Conseil de sécurité: des hauts responsables de l’ONU mettent en garde contre la détérioration de la situation humanitaire des Syriens, qui ne fait qu’empirer
Environ 12,2 millions de Syriens ont besoin de recevoir une aide humanitaire, dans un pays où près de 7,6 millions de personnes sont déplacées et dont plus de 3,8 millions d’autres ont pris la fuite pour se réfugier dans les pays voisins et en Afrique du Nord. En faisant le point sur la situation en Syrie, cet après-midi au Conseil de sécurité, la Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires, Mme Kyung-wha Kang, et le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. António Guterres, ont lancé des appels pour que cessent les violences qui durent depuis quasiment 4 ans en Syrie et pour que l’on fasse tomber les obstacles qui entravent la fourniture de l’aide humanitaire à une population civile très éprouvée par les effets du conflit.
Alors que la présentation de la situation en Syrie, qui a lieu tous les mois, est habituellement suivie de consultations entre les membres du Conseil de sécurité, la réunion d’information de cet après-midi a donné lieu aujourd’hui à un débat entre les 15 membres du Conseil auquel ont pris part les représentants de la Syrie, du Liban et de la Turquie. Les délégations, préoccupées par la durée de la crise syrienne, qui se prolonge sans que l’on n’en voie le dénouement ou la fin, et de ses conséquences sur le plan humanitaire, ont saisi cette occasion pour demander à nouveau la cessation des hostilités, des combats et des violations des droits de l’homme, ainsi qu’un règlement politique de la crise.
« Tous les mois, nous communiquons des informations sur les mêmes violations », a martelé Mme Kyung-wha Kang en énumérant les meurtres, les enlèvements, les refus d’accès humanitaire et le détournement des biens et fournitures transportés par les convois humanitaires. « Il faut casser ce schéma », a-t-elle exigé en demandant en outre la levée du siège imposé à 212 000 personnes à l’intérieur du territoire de la Syrie, afin que toute la population ait accès à l’aide alimentaire, aux fournitures médicales, et aux services de base comme l’électricité et l’eau. De manière générale, elle a demandé que les parties au conflit, dont le Gouvernement syrien, ne se servent pas du blocus de l’aide humanitaire comme d’une arme de guerre.
La Sous-Secrétaire générale, qui s’exprimait au nom de Mme Valerie Amos, Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et Coordonnatrice des secours d’urgence, a fait part des constatations du Secrétaire général, telles qu’elles figurent dans son dernier rapport, sur les bombardements aériens, dont le largage de « barils d’explosifs », menés par les forces gouvernementales, ainsi que sur les pilonnages à l’arme lourde effectués par les groupes armés de l’opposition.
« Nous sommes à un point de rupture », a prévenu, quant à lui, M. Guterres, en soulignant le niveau de désespoir des populations et les difficultés qui se posent quand il faut d’assurer la protection des civils déplacés et réfugiés. Il a précisé que l’année 2014 avait vu 2 millions d’Iraquiens être déplacés et 220 000 Iraquiens chercher refuge dans d’autres pays. Tout en saluant l’accueil remarquable que leur réservent des pays voisins comme la Turquie, la Jordanie et le Liban, le Haut-Commissaire a signalé que les Syriens devaient désormais aller toujours plus loin pour trouver un refuge. Malheureusement, a-t-il regretté, depuis le début de 2015, plus de 370 Syriens ont péri en essayant de traverser la Méditerranée.
M. Guterres a également exprimé ses inquiétudes quant au sort de 2 millions de réfugiés syriens âgés de moins de 18 ans qui risquent de former une génération perdue. Il a, en outre, exprimé la crainte de voir les 100 000 enfants réfugiés nés en exil du fait de la guerre devenir apatrides par rapport au droit syrien. Parmi les recommandations qu’il a faites pour améliorer la situation, il a demandé aux pays de prévoir des cadres juridiques favorisant l’accueil des réfugiés syriens, comme l’ont déjà fait l’Allemagne et la Suède.
De leur côté, les délégations du Liban, de la Jordanie et de la Turquie ont expliqué la façon dont leurs pays accueillent les réfugiés syriens sur leur sol. La Turquie, par exemple, a maintenu sa politique de « frontières ouvertes » et elle a respecté le principe du non-refoulement des réfugiés, qui sont plus de 1,6 million actuellement en Turquie, a dit le représentant de ce pays.
Ces délégations ont toutefois lancé un avertissement: la situation actuelle n’est pas soutenable pour les pays d’accueil. Jugeant qu’elles avaient assumé une part injuste et trop lourde du fardeau humanitaire de la crise syrienne, elles ont demandé à la communauté internationale de partager avec leurs pays le poids de la catastrophe syrienne. Le représentant du Liban a indiqué à cet égard que seulement 52% des fonds nécessaires pour financer le plan libanais de réponse à la crise syrienne avaient été réunis.
De façon générale, les hauts responsables du système de l’ONU travaillant sur la crise en Syrie se sont plaints du manque d’adéquation de l’aide internationale par rapport à l’ampleur des besoins. Ils ont donc demandé à la communauté internationale de faire plus afin de soutenir plus efficacement le Plan régional de réfugiés et de résilience (3RP). Mme Kyung-wa-Kang et M. Guterres ont aussi invité tous les États qui le peuvent à participer généreusement à la Conférence des donateurs « Koweït III » qui se tiendra le 31 mars à Koweït-City. Le Royaume-Uni, a annoncé son représentant, débloquera 1,2 milliard de dollars, notamment pour appuyer le secteur de l’éducation et les soins à dispenser aux enfants syriens.
À ce propos, le représentant de la Fédération de Russie a indiqué que son pays partage les inquiétudes du Secrétaire général en ce qui concerne l’état du secteur de l’enseignement en Syrie. À l’instar d’autres délégations, il a appelé le Gouvernement syrien à faire les efforts nécessaires pour le remettre sur pied. Tous les efforts déployés actuellement en vue de parvenir à un règlement politique de la crise ont été salués par les intervenants au débat.
LA SITUATION AU MOYEN-ORIENT
Rapports du Secrétaire général sur l’application des résolutions 2139 (2014), 2165 (2014) et 2191 (2014) du Conseil de sécurité (S/2015/124)
Dans ce douzième rapport relatif à la situation humanitaire en Syrie, le Secrétaire général note que le pays est resté le théâtre d’un conflit généralisé et très violent, ce qui y a causé un grand nombre de tués, de blessés et de déplacés. Après quatre années de combats et un an après l’adoption de la résolution 2139 (2014) du Conseil de sécurité, la situation concernant la population continue donc de se détériorer.
Le rapport parle des pilonnages d’artillerie et des bombardements aériens aveugles, dont des largages de barils d’explosifs, menés par les forces gouvernementales ou pro-gouvernementales. Il mentionne également les pilonnages systématiques effectués par les groupes d’opposition armés, les groupes extrémistes et les groupes terroristes inscrits sur les listes du Conseil de sécurité. En outre, l’utilisation d’engins explosifs improvisés et de véhicules piégés s’est poursuivie.
Le Secrétaire général constate de la part de tous les belligérants un mépris généralisé du droit international humanitaire et des règles relatives à la protection des civils. Il note que les parties au conflit ont continué de prendre pour cible les infrastructures civiles et de couper les services de base comme l’électricité et l’eau.
Depuis la fin du mois de décembre 2014, environ 9 000 personnes ont afflué de plusieurs villes de la région de la Ghouta dans les abris collectifs de Rif-Damas, où les organismes des Nations Unies et leurs partenaires apportent des secours. Les problèmes de protection auxquels font face les personnes évacuées comptent parmi eux le recrutement des hommes par les groupes armés non étatiques, l’enrôlement forcé de mineurs, la séparation des familles du fait du filtrage des hommes, le danger sur les routes d’évacuation en raison de la présence de tireurs embusqués, la perte de documents personnels et de pièces d’identité, et la confiscation des documents d’identité par les groupes armés non étatiques aux postes de contrôle.
Le rapport recense aussi le nombre de déplacés depuis décembre: 15 000 personnes ont dû quitter la ville d’Hassaké; 26 000 personnes ont été déplacées dans la province de Deraa; 1 250 personnes sont passées des quartiers est aux quartiers ouest de la ville d’Alep; 10 000 déplacés ont également rejoint la partie ouest de la ville; et 5 000 personnes ont été déplacées du fait des affrontements entre l’EIIL et les forces gouvernementales près de l’aéroport de Deir el-Zor.
Parmi les derniers faits marquants, on note que, après la diffusion par l’EIIL d’une vidéo de l’immolation du pilote jordanien Moaz el-Kassasbeh, le 3 février, des dizaines d’avions de chasse jordaniens auraient frappé les camps d’entraînement et les sites d’entreposage d’armes du groupe terroriste les 5 et 6 février. En outre, le 17 février, les autorités syriennes étaient prêtes à suspendre pendant six semaines les attaques aériennes et les tirs d’artillerie autour de la ville d’Alep, comme l’a annoncé l’Envoyé spécial du Secrétaire général.
Par ailleurs, les efforts déployés pour trouver une solution politique durable au conflit syrien se sont poursuivis avec une réunion des groupes d’opposition armés au Caire, les 23 et 24 janvier, et une autre avec certains membres de l’opposition et du Gouvernement syrien à Moscou, en Russie, du 26 au 29 janvier.
En ce qui concerne les droits de l’homme, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme a reçu des informations faisant état d’arrestations et de détentions arbitraires, d’actes de torture et de décès dans les centres de détention du régime et il envisage de recueillir des éléments sur ces faits. Des actes répréhensibles sont reprochés aux forces gouvernementales ainsi qu’aux groupes d’opposition armés, en particulier l’EIIL et le Front el-Nosra.
Environ 12,2 millions de Syriens ont besoin de recevoir une aide humanitaire dans le pays. Près de 7,6 millions sont déplacés à l’intérieur du pays, et plus de 3,8 millions ont fui dans les pays voisins et en Afrique du Nord. Or, l’acheminement de l’aide humanitaire en Syrie demeure extrêmement difficile à cause de la violence et de l’insécurité, du déplacement des lignes de front, de l’ingérence délibérée des parties dans les opérations et de la suspension de celles-ci, des lourdeurs administratives, et de la pénurie de fonds. Qui plus est, une tempête hivernale a exacerbé la crise humanitaire et empêché d’accéder à certaines régions.
Le Secrétaire général se plaint que les autorités syriennes ne donnent pas toujours l’autorisation nécessaire pour laisser passer les convois humanitaires. En outre, même lorsque ces convois sont autorisés à passer, leur contenu ne parvient pas toujours à destination. Le Secrétaire général donne l’exemple de fournitures médicales qui ont été interceptées par des agents de sécurité. De son côté, l’EIIL a continué de limiter l’accès humanitaire aux régions qu’il contrôle.
Malgré un contexte opérationnel extrêmement difficile, les organismes humanitaires des Nations Unies et leurs partenaires ont continué leur travail. Le Programme alimentaire mondial (PAM) a envoyé des vivres pour plus de 3,4 millions de personnes dans 12 provinces. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a fait distribuer des médicaments et des fournitures pour 344 161 traitements dans trois provinces. L’UNICEF a fourni une aide dans plusieurs domaines (eau et assainissement, nutrition, vêtements d’hiver pour les enfants, éducation et services de protection de l’enfance) à 608 526 personnes. Par ailleurs, grâce à la livraison de chlore, 15,6 millions de personnes ont pu avoir accès à une eau potable. En plus des services de protection, le HCR a distribué des articles de premier secours à 342 371 personnes. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a assuré la fourniture d’une aide plurisectorielle à 205 657 personnes. De plus, 137 958 personnes ont bénéficié d’une aide de la FAO dans le domaine de l’agriculture. Les interventions du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) ont, quant à elles, permis de venir en aide à 34 200 personnes.
Le Secrétaire général recommande de progresser d’urgence dans les cinq tâches suivantes: a)lever le siège imposé à 212 000 personnes; b) garantir l’acheminement de fournitures médicales et chirurgicales dans tout le pays; c) mettre fin à la pratique consistant à utiliser la privation de services essentiels aux populations comme arme de guerre; d) reconstruire le système national d’enseignement; e) lutter contre les attaques incessantes qui frappent sans discernement des civils, y compris l’emploi de barils explosifs. Nous continuerons de nous concerter avec les membres du Conseil de sécurité et les pays
qui ont une influence sur les parties afin de trouver des solutions dans ces domaines, souligne le Secrétaire général. Les organismes humanitaires ont besoin de l’aide de tous pour continuer de s’acquitter de leur mission en République arabe syrienne, fait-il observer.
J’espère que les représentants des pays qui jouent un rôle important dans le monde se joindront à moi à Koweït-City le 31 mars en vue de mobiliser des fonds pour l’intervention humanitaire en Syrie et dans la région, conclut M. Ban Ki-moon.
Déclarations
Mme KYUNG-WHA KANG, Sous-Secrétaire générale aux affaires humanitaires et Vice-Coordinatrice des secours d’urgence du système de l’ONU, qui s’exprimait au nom de Mme Valerie Amos, Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et Coordonnatrice des secours d’urgence, a présenté la situation de conflit, de violence et de brutalité qui règne en Syrie, et ce, en toute impunité. Elle a dénoncé les bombardements aériens, dont le largage de barils d’explosifs, menés par les forces gouvernementales, ainsi que les pilonnages d’agglomérations effectués par les groupes de l’opposition armés dans de nombreuses régions. Elle a déploré les attaques qui visent les civils et les infrastructures civiles, affectant ainsi les services de base comme l’électricité et l’eau, ce dont pâtissent plus de 2 millions de personnes dans les gouvernorats d’Alep et de Dar’a.
Sur les 212 000 personnes actuellement assiégées en Syrie, seulement 304 ont eu accès à une alimentation en janvier, a-t-elle signalé. Elle a ainsi dénoncé le manque d’accès humanitaire aux personnes vivant sous le siège imposé aux localités de Yarmouk, Ghouta-Est, Nubul, et Zahra. À Raqqa et Deir el-Zor, l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) a fermé les bureaux de plusieurs organisations de secours, dont ceux du Croissant-Rouge arabe syrien. Les malades et les blessés ne savent pas où aller pour se faire soigner, a-t-elle ajouté en se plaignant des obstacles qui entravent la fourniture de matériel médical là où le besoin se fait sentir. Des fournitures médicales apportées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), ou provenant du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) ont été interceptées par des agents de sécurité, a-t-elle à cet égard indiqué.
Tous les mois, nous apportons des informations sur les mêmes violations, s’est impatientée Mme Kyung-wha Kang en énumérant les meurtres, les enlèvements, les refus d’accès et le détournement des fournitures transportées par les convois humanitaires. Il faut casser ce schéma, a-t-elle exigé. Il faut notamment lever le siège imposé à 212 000 personnes, afin que toute la population ait accès aux fournitures médicales, y compris au matériel chirurgical. Il faut arrêter de se servir du blocus imposé à l’aide humanitaire comme d’une arme, a-t-elle ajouté. Elle a demandé au Conseil de sécurité de faire tout ce qui est en son pouvoir pour faire en sorte que les parties soient rendues responsables de leurs actes et qu’elles changent de méthodes.
Les organisations humanitaires continuent à porter secours à des millions de personnes en Syrie et dans les pays voisins, mois après mois, a poursuivi Mme Kyung-wha Kang. Elle a précisé que, pour ce qui concerne le mois dernier, 3,4 millions de personnes ont ainsi reçu une aide alimentaire, et que des centaines de milliers de réfugiés ont reçu des médicaments et autres fournitures d’urgence. Les envois venant de l’étranger ont augmenté: 950 000 personnes ont ainsi reçu des denrées alimentaires, 880 000 des articles ménagers, 340 000 de l’eau et des services d’assainissement, et près de 470 000 ont bénéficié de fournitures médicales. Cela s’ajoute à ce qu’apportent les organisations non gouvernementales qui ont pu venir en aide à plus d’un million de personnes en janvier.
Mais cela n’est pas suffisant, a estimé Mme Kyung-wha-Khang, souhaitant que les efforts soient renforcés afin de réduire le niveau de violence, protéger le peuple et laisser agir les organisations humanitaires. Elle a placé beaucoup d’espoir dans le gel des combats à Alep, qui devrait se concrétiser et permettre de mettre en œuvre les plans de fourniture de l’aide. Mme Kyung-wha Kang s’est cependant inquiétée de la décision qui a été prise d’expulser deux agents du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), et ce sans donner de raison. Elle a appelé le Gouvernement de la Syrie à revenir sur cette décision pour que ce personnel puisse apporter une aide à tous les Syriens dans le besoin.
Enfin, Mme Kyung-wha Kang a tiré un signal d’alarme sur le fait que le plan de réponse humanitaire de 2014 n’a été financé qu’à hauteur de 48%. Le manque de fonds a déjà contraint le Programme alimentaire mondial (PAM) à réduire ses rations alimentaires de 30%. Chaque million de dollar qui n’est pas versé comme promis à l’OMS fait perdre le bénéfice de soins de santé vitaux à 227 000 personnes, a-t-elle signalé. Elle a donc lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle participe à la Conférence de donateurs pour la Syrie qui se tiendra au Koweït le 31 mars.
M. ANTÓNIO GUTERRES, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, a rappelé qu’il avait averti le Conseil de sécurité, en 2013, que le conflit en Syrie engendrerait la pire crise humanitaire de notre époque et poserait une grave menace à la paix et à la sécurité régionales et mondiales. Nous devons nous rendre à l’évidence, a-t-il dit en constatant que cette prédiction s’était avérée juste. Il a mentionné les répercussions du conflit syrien sur l’Iraq, le Liban, et sur la cinquantaine d’autres pays d’où proviennent les « combattants étrangers ». L’afflux de réfugiés syriens a fait croître la population du Liban et de la Jordanie à un niveau que ces pays n’auraient atteint que dans plusieurs décennies, a-t-il dit en parlant aussi du cas de la Turquie qui accueille le plus grand nombre de réfugiés dans le monde. En outre, 2 millions d’Iraquiens ont été déplacés en 2014, et 220 000 Iraquiens se sont réfugiés dans d’autres pays. Nous atteignons un point de rupture, a prévenu M. Guterres en soulignant le niveau de désespoir et les difficultés qui se posent quand il faut assurer la protection de toutes ces personnes.
Le Haut-Commissaire a prévenu que les conditions de vie des réfugiés se détérioraient de façon alarmante, indiquant par exemple que les deux tiers des 40 000 familles syriennes vivant en Jordanie sont en dessous du niveau de pauvreté absolue. Parallèlement, les capacités des communautés qui accueillent les réfugiés atteignent leurs limites, a-t-il averti. Il s’est aussi plaint du manque d’adéquation de l’aide internationale par rapport à l’ampleur des besoins. Les pays voisins courent en outre des risques en matière de sécurité, a ajouté M. Guterres. Il a signalé que les réfugiés continuent de se rendre en Turquie, un pays qui a adopté des décrets pour ouvrir aux Syriens l’accès à son marché du travail, ainsi qu’à une éducation et à des soins de santé gratuits. Malgré tout, les Syriens doivent aller encore plus loin pour trouver refuge, comme l’illustre la situation dramatique en Méditerranée, a remarqué M. Guterres. Les Syriens représentaient en effet un tiers des gens se trouvant dans les 220 000 bateaux chargés de réfugiés, a-t-il précisé.
Près de 2 millions de réfugiés syriens âgés de moins de 18 ans risquent de former une génération perdue, a craint le Haut-Commissaire. En outre, il a redouté le risque, pour les 100 000 enfants réfugiés nés en exil, de devenir apatrides selon le droit syrien. Si on ne gère pas ces problèmes, ils risquent d’entrainer des conséquences dramatiques pour l’avenir de la Syrie et des pays voisins, a-t-il prévenu. Les réfugiés et leurs pays hôtes ont besoin d’une aide internationale conséquente, en a-t-il déduit.
M. Guterres a appelé la communauté internationale à soutenir le Plan régional de réfugiés et de résilience (3RP). Il lui a aussi demandé de financer ce plan et de participer à la Conférence de Koweït III, qui jouera un rôle important dans la stabilisation de la situation dans les pays hôtes. Des pays comme le Liban et la Jordanie ont besoin d’une aide financière beaucoup plus consistante, a-t-il dit, afin de soutenir non seulement les communautés locales mais aussi les budgets publics pour pouvoir financer des investissements structurels dans les systèmes de santé, d’éducation, d’approvisionnement en eau et en électricité. Comme il a été soulevé lors de la Conférence de Berlin, il a souligné que la situation en Syrie montre l’inadéquation entre les évènements tels qu’ils se présentent sur le terrain et les politiques de coopération en faveur du développement. Il a regretté, notamment, qu’un pays comme le Liban n’ait pas accès aux subventions et aux prêts concessionnels de la Banque mondiale parce qu’il est considéré comme un pays à revenu moyen.
Revenant sur les réfugiés qui fuient la Syrie par la mer, M. Guterres a indiqué que, depuis le début de 2015, plus de 370 personnes étaient mortes en essayant de traverser la Méditerranée. L’initiative Triton de l’Union européenne est limitée en termes de mandat et de ressources, a-t-il dit avant de demander à l’Europe de renforcer ses capacités de sauvetage en mer. Il a aussi demandé à davantage de pays de s’engager pour ouvrir des voies juridiques favorisant l’accueil des Syriens, avec des programmes de relocalisation et d’admission humanitaire, par exemple. Il a aussi prôné d’adopter des politiques de visa souples et de faciliter la réunification des familles. Il a donné l’exemple de ce que font l’Allemagne et la Suède dans ce sens. Le Haut-Commissaire a aussi prévenu du risque de voir des pirates exploiter la situation. Enfin, il a demandé que les réfugiés soient protégés contre le racisme et la xénophobie.
Mme DINA KAWAR (Jordanie) a fait remarquer que le feu provoqué par la crise en Syrie fait rage depuis plus de quatre ans. Depuis le début, la Jordanie accompagne le peuple syrien dans sa douleur. « La communauté internationale doit rompre son silence au sujet des atrocités commises en Syrie et des violations graves du droit humanitaire international, et elle doit en condamner les auteurs et les traduire en justice », a-t-elle insisté.
Les parties au conflit en Syrie, en particulier le régime syrien, doivent cesser d’utiliser des barils d’explosifs, d’attaquer des civils et des établissements civils, comme les hôpitaux, et de perturber des services essentiels, tels que l’eau et l’électricité, a poursuivi la représentante. De même, la communauté internationale doit intensifier ses efforts pour que l’aide humanitaire parvienne à plus de 12,2 millions de personnes en Syrie, y compris dans les zones assiégées. La crise a acquis un caractère « plus extrême et sectaire », a ensuite noté Mme Kawar. Elle a des répercussions humanitaires énormes sur les pays voisins de la Syrie. En dépit de ses ressources limitées et d’un appui international inadéquat, la Jordanie a accueilli à bras ouverts les réfugiés syriens qui sont aujourd’hui plus d’un million et demi sur son territoire.
Évoquant la « fatigue » qu’éprouvent les pays d’accueil, dont le sien, la représentante a appelé la communauté internationale à appuyer et venir en aide à ces pays pour qu’ils puissent continuer à remplir leur rôle humanitaire. À cet égard, elle a salué la décision du Gouvernement du Koweït d’accueillir une réunion ministérielle des pays donateurs et elle a appelé les États Membres à y participer activement. « Il n’y a pas de solution militaire à la crise en Syrie », a-t-elle conclu. La Jordanie pense qu’il ne peut y avoir de solution que politique pour pouvoir mettre fin au bain de sang et réaliser une transition politique conforme aux aspirations légitimes du peuple syrien.
M. JIM MCLAY (Nouvelle-Zélande) a déclaré que des violations graves du droit international humanitaire et des droits de l’homme continuent de se produire en Syrie, et qu’elles ont des impacts directs sur l’aide et l’accès humanitaire. Cette situation n’est plus acceptable, et le Conseil de sécurité doit faire plus pour assurer que ses propres résolutions soient mises en œuvre, a-t-il estimé. La première étape à observer consiste à garder l’attention de la communauté internationale, à travers ce Conseil, concentrée sur la gamme complète des questions humanitaires inscrites dans la résolution 2139 (2014). La complaisance et la fatigue sont inacceptables face à une crise humanitaire de cette ampleur, a estimé le représentant qui a ajouté que le Conseil de sécurité doit jouer un rôle de leadership pour combler les lacunes graves constatées dans la mise en œuvre de la résolution. La Nouvelle-Zélande travaillera avec d’autres membres du Conseil et d’autres parties prenantes pour déterminer ce qui peut être fait pour assurer que les résolutions du Conseil soient pleinement mises en œuvre.
M. McClay a évoqué la nécessité d’axer la publication des rapports mensuels portant sur la situation humanitaire en Syrie autour de cinq axes: assurer l’accès des équipements médicaux et chirurgicaux aux groupes humanitaires travaillant sur le terrain; lever le siège imposé à 212 000 personnes qui sont pourtant dans le besoin; et mettre fin à la pratique consistant à refuser l’accès des déplacés et réfugiés aux services de base pour en faire une arme de guerre. Il faut d’autre part reconstruire le système éducatif syrien et faire face aux attaques indiscriminées contre les civils, y compris par le recours à des barils d’explosifs.
Après la visite du Ministre des affaires étrangères, M. Murray McCully, en Jordanie, la Nouvelle-Zélande a annoncé une contribution d’un million de dollars néo-zélandais à l’aide aux réfugiés syriens pour offrir une éducation et une formation professionnelle de base à plus de 1 800 jeunes, qui sont vulnérables en Jordanie, a dit M. McLay. Il a ensuite estimé qu’il ne peut y avoir de solution à la crise humanitaire sans une solution politique en Syrie.
M. JUAN MANUEL GONZÁLEZ DE LINARES PALOU (Espagne) a rendu hommage aux 72 travailleurs humanitaires morts en Syrie depuis 2011. « Au Conseil de sécurité nous savons tous que la solution au conflit est politique et non militaire et que l’aide humanitaire est un impératif moral », a-t-il dit, en condamnant les crimes de guerre et les violations des droits de l’homme commis en Syrie. Il a rappelé que la responsabilité principale de protéger la population incombe au régime syrien.
« La prise en compte de la dimension humaine est nécessaire, mais elle ne peut excuser notre échec collectif pour régler le conflit », a insisté le représentant. Ce débat au Conseil a lieu « pour nous rappeler les obligations auxquelles nous avons souscrites », a-t-il ajouté. Il s’est dit préoccupé que l’on continue à utiliser des barils d’explosifs contre la population civile assiégée et « qui est utilisée comme otage », que l’on se serve de l’eau comme d’un instrument de guerre, ou encore que des milliers de mineurs soient recrutés pour combattre.
Le représentant s’est dit « consterné que le Conseil de sécurité soit un spectateur passif devant cette situation ». Pour que les actions du Conseil puissent avoir un impact sur le terrain, il a proposé une approche pragmatique en trois points: identifier les instruments dont le Conseil dispose pour que les parties au confit respectent leurs engagements; mettre en place les priorités identifiées par l’ONU; exercer les bons offices sur tous les acteurs, y compris les États Membres qui ont une influence sur les parties au conflit. Il a conclu en notant que la crise en Syrie avait « un impact direct sur le développement de toute la région ».
M. TCHOULI GOMBO (Tchad) a déploré le sort des civils en Syrie, qui subissent au quotidien des violations des droits de l’homme et des conditions de vie difficile du fait du conflit. Il a rappelé au Gouvernement syrien son obligation de donner un accès libre à l’acheminement de l’aide humanitaire et des secours destinés aux personnes vulnérables. Il a rendu hommage aux organisations humanitaires des Nations Unies et à leurs partenaires qui accomplissent leur mission dans des conditions périlleuses. La communauté internationale doit davantage soutenir ces agences, a-t-il demandé. Le représentant a ensuite plaidé en faveur de la recherche d’une solution politique susceptible de mettre un terme à la souffrance de la population en Syrie. Il a indiqué que le Tchad soutient les efforts déployés à cet égard par l’Envoyé spécial du Secrétaire général, qui s’efforce de négocier avec les parties une trêve à Alep. Il a également exprimé le soutien de son pays aux efforts consentis par la Fédération de Russie et l’Égypte pour explorer les solutions qui pourraient être apportées à la crise.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a déclaré que malgré le message fort adressé par le Conseil de sécurité au régime syrien et aux groupes armés à travers le renouvellement du dispositif d’acheminement de l’aide humanitaire en Syrie et le rappel aux parties au conflit de l’obligation qui leur incombe de respecter le droit humanitaire international, la situation reste catastrophique. L’interférence délibérée dans les opérations humanitaires, les limitations imposées à l’accès de l’assistance dans tout le pays ainsi que l’obstruction administrative à laquelle se livre le régime ne font que renforcer les souffrances d’un peuple exsangue. Cela doit cesser, a estimé le représentant.
Conformément à la résolution 2139, il est nécessaire de mettre fin à l’impunité des violations du droit international humanitaire et des droits de l’homme, a ajouté le représentant. Les responsables de ces violations doivent être traduits en justice. « Nous devons tous, collectivement, peser sur le régime syrien pour que ces obstacles soient levés immédiatement afin de soulager les souffrances du peuple syrien », a dit M. Delattre.
Le représentant a ajouté que « quelles que soient les mesures prises pour limiter le coût du conflit en vies humaines et réduire les souffrances des populations, le drame humanitaire syrien ne prendra fin qu’avec l’émergence d’une solution politique. Il revient dès lors au régime de créer les conditions de cette solution politique, a-t-il estimé. Il doit le faire d’abord en mettant immédiatement fin aux bombardements aériens, au recours aux barils d’explosifs et aux tirs d’obus indiscriminés, qui visent les civils et sont prohibés par les résolutions du Conseil de sécurité. Ensuite, il faut que le régime envisage une véritable transition, fondée sur le Communiquée de Genève, et qu’il ne livre pas à un simple replâtrage ». Le représentant a aussi estimé que « tant que Bachar Al-Assad, à la tête d’un clan ultraminoritaire, restera au pouvoir, Daesh et el-Nosra, un affidé d’Al-Qaida, continueront de se renforcer. Le réengagement rapide des Nations Unies, en vue de la relance du processus politique, est à cet égard primordial ».
M. Delattre a en outre estimé qu’un dialogue concret sur les modalités d’une transition politique, fondée sur le Communiqué de Genève, soit relancé, notamment entre les membres permanents du Conseil de sécurité et les principaux acteurs régionaux. « Il faut également soutenir les initiatives de rapprochement des diverses composantes de l’opposition syrienne autour de la Coalition nationale syrienne. Sans une opposition modérée forte et crédible, aucune transition politique ne pourra être négociée », a estimé le représentant de la France.
Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a déclaré que la crise humanitaire en Syrie ne fait que s’aggraver. Ce sont aujourd’hui 12,2 millions de personnes qui ont besoin d’une assistance humanitaire, soit près de 3 millions de personnes supplémentaires en un an, a-t-elle constaté. La communauté internationale doit répondre aux besoins immédiats et exacerbés du peuple syrien mais, a-t-elle prévenu, « ce n’est qu’un pansement qui doit s’accompagner d’un processus politique ». « Le régime syrien aurait largué environ 19 559 barils d’explosifs sur des civils », s’est ensuite indignée Mme Power. Les images satellites prises par l’organisation « Human Rights Watch » montrent des sites endommagés dans divers gouvernorats syriens, dont Alep, a-t-elle dit. Or, a-t-elle déploré, « Bachar Al-Assad nie avoir recours à ce type d’armes ». Plus de 10 000 enfants ont été tués pendant ce conflit, a estimé Mme Power en indiquant que le rapport de la commission d’enquête sur la Syrie atteste de nombreuses attaques contre des civils.
Elle a également reproché au « régime syrien » de « saisir les fournitures médicales transportées par l’ONU et de priver la population de denrées indispensable à sa survie ». « Cent-quarante-cinq membres du corps médical ont été exécutés ou torturés à mort en Syrie », a-t-elle rapporté.
Mme Power a déclaré que les pressions exercées sur les autorités syriennes sont insuffisantes. « 87% des civils syriens sont assiégés par les forces du Gouvernement », a-t-elle avancé. Dans le même temps, a-t-elle dit, « il faut être ferme et condamner d’une seule et même voix les attaques perpétrées par l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) ». L’EIIL a créé des camps pour endoctriner des enfants, a-t-elle dit. Toutefois, a-t-elle estimé, « des groupes comme l’EIIL n’auraient pas vu le jour sans les atrocités perpétrées par le régime d’Assad ». Saluant les efforts déployés par le Représentant spécial du Secrétaire général, elle a cependant mis en garde contre « le régime, qui n’a pas pour habitude d’honorer ses engagements ». « Ce qui importe et ce que nous devons viser en Syrie, ce sont les atrocités du régime », a insisté la représentante des États-Unis. Préoccupée par « la dynamique perverse des chiffres qui augmentent et de la sensibilité qui semble diminuer », elle a conclu son intervention en déclarant: « nous ne devons pas oublier que les chiffres représentent des individus et qu’il faut traduire en justice les auteurs de violations des droits de l’homme et d’abus ». Mais, a-t-elle dit, « le Conseil de sécurité ne pourra avoir d’impact que si les États Membres revoient leur position ».
M. CRISTIÁN BARROS MELET (Chili) a exprimé un sentiment de désespoir face à la situation humanitaire en Syrie, qui conduit notamment 16% de la population syrienne à vivre en dehors du pays. Il a condamné la violence exercée contre la population civile et a demandé que les responsables de ces actes rendent des comptes devant les tribunaux. Il faut mettre un terme aux attaques contre les écoles, a-t-il demandé avec vigueur. Le représentant du Chili a souscrit aux recommandations du Secrétaire général en ce qui concerne la reconstruction du système éducatif. Il a aussi demandé la mise en œuvre des résolutions du Conseil de sécurité qui exigent de faciliter l’acheminement de l’aide humanitaire en Syrie là où les populations en ont besoin. M. Barros Melet a conclu son intervention en appelant à régler le conflit par une solution politique. Il a soutenu les initiatives entreprises en ce sens, notamment par la Fédération de Russie et par l’Envoyé spécial du Secrétaire général.
M. HUSSEIN HANIFF (Malaisie) a condamné les attaques menées contre le personnel des Nations Unies et les travailleurs humanitaires en Syrie. Il a réitéré l’appel lancé par la Malaisie à toutes les parties pour qu’elles respectent le droit international et le droit international humanitaire en permettant un accès humanitaire aux victimes de la crise et en garantissant la sureté et la sécurité du personnel et des convois humanitaires. Il a également appelé le Gouvernement syrien à faciliter davantage la circulation des ressources humanitaires, en particulier pour qu’elles parviennent aux zones difficiles à atteindre. Toutes les parties doivent s’engager à mettre en œuvre les résolutions 2139 et 2165 du Conseil de sécurité, a plaidé le représentant.
M. Haniff a déclaré qu’il ne peut y avoir de solution militaire au conflit en Syrie. « Le futur de la Syrie devrait être déterminé par les Syriens eux-mêmes à travers un processus politique mené par les Syriens. » « La communauté internationale devrait continuer d’appuyer, de promouvoir, d’encourager et de faciliter un processus de transition politique inclusif et elle devrait poursuivre des efforts pour favoriser la réconciliation nationale en Syrie », a-t-il ajouté. À cet égard, la Malaisie salue et soutient toutes les initiatives diplomatiques, telles que celles qui ont eu lieu au Caire et à Moscou, a indiqué le représentant.
M. RAFAEL DARIO RAMÍREZ CARREÑO (Venezuela) a dit qu’il fallait tenir compte des causes qui sont à l’origine de la crise et qui ont entraîné le conflit armé en Syrie. « En Syrie, en violation du droit international, des factions étrangères appuient et financent des groupes armés et des organisations terroristes pour renverser le régime syrien légitime, violant son droit à assurer l’autodétermination de son peuple et violant sa souveraineté », a-t-il déploré. Il s’est dit indigné par le fait que des interventions étrangères venant de pays qui n’ont rien à faire en Syrie « encouragent la déstabilisation politique et militaire de toute la région ».
Le représentant a constaté que l’action des groupes terroristes affecte aujourd’hui les pays voisins de la Syrie. Il a souhaité rappeler que le seul moyen de mettre un terme à la crise est de trouver « un règlement politique négocié sans exclusive, et sans ingérence extérieure ». Après avoir préconisé de mettre immédiatement en œuvre un cessez-le-feu, il a exprimé l’appui de son pays aux initiatives visant à instaurer la paix en Syrie et aux efforts diplomatiques déployés tant à Moscou qu’au Caire.
« Le Gouvernement syrien doit faire partie de la solution », a souligné le représentant du Venezuela. Il a dit qu’il fallait reconstruire la confiance entre les parties pour donner une chance à la paix. Toute action humanitaire doit également être coordonnée avec le Gouvernement syrien pour empêcher que les groupes terroristes ne détournent l’aide, a-t-il recommandé.
M. VLADIMIR K. SAFRONKOV (Fédération de Russie) s’est inquiété du sort de la population assiégée à Raqqa et à Deir el-Zor, villes contrôlées par le soi-disant « État islamique », a-t-il précisé. Il a déploré le manque d’accès de ces populations à l’aide humanitaire. Il a aussi dénoncé le fait que l’État islamique vole l’aide humanitaire pour la redistribuer après avoir apposé son sceau sur les rations alimentaires et les autres biens, et il a souhaité qu’il soit mis fin à ce genre de manœuvres. Le représentant a aussi jugé intolérable de qualifier, dans les rapports, et dans les déclarations de certaines délégations de « groupes de l’opposition » des groupes terroristes qui sont inscrits sur la liste des sanctions du Conseil de sécurité, comme l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL) et le Front el-Nosra. Il a dénoncé la capture par ces groupes de populations chrétiennes dans le nord de la Syrie, ainsi que le pilonnage de villes syriennes par ces bandes armées. Nous demandons aux deux parties au conflit syrien d’appliquer les résolutions du Conseil de sécurité et de respecter le droit international humanitaire, a ensuite souligné le représentant de la Fédération de Russie.
Nous partageons les inquiétudes du Secrétaire général en ce qui concerne l’état du secteur de l’enseignement en Syrie, a-t-il ajouté, appelant le Gouvernement à le remettre sur pied. Par ailleurs, il a invité les agences et organisations du système des Nations Unies à développer une coopération constructive avec le Gouvernement syrien, celui-ci devant réciproquement établir une relation de travail étroite avec les agences onusiennes. Enfin, le représentant a reconnu que la solution au conflit syrien ne pourrait être ni militaire ni humanitaire, mais seulement politique. C’est ce à quoi travaille la Fédération de Russie depuis le début de la crise, a-t-il souligné.
M. KAYODE LARO (Nigéria) a constaté que la crise humanitaire se poursuit à cause du conflit, de l’insuffisance du financement de l’aide et de l’hiver rigoureux qui s’est abattu sur la région, créant encore plus de misère et de souffrance à la population. Il a souhaité que les autorités syriennes approuvent plus rapidement l’entrée des convois de secours sur leur territoire et a invité toutes les parties à s’abstenir d’entraver l’acheminement de l’aide humanitaire.
Le représentant a notamment salué les « sacrifices » accomplis par les pays voisins de la Syrie, qui accueillent les réfugiés syriens. À cet égard, il a incité les pays donateurs à renforcer leur aide et leur appui. « La seule solution durable à la crise humanitaire réside dans le règlement politique du conflit », a-t-il ajouté, en demandant à toutes les parties de coopérer avec le Représentant spécial du Secrétaire général et de poursuive le dialogue.
Mme NIDA JAKUBONĖ (Lituanie) a déclaré que les résolutions 2139, 2165 et 2191 du Conseil de sécurité ont souligné les obligations découlant du droit international humanitaire qui doivent être respectées par toutes les parties, ceci sans condition et à tout moment. Rien n’a été fait malheureusement en ce sens sur le terrain, a-t-elle regretté. « Au contraire, nous assistons aux manquements délibérés du régime Assad, qui refuse de s’acquitter de sa responsabilité première de protéger sa population civile.
Personne n’est à l’abri en Syrie aujourd’hui, a déploré la représentante en évoquant les meurtres de centaines de personnels médicaux et de travailleurs humanitaires. « Des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité ont été commis par le régime Assad, par l’État islamique et par d’autres groupes extrémistes et terroristes », a dit la représentante. « Nous condamnons sans réserve les violations répandues et systématiques du droit international humanitaire et des droits de l’homme par toutes les parties au conflit en Syrie », a-t-elle souligné. « Il n’y a ni solution militaire ni solution humanitaire à cette crise. Elle doit être résolue par des moyens politiques. Le Conseil devrait faire beaucoup plus pour pousser à une véritable solution politique durable, basée sur le Communiqué de Genève », a-t-elle conclu.
M. MARK LYALL GRANT (Royaume-Uni) s’est félicité que la situation humanitaire en Syrie soit examinée par le Conseil de sécurité en séance publique, afin de mieux dénoncer le régime brutal d’Assad. Le mois prochain débutera la cinquième année de ce conflit, a-t-il rappelé en énumérant les souffrances du peuple syrien. Il a rejeté les arguments « de ceux qui disent que le terrorisme est au cœur du conflit syrien » en s’appuyant sur les propos du Président de la Commission d’enquête sur la Syrie. « Le terrorisme est seulement la conséquence du conflit », a-t-il estimé. Il a dénoncé les nombreuses violations des droits de l’homme commises par le Gouvernement syrien, expliquant que cela crée un terreau fertile pour des organisations terroristes comme l’État islamique d’Iraq et du Levant (EIIL). Nous devons mettre un terme à la culture de l’impunité en Syrie et rendre les auteurs des violations des droits de l’homme responsables, a dit le représentant britannique. Il a invité le Conseil à renvoyer la situation en Syrie devant la Cour pénale internationale.
Une solution politique négociée, fondée sur le Communiqué de Genève, est la seule solution à la crise, a-t-il dit. Il a encouragé l’Envoyé spécial du Secrétaire général « à travailler en ce sens avec le régime syrien », tout en l’appelant à se méfier du Gouvernement. M. Lyall Grant a enfin appelé tous les membres du Conseil de sécurité et les autres États à se joindre aux efforts humanitaires. Il a rappelé les besoins de financement de cette aide. Il a indiqué que 8,4 milliards de dollars avaient déjà été mobilisés pour 2015, soit 44% de plus que par rapport à l’an dernier. Il a appelé les États à répondre généreusement à ces besoins lors de la Conférence de contributions qui se tiendra au Koweït fin mars. Le Royaume-Uni, a-t-il annoncé, débloquera 1,2 milliard de dollars, notamment pour appuyer le secteur de l’éducation et les soins à dispenser aux enfants.
M. ISMAEL ABRAÃO GASPAR MARTINS (Angola) a regretté la détérioration de la situation humanitaire en Syrie, où les combats se poursuivent de manière acharnée et au détriment de la population civile. Or, a-t-il regretté, « la communauté internationale demeure incapable de trouver les moyens de se faire médiatrice d’une solution au conflit ». L’Angola estime que les violations des droits de l’homme perpétrées par l’EIIL et d’autres groupes terroristes en Syrie donnent une autre dimension au problème que connait ce pays. « Ces terroristes doivent être stoppés et vaincus », a-t-il ajouté.
Le représentant a déploré que les parties recherchent un avantage militaire au détriment d’une solution politique. Il a invité toutes les parties concernées « à être conscientes de l’échelle humanitaire de cette catastrophe en permettant aux agences d’avoir accès à la population civile ». Des millions de Syriens ont été obligés de fuir dans les pays voisins, dont les territoires, les populations et les gouvernements sont proches d’un niveau de saturation dangereux, a-t-il prévenu.
M. WANG MIN (Chine) a salué la contribution des pays voisins de la Syrie à l’aide humanitaire apportée aux Syriens. Il a appelé les parties au conflit syrien à assumer leurs responsabilités et à promouvoir le processus politique nécessaire pour trouver une solution et un règlement à cette crise. C’est la seule voie à suivre pour rétablir la paix et la stabilité dans le pays, a-t-il assuré. Il s’est félicité de l’initiative de l’Envoyé spécial du Secrétaire général, qui a abouti à la prise d’un engagement concernant un gel des hostilités à Alep, et il a salué les efforts déployés par la Fédération de Russie et l’Égypte pour accompagner le processus politique.
En ce qui concerne l’aide humanitaire, le représentant de la Chine a demandé aux Nations Unies, à la communauté internationale et aux partenaires humanitaires d’appliquer les résolutions relatives à l’aide humanitaire en Syrie. La Chine pense que les Nations Unies doivent renforcer leur communication avec le Gouvernement syrien, a-t-il dit. Il faut aussi éviter de politiser l’aide humanitaire. En outre, a-t-il demandé, il faut régler le problème du terrorisme en Syrie. Il a aussi recommandé à la communauté internationale de renforcer l’appui apporté à l’assistance humanitaire des Nations Unies. Enfin, il a invité le Conseil de sécurité et la communauté internationale à appuyer le Plan pour la reconstruction de la Syrie et à soulager la pression exercée sur les pays voisins par la situation en Syrie.
M. BASHAR JA’AFARI (République arabe syrienne) a commencé par dénoncer l’enlèvement de centaines de chrétiens syriens dans leur village par l’EIIL. Un an après l’adoption de la résolution 2139, l’EIIL et le Front el-Nosra continuent de détruire le patrimoine culturel de la Syrie, a-t-il déploré. « On ne lutte pas réellement contre ces deux organisations terroristes », a-t-il affirmé, en posant la question de savoir qui soutient et appuie les groupes terroristes dans la région.
Le représentant s’est étonné qu’un pays en particulier s’arroge le droit de pouvoir cibler des terroristes dans un autre pays, alors que ce même pays prétend que la Syrie n’aurait pas le droit d’en faire de même sur son propre territoire. Il a récusé l’emploi du terme « baril d’explosifs » par certaines délégations et dans certains écrits et a regretté que les terroristes soient qualifiés de « simples civils » par certains États Membres ou dans des rapports.
Reconnaissant que la situation humanitaire continue de se détériorer dans certaines régions de la Syrie, M. Ja’afari a dit qu’il fallait « définir les normes à l’aune desquelles on doit intervenir pour réellement alléger les souffrances de la population syrienne ». D’abord, a-t-il expliqué, « il est plus que temps que l’on reconnaisse que les causes premières de la crise humanitaire viennent du déploiement en Syrie de groupes terroristes financés et appuyés par certains pays ». Ces terroristes ont utilisé les civils d’Alep comme boucliers humains, a-t-il accusé. Ensuite, a demandé le représentant, « l’objectif est-il d’améliorer la situation humanitaire en Syrie ou s’agit-il d’exploiter les souffrances de la population pour faire pression sur le Gouvernement syrien? » Notant que l’Union européenne a imposé des sanctions contre l’aviation civile syrienne, il a dit qu’il fallait « s’abstenir de politiser les enjeux humanitaires en Syrie ». L’armée syrienne ne fait que lutter contre le terrorisme et protéger les civils dans le respect du droit international, a-t-il ensuite assuré.
Il faut établir les bases juridiques sur lesquelles fournir une assistance humanitaire dans le respect des principes de souveraineté et d’intégrité territoriale des États, a ensuite préconisé M. Ja’afari. Dans cet esprit, il a recommandé au Conseil de sécurité et aux États de renforcer la coopération avec le Gouvernement syrien pour faire en sorte que l’aide humanitaire ne parvienne pas aux groupes terroristes. Il a en outre souligné qu’il fallait faire face au manque de financement dont souffre le plan humanitaire destiné aux populations affectées. « Si vous voulez aider les réfugiés syriens, vous devez les aider à rentrer chez eux », a ajouté M. Ja’afari. « Le règlement de la crise syrienne doit être pacifique et politique et reposer sur un dialogue syrien, loin de toute ingérence étrangère », a-t-il souligné avec force.
M. NAWAF SALAM (Liban) a souligné que pendant 4 ans, le Conseil de sécurité, l’organe chargé par la Charte des Nations Unies de maintenir la paix et la sécurité internationales, n’avait pas réussi à trouver une solution politique au conflit syrien. Le Conseil a échoué à l’égard non seulement de la Syrie, mais aussi des pays voisins, a-t-il précisé. Les conséquences humanitaires du conflit syrien se font sentir sur les sociétés, les économies et les infrastructures des pays voisins, a-t-il précisé, ainsi que sur la sécurité de toute la région. Il a indiqué que le Liban accueille plus de 1,1 million de réfugiés syriens enregistrés, ainsi que 350 000 réfugiés palestiniens, dont 45 000 réfugiés palestiniens venus de Syrie. Cela représente environ un tiers de la population du Liban, a-t-il indiqué. Alors que le Liban est le plus petit État de la région, c’est celui qui accueille le plus de réfugiés. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés en effet, le Liban a le plus fort taux de réfugiés par habitant.
Venant aux conséquences économiques de cette situation, le représentant a donné les chiffres de la Banque mondiale selon laquelle la crise syrienne a coûté au Liban, à la période de l’été 2013, 7,5 milliards de dollars. Ces pertes ont presque doublé depuis, a-t-il dit. Parmi les autres conséquences, il a indiqué que le taux de pauvreté avait augmenté de 61%, que le niveau de chômage avait doublé, et que les infrastructures libanaises étaient dans une situation où leurs capacités ont depuis longtemps été largement dépassées. Le coût du plan libanais de réponse à la crise, adopté en décembre 2014, a été estimé à 2,1 milliards de dollars. Le représentant a averti que le Liban ne pouvait, à lui seul, supporter les besoins humanitaires des Syriens. Saluant les efforts des organisations onusiennes et de la communauté internationale pour répondre à ces besoins, il a cependant signalé que seulement 52% des fonds nécessaires pour financer le plan libanais de réponse à la crise avaient été réunis. Il a donc appelé la communauté internationale à redoubler d’efforts pour soutenir l’aide humanitaire destinée aux Syriens.
M. HALIT ÇEVIK (Turquie) a passé en revue ce que son gouvernement fait pour répondre à la crise syrienne. Sur le plan humanitaire, la Turquie a maintenu sa politique de « frontières ouvertes » et elle a respecté le principe du non-refoulement des réfugiés. À ce stade, plus de 1,6 million de Syriens vivent en Turquie, dont plus de 239 000 sont enregistrés auprès de 25 centres d’accueil dans lesquels leurs besoins, tant sur le plan alimentaire, de la santé, et du soutien psychologique sont pris en charge. Les autres Syriens qui vivent actuellement en Turquie ont accès aux soins gratuits et aux services de base. La Loi sur les étrangers et la protection internationale est entrée en vigueur en avril 2014, et une autre règlementation temporaire sur la protection des Syriens en Turquie a pris effet le 22 octobre 2014. La Turquie a également continué à faire en sorte que l’aide humanitaire puisse être acheminée vers le nord de la Syrie à travers des points de passage frontaliers. À ce jour, le montant de cette aide se chiffre à 365 millions de dollars, a précisé le représentant. De plus, la Turquie coopère étroitement avec les Nations Unies pour permettre et faciliter les opérations humanitaires transfrontalières de l’ONU dans le nord de la Syrie.
Compte tenu des besoins humanitaires toujours pressants en Syrie, la Turquie reste déterminée à poursuivre sa contribution à l’aide aux Syriens. À ce stade, le Gouvernement turque a pris en charge un fardeau financier de l’ordre de 6 milliards de dollars, alors que les contributions reçues pour l’aide aux réfugiés, qu’elles soient bilatérales ou multilatérales, ne représentent que 300 millions de dollars. « La situation actuelle n’est pas soutenable, ni pour la Turquie ni pour tout autre pays de la région », a souligné le représentant. Il a estimé que son pays, et les autres pays voisins de la Syrie, ont eu à assumer une part injuste du fardeau humanitaire de la crise syrienne. La Turquie estime qu’on ne peut pas leur demander de prendre en charge, à eux seuls, cette tragédie humanitaire qui exige un partenariat entre tous les membres de la communauté internationale.
Préoccupé par la détérioration de la situation en Syrie et par l’instabilité de la région, causée par l’émergence de groupes terroristes comme Daesh, le représentant a dit que la Turquie condamne fermement les récentes prises d’otages de chrétiens syriens et les autres actes barbares commis par ce groupe. Il a lancé un appel à la communauté internationale pour que la priorité soit accordée à une stratégie globale et coordonnée sur la base de piliers politique, sécuritaire et humanitaire en vue de venir à bout de la crise syrienne. Il faut s’attaquer aux causes profondes de la crise pour pouvoir parvenir à une transition politique en Syrie, ceci sur la base du Communiqué de Genève, a conclu le représentant turc.