Des rapporteurs spéciaux prônent un changement des politiques de migration et de l’approche de la Banque mondiale en matière de droits de l’homme
Les mesures migratoires restrictives qui affectent le quotidien de 232 millions de migrants, les méthodes abusives des agences de recrutement des travailleurs ou encore l’approche « incohérente » de la Banque mondiale qui fait fi des droits de l’homme ont été passés au peigne fin, aujourd’hui, par plusieurs rapporteurs spéciaux du Conseil des droits de l’homme, venus dialoguer avec la Troisième Commission.
Dans le cadre de l’examen des questions relatives à la promotion et à la protection des droits de l’homme, la Commission chargée des questions sociales, humanitaires et culturelles s’est en effet entretenue avec le Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, son homologue du Groupe de travail sur le droit au développement, et avec les rapporteurs spéciaux sur les droits de l’homme des migrants; sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté; la traite des êtres humains; et le droit à l’alimentation.
Les cas de détention de migrants, dont des milliers d’enfants, « dans des conditions déplorables et des installations sanitaires inhumaines » ont énergiquement été dénoncés par le Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, M. Francisco Carrión Mena.
« Les travailleurs migrants ne sont pas des produits mais des êtres humains avec des droits de l’homme », a lancé M. Carrión Mena, dont l’organe qu’il préside avait publié en septembre une déclaration sur la situation de la crise des migrants en mer Méditerranée, a insisté sur l’impact négatif durable sur la santé mentale, physique et émotionnelle de la détention des enfants migrants.
Le Comité, qui est un des 11 organes conventionnels des Nations Unies sur les droits de l’homme, est chargé de la bonne application par les États parties à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, qui célèbre cette année son vingt-cinquième anniversaire.
De son côté, le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, M. François Crépeau, a analysé les pratiques d’exploitation et d’abus à l’encontre des travailleurs à faible salaire issus du Sud.
Défendant une « migration ouverte et légale de la main-d’œuvre » par l’amélioration des possibilités d’emploi décent dans les pays d’origine, M. Crépeau a décrit la complexité des différentes composantes des réseaux de recrutement et le caractère clandestin et opaque du recrutement non éthique.
La Banque mondiale est dans l’incapacité de participer de manière constructive au cadre international des droits de l’homme ni d’aider ses pays membres au respect de leurs obligations en la matière, a révélé sans ambages, le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté, M. Philip Alston, qui a constaté, sans mâcher ses mots, que cette approche était « incohérente, contraire au but recherché et insoutenable ».
Après un constat sans appel: « la Banque mondiale est une zone exempte de droits de l’homme », M. Alston a vivement encouragé à un changement de culture, notamment interne, au sein de la Banque, par le truchement d’une coopération systématique avec les mécanismes des droits de l’homme et l’application du principe de « ne pas nuire », reconnu dans le cadre des mesures de sauvegarde.
Enfin, le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté a mis en exergue la nécessité pour la Banque mondiale d’adopter, « à titre prioritaire, une politique des droits de l’homme qui soit compatible avec celle des Nations Unies ».
« L’accord sur les objectifs du développement durable à l’horizon 2030 suscite un important élan pour la réalisation du droit au développement », a déclaré, quant à lui, le Président du Groupe de travail sur le droit au développement, M. Zamir Akram, dont le Groupe a pour tâche l’élaboration d’un ensemble de normes pour la mise en œuvre dudit droit autour duquel des clivages subsistent entre les États Membres.
La Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, Mme Maria Grazia Giammarinaro, a tiré quant à elle la sonnette d’alarme après avoir constaté que la traite ne semble plus figurer à l’ordre du jour des États alors même qu’elle est étroitement liée aux migrations provoquées par les conflits, la pauvreté, les violations des droits de l’homme et les persécutions. Elle a fait valoir le principe de diligence voulue, qui leur impose d’offrir aux victimes des voies de recours effectives.
Ayant rencontré des personnes dont « la vie a basculé du fait des répercussions des changements climatiques », la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation, Mme Hilal Elver, a prévenu que ces changements représentent l’une des menaces les plus graves à la sécurité alimentaire, la malnutrition risquant d’affecter environ 600 millions de personnes d’ici à 2080.
À son tour, elle a appelé, d’urgence, à opérer « un changement majeur » de paradigme depuis l’agriculture industrielle vers des activités de transformations comme la promotion de l’agroécologie. « L’accord de la Conférence de Paris doit inclure la garantie de la sécurité alimentaire », a-t-elle appelé de ses vœux.
La Troisième Commission poursuivra l’examen des questions relatives à la promotion et à la protection des droits de l’homme le lundi, 26 octobre, à 10 heures.
PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME: APPLICATION DES INSTRUMENTS RELATIFS AUX DROITS DE L’HOMME
b) Questions relatives aux droits de l’homme, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales
c) Situations relatives aux droits de l’homme et rapports des rapporteurs et représentants spéciaux
Déclaration liminaire
M. FRANCISCO CARRIÓN MENA, Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, a déclaré que le caractère complexe du phénomène de la migration internationale exige une stratégie globale afin d’assurer une pleine protection des droits de l’homme des migrants. Il a souligné que la célébration du vingt-cinquième anniversaire de l’adoption de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille rappelait que ces personnes étaient obligées de sacrifier leur dignité car les voies légales s’offrant à eux étaient limitées.
M. Carrión Mena a affirmé que ce sont des milliers de personnes qui meurent chaque année en mer ou en traversant les déserts sur les continents africain et américain. Une situation qui peut s’expliquer par le fait que la sécurité et la surveillance accrues des frontières poussent les migrants à privilégier ces voies périlleuses, et à placer leur confiance dans les trafiquants, a-t-il expliqué.
Toutes ces mesures restrictives et les lois mises en place exposent les migrants à de graves risques, et les rendent très vulnérables aux abus et violations des droits de l’homme, a souligné le Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
Il fait en outre état d’informations troublantes concernant des cas de détention de migrants qui sont confrontées à la violence, a des conditions déplorables, y compris la surpopulation carcérale et des installations sanitaires inhumaines, et des soins médicaux inadéquats. Des milliers d’enfants sont également concernés par ces cas de détention à travers le monde, a souligné M. Carrión Mena, en insistant sur le fait qu’ils ne devraient pas se trouver dans ces lieux sur la base du statut de migrant de leurs parents.
À cet effet, il rappelle l’impact négatif durable sur la santé mentale, physique et émotionnelle des enfants qui sont détenus. Il a lancé un appel aux États à trouver des alternatives en permettant aux enfants dont les parents sont détenus de rester avec des membres de la famille ou un tuteur le temps que leur statut migratoire soit réglé.
Parallèlement, des milliers de migrants sont sujets à des abus et à l’exploitation, entre autres, dans l’industrie de la pêche en Asie, de la construction et le travail domestique au Moyen-Orient, et dans les champs agricoles en Europe et en Amérique, a affirmé M. Carrión Mena, qui rappelle que les travailleurs migrants ne sont pas des produits mais des êtres humains avec des droits de l’homme.
Il a déclaré que la migration pourrait être une expérience positive pour les individus et leurs sociétés, laquelle contribue au progrès économique et au développement humain, tant dans les pays de départ que dans ceux d’accueil. M. Carrión Mena, qui a relevé le nombre peu élevé des États ayant ratifié la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, a encouragé ceux qui ne l’ont pas encore fait, à y adhérer. La Convention, a-t-il renchéri, en tant que l’un des instruments internationaux de base en matière de droits de l’homme est fermement attachée aux principes et normes du cadre plus large des droits de l’homme.
Il a affirmé que lors de ses vingt et unième et vingt-deuxième sessions, le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a examiné, entre autres, cinq rapports des États parties et adopté des observations finales connexes.
Par ailleurs, il a adopté six listes de questions en vertu de la procédure de rapport simplifiée du Comité en vue d’assurer le respect par tous les États de leurs obligations, conformément à l’article 73 de la Convention, a-t-il dit. Les rapports initiaux ou périodiques en vertu de cet article de la Convention n’ont pas encore été transmis par 22 États, ce qui bloque les travaux du Comité, a souligné son Président.
Le Comité appuie les activités des organes conventionnels et continue d’harmoniser et de renforcer ses méthodes de travail, a-t-il assuré. Il continue également de soutenir la contribution des organisations de la société civile, ainsi que le rôle des institutions nationales des droits de l’homme dans leur travail et le suivi des recommandations, de même que le rôle des parlementaires dans la mise en œuvre de la Convention et les autres acteurs, y compris les programmes, les fonds et autres agences spécialisées des Nations Unies.
Le Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a réaffirmé que le Comité continuerait de coopérer avec les États parties et les États signataires pour promouvoir la ratification de la Convention afin qu’ils accordent une attention plus particulière à la condition des travailleurs migrants et leur famille.
Dialogue interactif
Le Mexique a prié le Président du Comité de faire son exposé dans sa langue maternelle, l’espagnol. Face à l’importance croissante des migrations internationales et aux objectifs du programme de développement durable, il a appelé à attacher plus d’importance aux travailleurs migrants et à leurs droits fondamentaux. Avec la conjoncture actuelle de la migration, quelles sont les mesures envisagées pour que tous les États concernés puissent porter un nouveau regard sur cette question? Il a aussi invité les États à la ratification de la Convention pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.
Le contexte actuel et les nombreuses crises migratoires qui frappent le monde font que le Maroc ne comprend pas les raisons qui font que si peu de pays aient ratifié la Convention. Le représentant de ce pays a pris note des efforts tous azimuts des membres du Comité en vue d’une ratification universelle. Soulignant la nature transfrontalière de la migration, il a voulu savoir comment les experts du Comité prenaient en considération cet aspect.
Le Qatar a insisté sur la nécessité de mettre en place un système éthique de recrutement et d’accueil des travailleurs migrants. La représentante a salué la visite du Rapporteur spécial, suite à laquelle la législation nationale a été amendée pour verser les salaires de tous les travailleurs dans des comptes établis à cet effet, conformément aux critères internationaux. Des inspections ont aussi été conduites dans les logements mis à disposition par les employeurs pour en vérifier les conditions. Un bureau spécial a aussi été mis sur pied pour faciliter le dépôt de plaintes pour toutes infractions à la législation du travail.
Quatre millions et demi d’Indonésiens sont des travailleurs migrants, a déclaré le délégué de l’Indonésie, qui a adhéré à la Convention. Il a critiqué le fait que ce sont surtout les pays d’origine qui l’ont ratifiée. L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) est en train d’élaborer un instrument juridiquement contraignant sur la problématique des droits des travailleurs migrants, a-t-il déclaré.
En réponse à la question du Mexique, le Président du Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a reconnu que le Comité ne recevait pas « un appui adéquat » pour lui permettre de s’exprimer en espagnol. Sinon, il a salué la contribution positive de ce pays qui « pâtit des difficultés liées à la migration ».
« La migration n’est pas un problème en soi; c’est une possibilité qui génère des problèmes », a-t-il fait remarquer.
Concernant la proposition de repenser la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, il dit qu’à son avis « une modification serait très complexe ». Outre les droits et les obligations des pays d’origine, de transit et d’accueil, il y aurait une quatrième catégorie: celle des pays qui renvoient les migrants. D’après lui, il faudrait surtout mettre en œuvre la Convention et la rendre universelle.
M. Carrión Mena a salué le rôle du Maroc qui a notamment organisé des évènements pour promouvoir la Convention.
« Le Comité n’a pas pour mandat d’encourager à la ratification de la Convention », a précisé le Président du Comité, mais, en raison de son engagement, « il a essayé d’obtenir celle des pays développés, pays de destination des migrants ».
Les pays en développement sont non seulement des pays d’origine mais aussi des pays d’accueil des migrants, a-t-il ajouté. La Convention ne fait que consolider dans un seul instrument les droits qui sont déjà contenus dans les autres traités internationaux, dont la Déclaration universelle des droits de l’homme et les conventions de l’OIT.
Face aux situations frontalières, comme en Turquie actuellement, le Comité émet des recommandations et fait connaître ses préoccupations, a précisé M. Carrión Mena. Selon lui, la conjoncture internationale en Turquie, en Syrie et en Iraq oblige ces pays à adhérer à la Convention pour mieux gérer la migration, qui est à cet égard « une tragédie humaine ».
Il a invité le Qatar à ratifier la Convention relative aux travailleurs migrants.
Enfin, il s’est félicité de la position adoptée par l’Iraq concernant la Convention et sa politique visant à respecter ses dispositions.
En conclusion, le Président du Comité a plaidé pour qu’au sein des Nations Unies plus d’attention soit accordée à la Convention. Il a invité les pays à participer au Forum mondial pour les migrations et le développement.
Déclaration liminaire
M. FRANÇOIS CRÉPEAU, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, a examiné, dans son dernier rapport annuel (A/70/310), l’impact des pratiques de recrutement sur les droits de l’homme des travailleurs migrants. M. Crépeau a souligné qu’il avait plus particulièrement analysé les pratiques d’exploitation et d’abus à l’encontre des travailleurs à faible salaire issus du Sud.
En dépit du ralentissement économique, il a noté une tendance croissante à l’octroi, par des agences de recrutement sans scrupules, de contrats précaires à court terme, ce qui est non éthique et ne respecte nullement les droits de l’homme des migrants.
La grande majorité de ce type de migration est organisée par des intermédiaires, connus sous le nom d’agents de recrutement. Ces intermédiaires peuvent constituer une forme légitime d’appui au processus de migration mais, trop souvent, ils exploitent et abusent de la situation précaire des migrants.
Or, pour M. Crépeau, le recrutement des travailleurs migrants est la première étape de leur processus migratoire et les intermédiaires finissent par jouer un rôle déterminant dans plusieurs aspects de leur vie comme leur logement, en étant parfois les propriétaires des logements de travail, ou en ayant la charge de leur remettre leur salaire.
Les migrants aussi contractent des dettes auprès d’eux ou reviennent vers eux pour trouver un autre emploi ou renouveler leur permis de travail, pour des frais très élevés, ce qui fait sombrer les migrants dans le gouffre du service de la dette.
Le Rapporteur spécial a précisé qu’il existait un « réseau touffu d’acteurs » impliqué dans le système actuel de recrutement des migrants à bas salaire, qui comprend nombre de composantes gouvernementales des pays d’origine et de destination, des agences de recrutement, des sous-traitants, des employeurs, des fournisseurs directs des employeurs.
La complexité d’un tel réseau, de même que le caractère clandestin et opaque du recrutement non éthique, empêchent de bien en comprendre les rouages et entravent l’élaboration d’un système clair de responsabilisation à l’égard des travailleurs migrants, a affirmé M. Crépeau, qui a énuméré une litanie de violations des droits économiques, sociaux et culturels des travailleurs migrants.
Les abus de ces travailleurs ne sont pas des incidents isolés qui se produisent dans le vide, a-t-il insisté, ajoutant que les pratiques non éthiques de recrutement prospèrent dans un environnement dans lequel les prix des biens et des services dépendent de l’offre d’un travail à faible coût. Ainsi, les recruteurs sans scrupules se battent entre eux comme des requins au sein d’un système qui s’est adapté au cercle vicieux de l’exploitation à grande échelle et de souffrances systématiques, a fait remarquer le Rapporteur spécial.
M. Crépeau a recommandé aux gouvernements l’élaboration d’une approche intégrée et de cas basés sur les droits de l’homme concernant la migration et la gestion des frontières qui tiennent compte des droits et des besoins des travailleurs migrants et des avantages de la mobilité organisée. Dans le cadre de la promotion d’une « migration ouverte et légale de la main-d’œuvre », il a exhorté à la promotion de possibilités de travail décent pour les populations locales, dans la perspective de la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Il a en outre appelé à investir dans les systèmes de protection sociale dans les pays d’origine pour que la pauvreté et les crises économiques ne forcent pas les populations à une migration précaire. Dans ce contexte, la transition vers un système de recrutement éthique devrait se baser sur les Principes directeurs de 2011 des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, sur l’arsenal d’instruments relatifs aux droits de l’homme, et les normes du travail.
M. Crépeau a enfin mis en exergue la nécessité de mesures concrètes d’application du cadre de référence « protéger, respecter et réparer ». De leur côté, les pays de destination pourraient participer à l’autonomisation des travailleurs migrants en les intégrant au sein de leur société, par un meilleur accès à la justice, sans crainte de détection, de détention ou de déportation. Il faut que ces mêmes pays s’attaquent résolument au racisme et à la xénophobie, et favorisent l’accès à la résidence permanente et à la nationalité.
Dialogue interactif
Les États-Unis ont déclaré qu’il fallait garder à l’esprit, dans ce débat, l’accroissement des flux migratoires irréguliers en Méditerranée, en mer Égée, du Bengale et en d’autres lieux, et a proposé, pour faire barrage aux trafiquants, que les frais de recrutement soient payés par l’employeur et non par les employés. Les États-Unis s’efforcent de prendre des mesures fermes dans ce contexte par l’interdiction des frais de recrutement. Que faire pour poursuivre les recruteurs non scrupuleux?
L’Union européenne a jugé que le thème du recrutement des travailleurs migrants était une question complexe qui révélait la grande vulnérabilité des migrants dans certaines situations, et celle accrue des migrantes. Les États membres de l’Union européenne sont attachés à la mise en œuvre des Principes directeurs de 2011 pour les entreprises et les droits de l’homme. Comment inciter le secteur privé à se plier à ces principes et à veiller à la protection des femmes migrantes qui sont dans le secteur économique informel? a demandé la déléguée.
Le Mexique a dit qu’il ne proposait pas des amendements à la Convention mais qu’il désirait insister sur la nécessité pour le Comité de trouver les moyens de convaincre d’autres États de ratifier la Convention. Il a signalé le rôle d’intermédiaire des agences de recrutement et a appelé à l’adoption de normes de contrôle plus musclées, surtout aux frontières, pour éviter que des agences non scrupuleuses profitent des migrants.
La Suisse a lancé, cet été, un programme pluriannuel visant à la promotion du recrutement équitable et éthique des travailleurs migrants, en coopération avec l’Organisation internationale du Travail (OIT) et l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). La déléguée a dit sa conviction qu’en réduisant les coûts économiques et sociaux des pratiques de recrutement, « nous protégeons mieux les droits des migrants, en renforçant leur impact sur le développement ». Cela permet aussi aux migrants d’économiser des milliards de dollars qui sont aujourd’hui dépensés pour des frais de recrutement imposés de manière illégale.
Le Nigéria a signalé des lacunes dans la collecte de données sur les travailleurs migrants. Les États gagneraient à améliorer la gestion des données et à favoriser des programmes de formation aux questions migratoires bien gérées. Le Nigéria a condamné les pratiques illégales des recruteurs et les actes de racisme, de discrimination et de xénophobie qui alimentent des stéréotypes sur des migrants sur la base de leur couleur ou leur religion.
Le délégué s’est déclaré favorable à l’intégration de la problématique de la vulnérabilité des migrants dans les objectifs et cibles du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Il a invité les pays de destination à ratifier la Convention, comme preuve de leur attachement au bien-être des migrants.
Le représentant de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a partagé la préoccupation du Rapporteur spécial sur le manque de données ventilées sur la situation des migrants et les conditions de recrutement, indépendamment de leur statut migratoire. Il a aussi soutenu la nécessité d’adoption d’un cadre réglementaire des agences de recrutement, principales causes des difficultés auxquelles se heurtent les migrants.
Les États doivent aussi ratifier les accords et instruments internationaux relatifs à l’emploi décent. Il a recommandé de mettre fin à l’implication des passeurs et recruteurs illégaux qui exploitent les maillons faibles du système et les besoins de personnes désespérées en matière d’emploi. L’OIM a établi un système d’intégrité dans le recrutement de sorte à le rendre plus éthique, sur la base des pratiques optimales recensées.
Le Brésil a appuyé l’analyse du Rapporteur spécial, notamment la recommandation appelant à l’interdiction de la confiscation des documents d’identité des travailleurs migrants. L’accès à la justice est aussi très important pour le Brésil.
Le Qatar a rappelé la visite du Rapporteur spécial en novembre 2013 dans le cadre de l’invitation adressée à toutes les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. La représentante a précisé que son pays construisait un complexe de logement pour les travailleurs migrants pour respecter les normes internationales d’un logement convenable.
La Turquie a invité à examiner les causes profondes de la migration, à renforcer les partenariats et la coopération internationale. Comment faire pour que le secteur privé respecte les lois sur le recrutement?
Le Costa Rica a renvoyé pour sa part aux nombreux facteurs, dont la pauvreté extrême, qui poussent les personnes à aller chercher fortune ailleurs pour finir dans le même cercle vicieux dans les pays de destination. La déléguée a fait valoir la politique nationale de migration qui vise à ce que toute personne venant travailler dans le pays vive et travaille dans des conditions décentes et respectant leur dignité humaine.
« Nous sommes déterminés à nous acquitter de nos engagements en vertu des instruments relatifs aux droits de l’homme », a déclaré la déléguée de la Colombie, qui a fait état du renforcement du Bureau de la migration et de programmes avec la diaspora colombienne. Cette année, 778 Colombiens en situation de retour ont bénéficié des avantages prévus par la loi dans ce contexte. En tant qu’État partie, la Colombie a présenté deux rapports périodiques au Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, a-t-elle précisé.
Le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants a répondu de façon collective aux questions posées.
M. Crépeau a reconnu que beaucoup de travailleurs migrants temporaires devaient travailler deux ou trois ans avant de pouvoir rembourser la dette contractée pour leur recrutement.
Il a déploré la confiscation des documents de voyage et d’identité, le fait que le contrat de travail des travailleurs domestiques peut différer dans le pays d’origine et de destination, et que ceux-ci n’ont pas le droit d’avoir un téléphone portable ni d’accès à l’Internet, les privant de toute communication avec l’extérieur. « Les travailleurs migrants ne peuvent pas raconter ce qu’ils vivent », a-t-il déploré.
Pour lutter contre ces problèmes, « le cadre réglementaire est primordial », a affirmé le Rapporteur spécial, avant de faire une série de propositions concrètes.
Il a constaté que la plupart des pays avaient aboli les frais de recrutement mais qu’ils existaient encore.
« Il faut interdire la confiscation des passeports, des documents d’identité et de travail », a-t-il martelé.
« Les inspections du travail laissent à désirer partout »: elles doivent être renforcées.
Il y a trop d’agents de recrutement dans les pays d’origine; ils devraient se regrouper et garantir des pratiques éthiques, a poursuivi M. Crépeau.
D’après lui, « la coopération internationale est essentielle à une meilleure gestion de toute la chaîne du recrutement ».
Au Qatar, il a proposé au Ministère du travail, qui est bien informatisé, d’ouvrir un bureau dans les pays d’origine pour enregistrer les travailleurs et les données les concernant avant l’arrivée à Doha.
En outre, l’ouverture d’un compte bancaire personnel pour les travailleurs « permet de tracer s’ils ont été payés ou pas et s’ils ont été payés à temps ». M. Crépeau a proposé d’œuvrer de concert avec le secteur bancaire, notamment pour réduire les coûts d’envoi des fonds.
On pourrait inscrire une obligation d’audit régulier de la chaîne de recrutement et d’emploi, a-t-il ajouté. « Le problème se situe au niveau du sous-traitant du sous-traitant du sous-traitant! » Il faut trouver des recruteurs plus loyaux, a-t-il insisté en saluant l’initiative de l’OIM sur le système des inspections. « Le label de recrutement éthique peut être imposé à certaines agences. »
« Le statut des migrants pose problème », a reconnu M. Crépeau. Le système est tel dans certains pays du Golfe que des migrants sont obligés de ne travailler que pour un seul employeur et la perte de leur emploi « crée de la précarité ».
Il faudrait remplacer cela par « des permis par secteur », permettant à des travailleurs domestiques de quitter une famille qui viole leurs droits de l’homme et de trouver une autre famille. « Il faut éliminer la précarité et le silence des travailleurs migrants qui ne peuvent pas dénoncer leurs employeurs. »
Enfin, a conclu le Rapporteur spécial, l’émancipation des travailleurs migrants est essentielle car ils n’ont pas le droit de vote; ils ne peuvent pas punir ou récompenser les responsables politiques à travers les élections. « Nous devons leur donner voix au chapitre; c’est pour cette raison que les syndicats ont vu le jour il y a déjà 150 ans. »
Déclaration liminaire
Mme MARIA GRAZIA GIAMMARINARO, Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, en particulier les femmes et les enfants, a présenté son rapport qui est concentré sur « la diligence voulue » dont les États doivent faire preuve pour garantir les droits des victimes de la traite.
« J’ai l’impression que la traite des personnes ne figure plus parmi les priorités des gouvernements et des partis politiques », a-t-elle regretté, en saisissant cette occasion pour tirer la sonnette d’alarme. En effet, la traite des êtres humains demeure une grave violation des droits de l’homme qui affecte tous les États, qu’il s’agisse des pays d’origine, de transit et/ou de destination.
Aujourd’hui, a expliqué la Rapporteuse spéciale, la traite des êtres humains est étroitement liée aux migrations provoquées par les conflits, la pauvreté, les violations des droits de l’homme et les persécutions. Parmi les milliers d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont péri en mer Méditerranée, plusieurs étaient probablement victimes de la traite ou risquaient de le devenir à destination.
Mme Giammarinaro a plaidé pour un engagement renouvelé contre la traite et préconisé une approche novatrice. C’est la raison pour laquelle son rapport est consacré à une série de questions juridiques et opérationnelles concernant les impératifs liés, pour les États, à l’exercice de la diligence voulue en relation avec les acteurs non étatiques.
En pratique, la diligence voulue a souvent pris la forme d’une obligation réactive, ce qui a conduit les États à concentrer leurs efforts sur des mesures de lutte contre la traite post hoc, telles que des enquêtes et des poursuites visant les auteurs. Elle a recommandé aux États d’adopter « une approche proactive et à long terme », visant l’inclusion sociale des personnes victimes de la traite et de l’exploitation.
L’experte a estimé que la diligence voulue en matière de prévention de la traite requérait également l’adoption de mesures destinées à remédier aux processus plus systémiques ou aux causes profondes qui favorisent la traite des êtres humains, telles l’inégalité ou l’existence de politiques d’immigration restrictives et de conditions de travail inéquitables.
Elle a considéré que les agents non étatiques, tels que les entreprises, avaient également un rôle à jouer dans le cadre de la diligence voulue, en respectant les droits de l’homme.
De même, les États ayant manqué à leur obligation de diligence voulue en liaison avec les pratiques de traite des êtres humains imputables à des acteurs privés encourent une responsabilité internationale qui leur impose d’offrir aux victimes des voies de recours effectives.
Dialogue interactif
Le Maroc, évoquant la tragédie en mer Méditerranée, a reconnu qu’il fallait s’attaquer aux causes profondes du fléau. La Rapporteuse spéciale envisage-t-elle l’élaboration d’une feuille de route avec des mesures préventives ciblées et bien identifiées adressée aux États Membres?
Le Bélarus a demandé quel pouvait être le rôle des États pour lutter contre la demande en matière d’exploitation sexuelle et d’asservissement au travail.
L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a tiré la sonnette d’alarme en publiant notamment en 2014 un rapport qui aborde la question du décès des migrants pendant leur voyage. L’OIM a insisté sur la diligence voulue dont doivent aussi faire preuve les pays de transit. Elle a pris des actions pour accroitre la sensibilisation et prévenir le phénomène des passeurs, tout en venant en aide aux victimes.
Les Fidji ont mentionné l’accès aux systèmes de justice et proposé de donner une juridiction extraterritoriale aux pays pour qu’ils poursuivent les auteurs de la traite des personnes.
À leur tour, les Maldives ont évoqué les mesures prises pour combattre la traite des personnes au niveau national. Les États appliquent-ils une approche en matière de droits de l’homme face aux victimes de la traite?
« La traite des êtres humains est un crime qui touche davantage les femmes et les enfants et un crime organisé », a fait observer l’Union européenne. Saisie de la situation au large de la mer Méditerranée, l’Union européenne a lancé une opération en aval pour détruire les réseaux de passeurs et accroître la détection de navires qui pratiquent la traite. Quel rôle la société civile peut-elle jouer pour ce qui est de la responsabilité des acteurs non étatiques et comment axer les mesures sur les victimes?
Les États-Unis, qui ont des procédures guidant les autorités pour identifier les victimes et un numéro vert, ont demandé quelques exemples d’États ayant pris des mesures volontaristes pour combattre la traite dans des situations de crise.
La Suisse, après avoir noté que les États se trouvent mis à l’épreuve dans l’application de principe de diligence voulue, a souhaité connaître les étapes suivantes concernant la thématique de la traite en temps de crise et avoir des exemples de bonnes pratiques en matière de diligence voulue exercée par des acteurs armés non étatiques.
Le Nigéria a plaidé pour une approche fondée sur les droits de l’homme et noté son attachement au Protocole de Palerme et à la lutte contre la criminalité organisée. Il s’est dit disposé à recevoir la Rapporteuse spéciale.
La Mongolie a dit avoir intensifié ses efforts nationaux pour lutter contre la traite. Quelles sont les bonnes pratiques et les expériences positives que l’intervenante a recensées et quelles mesures le secteur privé peut-il prendre en matière de diligence voulue dans la lutte contre la traite?
Condamnant tous les types d’esclavage moderne, le Royaume-Uni a demandé quelles seraient les mesures les plus efficaces pour éliminer la traite, notamment dans le cadre des objectifs de développement durable.
L’Afrique du Sud, touchée par ce fléau en tant que pays d’origine, de transit et de destination, a dénoncé « un crime contre l’humanité ».
Le Qatar a assuré souhaiter coopérer par tous les moyens avec la Rapporteuse spéciale. Le pays a lancé une initiative de renforcement des capacités des États arabes dans la lutte contre la traite.
La Fédération de Russie a évoqué les efforts consentis pour contrer ce fléau. Elle a demandé à la Rapporteuse spéciale de mieux définir les phénomènes distincts que sont les migrants et les « migrants clandestins ».
Pour le Venezuela, les droits de l’homme doivent primer sur les conditions matérielles. Quelles sont les incidences des politiques migratoires de plus en plus restrictives qui encouragent la traite des personnes et le trafic des migrants?
Cuba a indiqué préparer la visite de la Rapporteuse spéciale. Quels sont les actions à entreprendre pour appliquer les éléments du Programme de développement durable à l’horizon 2030 qui sont liés au problème de la traite, « un phénomène de plus en plus répandu dans le monde ».
Il est vrai qu’il faut se concentrer sur la prévention par le maintien d’une cohérence politique, a répondu la Rapporteuse spéciale sur la traite des êtres humains, qui a mis en garde contre des politiques trop restrictives produisant l’effet inverse de celui escompté par les gouvernements. Les politiques qui empêchent les travailleurs migrants de changer d’employeurs sont tout aussi dangereuses, a-t-elle affirmé. « On ne remarque pas la traite parce qu’en réalité on ne fait pas d’efforts pour la déceler, a poursuivi Mme Giammarinaro, qui a exhorté à dénoncer les cas d’exploitation.
Mme Giammarinaro a trouvé qu’il était trop facile de dresser une liste de mesures, en réalité jamais mises en exécution, soulignant que la traite des personnes était toujours une conséquence directe d’une situation de précarité économique ou de conflit armé, d’instabilité politique et de problèmes liés à l’environnement.
Elle a indiqué qu’elle allait continuer à recueillir des informations sur les réseaux de trafiquants, souvent complices de groupes armés. Elle a rappelé que même des soldats de la paix trempaient parfois dans ce trafic. Il est aussi avéré que Boko Haram, et d’autres groupes, pratiquent l’enlèvement, l’esclavage et la vente de personnes, en particulier des femmes et des enfants.
Il est impératif, selon elle, d’accorder une grande priorité aux enfants qui fuient les zones où des conflits font rage. Des milliers d’entre eux errent, seuls et désemparés, dans les endroits les plus inimaginables, a-t-elle affirmé, appelant aussi à résoudre au plus vite la situation de ceux qui sont détenus dans les pays d’accueil pour avoir illégalement pénétré leur territoire. Beaucoup d’actions peuvent être menées de conserve avec les organisations de la société civile, a poursuivi la Rapporteuse spéciale.
Déclaration liminaire
Le Président du Groupe de travail sur le droit au développement, M. ZAMIR AKRAM, a indiqué que le Groupe avait, lors de sa seizième session, continué d’examiner, de revoir et d’affiner les critères et les sous-critères opérationnels du droit au développement.
À son avis, la deuxième lecture n’a pas aidé à combler les différences mais a, en fait, creusé le fossé entre les positions.
Afin de progresser, M. Akram a proposé au Groupe de travail de se mettre d’accord sur une autre façon de procéder pour remplir son mandat, en se fondant sur le langage convenu dans la Déclaration des Nations Unies sur le droit au développement.
Sa suggestion ayant été acceptée par le Groupe de travail et entérinée par le Conseil des droits de l’homme, le Président a été chargé d’élaborer un ensemble de normes pour la mise en œuvre du droit au développement.
M. Akram a expliqué qu’il avait déjà commencé le processus de consultations avec les États Membres, les organisations internationales et régionales, la société civile et les autres parties prenantes.
Le Groupe de travail a décidé que ce document « ne préjugera pas des discussions sur le projet de critères et de sous-critères opérationnels sur le droit au développement ». Il a également décidé de finaliser sa deuxième lecture lors de la prochaine session.
M. Akram a rappelé que le Groupe de Travail avait également décidé d’aborder la question du Programme de développement durable à l’horizon 2030. À cet égard, il va étudier les contributions des États aux niveaux national, régional et international pour voir comment intégrer le droit au développement aux mécanismes relatifs aux objectifs de développement durable.
Enfin, le Groupe de travail a recommandé que l’Assemblée générale organise, lors du débat général de sa soixante et onzième session, une réunion de haut niveau pour célébrer le trentième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur le droit au développement, et que le Conseil des droits de l’homme y consacre un débat thématique.
Dialogue interactif
La République islamique d’Iran, au nom du Mouvement des non-alignés (NAM), a estimé que le droit au développement, qui est un droit universel inaliénable, faisant partie intégrante de tous les droits de l’homme, devait être au cœur de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Le Nigéria a fait valoir que le droit au développement gardait toute sa pertinence par rapport à tous les autres droits de l’homme. Il a appelé à un dialogue constructif entre les États, qui tienne notamment compte de l’endettement, de l’accès aux technologies et des conditions du commerce.
Cuba a demandé quelles actions pouvaient être menées par l’ONU pour célébrer le trentième anniversaire de la Déclaration sur le droit au développement et faire en sorte qu’il soit placé sur un pied d’égalité avec les autres droits de l’homme.
Le Maroc a déploré que l’on soit « bien loin de la concrétisation de ce droit » qui est plus pertinent que jamais.
Le Panama a demandé au Président du Groupe de travail son avis sur le concept de l’éthique du développement.
La Chine s’est dite inquiète face à l’absence de progrès lors de la seizième session du Groupe de travail. Pour les pays en développement il est essentiel et urgent de réaliser ce droit. Actuellement, « le statut de ce droit n’est pas à la hauteur de son importance ».
L’Afrique du Sud a dit avoir toujours milité en faveur d’une approche globale du droit au développement. Elle s’est dite préoccupée par le fait que le débat sur cette question est souvent caractérisé par un discours politique qui empêche les progrès.
Le Pakistan a jugé nécessaire d’établir clairement les composantes opérationnelles de ce droit avant qu’il soit recherché dans le nouveau programme de développement.
Le Président du Groupe de travail sur le droit au développement a dit qu’il incombait principalement aux pays en développement de s’occuper des activités liées à la promotion de ce droit qui est crucial pour eux. Il ne suffit pas d’organiser des manifestations de haut niveau à l’ONU, il faut sensibiliser la communauté internationale en dehors de ce cadre, dans les capitales.
L’accord sur les objectifs de développement durable suscite un important élan pour la réalisation du droit au développement, a reconnu M. Akram. D’après lui, l’idée du développement durable intègre ce droit, ce sont « les deux faces de la même médaille ». Il a prôné le réalisme dans la mise en œuvre des objectifs de développement durable.
« On ne peut parler des droits de l’homme sans répondre aux besoins des êtres humains, c’est une question d’éthique, en particulier pour les pays les moins avancés où nous sommes confrontés à des problèmes graves comme la famine ou l’accès à l’eau potable », a expliqué le Président du Groupe de travail.
À cet égard, la reconnaissance du droit au développement comme droit de l’homme fondamental est une étape importante.
Le droit au développement couvre un large éventail de questions abordées à la fois par le Conseil des droits de l’homme et par l’Assemblée générale, ayant trait par exemple à l’eau, l’alimentation, l’emploi ou le logement. C’est cette démarche globale que M. Akram entend aborder dans la formulation des normes à atteindre pour réaliser le droit au développent.
Déclaration liminaire
Mme HILAL ELVER, Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation, a déclaré qu’au cours de l’année écoulée, elle avait observé les obstacles auxquels étaient confrontés les États et les individus pour réaliser le droit fondamental à l’alimentation et à la nutrition. Elle a également constaté que l’année se terminait sur une note positive avec l’adoption historique des objectifs de développement durable qui ont ouvert la voie au Programme de développement durable à l’horizon 2030.
Mme Elver a en outre souligné que la Conférence des États Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, à Paris, en décembre, devrait être une opportunité à saisir par les États en vue d’adopter un plan commun visant à réduire les effets néfastes des changements climatiques.
Selon la Rapporteuse spéciale, la problématique du climat revêt une grande importance car c’est l’une des menaces les plus graves à la sécurité alimentaire mondiale. Ainsi, au regard de ses conséquences sur la dégradation de l’environnement, elle a décidé d’axer son rapport sur « les changements climatiques et leur impact sur la jouissance effective du droit à l’alimentation ».
Les individus et les communautés en situation de vulnérabilité et sujets à des risques en raison de la discrimination liée à la géographie, à la pauvreté, au genre, ou encore au handicap sont souvent affectés, a déclaré Mme Elver, qui a souligné avoir rencontré des personnes dont la vie a basculé du fait des changements climatiques et évènements climatiques extrêmes.
Reconnaissant la complexité de la relation entre les changements climatiques et les systèmes alimentaires, l’experte a affirmé, d’une part, que les changements climatiques ont un impact négatif sur l’agriculture, et que, d’autre part, les pratiques agricoles et les systèmes alimentaires nuisent à l’environnement, tout en accélérant les changements climatiques.
Ainsi, la menace de la malnutrition pèse sur 600 millions de personnes d’ici à 2080, a fait observer Mme Elver, qui a prévenu que si les États ne parviennent pas à adopter des politiques appropriées la paix et la sécurité seraient menacées. Elle a plaidé pour une action urgente en vue d’intensifier et d’atténuer les émissions de gaz à effet de serre, en s’adaptant à ses effets inévitables. Pour ce faire, ces efforts devraient respecter le droit à l’alimentation, ainsi que les droits de l’homme, a fait valoir Mme Hilal Elver.
La situation actuelle a favorisé la naissance d’un « agro-pessimisme », selon lequel les hommes ne seraient pas capables de se nourrir a moins que les modes agricoles actuels ne soient étendus et intensifiés, détériorant ainsi les ressources environnementales disponibles, a-t-elle expliqué.
À cet égard, elle a plaidé pour une réforme des systèmes agricoles et alimentaires pour garantir qu’ils répondent aux défis des changements climatiques et de la dégradation de l’environnement. Elle a insisté sur le fait que la réforme devait garantir la protection du droit à une alimentation adéquate à travers des niveaux appropriés de production, ainsi qu’un accès équitable et une distribution juste.
Elle a souligné le besoin d’encourager un changement majeur pour passer de l’agriculture industrielle à des activités de transformation telles que la promotion de l’agroécologie. Cette nouvelle approche appuie le mouvement alimentaire local, protège les petits agriculteurs, respecte les droits de l’homme et les droits des femmes. Elle encourage également le besoin d’intégrer l’engagement à une justice climatique et aux droits de l’homme, des éléments qui nécessitent l’appui des gouvernants.
L’accord de la Conférence de Paris doit inclure la garantie de la sécurité alimentaire grâce à une volonté politique nécessaire, a conclu la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation.
Dialogue interactif
La déléguée de Cuba a souligné la nécessité d’adopter, lors de la Conférence de Paris sur les changements climatiques, une résolution contraignante dans laquelle figure la mention selon laquelle les effets des changements climatiques nuisent à la réalisation du droit à l’alimentation.
À cet égard, elle a voulu savoir quelles étaient les conditions pouvant être créées sur la scène internationale pour que cette requête soit une réalité. En outre, elle a interrogé la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation sur la manière dont les États et les entités de l’ONU peuvent mettre en œuvre le droit à l’alimentation comme droit de l’homme.
Quant au délégué du Mexique, il a demandé quelles étaient les composantes structurelles que les mesures politiques doivent prendre en compte dans les efforts d’adaptation aux changements climatiques tout en respectant le droit à l’alimentation. En outre, il a demandé de quelle façon il était possible de mieux appliquer les recommandations de la Rapporteuse spéciale sur l’alimentation. Par ailleurs, il a voulu avoir des réponses sur l’implication des entreprises et des organes scientifiques pour lutter contre les changements climatiques.
La Suisse a montré un plus grand intérêt en ce qui concerne le type de mesures supplémentaires à prendre pour assurer une approche des droits de l’homme dans les politique internationales.
De son côté, l’Union européenne a interrogé Mme Hilal Elver sur l’éventualité du resserrement de la coopération pour faire avancer la question des droits de l’homme dans le domaine du droit à l’alimentation. La déléguée a demandé à la Rapporteuse spéciale son appréciation du Programme de développement durable à l’horizon 2030, en particulier l’objectif 2.
La déléguée de l’Afrique du Sud a fait ressortir la démarche du droit de développement fondée sur les droits humains, souhaitant savoir comment intégrer le droit à l’alimentation au niveau national. En outre, elle a demandé quel pourrait être l’appui financier des pays développés aux pays en développement pour relever les défis des changements climatiques.
La Colombie a évoqué l’apport des petits producteurs pour améliorer la production mondiale de nourriture.
La République islamique d’Iran a voulu avoir une idée des moyens mis à disposition pour réaliser le droit à l’alimentation en tant que droit de l’homme dans le cadre du Programme de développement à l’horizon 2030.
Le Maroc a demandé à la Rapporteuse spéciale pour le droit à l’alimentation ce qu’elle recommandait aux États pour que la question du respect du droit à l’alimentation comme droit de l’homme soit intégrée dans la déclaration de la Conférence de Paris sur les changements climatiques.
Répondant aux questions des délégués, la Rapporteuse spéciale sur le droit à l’alimentation a souligné que les travaux préparatoires de la Conférence de Paris sur les changements climatiques faisaient très peu allusion aux droits de l’homme dans les domaines du droit à l’alimentation et des changements climatiques.
Elle a également fait remarquer que l’approche des droits de l’homme comme droit à l’alimentation n’était pas très présente dans les objectifs de développent durable, et qu’il en est de même pour la Convention-cadre des Nations Unies pour les changements climatiques.
Aux gouvernements, elle a demandé qu’ils insistent sur ce droit lors de la Conférence de Paris, sinon, a-t-elle dit, de nombreux problèmes ne seront pas résolus. Cette question doit être abordée sous l’angle de la justice climatique, a préconisé Mme Elver. « Il faut le faire figurer dans les documents de la Conférence de Paris. »
Déclaration liminaire
M. PHILIP ALSTON, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté, a déclaré que son rapport sur la Banque mondiale et les droits de l’homme, disponible depuis plusieurs semaines, avait d’ores et déjà suscité une attention considérable car il tâchait de répondre à la question: pourquoi la Banque mondiale s’est toujours refusée à la prise en compte des droits de l’homme dans ses activités?
En quête d’une réponse concrète, il a étudié en profondeur ce qu’il a qualifié « d’approche déconcertante de la Banque mondiale » tant dans sa politique juridique et ses relations publiques que dans son analyse des politiques, ses opérations et ses sauvegardes. Le Rapporteur a concédé que ses conclusions ne sont pas « communiquées dans le langage habituel de la diplomatie », l’approche de la Banque mondiale étant à la fois « incohérente, contraire au but recherché et insoutenable » et cette banque est « une zone exempte de droits de l’homme » dans tous ses domaines d’activités, y compris opérationnelles.
M. Alston a vivement encouragé à un changement de culture, notamment interne, au sein de la Banque, par le truchement d’une coopération systématique avec les mécanismes des droits de l’homme et l’application du principe de « ne pas nuire », reconnu dans le cadre des mesures de sauvegarde. Il a suggéré à la Banque mondiale d’entamer un véritable dialogue avec tous ceux qui prétendent qu’elle devrait s’équiper d’une politique des droits de l’homme digne de ce nom.
L’identification d’individus avec lesquels elle ne traitera pas, le recensement de groupes de la société civile comme extrémistes, l’annulation abrupte de réunions suite à la publication de rapports critiques à son égard ne sont guère des approches susceptibles d’engager des politiques plus sophistiquées, a-t-il commenté.
Le problème, cependant, est que cette banque est censée interagir avec de nombreux acteurs du développement et qu’elle se targue d’avoir fait « des contributions clefs à la pensée liée au développement » par le passé, qu’elle projette de continuer à faire à l’avenir, en particulier dans le cadre de son rôle dans la mise en œuvre et la promotion des objectifs de développement durable à l’horizon 2030.
Or, a poursuivi le Rapporteur spécial, si les droits de l’homme en sont absents, que va-t-il advenir de la proposition qui veut que les droits de l’homme et le développement soient interdépendants? M. Alston s’est demandé comment, dans de telles conditions, la Banque mondiale pourrait aspirer à être un acteur central dans les contextes de conflit et de postconflit, comme l’a récemment affirmé son Président lors de la réunion annuelle à Lima, si elle n’opère pas un changement dans ses politiques, dont elle-même concède qu’elles étaient erronées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, et si elle ne réexamine pas ses considérations en termes de droits de l’homme.
D’autres contradictions ont encore été relevées par le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté, comme le fait que les évaluations internes de la Banque mondiale insistent sur la nécessité de prendre en considération l’économie politique des contextes dans lesquelles elle travaille, de réduire les risques, et d’identifier les obstacles structurels, et ne s’intéressent pas aux facteurs afférents aux droits de l’homme lors de la planification et de l’exécution de ses projets et programmes d’assistance.
Autre exemple contradictoire, sa politique sur l’égalité des sexes pourtant bien présentée dans son plus récent rapport Women, Business and the Law 2016: Getting to Equal, qui met le doigt sur de larges fossés puisque 155 des 173 économies couvertes ont au moins une loi qui entrave l’autonomisation économique des femmes. Ces statistiques restent du domaine de la théorie car la Banque mondiale n’offre aucune riposte à ces discriminations.
Achevant sa présentation sur une note d’espoir, M. Alston a renvoyé aux nombreuses recommandations de son rapport, dont une soulignant qu’une approche reposant sur les droits de l’homme doit provenir du Président et du personnel de la Banque mondiale, à travers une discussion transparente, fondée sur des propositions mûrement réfléchies.
Le Rapporteur spécial a conclu en attirant l’attention sur les assurances fournies par le Président de la Banque mondiale à l’occasion de sa dernière réunion ce mois-ci avec le Secrétaire général de l’ONU en vue d’une coopération plus étroite.
Il a enfin insisté sur la nécessité pour la Banque mondiale d’adopter, à titre prioritaire, une politique des droits de l’homme qui soit compatible avec celle des Nations Unies.
Dialogue interactif
La Colombie a estimé que les institutions financières internationales devaient prendre « un plus grand engagement » pour parvenir à un développement durable pour tous. Elle a demandé comment améliorer la coordination au sein du système des Nations Unies.
La Norvège a considéré que la Banque mondiale avait un rôle à jouer dans la promotion des droits de l’homme, même s’il ne s’agit pas de veiller à ce qu’ils soient respectés, et qu’elle devait faire en sorte « que ses projets ne foulent pas aux pieds ces droits par la discrimination et l’exclusion ». Il s’agit de stimuler une prospérité partagée. La Banque a d’ailleurs adopté une « déclaration de vision » sur des mesures de protection environnementales et sociales. Le Rapporteur spécial pourrait-il en dire plus sur le fait que, d’après son rapport, la Banque « évite des références opérationnelles aux droits de l’homme »?
Le Mexique a demandé au Rapporteur de recenser les mesures prioritaires auxquelles les entités du système de l’ONU doivent veiller pour que les droits de l’homme soient véritablement considérés comme transversaux. Comment adopter un plan qui implique l’évaluation des impacts des décisions sur les droits de l’homme? Quelles sont les bonnes pratiques?
L’Union européenne s’est intéressée à « la participation effective » des personnes dans des situations d’extrême pauvreté.
Le Brésil a dit que « la Banque mondiale doit éviter toute mesure imposant des contraintes indues aux emprunteurs, comme resserrer les conditionnalités ». Toute nouvelle politique doit faire l’objet de discussions transparentes avec le Conseil d’administration.
Le Costa Rica a regretté que les bonnes pratiques n’aient pas permis de changement.
Le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’extrême pauvreté a reconnu qu’améliorer la coordination était un défi majeur.
« Je ne sais pas quel est le degré d’amitié entre les Deuxième et Troisième Commissions, mais, quand on parle aux gens de la Banque mondiale, on a l’impression qu’ils relèvent des divisions financières du Bureau du trésor et qu’ils ne parlent pas à des gens comme vous », a-t-il regretté.
« Les gens du domaine de la finance ont tendance à penser que toute implication des droits de l’homme compliquerait leur travail », a ajouté M. Alston.
M. Alston a jugé insuffisant le fait que la Banque mondiale ait pris note des aspirations contenues dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. « On dirait que rien ne s’est passé depuis 1948! », s’est-il exclamé. Les droits de l’homme sont plus qu’une simple aspiration.
Par ailleurs, a-t-il reconnu, ce n’est pas le rôle de la Banque de veiller à ce que les droits de l’homme soient respectés, ni celui de l’UNICEF ou du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD). C’est aux organes chargés des droits de l’homme de faire le suivi.
Le Rapporteur spécial a constaté que le Conseil d’administration de la Banque mondiale n’avait jamais tenu un débat fondé sur les questions des droits de l’homme en général. D’après lui, « évoquer les droits de l’homme sera toujours controversé ».
La Banque devrait dire qu’elle s’emploiera à respecter les droits de l’homme dans ses activités et qu’elle aidera les pays emprunteurs à s’acquitter de leurs obligations.
Quant à « la participation », a poursuivi M. Alston, c’est un mot qui pourrait prendre toute sa mesure si on le définissait en termes de droits de l’homme.
Enfin, ce rapport s’est concentré sur la Banque mondiale mais à l’avenir, a-t-il indiqué, il faudra établir un lien avec les autres institutions en matière de financement du développement. Ainsi le Fonds monétaire international (FMI), a-t-il, depuis bien longtemps, « adopté la même position que la Banque en dépit des dernières déclarations de sa Directrice ». Les banques régionales ont déjà des positions plus tranchées en matière d’engagement vis-à-vis des droits de l’homme.