Avec la reprise des combats en Ukraine depuis une semaine, les membres du conseil de sécurité craignent que l’impasse politique ne s’aggrave
Le Conseil de sécurité s’est réuni pour examiner la question de l’Ukraine, cet après-midi, au moment où ont lieu les « pires hostilités » dans l’est du pays depuis le cessez-le-feu et le Protocole de Minsk, ainsi que l’a constaté le Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman, lequel s’est vivement inquiété de cette reprise des combats et de l’aggravation de l’impasse politique.
Les membres du Conseil, qui ne s’étaient pas réunis sur cette question depuis le 12 novembre 2014, ont partagé ces préoccupations, en particulier face à la concentration des combats autour de l’aéroport de Donetsk et à l’augmentation rapide du nombre de morts et de blessés parmi les civils. « Le conflit se rapprocherait dangereusement de villes comme Mariupol et Debaltseve », leur avait notamment déclaré M. Feltman.
Le Secrétaire général adjoint a expliqué que le nombre de combattants augmentait des deux côtés, avec le déploiement d’armes plus sophistiquées et lourdes. Il a cependant précisé que l’ONU n’était pas en mesure de vérifier, de manière indépendante, les affirmations du Président ukrainien selon lequel il y aurait 9 000 soldats russes en Ukraine, des accusations que Moscou réfute.
Au cours de la séance, les intervenants, et en particulier le représentant de l’Ukraine, ont rappelé les incidents les plus meurtriers, dont le dernier, datant du 13 janvier, qui a fait 12 morts et 17 blessés parmi les civils, à Volnovakha, dans un attentat qui a frappé un autocar. Le représentant de la Malaisie a pour sa part déploré que la destruction de l’avion de la Malaysia Airlines, en juillet 2014, n’eût pas incité les parties à cesser les combats et à trouver une solution politique au conflit.
M. Feltman a également prévenu que la situation humanitaire se détériorait en Ukraine, avec 850 000 personnes déplacées et 600 000 citoyens réfugiés dans des pays voisins, selon des sources ukrainiennes. Il a appelé toutes les parties à garantir un accès aux agents humanitaires et à respecter le droit international humanitaire, avant d’inviter la communauté internationale à s’engager pour financer les 189 millions de dollars prévus dans le Plan de réponse stratégique de 2015.
Comme remède à l’impasse diplomatique et politique actuelle, M. Feltman a prescrit un dialogue direct et constructif. Il a aussi jugé urgent de mettre en œuvre un cessez-le-feu durable et d’observer la ligne de contact.
Il a placé ses espoirs dans la réunion ministérielle au « format Normandie » (Russie, Allemagne, France, Ukraine) qui avait eu lieu aujourd’hui à Berlin. Selon lui, les accords de Minsk constituent la base d’une résolution du conflit dans le Donbass et il ne faut pas tenter de les amender de manière unilatérale ou les interpréter de manière sélective.
Le représentant de la France a résumé les étapes à franchir dès à présent pour garantir la mise en œuvre complète et de bonne foi des accords de Minsk par toutes les parties: respect du cessez-le-feu, retrait des armes lourdes de la ligne de contact, règlement des questions humanitaires, et à terme, élection de nouveaux représentants dans l’est de l’Ukraine.
La délégation ukrainienne s’est dite prête à signer le cessez-le-feu, malgré l’escalade de la pression, mais elle a demandé que la partie russe respecte elle-aussi les accords de Minsk. Pour l’instant, a-t-il regretté, la partie russe et les groupes terroristes soutenus par la Russie continuent de violer leurs dispositions. Il a souhaité que la Russie réponde en justice du crime d’agression qu’elle a commis contre son pays.
De son côté, le représentant de la Fédération de Russie a imputé aux autorités ukrainiennes l’échec de la séance du Groupe de contact, qui devait se tenir à Minsk, ainsi que toute une série de mesures, comme les tirs ukrainiens sur l’aéroport de Donetsk, la fermeture des organes de médias russes et même une guerre idéologique qui serait menée par l’Ukraine.
La représentante des États-Unis n’a pas jugé crédible le plan de paix proposé par le Président russe Vladimir Poutine, le qualifiant plutôt de « plan d’occupation ». Elle a exprimé son impression de déjà-vu par rapport à la Crimée en rappelant à la mémoire des membres du Conseil ce qui s’était passé en Transnistrie ou en Géorgie. « À chaque fois, la Russie tente de s’accaparer des territoires de pays voisins en gelant des conflits », a-t-elle argué.
De même, son homologue de la Lituanie a exhorté la Russie à mettre fin à sa politique de « déstabilisation, expansionniste et revancharde » dans la région, y compris en Ukraine, en Moldavie et dans le Caucase du Sud, où, a-t-elle affirmé, « elle poursuit l’annexion des régions abkhazes et géorgiennes de Tskhinvali ».
Les délégations russe, ukrainienne et américaine ont réagi en fin de séance aux commentaires des membres du Conseil.
LETTRE DATÉE DU 28 FÉVRIER 2014, ADRESSÉE À LA PRÉSIDENTE DU CONSEIL DE SÉCURITÉ PAR LE REPRÉSENTANT PERMANENT DE L’UKRAINE AUPRÈS DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIES (S/2014/136)
Déclarations
M. JEFFREY FELTMAN, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, a fait remarquer qu’après des semaines de calme relatif, le Conseil de sécurité se réunissait aujourd’hui alors qu’avaient lieu les « pires hostilités » dans l’est de l’Ukraine depuis le cessez-le-feu et le Protocole de Minsk.
Il s’est inquiété de la reprise des combats, qui risque de faire se déliter les Protocoles de Minsk, et de l’aggravation de l’impasse politique. Il a indiqué que les lourds combats de ces derniers jours s’étaient concentrés autour de l’aéroport de Donetsk et que le nombre de morts et de blessés parmi les civils augmentait rapidement, de même que dans les régions de Donetsk et de Luhansk, y compris dans les zones peuplées de Donetsk. Le conflit se rapprocherait dangereusement de villes comme Mariupol et Debaltseve, a-t-il ajouté.
Le nombre de combattants augmenterait des deux côtés, avec le déploiement d’armes plus sophistiquées et lourdes, a affirmé le Secrétaire général adjoint. Aujourd’hui, à Davos, le Président ukrainien Petro Poroshenko a déclaré qu’il y aurait 9 000 soldats russes en Ukraine, des accusations que Moscou réfute. M. Feltman a parlé des 12 civils qui sont décédés et des 17 personnes ayant été blessées, le 13 janvier, à Volnovakha dans le bus qui a été bombardé. Il a expliqué que l’ONU n’avait aucun moyen pour vérifier, de manière indépendante, la véracité des faits. Il a simplement cité les constatations de la mission de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) qui n’a cependant pas pu vérifier le point de lancement des roquettes ni l’auteur de leur lancement.
La situation humanitaire s’est détériorée, a ensuite dit M. Feltman en donnant le nombre de 850 000 personnes déplacées et en mentionnant les 600 000 citoyens qui se sont réfugiés dans des pays voisins, selon des sources ukrainiennes. Il a appelé toutes les parties à donner accès aux agents humanitaires et à respecter le droit international humanitaire. Il faut aussi mobiliser des ressources pour combler les besoins vitaux sur le terrain, a-t-il ajouté, avant de prévenir que peu de promesses avaient encore été faites pour couvrir les 189 millions de dollars prévus dans le Plan de réponse stratégique de 2015.
Le Secrétaire général adjoint a regretté que la résurgence des combats ait été accompagnée de récriminations mutuelles entre l’Ukraine et la Russie, s’inquiétant de l’impasse diplomatique et politique. Il n’y a pas d’autre alternative que le dialogue direct et constructif, a-t-il rappelé. Il a jugé urgent de mettre en œuvre un cessez-le-feu durable et d’observer la ligne de contact.
« Nous espérons que la réunion ministérielle au « format Normandie » (Russie, Allemagne, France, Ukraine), qui a eu lieu aujourd’hui à Berlin, atteindra le processus nécessaire pour revenir à la mise en œuvre des accords de Minsk », a-t-il dit, soulignant que ces accords constituaient la base d’une résolution du conflit dans le Donbass. Il a demandé de ne pas tenter d’amender de manière unilatérale les dispositions de ces accords ni de les interpréter de manière sélective.
M. Feltman a ensuite parlé de sa visite à Kiev qui a eu lieu du 15 au 17 décembre dernier. Tous les interlocuteurs du nouveau Gouvernement ukrainien se sont dits convaincus qu’il n’y avait plus de temps à perdre du fait de l’urgence des réformes à mener sur les plans économique, législatif, judiciaire et politique.
Les Nations Unies sont déterminées à soutenir tous les efforts visant à mettre fin aux combats et à instaurer une paix durable, a assuré le Secrétaire général adjoint. « Nous continuerons à assister les autorités et le peuple ukrainiens à mettre en œuvre des changements qui sont cruciaux pour un avenir démocratique, sûr, indépendant et prospère », a-t-il ajouté. Donbass a été plutôt calme pendant la visite, a-t-il aussi indiqué, avant de souligner, en conclusion, les responsabilités de chaque partie qui doivent se concerter et coopérer, en passant de la logique de la guerre à la logique de paix.
Mme RAIMONDA MURMOKAITĖ (Lituanie) a affirmé que la Russie et les activistes illégaux qu’elle soutient persistent à interpréter le cessez-le-feu de leur propre façon tordue: l’Ukraine doit cesser tandis que les activistes peuvent continuer à tirer. Face à l’agression, s’érige le droit inhérent de chaque État à défendre son sol et son peuple, ce que fait exactement l’Ukraine qui se défend face aux attaques en cours contre son unité, sa souveraineté et intégrité territoriale, a ajouté la délégation.
En dépit des nombreux appels de la communauté internationale en vue de fermer ses frontières aux flux illégaux d’armes et de combattants étrangers, les frontières de la Russie restaient grandes ouvertes à la circulation d’armes mortelles et de soldats de fortune, a souligné la délégation, qui a ensuite cité des extraits d’informations communiquées par les missions de surveillance sur le terrain de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
Elle a également déploré le fait que la Russie n’ait jamais condamné ou désavoué les militants séparatistes, mettant l’accent sur la volonté de celle-ci de réécrire les accords de Minsk d’une manière qui serait légitime à ses yeux afin de faire accepter les gains territoriaux obtenus par les séparatistes.
La Lituanie rejette tous les appels en vue de renégocier les termes du cessez-le-feu. Les paramètres convenus du cessez-le-feu existent déjà et doivent être respectés. La Lituanie exhorte toutes les parties, en particulier la Russie, à engager et à mettre pleinement en œuvre les accords de Minsk dans leur intégralité et sans plus tarder.
Si la Russie cherche réellement à mettre fin à la violence dévastatrice dans l’est de l’Ukraine, y compris la mort de ses propres soldats anonymes envoyés pour mener une guerre contre une nation fraternelle, elle doit cesser de déstabiliser l’Ukraine, arrêter les livraisons militaires à ses mandataires, les groupes séparatistes illégaux et retirer tous ses équipements militaires, a-t-elle poursuivi.
De même, la surveillance continue de l’OSCE doit être assurée, tandis que tous les otages et les personnes détenues illégalement doivent être libérés, y compris la pilote ukrainienne Nadia Savchenko qui a été enlevée et est détenue illégalement en Russie.
Les observateurs internationaux, y compris les missions de surveillance de l’ONU et de l’OSCE doivent bénéficier d’un accès complet et sans condition à l’ensemble du territoire de l’Ukraine, y compris la Crimée.
La délégation a exhorté les signataires des accords de Minsk à ne ménager aucun effort pour trouver une solution pacifique à cette crise, et la Russie en particulier à adopter les principes fondamentaux énoncés dans la Charte des Nations Unies et à mettre fin à sa politique de déstabilisation, expansionniste et revancharde dans la région, y compris en Ukraine, en Moldavie et dans le Caucase du Sud, où, contrairement à ses engagements, elle poursuit l’annexion des régions abkhazes et géorgiennes de Tskhinvali.
Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a accusé la Russie de continuer à fomenter l’escalade des tensions en Ukraine et s’est inquiétée du fait qu’une certaine forme de complaisance puisse s’installer peu à peu au sein du Conseil de sécurité et vienne justifier cette agression. Elle a affirmé que des séparatistes pro-russes lançaient en ce moment même une agression militaire contre une ville importante du sud-est de l’Ukraine.
Depuis l’annonce par le Président ukrainien Petro Poroshenko d’un calme relatif, les séparatistes ont lancé plus de 1 000 attaques contre des positions ukrainiennes, s’est indignée la représentante, qui a ensuite dressé une liste de divers mouvements d’armes qui avaient été récemment repérés dans les zones séparatistes. Les séparatistes semblent avoir à leur disposition plus d’armes et d’équipements que certains pays européens, a-t-elle ironisé.
La situation actuelle est dangereuse car la Russie ne cesse de rompre ses engagements en faveur d’une désescalade, a poursuivi Mme Power, pour qui il ne peut y avoir de solution militaire au conflit. Il faut, a-t-elle insisté, privilégier le dialogue et la diplomatie. La représentante a aussi affirmé que les actions de la Russie contribuaient directement à l’émergence d’une crise humanitaire en Ukraine.
Elle a notamment parlé de l’attaque qui a pris pour cible un autobus à Volnovakha. « Un autocar avec des trous béants où devaient se trouver des sièges, la neige maculée de sang, ces images sont inoubliables », a commenté Mme Power, qui a ensuite affirmé que le jour même de cette attaque, des séparatistes s’en étaient vantés sur les médias sociaux, mais que leurs messages avaient ensuite été effacés lorsque l’on avait appris que l’autobus transportait des civils.
Voilà autant d’exemples après lesquels les tentatives de jeter le blâme sur l’Ukraine sonnent creux, a estimé Mme Power, qui a ensuite jugé nécessaire de démasquer le plan de paix proposé par le Président russe Vladimir Poutine. C’est un plan d’occupation, a-t-elle notamment accusé.
La paix, a-t-elle enchaîné, ne peut aboutir unilatéralement et l’Ukraine tente de maintenir le respect de sa part de l’accord. La représentante des États-Unis a ensuite appelé toutes les parties à prendre les mesures qui s’imposent pour mettre un terme au conflit.
Revenant sur la proposition de paix de la Russie, Mme Power a affirmé avoir vu cette ritournelle avant. Avant le sud-est de l’Ukraine, c’était en Crimée, en Transnistrie ou en Géorgie. À chaque fois, la Russie tente de s’accaparer des territoires de pays voisins en gelant des conflits. Mais ce qui y est gelé au final, c’est la stabilité, a lancé Mme Power.
M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) s’est demandé, après 30 séances du Conseil de sécurité consacrées à l’Ukraine, dans quelle mesure les déclarations qui y avaient été faites étaient en rapport avec ce pays. Il a dit vouloir obtenir l’application des accords de Minsk pour résoudre la crise ukrainienne. « Malheureusement, la séance du Groupe de contact qui devait se tenir à Minsk a été sapée par les représentants de l’Ukraine », a-t-il dit.
Il a aussi déploré le fait que l’aéroport eût continué à être la cible de tirs. Il a indiqué que le Président de la Russie avait écrit au Président de l’Ukraine en vue d’un apaisement, en lui remettant un tableau énumérant les canons, fusées et toute l’artillerie qu’il fallait retirer. Il a regretté que la partie ukrainienne, au lieu de donner une réponse à cette proposition, eût renouvelé les tirs sur Donetsk. La présence militaire ukrainienne s’est renforcée, a-t-il aussi noté. Il a jugé tous ces éléments annonciateurs d’une nouvelle catastrophe.
Selon le représentant russe, les autorités arrivées au pouvoir en Ukraine à la suite d’un coup d’État ont établi une politique « qui n’a rien à voir avec le redressement du pays ». Il a regretté que la décision de mener une réforme constitutionnelle globale eût été ignorée et que la feuille de route du Président de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) eût été rejetée. Alors que la moitié du pays est russophone, les organes de médias russes ont été fermés, a-t-il aussi dit.
Il a encore condamné les crimes non élucidés dans le sud du pays, notamment à Odessa. En outre, M. Churkin a dénoncé une guerre idéologique, s’offusquant notamment que le 14 octobre eût été décrété « journée nationale » de l’Ukraine. « C’est comme si, aux États-Unis, on déclarait journée nationale le jour de la création du Ku Klux Klan », a-t-il comparé. Il a déploré que l’Europe éclairée et civilisée restât muette sur cette situation.
Le représentant russe s’est ensuite plaint des destructions de maisons à Donetsk, au mépris du droit international humanitaire. « Même les organisations non gouvernementales notent que les forces ukrainiennes ne font pas la différence entre les cibles militaires et civiles », a-t-il remarqué.
Il a aussi rappelé les morts et les blessés qui ont résulté de l’attaque d’un bus. Personne ne semble remarquer ces victimes à Kiev, s’est-il étonné. Il a par ailleurs signalé que cinq millions de dollars avaient été versés par la Russie au Programme alimentaire mondial pour participer à l’aide humanitaire. Enfin, il s’est dit favorable à ce qu’une nouvelle réunion du Groupe de contact se tienne à Minsk aussi rapidement que possible, afin de parvenir à une paix pan-ukrainienne.
M. BANTE MANGARAL (Tchad) s’est inquiété de la dégradation de la situation sécuritaire dans l’est de l’Ukraine, notamment à proximité de l’aéroport de Donetsk. Il a aussi parlé du tir d’obus qui a pris pour cible un autobus à Volnovakha. Le représentant a appelé les parties à assurer la protection des civils.
Le délégué tchadien a ensuite noté l’adoption, le 20 janvier par l’Ukraine, d’une loi prévoyant une mobilisation militaire. Il a souligné que la résolution à la crise devait passer par les négociations et a appelé les parties à faire preuve de calme et à privilégier le dialogue. Après avoir dressé un décompte des victimes occasionnées par le conflit en Ukraine, il a encouragé la communauté internationale à appuyer la reprise des pourparlers.
M. ROMÁN OYARZUN MARCHESI (Espagne) a constaté que l’on pouvait sentir une certaine lassitude dans les vouloirs de l’ONU au sujet de la situation en Ukraine. Mais l’Espagne ne se lassera jamais de défendre l’intégrité territoriale de l’Ukraine, a-t-il lancé. Il a souligné que le Protocole de Minsk était une référence absolue et ne devait pas être sujet à réinterprétation.
Le représentant a appelé les signataires des accords de Minsk à respecter le cessez-le-feu. Il a aussi insisté sur la nécessité d’appuyer l’acheminement de l’aide humanitaire.
Le représentant de l’Espagne a ensuite averti du risque d’une instrumentalisation de l’aide humanitaire et a proposé la création d’un mécanisme pour faciliter l’acheminement de l’aide vers ses « véritables destinataires ». Il a enfin annoncé que le Ministre des affaires étrangères de l’Espagne se rendrait prochainement en Ukraine.
M. ALEXIS LAMEK (France) a jugé extrêmement préoccupante la détérioration de la situation sécuritaire dans le Donbass au cours des derniers jours. L’urgence aujourd’hui est de parvenir à la désescalade pour remettre le dialogue politique sur des rails. Il faut que les parties comprennent qu’il ne peut pas y avoir de solution militaire à ce conflit qui a déjà fait plus de 5 000 morts et qui a un coût considérable, pour l’Ukraine, pour la Russie, et l’Union européenne, a-t-il estimé.
Pour le représentant français, seule la mise en œuvre complète et de bonne foi des accords de Minsk par toutes les parties est à même d’offrir une sortie de crise, a-t-il dit, rappelant les objectifs clairs et constants de son pays: respect du cessez-le-feu, retrait des armes lourdes de la ligne de contact, règlement des questions humanitaires, et à terme, élection de nouveaux représentants dans l’est de l’Ukraine.
Le Conseil de sécurité, qui a abordé l’an passé plus de 30 fois la crise ukrainienne, doit avant tout accompagner ces efforts et participer à cette recherche d’une solution pérenne, a poursuivi M. Lamek. La France, a-t-il dit, souhaite ouvrir en 2015 un nouveau chapitre afin de sortir de la spirale stérile de la confrontation, mais sans renoncer à ses principes: rien ne peut venir remettre en cause la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, dans ses frontières internationales.
M. Lamek a appelé l’Ukraine à lancer un processus qui doit aboutir à des réformes institutionnelles dotant le Donbass d’un degré élevé d’autonomie, dans le respect de la souveraineté de l’Ukraine. Il a appelé, de nouveau, la Russie à arrêter le transfert d’armes et d’hommes à travers la frontière russo-ukrainienne et à faire usage de toute son influence sur les séparatistes pour que soit pleinement respecté le cessez-le-feu.
La sécurisation de la frontière russo-ukrainienne demeure l’un des points cruciaux de la sortie de crise, a-t-il observé.
M. MAHMOUD DAIFALLAH MAHMOUD HMOUD (Jordanie) s’est préoccupé du rythme accéléré avec lequel se détériore la crise en Ukraine et a appelé la communauté internationale à résoudre celle-ci de toute urgence. Il s’est aussi inquiété de la détérioration de la crise humanitaire et de la situation des droits de l’homme dans ce pays. Il a demandé aux parties de mettre fin aux violations et de faire preuve de retenue, en évitant une nouvelle escalade de la violence. Il faut cesser la rhétorique qui conduit à l’escalade, a-t-il ajouté.
La délégation jordanienne a jugé important de défendre la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, en respectant ses frontières. Il faut aussi cesser les afflux de combattants étrangers, a-t-il ajouté. Le représentant a plaidé en faveur de l’application complète des accords de Minsk.
Au Gouvernement ukrainien, il a demandé de mener à bien les réformes nécessaires et de traduire en justice les auteurs de crimes. La Jordanie appuie tous les efforts entrepris en vue de restaurer la paix en Ukraine et attend avec intérêt la tenue du sommet et de la réunion du Groupe de contact de Minsk, a-t-il dit.
M. MARK LYALL GRANT (Royaume-Uni) a dit avoir été choqué par la récente recrudescence des attaques en Ukraine. Il s’est aussi inquiété de la situation humanitaire que connaît le pays. Il a appelé la Russie à cesser d’utiliser les convois humanitaires unilatéraux pour fournir les séparatistes en armes et à mettre également un terme aux mouvements d’armes et de troupes vers les zones séparatistes. Les éléments de preuve du soutien de la Russie ne peuvent être niés, a souligné le représentant, qui a donné quelques récents exemples en la matière.
Le représentant du Royaume-Uni s’est ensuite dit convaincu qu’une solution politique au conflit existait moyennant la mise en œuvre des accords de Minsk. Il s’est toutefois inquiété du « refus » de la Russie de mettre en œuvre deux éléments clefs de ces accords, à commencer par la création d’une zone de sécurité le long de la frontière entre l’Ukraine et la Russie.
Il a notamment signalé que seulement deux points de contrôle avaient pu être établis à ce jour le long de la frontière. Si la Russie est sérieuse, a lancé le délégué, elle doit cesser de s’opposer à la mission de contrôle de la frontière de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE). Il s’est aussi inquiété du fait que des milliers de soldats et « volontaires » russes continuent de franchir régulièrement la frontière.
Le représentant du Royaume-Uni a par ailleurs indiqué que la Russie avait récemment conclu des accords avec les autorités de facto en Abkhazie et en Ossétie du Sud, entre autres. C’est là un mode de comportement qui se caractérise par une ingérence systématique dans les affaires intérieures des pays voisins, s’est-il indigné. Il a ensuite appelé à la pleine mise en œuvre des accords de Minsk.
M. LIU JIEYI (Chine) a jugé inquiétante l’escalade de la violence en Ukraine. La priorité absolue est maintenant d’appliquer intégralement les accords de Minsk et de faire preuve de retenue, a-t-il dit. Il a espéré que le cessez-le-feu serait appliqué sans tarder dans l’est de l’Ukraine.
Le délégué chinois a estimé qu’il fallait tenir compte des droits et des aspirations légitimes de tous les groupes ethniques en Ukraine, en recherchant un équilibre entre les intérêts de toutes les parties. Il a espéré que les efforts du Groupe de contact de Minsk et la réunion ministérielle au « format Normandie » (Russie, Allemagne, France, Ukraine), aujourd’hui à Berlin, permettraient de trouver une solution. Enfin, il a demandé de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les pays.
M. RAFAEL DARIO RAMIREZ CARREÑO (Venezuela) a appelé à ce qu’une solution politique et diplomatique soit trouvée à la crise en Ukraine. Il a souligné que les négociations directes étaient le meilleur moyen de réaliser ces objectifs, pour ensuite insister sur le rôle de médiateur que peuvent jouer les organismes régionaux, notamment l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
Il a formé l’espoir que les récentes rencontres politiques permettront d’aboutir à un cessez-le-feu durable dans le respect des accords de Minsk. Le représentant a appelé les parties à faire preuve de modération et à éviter toute action unilatérale susceptible de compromettre le processus de paix. Il a notamment pointé du doigt l’application de sanctions coercitives multilatérales qui, s’est-il inquiété, risquent de mettre à mal la confiance entre les parties.
Le représentant a ensuite appelé les parties à veiller à la protection des civils et à assurer l’acheminement de l’aide humanitaire aux personnes déplacées et aux réfugiés.
M. HUSSEIN HANIFF (Malaisie) a partagé les préoccupations exprimées par M. Feltman à propos de la détérioration de la situation dans l’est de l’Ukraine, qui risque, a-t-il prévenu, de rendre caduc le cessez-le-feu de 2014. Il a demandé la pleine application du Protocole et du Mémorandum de Minsk. La Malaisie a été attristée par le bombardement d’un bus qui a fait des morts et des blessés, a-t-il dit, avant de demander qu’une enquête soit menée sur cet incident.
Après la destruction de l’avion malaisien, son pays aurait espéré que cet incident tragique inciterait les parties à cesser les combats et à trouver une solution politique au conflit. Mais au contraire, a-t-il regretté, le conflit s’est aggravé. Il a demandé de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Ukraine ainsi que le principe de la non-ingérence dans les affaires intérieures de ce pays.
La Malaisie invite toutes les parties à s’engager de manière constructive en vue de trouver une solution pacifique, en examinant toutes les voies possibles. Le représentant a assuré que son pays était prêt à jouer un rôle constructif dans ce sens.
M. KAYODE LARO (Nigéria) s’est inquiété de l’intensification des combats en Ukraine et a appelé à ce qu’une solution politique soit trouvée au conflit. Il a engagé les partis à faire preuve de bonne foi pour surmonter l’impasse actuelle et assurer la pleine mise en œuvre des accords de Minsk.
M. JIM MCLAY (Nouvelle-Zélande) s’est alarmé du fait que plus d’un million de personnes avaient été contraintes de quitter leur foyer et font à présent face à la rudesse de l’hiver. Il a réclamé une coopération rapprochée entre toutes les parties prenantes, notamment l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), pour fournir une aide humanitaire d’urgence aux populations vulnérables. Le représentant s’est notamment dit préoccupé par l’impact sur l’acheminement de l’aide humanitaire de la destruction, au cours des 24 dernières heures, d’un pont important à Luhansk.
Le représentant a ensuite appelé toutes les parties à pleinement honorer les engagements pris dans le cadre des accords de Minsk en mettant notamment immédiatement un terme aux hostilités et en définissant clairement la ligne de contact entre les parties. Il a aussi appelé à la libération des détenus qui sont aux mains des deux parties. Ces conditions, a souligné la délégation néo-zélandaise, doivent être remplies pour permettre la reprise de pourparlers diplomatiques productifs. Il a engagé la Russie à user de son influence pour assurer le respect du cessez-le-feu par les séparatistes pro-russes.
Le délégué a par ailleurs relevé qu’en 2014, le Conseil de sécurité s’était réuni pas moins de 27 fois pour débattre de la situation en Ukraine, mais que ces débats de haut niveau n’avaient pas eu beaucoup d’impact. Il a appelé le Conseil de sécurité à s’engager à véritablement appuyer les efforts visant à trouver une solution négociée au conflit.
M. ISMAEL ABRAÃO GASPAR MARTINS (Angola) a appelé à la pleine mise en œuvre des accords de Minsk. Il a commenté le fait qu’une réunion ministérielle au « format Normandie » (Russie, Allemagne, France, Ukraine) devait avoir lieu aujourd’hui à Berlin et a engagé le Conseil de sécurité à renouveler son engagement à trouver une issue à la situation en Ukraine.
Le représentant s’est ensuite alarmé de la situation humanitaire qui prévaut dans l’est de l’Ukraine. Il a appelé les États Membres à utiliser leur intelligence pour trouver le moyen de préserver la paix dans cette région du monde.
M. CRISTIÁN BARROS MELET (Chili) a regretté la détérioration de la situation sécuritaire en Ukraine et s’est inquiété de son impact sur la vie des civils. Il a appelé à la mise en œuvre immédiate du cessez-le-feu tel que défini par les dispositions des accords de Minsk.
Le représentant a aussi appelé les parties à dialoguer au plus haut niveau pour trouver une issue au conflit et a espéré que le Groupe de contact de Minsk puisse trouver des solutions positives dans les semaines à venir. Il a également insisté sur la nécessité de consolider le respect de l’état de droit et de veiller au respect de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine.
M. YURIY SERGEYEV (Ukraine) a dit qu’il y a presqu’un an, la Fédération de Russie avait « manipulé les principes fondamentaux des Nations Unies -le droit à l’autodétermination et le droit de protéger - pour créer un prétexte juridique fallacieux afin d’envahir l’Ukraine », ce qui a conduit à l’annexion d’une partie de l’Ukraine, la République autonome de Crimée et de la ville de Sébastopol.
Il a prévenu que, tôt ou tard, la Russie répondrait en justice de ce crime d’agression. Dénonçant la poursuite de cette agression militaire dans les régions ukrainiennes de Donetsk et de Luhansk, il a aussi condamné les attentats terroristes perpétrés sur le territoire de son pays par les groupes des républiques autoproclamées de Donetsk et de Luhansk (DNR et LNR).
Cette agression conjointe russe et des DNR-LNR a pour but d’amener l’Ukraine à modifier son ordre constitutionnel et territorial, a-t-il estimé. Il a demandé à cet égard à la communauté internationale de renforcer sa réponse commune à cette agression et à ces violations du droit international par la Russie.
Le représentant a ensuite énuméré les attaques qui ont eu lieu au cours de ces derniers mois, comme celle de juin 2014 contre des paroissiens et des prêtres d’une église protestante de Slovyansk, l’attentat commis en juillet 2014 contre un avion de la compagnie aérienne Malaysia Airlines qui a fait 298 morts, et, le 13 janvier 2015, l’attentat perpétré contre un bus près de la ville de Volnovakha qui a fait 13 morts.
En ce qui concerne les accords de Minsk, il a regretté que la partie russe et les groupes terroristes soutenus par la Russie aient continué à violer leurs dispositions. Il s’est ainsi plaint que ces groupes armés soutenus par la Russie occupent 550 kilomètres carrés depuis septembre 2014. L’Ukraine a perdu au cours de cette période 237 soldats et au moins 148 civils, a-t-il indiqué. Le représentant a aussi regretté que la Russie ait renforcé sa présence militaire dans le Donbass.
S’exprimant ensuite en russe, le représentant a demandé ce que faisaient certains bataillons de plusieurs villes russes dans plusieurs villes ukrainiennes, avec au total plus de 8 000 personnes ainsi mobilisées. Sont-ce des soldats en permission comme le disent les autorités russes, a-t-il demandé.
La Russie nie officiellement avoir envoyé des troupes mais les familles des soldats tués disent autre chose, a-t-il expliqué. Le représentant a voulu attirer l’attention du Conseil de sécurité sur le fait que des groupes armés illégaux intensifient leurs attaques après avoir été renforcés à partir du territoire russe, même sous la forme des soi-disant convois humanitaires. Malgré l’escalade de la pression, l’Ukraine est prête à signer le cessez-le-feu, a-t-il dit. Il a demandé que la partie russe respecte elle-aussi les accords de Minsk.
Reprenant la parole, M. CHURKIN (Fédération de Russie) a dénoncé le « tapage propagandiste » de la représentante des États-Unis et de sa « généralisation inacceptable » de la politique de la Russie. Il a accusé les États-Unis d’avoir joué un rôle destructeur pendant toute la crise ukrainienne, un point culminant ayant été atteint lors de la visite, à Kiev, du commandant des forces américaines en Europe.
Il est étonnant que partout où les États-Unis interviennent, l’instabilité et les effusions de sang abondent, a lancé le représentant de la Russie évoquant notamment la situation en Iraq et en Libye. M. Churkin s’est aussi indigné du fait que les États-Unis, entre autres, faisaient porter le blâme à la Russie pour certains conflits qui ont éclaté dans la région à la fin de la guerre froide.
Le représentant de la Russie a ensuite affirmé que l’élite ukrainienne traite les populations de l’est de bandits, de terroristes ou encore d’insectes. Il faut faire preuve de courage politique et comprendre que ce n’est pas en agissant de la sorte que l’Ukraine parviendra à protéger son territoire, a lancé M. Churkin.
À son tour, M. DAVID PRESSMAN (États-Unis) a dénoncé la stratégie d’appui de la Russie aux séparatistes qui fomentent la déstabilisation en Ukraine. On prétend que la Russie essaie de mettre en œuvre les accords de Minsk alors qu’elle n’a pris pratiquement aucune mesure dans ce sens, a accusé le représentant qui a pointé du doigt le fait que la frontière n’avait toujours pas été sécurisée et des otages sont toujours retenus.
On prétend, a-t-il poursuivi, que l’Ukraine rehausse sa militarisation alors qu’elle cherche tout simplement à maintenir sa part du cessez-le-feu. On prétend, a encore dit le délégué, que l’aéroport de Donetsk devrait être sous le contrôle des séparatistes, alors que les accords de Minsk stipulent que la ligne de contrôle devrait passer au travers de cette structure qui devrait de surcroit demeurer en territoire neutre.
Au lieu de mettre en œuvre les accords de Minsk, la Russie semble chercher à redessiner la ligne de contrôle, a encore accusé le représentant des États-Unis. « Nous avons besoin de plus faits et de moins de fantasmes et de diversions », a-t-il lancé.
Intervenant à nouveau, M. CHURKIN a commenté le fait que son homologue des États-Unis, Mme Samantha Power, avait quitté la salle. Elle ne juge sans doute pas assez importante cette question, s’est-il indigné.
Reprenant la parole, le représentant de l’Ukraine a réagi aux commentaires faits sur son pays. Il a rappelé avoir envoyé à tous les membres du Conseil de sécurité des informations sur la situation humanitaire dans le Donbass. Il a donc réfuté l’allégation selon laquelle son pays ne mènerait pas de politique inclusive.
Sur la réforme de l’armée de réserve, il a expliqué que cette mesure était nécessaire du fait du renforcement de la présence russe dans le Donbass. Pour ce qui est des citoyens ukrainiens, il a expliqué que les habitants du Donbass étaient sous la menace des terroristes, c’est-à-dire ceux qui assassinent des prêtres et abattent des avions.