées par la Communauté d’Afrique de l’Est, l’Union africaine et le Conseil de sécurité pour la tenue des élections.
Le Conseil demande à la Mission électorale des Nations Unies au Burundi (MENUB) de continuer à s’acquitter pleinement et activement de son mandat conformément à la résolution 2137 (2014), et notamment de lui faire rapport rapidement avant, pendant et après les élections.
Le Conseil se déclare à nouveau préoccupé par la situation difficile dans laquelle se trouvent les réfugiés burundais qui ont fui leur pays vers les États voisins, rend hommage aux pays d’accueil (République démocratique du Congo, République-Unie de Tanzanie et Rwanda), ainsi qu’aux organismes humanitaires, pour l’appui qu’ils apportent aux populations touchées, et engage la communauté internationale à apporter l’aide humanitaire nécessaire. Il demande instamment au Gouvernement burundais d’instaurer des conditions propices au retour rapide des réfugiés.
Le Conseil demande à tous les acteurs régionaux de préserver la sécurité des populations de la région.