La Troisième Commission reconnaît que les élections du 8 novembre dernier au Myanmar représentent un important pas en avant vers la démocratie
La Troisième Commission, chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles, a adopté par consensus, cet après-midi, un projet de résolution* par lequel l’Assemblée générale se réjouirait que des élections se soient tenues au Myanmar, le 8 novembre 2015, dans « un climat pacifique et concurrentiel ».
Aux termes de ce texte consacré à la situation des droits de l’homme au Myanmar, l’Assemblée se féliciterait de cet « important pas en avant vers la démocratie » et encouragerait les autorités à conserver une approche transparente pour les étapes suivantes du processus électoral.
Néanmoins, l’Assemblée exhorterait le Gouvernement du Myanmar à redoubler d’efforts pour mettre un terme aux violations des droits de l’homme et autres violences qui continuent d’être perpétrées, et lui demanderait de prendre les mesures nécessaires « pour faire respecter le principe de responsabilité et mettre fin à l’impunité ».
L’accent est mis sur le déni des droits politiques et les mesures discriminatoires d’inéligibilité, touchant en particulier les membres de la communauté rohingya et les personnes appartenant aux minorités religieuses et ethniques.
Le sort des migrants, notamment des demandeurs d’asile, et des réfugiés en mer d’Andaman et dans le golfe du Bengale ainsi que sur les routes, constitue aussi un sujet de préoccupation pour les membres de la Commission chargée des questions des questions sociales, humanitaires et culturelles.
Sur une note positive, la Commission voit dans la signature récente de l’accord de cessez-le-feu national entre le Gouvernement du Myanmar et huit groupes armés un autre pas en avant, cette fois-ci « vers l’ouverture d’un dialogue politique national exhaustif ».
Au nom de l’Union européenne et des coauteurs, le Luxembourg a estimé que le projet reflétait les progrès substantiels réalisés au Myanmar dans le cadre du processus de transition démocratique, même si le Gouvernement doit intensifier ses efforts dans plusieurs domaines.
En revanche, le représentant du Myanmar a regretté que le texte ne reconnaisse pas suffisamment la longue liste des progrès réalisés.
« Le Myanmar est à l’aube d’une ère nouvelle, avançant toujours plus sur la voie de la paix, de la démocratie et du développement », a-t-il assuré, avant d’émettre des réserves vis-à-vis de plusieurs paragraphes du dispositif, notamment en ce qui concerne le traitement des communautés rohingyas.
Divers pays ont ensuite réitéré leur opposition de principe aux résolutions consacrées à des pays spécifiques.
Le Président de la Commission a appelé l’attention de la Commission sur l’état des incidences sur le budget-programme se rapportant à ce projet de résolution. S’il est adopté par l’Assemblée générale, il faudra prévoir des ressources d’un montant de 1 127 200 dollars pour la poursuite de la mission de bons offices du Secrétaire général au Myanmar en 2016.
Par ailleurs, la Commission a adopté un second projet de résolution** intitulé « Renforcement de la coopération internationale dans le domaine des droits de l’homme ».
L’Assemblée demanderait aux États de prendre les mesures nécessaires pour renforcer la coopération bilatérale, régionale et internationale « en vue de contrer les effets négatifs cumulatifs de crises mondiales consécutives », telles que les crises financières et économiques, les crises alimentaires, les changements climatiques et les catastrophes naturelles, sur le plein exercice des droits de l’homme.
La Troisième Commission se réunira demain, jeudi 19 novembre, à partir de 10 heures, pour se prononcer sur un certain nombre de projets de résolution.
Promotion et protection des droits de l’homme: questions relatives aux droits de l’homme, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales
Décision sur un projet de résolution
Par un projet de résolution sur le renforcement de la coopération internationale dans le domaine des droits de l’homme (A/C.3/70/L.34),adopté sans vote, l’Assemblée générale exhorterait tous les acteurs intervenant sur la scène internationale à édifier un ordre international fondé sur l’ouverture, la justice, l’égalité et l’équité, la dignité humaine, la compréhension mutuelle ainsi que la promotion et le respect de la diversité culturelle et des droits universels de chacun, et à rejeter toutes les doctrines prônant l’exclusion qui sont fondées sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée.
L’Assemblée demanderait instamment aux États de prendre les mesures nécessaires pour renforcer la coopération bilatérale, régionale et internationale en vue de contrer les effets négatifs cumulatifs de crises mondiales consécutives, telles que les crises financières et économiques, les crises alimentaires, les changements climatiques et les catastrophes naturelles, sur le plein exercice des droits de l’homme.
Elle rappellerait également la réunion-débat de haut niveau sur le renforcement de la coopération internationale dans le domaine des droits de l’homme qui s’est tenue durant la vingt-huitième session du Conseil des droits de l’homme en mars 2015.
Déclaration à l’issue de l’adoption
Les États-Unis ont réaffirmé les vues qu’ils avaient exprimées, l’année dernière, lors de l’adoption de ce même projet de résolution.
Promotion et protection des droits de l’homme: situations relatives aux droits de l’homme et rapports des rapporteurs et représentants spéciaux
Décision sur un projet de résolution
Par un projet de résolution consacré à la situation des droits de l’homme au Myanmar (A/C.3/70/L.39/Rev.1), adopté par consensus, tel que révisé oralement, l’Assemblée générale se réjouirait que des élections se soient tenues le 8 novembre 2015 dans un climat pacifique et concurrentiel, que les citoyens du Myanmar aient participé en grand nombre au scrutin et que des efforts aient été accomplis pour rendre le processus électoral crédible, se féliciterait de cet important pas en avant vers la démocratie, et encouragerait les autorités à conserver une approche transparente pour les étapes suivantes du processus électoral.
L’Assemblée se dirait vivement préoccupée par le déni des droits politiques et les mesures discriminatoires d’inéligibilité, touchant en particulier les membres de la communauté rohingya et les personnes appartenant aux minorités religieuses et ethniques et demande que des mesures correctives soient prises.
Elle exhorterait le Gouvernement du Myanmar à redoubler d’efforts pour mettre un terme aux violations des droits de l’homme et autres violences qui continuent d’être perpétrées, notamment aux arrestations et détentions arbitraires, aux déplacements forcés, aux viols et autres formes de violence sexuelle, à la torture et aux traitements cruels, inhumains et dégradants, aux expropriations arbitraires, y compris de terres, et aux violations du droit international humanitaire perpétrées dans certaines parties du pays, et demande à nouveau au Gouvernement du Myanmar de prendre les mesures nécessaires pour faire respecter le principe de responsabilité et mettre fin à l’impunité.
Elle se féliciterait de la signature de l’accord de cessez-le-feu national entre le Gouvernement du Myanmar et huit groupes armés, accord qui constitue un grand pas en avant vers l’ouverture d’un dialogue politique national exhaustif.
L’Assemblée se déclarerait à nouveau gravement préoccupée par le sort des Rohingyas de l’État de Rakhine et d’autres minorités marginalisées, ainsi que par les cas de violations des droits de l’homme et demande au Gouvernement du Myanmar de protéger les droits humains et les libertés fondamentales de tous, y compris des membres de la communauté rohingya, de leur permettre de revendiquer leur appartenance à un groupe particulier, de permettre, dans un souci d’égalité, à toutes les personnes apatrides d’être des citoyens à part entière.
Incidences sur le budget-programme du projet de résolution A/C.3/70/L.39/Rev.1 (A/C.3/70/L.65)
Si l’Assemblée générale adopte le projet de résolution A/C.3/70/L.39/Rev.1, il faudra prévoir des ressources d’un montant de 1 127 200 dollars (déduction faite des contributions du personnel) pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2016 aux fins de la poursuite de la mission de bons offices du Secrétaire général concernant la situation au Myanmar.
L’approbation de ces dépenses sera demandée dans le cadre du rapport du Secrétaire général sur les prévisions de dépenses relatives aux missions politiques spéciales, aux missions de bons offices et aux autres initiatives politiques autorisées par l’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité (A/70/348/Add.1), dont l’Assemblée est actuellement saisie.
Déclaration avant l’adoption du projet de résolution
Au nom de l’Union européenne et des coauteurs, le Luxembourg a estimé que le projet reflétait les progrès substantiels réalisés au Myanmar dans le cadre du processus de transition démocratique. À cet égard, les élections du 8 novembre ont représenté « un tournant historique », des millions de personnes ayant exercé leur droit de vote dans des conditions pacifiques.
Le Luxembourg se félicite également des efforts de réforme déployés dans le pays, notamment la signature, en octobre, du cessez-le-feu national entre le Gouvernement du Myanmar et huit groupes armés. Toutefois, le Myanmar doit poursuivre ses efforts pour intégrer toutes les minorités ethniques et linguistiques dans le dialogue en vue de parvenir à une paix durable.
Le projet de résolution contient aussi un appel à protéger les droits de l’homme et les libertés fondamentales des Rohingyas.
Déclarations après l’adoption du projet de résolution
M. U KYAW TIN (Myanmar) a réitéré sa vive opposition de principe aux résolutions par pays qui vont à l’encontre du principe de non-politisation. Le Myanmar, a-t-il dit, a pris une part active aux deux cycles de l’examen périodique universel et n’a eu de cesse de faciliter les travaux des rapporteurs spéciaux et les bons offices du Secrétaire général.
Le représentant a constaté que le ton de la résolution avait évolué, passant de la critique à un encouragement positif et constructif. Il s’est félicité des élections générales qui se sont tenues le 8 novembre, en présence de milliers d’observateurs. D’après lui, le succès de ces élections est le résultat d’un processus démocratique lancé il y a quatre ans et demi.
« Le Myanmar est à l’aube d’une ère nouvelle, avançant toujours plus sur la voie de la paix, de la démocratie et du développement », a-t-il assuré.
S’il a été heureux que certains éléments de la réforme aient été reflétés dans le projet, il a toutefois regretté qu’il ne reconnaisse pas suffisamment la longue liste des progrès réalisés. Le représentant n’a pas été d’accord avec plusieurs paragraphes du dispositif.
Il a rejeté le paragraphe 3, qui cite « à tort » la religion et l’ethnicité des candidats qui ne remplissaient pas les conditions requises en matière de citoyenneté, et estimé que le paragraphe 4 « n’a pas suivi l’évolution de la situation au Myanmar ». Chaque État souverain ayant le droit de se doter du système politique de son choix, il n’a pas accepté non plus « le libellé intrusif » du paragraphe 6 du dispositif.
Le représentant a ensuite émis « une vive réserve sur les paragraphes 12 et 14 » et objecté à l’emploi du terme « Rohingya » dans le texte. S’agissant du paragraphe 14, il est « infesté de nombreux éléments inacceptables ». Il faut tenir compte de l’histoire de l’État de Rakhine, où aucun nouvel acte de violence n’a été enregistré depuis 2012. Enfin, le paragraphe 15 est loin de refléter la réalité, car les communautés touchées reçoivent une aide humanitaire, ont accès aux services de base et peuvent circuler librement.
Explications de vote après adoption
Le représentant de l’Égypte, au nom de l’Organisation de coopération islamique (OCI), a reconnu le travail important effectué dans le cadre de la mission de bons offices du Secrétaire général et de son Conseiller. Il a signalé, cependant, que l’OCI avait eu l’intention de présenter un texte sur la situation de la communauté rohingya mais qu’elle l’avait « mis de côté » dans un geste de bonne volonté.
S’agissant des élections du 8 novembre au Myanmar, il a regretté que les Rohingyas n’aient pas été autorisés à y participer, avant d’espérer que le nouveau Gouvernement trouve une solution à cette question. La communauté internationale devrait aider à l’amélioration de la situation des droits de l’homme au Myanmar, notamment dans l’État de Rakhine, et à veiller à prendre soin de l’état de santé des membres de cette communauté musulmane, a-t-il préconisé.
Le Singapour a maintenu sa position de principe sur les projets de résolution sélectifs sur lesquels il s’abstient de manière générale.
La Chine a rappelé qu’elle avait toujours appuyé la coopération internationale par le dialogue et la concertation. La Chine ne s’est pas jointe au consensus car elle considère qu’il ne faut pas cibler un pays en particulier.
Dans le même esprit, la République islamique d’Iran a estimé que tous les États Membres devaient respecter les droits de l’homme, notant la coopération fournie par le Myanmar.
Cuba a précisé que le fait de s’être jointe au consensus ne signifiait nullement qu’elle avait modifié sa position de principe à l’encontre des projets de résolution ciblant des pays spécifiques, sans le consentement de ceux-ci. Cuba a rappelé que ces pratiques néfastes et sélectives de politisation dans l’examen des droits de l’homme avaient jeté le discrédit et conduit à la disparition de la Commission des droits de l’homme.
Elle a exhorté à accorder à l’examen périodique universel l’importance qu’il mérite en tant que cadre idoine pour traiter des défis posés à chaque pays dans ce domaine, formuler des propositions constructives et échanger les bonnes pratiques. Elle a encouragé à une coopération internationale fondée sur les principes d’objectivité, de non-conditionnalité, d’impartialité et de non-sélectivité. Il faut cesser d’utiliser le Conseil des droits de l’homme pour régler des comptes politiques, a dit la déléguée cubaine.
La Fédération de Russie a rappelé ces mêmes principes et la nécessité de l’assentiment des pays concernés. Malgré le fait que la Russie n’ait pas émis d’opposition, elle n’en considère pas moins que le projet de résolution est inutile. Elle a appuyé l’examen périodique universel.
La Thaïlande a applaudi la tenue d’élections justes et libres au Myanmar ainsi que la détermination de la population et du Gouvernement à aller de l’avant dans le processus démocratique. Elle a espéré que l’accord de réconciliation avec les groupes armés ouvrirait la voie vers la paix et la stabilité dans les États et les zones touchés.
Elle a souhaité continuer à travailler de manière concrète avec le Myanmar sur la question de la migration dans la région, notamment suite à la Conférence qui s’est déroulée à Bangkok à cet égard. Elle a espéré qu’il ne serait plus nécessaire de soumettre un projet de résolution sur la situation des droits de l’homme au Myanmar.
Le Viet Nam a aussi appuyé la coopération et le dialogue. Le Myanmar a énormément progressé dans les efforts de réconciliation, de coopération et de démocratisation dans le respect des droits de l’homme. Il a dit sa conviction que cette démarche mènera à la stabilité et à la prospérité de ce pays. Dans ce contexte, il n’est plus nécessaire de proposer ce type de résolution à l’avenir.
Le Bélarus s’est prononcé dans le même sens et a déploré que les textes sur des pays particuliers n’aident en rien puisqu’ils émanent d’États qui tentent d’imposer leurs vues à tout prix.
L’Inde a invité au respect du droit de tous les États de gérer leurs propres affaires. L’Inde s’oppose à toute initiative sur la situation des droits de l’homme dans un pays spécifique. Le représentant s’est félicité des efforts tous azimuts du Gouvernement du Myanmar et de la tenue réussie d’élections dans tout le pays, auxquelles l’Inde avait dépêché trois observateurs. La délégation a réitéré les préoccupations quant aux tentatives figurant dans le projet de résolution poussant, selon elle, à des dissensions.
Les Philippines ont salué la mise en œuvre de la feuille de route en sept points en vue de la transition démocratique au Myanmar. La délégation a formé le vœu que ce texte ne sera plus présenté.
De la même façon, la République populaire démocratique de Corée (RPDC) s’est opposée aux tentatives visant à porter atteinte au libre choix des États et à s’ingérer dans leurs affaires.
Le Japon s’est félicité de l’engagement et des efforts du Myanmar ainsi que de la tenue d’élections pacifiques. Il a appelé de ses vœux une transition du pouvoir dans la paix et la sérénité. Le Japon a aussi appuyé le resserrement de la coopération entre la communauté internationale et le Myanmar, et a annoncé qu’il continuerait à apporter son appui à ce pays.
Le Venezuela a rejeté le caractère sélectif et politisé de l’examen de la situation des droits de l’homme, qui, selon lui, viole les principes d’objectivité, d’impartialité et de non-sélectivité. Il a appuyé les appels répétés du Mouvement des pays non alignés en vue d’éviter les chevauchements dans les décisions de la Troisième Commission et du Conseil des droits de l’homme.