En cours au Siège de l'ONU

7398e séance – matin
CS/11807

À la veille de la reprise des pourparlers, le Représentant spécial pour la Libye décrit, devant le Conseil de sécurité, une situation sécuritaire extrêmement préoccupante dans le pays

Les défaillances du processus politique en Libye ont conduit le pays dans la voie dangereuse d’une guerre civile totale, a souligné, ce matin, le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef de la MANUL qui intervenait par vidéoconférence depuis Rome en Italie.  Tandis que les efforts déployés par l’ONU et la communauté internationale pour parvenir à un règlement pacifique de la crise politique et institutionnelle en Libye se sont accélérés, la situation globale en matière de sécurité dans le pays a continué de se dégrader, a ajouté M. Bernadino León, en présentant le dernier rapport du Secrétaire général sur la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL).

Face à cette situation d’insécurité généralisée, a expliqué le représentant de la Libye, M. Ibrahim Dabbashi, « le peuple libyen a le sentiment d’avoir été abandonné par la communauté internationale, qui n’a exprimé aucun soutien à la Chambre des représentants élus et au Gouvernement qui a ensuite été formé ».

Hier encore, a indiqué le Représentant spécial, les parties en conflit se sont affrontées à travers le pays.  Ces attaques, perpétrées par les deux camps contre des bâtiments publics, y compris des aéroports, sont inacceptables, a-t-il martelé, avant de rappeler que la veille, les parties avaient pourtant promis de reprendre les pourparlers.   

Des délégations représentant les acteurs politiques majeurs du pays reprendront, demain au Maroc, les pourparlers sur trois questions clefs.  La première est relative à la formation d’un gouvernement d’union nationale, la seconde concerne les questions de sécurité afin de parvenir à un cessez-le-feu global, alors que la troisième est liée à l’adoption d’un calendrier clair pour la finalisation du processus de rédaction de la future constitution de la Libye, a précisé M. León.  La rencontre de demain au Maroc offre, a-t-il dit, « une occasion importante d’honorer les sacrifices du peuple libyen dans sa quête de dignité et de respect ».  M. León a assuré les acteurs politiques libyens que les Nations Unies et la communauté internationale seront à leurs côtés dans cette voie combien difficile.

Il a également annoncé qu’en vue de fédérer un large soutien aux pourparlers, la MANUL organise deux réunions la semaine prochaine, l’une à Alger avec des responsables politiques libyens, et la seconde à Bruxelles qui rassemblera des représentants de municipalités libyennes en vue d’accélérer la mise en œuvre des mesures de confiance adoptées à Genève.

Ces pourparlers, a-t-il indiqué, ouvrent la voie à un « dialogue entre Libyens », basé sur le principe d’entente mutuelle entre les parties.  Les Nations Unies ont pour rôle de les faciliter sans imposer quoi que ce soit, tout en respectant l’appropriation de tout le processus par les Libyens.  Il a ainsi dénoncé les « campagnes de désinformation systématiques », récemment lancées par des médias libyens au sujet des pourparlers libyens, et qui sont, selon lui, « symptomatiques de la méfiance profonde qui continue de planer sur le paysage politique libyen ». 

M. León a également relevé que la détérioration de la situation humanitaire dans le pays, y compris dans les localités de Warshafana et Benghazi, en appelle à un engagement plus solide de la communauté internationale pour subvenir aux besoins des victimes du conflit.  Ce conflit a été exacerbé ces derniers mois par l’implication de plusieurs groupes terroristes tels que l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL), désigné également sous le nom de Daesh.  Il ne fait aucun doute, a-t-il relevé, que des groupes terroristes comme l’EIIL ne vont ménager aucun effort pour se servir des divisions politiques actuelles afin de consolider leur présence et leur influence en Libye.  La communauté internationale doit agir rapidement pour présenter une stratégie claire et précise en soutien à l’État libyen et au Gouvernement d’union nationale qui sont confrontés à la menace croissante du terrorisme.

Le soutien du Conseil de sécurité et celui de la MANUL doivent s’exprimer de manière très claire, a renchéri M. Dabbashi, qui a estimé que le silence de la communauté internationale face aux actes des organisations terroristes qui ont pris notamment Benghazi avait encouragé ces groupes à prendre la capitale Tripoli.  L’armée libyenne mène la guerre contre les organisations terroristes en Libye, dont certaines ont déclaré leur allégeance à Daesh, a-t-il souligné.  La Libye, a-t-il insisté, n’acceptera pas que des pays fournissent des armes à des « milices ».

« Un membre permanent de ce Conseil n’a eu aucun scrupule à prétendre qu’une milice, liée au groupe terroriste Ansar al-Sharia, était la seule à combattre le terrorisme en Libye », a dénoncé le représentant de la Libye.  Cette déclaration, a-t-il poursuivi, nécessite des excuses au Gouvernement provisoire libyen.  Aucun pays n’a le droit d’intervenir dans les décisions prises par les autorités libyennes élues, l’armée nationale ou des représentants de l’État, a en outre déclaré le délégué.

Par ailleurs, M. Dabbashi a fait remarquer que, pour la première fois depuis 2011, la Libye a un gouvernement légitime qui n’est pas soumis à l’influence des milices.  Certaines unités de l’armée ont été réunies dans l’est de la Libye, a-t-il dit, tout en faisant observer que des circonstances objectives empêchaient le Gouvernement de répondre aux aspirations du peuple, en raison de son éloignement de la capitale et du manque de ressources.

Le Représentant permanent de la Malaisie, M. Hussein Haniff, qui s’exprimait en sa qualité de Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011), a rendu compte, au cours de cette séance, des points essentiels du dernier rapport du Comité pour la période allant du 18 décembre 2014 au 4 mars 2015.  Il a d’abord fait quelques remarques sur le rapport du Groupe d’experts créé par la résolution 1973 (2011) du Conseil de sécurité.

Le Groupe d’experts avait conclu, dans son rapport, que la faible application de l’embargo sur les armes, la grande demande en armes et le montant des ressources dont disposent les parties en conflit pour s’armer sont autant d’indicateurs qui laissent croire que le trafic à grande échelle d’armes devrait se poursuivre.  Cela pourrait contribuer, a prévenu M. Haniff, à un conflit persistant en Libye, et avec aucune partie véritablement dominante sur le plan militaire.

Le Groupe d’experts a rapporté des détournements du matériel militaire, y compris le matériel autorisé par le Comité et des matériels non létaux en faveur de groupes armés des deux bords politiques en Libye.  Les experts ont également indiqué qu’il est difficile de faire la différence entre les transferts d’armes autorisés et ceux illicites et de matériels y relatifs. 

L’armée libyenne est prête à accepter un observateur pour garantir que les armes approuvées par le Comité sont vraiment fournies à l’armée libyenne officielle, a rétorqué le représentant de la Libye.  Il a ajouté que la transparence et la coopération étaient capitales dans les relations entre la MANUL et le Comité des sanctions. 

Le Groupe d’experts, a dit M. Haniff, a également relevé que des armes et matériels apparentés en provenance de la Libye avaient permis de renforcer la capacité militaire de groupes terroristes qui opèrent dans les pays voisins.  Concernant le gel des avoirs, le Groupe d’experts estime que la plus grande part de ces avoirs est probablement localisée hors du pays sous des prête-noms et par l’entremise de sociétés écrans, notant aussi des tentatives frauduleuses de recouvrement de ces avoirs.  M. Haniff a par ailleurs indiqué que le rapport signale que des exportations de pétrole libyen, sans la participation de gouvernements, avaient probablement eu lieu.  Cependant, aucune demande d’identification de navires qui auraient été impliqués n’a été faite par le Gouvernement libyen.  Il a en outre indiqué que le Comité 1970 avait décidé de mettre en œuvre 6 des 18 recommandations faites par le Groupe d’experts.

LA SITUATION EN LIBYE

Lettre datée du 23 février 2015, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Groupe d’experts créé par la résolution 1973 (2011) du Conseil de sécurité (S/2015/128)

Rapport du Secrétaire général sur la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (S/2015/144)

Le Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, dans ce rapport, traite des principaux faits survenus sur les plans politique et sécuritaire, donne un aperçu de la situation des droits de l’homme et de la situation humanitaire et expose les activités de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) depuis la publication de son précédent rapport en date du 5 septembre 2014 (S/2014/653).

Tandis que les efforts déployés par l’ONU et la communauté internationale pour parvenir à un règlement pacifique de la crise politique et institutionnelle en Libye se sont accélérés au cours de la période à l’examen, la situation globale en matière de sécurité dans le pays a continué de se dégrader, souligne-t-il.

Quatre ans après le début de la révolution du 17 février 2011, les défaillances du processus politique en Libye ont conduit le pays dans la voie dangereuse d’une guerre civile totale, observe le Secrétaire général.  L’existence et la consolidation d’organes exécutifs et législatifs parallèles a contribué à affaiblir encore l’État libyen et le tissu social du pays.

Le Secrétaire général rappelle que, le mois dernier, il avait présenté au Conseil de sécurité un rapport sur l’avenir de la présence des Nations Unies en Libye (S/2015/113), dans lequel étaient exposées les principales conclusions d’une étude effectuée par le Secrétariat, ainsi que des recommandations concernant la reconfiguration de la présence des Nations Unies en Libye pour l’adapter aux nouvelles réalités du terrain.

Il y a indiqué que la présence des Nations Unies en Libye devait obéir aux cinq priorités suivantes: appui au processus politique; protection; appui aux institutions clefs; appui à la fourniture des services essentiels; coordination.

Sans recommander un redéploiement intégral des Nations Unies en Libye, le Secrétaire général estime qu’il est nécessaire d’y maintenir une présence limitée mais continue, composée de 15 à 20 fonctionnaires des services organiques issus de différentes entités des Nations Unies.

Malgré les difficultés qu’endurent les Libyens dans leur vie quotidienne, le début du processus de dialogue politique facilité par son Représentant spécial est un signe encourageant de ce que les dirigeants libyens sont résolus à trouver un règlement pacifique à la crise politique et au conflit militaire qui déchirent leur pays, constate le Secrétaire général.

Étant donné le lourd passif laissé par plusieurs décennies d’autocratie, la profonde méfiance qui règne entre les parties et la multitude d’écueils auxquels se heurte la transition, instaurer un véritable et authentique dialogue politique ne pourra être qu’un processus complexe et semé d’embûches.

Le Secrétaire général engage vivement toutes les parties prenantes en Libye à ne ménager aucun effort pour surmonter leurs dissensions et désaccords politiques et trouver une issue à la crise politique qui agite le pays depuis près d’un an.

Il rappelle aussi à toutes les parties que la lutte contre le terrorisme est une responsabilité collective, l’État devant prendre l’initiative sur la base d’un large consensus national.

De leur côté, les Nations Unies et la communauté internationale sont prêtes et résolues à aider l’État et le peuple libyens à combattre les groupes qui cherchent à propager le chaos, la violence et l’extrémisme dans toute la Libye et au-delà.

 

À l’intention des organes d’information. Document non officiel.