Soixante-dixième session,
23e & 24e séances – matin & après-midi
AG/SHC/4141

Une experte indépendante exhorte les Etats Membres à faire cesser les atrocités dont sont victimes les personnes atteintes d’albinisme

Le débat sur les droits de l’homme s’est poursuivi, aujourd’hui à la Troisième Commission, chargée des questions sociales, culturelles et humanitaires, avec un appel lancé par une experte indépendante aux États Membres pour qu’ils œuvrent à mettre fin aux phénomènes préoccupants d’agressions et de trafics de membres et d’organes dont sont victimes des personnes atteintes d’albinisme.

Ces discussions auxquelles participaient également cinq autres experts, ont permis aux différentes délégations d’entendre, pour la première fois, la nouvelle Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme, Mme Ikponwosa Ero, laquelle a souligné que, depuis huit années, des allégations sur l’accroissement d’agressions ciblant ces personnes avaient conduit à des enquêtes ayant révélé des mutilations et des meurtres pour recueillir les membres ou organes des victimes.

Nommée à ce poste en août dernier, Mme Ero, atteinte elle-même d’albinisme, a fait état de centaines d’attaques dans pas moins de 25 pays depuis 2007.  Selon l’experte indépendante, ces agressions seraient motivées par les croyances selon lesquelles l’usage de ces organes pour des rituels ou des potions intervenant dans la sorcellerie apporteraient richesse et bonne fortune à leurs commanditaires.  Des organes qui, a-t-elle affirmé, étaient souvent vendus sur le marché noir pour des milliers de dollars, ou retrouvés dans le trafic transfrontalier. 

Selon Mme Ero, ces atrocités sont révélatrices du « règne de l’impunité des auteurs », et mettent également à nu l’implication éventuelle de l’élite riche et puissante là où se produisent les agressions.

L’experte indépendante, qui a appelé les États à coopérer entre eux dans la mise en œuvre de mesures spécifiques, ciblées et pratiques, a également encouragé à l’établissement d’un cadre juridique de protection aux fins d’identifier les instruments clefs relatifs aux droits de l’homme pouvant répondre durablement aux violations des droits de l’homme de ces personnes dont une grande partie des victimes sont des enfants du fait que, selon une croyance, leur innocence augmenterait la puissance des potions. 

Le droit des enfants à un meilleur état de santé physique et mentale a également occupé une place centrale lors des débats à la Troisième Commission, avec la présentation du Rapport du Rapporteur spécial sur le droit qu’à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible.  M. Dainius Pūras a fait valoir que le développement du jeune enfant devait faire l’objet d’une plus grande attention et d’une réponse appropriée de la part des acteurs concernés, y compris dans le cadre du Programme de développement pour l’après-2015.

Le Rapporteur spécial a exhorté les États Membres à investir de manière efficace dans la santé des individus et de la société en vue de prévenir et réduire la mortalité post-infantile.  « Quelque 6,3 millions d’enfants âgés de moins de 5 ans sont morts en 2013, la plupart de causes évitables et de maladies soignables », a-t-il expliqué.

Le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, M. Heiner Bielefeldt, a, quant à lui, déclaré que les violations de la liberté de religion ou de conviction affectaient souvent les droits des enfants et de leurs parents et se caractérisaient par des enlèvements, généralement des filles, afin de les convertir par la force à une autre religion, en les soumettant à un mariage précoce forcé.

La Rapporteuse spéciale sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant, Mme Leilani Farha, dont l’intervention était axée principalement sur la Conférence des Nations Unies sur le logement et le développement urbain durable (Habitat III) prévue à Quito, en Équateur, du 17 au 20 octobre 2016, a estimé que le droit au logement nécessitait l’adoption d’une approche axée sur les êtres humains, et a préconisé un « nouveau programme en faveur des droits urbains ».

De son côté, le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, M. Michel Forst, a décrit une situation peu reluisante des défenseurs des droits de l’homme qui sont régulièrement la cible d’attaques et de menaces, de harcèlement, d’intimidation, de criminalisation et d’agression physique.

Des entraves à leurs activités légitimes de promotion et de protection des droits de l’homme auxquelles s’ajoutent des violations perpétrées par les États et des acteurs non étatiques, tels que les groupes religieux et armés ou des compagnies transnationales, avec une résurgence du recours aux lois visant à limiter l’intervention des défenseurs de droits de l’homme et des journalistes, a-t-il souligné.

M. Forst, qui a rappelé que la protection des droits de l’homme était avant tout du ressort des États, précisant que l’ONU courait le risque de perdre sa légitimité si la coopération avec la société civile était mise à mal, a donc lancé un appel à mettre fin à toutes formes d’intimidations et de représailles contre tout individu coopérant avec les Nations Unies.

Le Rapporteur spécial sur la liberté d’opinion et d’expression, M. David Kaye, dont le rapport portait sur la protection des sources d’information et des lanceurs d’alerte, en se fondant sur le droit et la pratique aux niveaux national et international, a plaidé pour la mise en place de cadres juridiques et politiques propres à la promotion et à la garantie de l’accès à l’information et à la protection des individus et groupes qui la divulguent.

Pour le Rapporteur spécial, les mesures de représailles ou les attaques contre les lanceurs d’alerte doivent faire l’objet d’enquêtes approfondies et les responsables, comparaître devant la justice car, lorsque ces attaques sont tolérées ou perpétrées par des dirigeants, elles conduisent à une culture du silence et de la peur. 

La Troisième Commission poursuivra ses travaux demain, vendredi 23 octobre, à partir de 10 heures.

PROMOTION ET PROTECTION DES DROITS DE L’HOMME: APPLICATION DES INSTRUMENTS RELATIFS AUX DROITS DE L’HOMME

b) Questions relatives aux droits de l’homme, y compris les divers moyens de mieux assurer l’exercice effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales

c) Situations relatives aux droits de l’homme et rapports des rapporteurs et représentants spéciaux

Déclaration liminaire

M. DAINIUS PŪRAS, Rapporteur spécial sur le droit qu’à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mental possible, a souligné que la prévention de la mortalité infantile devait demeurer une priorité, estimant que la petite enfance était un moment cruciale pour les investissements dans la santé individuelle et sociétale et doit recevoir une attention particulière.

Le Rapporteur spécial a déclaré que des progrès avaient été réalisés dans le domaine de la réduction de la mortalité infantile chez les moins de 5 ans, soit 12,7 millions de décès en 1990 contre 6,3 millions en 2013.  Toutefois, il a estimé que l’objectif 4 des Objectifs du Millénaire (OMD) pour le développement n’avait pas été atteint dans de nombreux pays parmi les plus défavorisés.  Ainsi, les taux de mortalité restent encore anormalement élevés, a-t-il dit, notamment en Océanie, en Afrique subsaharienne, en Asie centrale et du Sud. 

Dans le contexte de la transformation des OMD en objectifs de développement durable, en particulier la cible visant à prévenir et à mettre fin aux décès évitables des nouveau-nés et des enfants de moins de 5 ans, une priorité doit y être accordée par le Programme de développement durable à l’horizon 2030, a précisé M. Pūras.  Le droit des enfants à un développement sain est crucial pour promouvoir et protéger leur droit à la santé durant leur vie.

Selon le Rapporteur sur le droit qu’à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mental possible, le développement de l’enfance englobe des domaines interconnectés, y compris son épanouissement linguistique, social, émotif.  Il a également souligné que les enfants avaient droit à des soins, à un environnement stable et sûr, ainsi qu’à une nutrition adéquate.

Sur le volet d’une nutrition adéquate, il a déclaré qu’il était possible d’agir dans ces domaines en assurant à la femme une grossesse en toute sécurité, une grossesse encadrée, des vaccins, une protection des enfants contre la violence et la négligence.

Le Rapporteur spécial a fait état de ce qu’en dépit des résultats positifs, un grand nombre d’enfants, soit 200 millions, n’atteignent pas leur potentiel, car la question ne reçoit pas une attention particulière.  En conséquence, il a plaidé en faveur d’un investissement dans la protection de l’enfant avec l’appui du Programme de développement durable à l’horizon 2030. 

À cet égard, il a promu l’idée de construire de nouvelles infrastructures de santé et de renforcer la formation des spécialistes de la santé afin d’éviter les nouvelles morbidités de l’enfance liées à l’environnement psychosocial et aux relations au sein de la famille et de la communauté.

Concernant la création de systèmes de santé modernes, M. Pūras a affirmé qu’il était essentiel qu’ils prennent en compte toutes les dimensions, y compris la santé mentale et les services sociaux.  Il a également préconisé que ces centres favorisent en leur sein des professionnels qui apportent un appui aux parents car la santé affective du jeune enfant doit être une priorité.  Le Rapporteur spécial a insisté sur le fait que ces interventions protègent les enfants des effets de la violence.

Le Rapporteur spécial sur le droit qu’à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mental possible a lancé un appel au respect des droits des enfants.  Il a recommandé un meilleur investissement dans les services communautaires pour les familles à risque, y compris celles issues des milieux pauvres et ceux ayant des enfants vivant avec un handicap.

La santé et l’épanouissement de l’enfant doivent être au centre de la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030, a-t-il conclu.

Dialogue interactif

Le délégué de la Chine a demandé au Rapporteur spécial sur le droit qu’à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mental possible quelles étaient les mesures pour créer des systèmes de santé adéquats respectant le droit des enfants.

La déléguée de l’Union européenne a fait état du consensus sur la nécessité d’adopter une approche des droits de l’homme dans le domaine de la santé, en précisant qu’en la matière il manque terriblement d’exemples concrets.  À cet égard, elle a souhaité qu’il donne une idée des mesures à prendre pour une reddition de comptes dans le domaine.

Pour sa part, le Maroc a voulu en savoir davantage sur la manière dont les gouvernements peuvent travailler avec les partenaires pertinents, y compris l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour lutter efficacement contre la mortalité infantile.

Le Brésil a souhaité avoir des éclairages sur les bons indicateurs en matière de normes visant au développement et à la réalisation du droit à la santé et au développement psychosocial de l’enfant et sur la manière dont les entités peuvent travailler ensemble pour le garantir.

Répondant de façon globale à leurs préoccupations, le Rapporteur spécial sur le droit qu’à toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mental possible a souligné la nécessité d’investir dans les compétences parentales, en particulier face à certains défis tels que les punitions corporelles ou émotionnelles.  Ces parents, a-t-il affirmé, ne sont pas mauvais mais manquent de connaissances.  Il faudrait donc, au lieu de les blâmer, grâce des efforts concertés, leur apporter l’assistance et la formation dont ils ont besoin.  Il a demandé aux gouvernements d’interdire les punitions corporelles qui vont à l’encontre des droits de l’enfant et ne règlent pas les problèmes.

Par ailleurs, M. Pūras a souligné qu’il existait une stratégie mondiale relative aux femmes, aux enfants et aux adolescents, laquelle garantit le respect du droit à la santé de ces groupes vulnérables.  Elle met en avant la nécessité d’investir dans la petite enfance avec un accent mis sur les droits de l’homme.  Il a annoncé qu’il prévoyait d’orienter son prochain rapport sur le droit à la santé des adolescents, un groupe d’âge critique auquel il est nécessaire d’accorder une attention particulière pour atteindre les objectifs de développement durable, a-t-il dit.

Il s’est également penché sur la nécessité d’investir dans les enfants et la petite enfance, ainsi que dans les soins de santé primaires, insistant sur l’intervention au niveau psychologique très souvent minimisée.

Il est ainsi revenu sur les causes des violences qui, a-t-il déclaré, peuvent remonter à la petite enfance.  Il a incité à un investissement dans les relations saines entre la famille et les petits enfants.

Déclaration liminaire

Mme IKPONWOSA ERO, Experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme, a remercié la Troisième Commission pour l’adoption, en novembre dernier, de la résolution A/RES/69/170 proclamant le 13 juin Journée internationale de sensibilisation à l’albinisme dont la première édition a été célébrée, cette année, par des millions de personnes.  Mme Ero a rendu hommage à l’Ambassadeur de la Somalie à Genève, Yusuf Mohamed Ismail Bari Bari, mort en mars dernier dans un attentat, et qui avait introduit ladite résolution.  « C’est un héros aux yeux de bien des personnes atteintes d’albinisme dans le monde », qui a continué à chérir cette question jusqu’à son ultime courriel aux militants de la société civile, moins de 24 heures avant son décès, à qui il avait assuré que cette cause « demeurera avec lui pour toujours ». 

Mme Ero, elle-même atteinte d’albinisme, a fait une brève description de cette affection génétique et du contexte des problèmes qu’elle pose aux personnes qui en sont atteintes, et a esquissé les grandes lignes de son plan d’action dans le cadre de son mandat.  Elle a ainsi signalé que, depuis huit années, des allégations sur l’accroissement d’agressions ciblant ces personnes avait conduit à des enquêtes ayant révélé des mutilations et des meurtres pour recueillir les membres ou organes des victimes.

D’après l’experte indépendante, toutes ces agressions semblent dictées par la conviction selon laquelle, lorsqu’ils sont utilisés pour des rituels ou potions de sorcellerie, ces organes apporteraient richesse et bonne fortune.  Elle a, en outre, affirmé que ces organes étaient souvent vendus sur le marché noir pour des milliers de dollars, ou retrouvés dans le trafic transfrontalier. 

Jusqu’à présent, les groupes de la société civile impliqués dans les recherches ont fait état de centaines d’attaques dans pas moins de 25 pays depuis 2007.  Une grande partie des victimes sont des enfants du fait que, selon une croyance, leur innocence augmenterait la puissance des potions.  L’attaque la plus récente est survenue il y a deux semaines, et au moins six pays ont fait état d’incidents similaires depuis l’entrée en fonctions de l’experte indépendante en août dernier.

Elle a souligné que ces informations ont levé le voile sur de multiples violations des droits de l’homme, notamment un stigmate extrême et une discrimination banalisée, qui ne manquent pas d’avoir un profond impact sur la santé, l’éducation et l’intégrité et sécurité des personnes atteintes d’albinisme.

L’experte indépendante a aussi mis l’accent sur le « règne de l’impunité des auteurs et sur l’implication éventuelle de l’élite riche et puissante là où se produisent les agressions.  Mme Ero a, en outre, fait état d’une « crise de personnes albinos déplacées qui vivent actuellement dans des refuges temporaires, devenus des sites d’abandons à long termes d’enfants atteints d’albinisme ».  Au fil du temps, ces refuges se sont aussi convertis en lieux de nouvelles violations des droits de l’homme.

En réponse à ces atrocités, le Conseil des droits de l’homme a adopté cinq résolutions appelant, entre autres, à une action urgente pour mettre fin à l’impunité, prévenir et protéger.  Le Conseil a également invité le Haut-Commissariat aux droits de l’homme à mener des études sur cette question.  Le Haut-Commissariat a aussi créé un microsite Internet (www.albinism.org) pour la sensibilisation.

Elle a ensuite expliqué que l’albinisme n’était pas contagieux et pouvait être hérité des deux parents, même si aucun d’eux ne l’était.  Lorsque les deux parents sont porteurs du gène, il existe une chance sur quatre, ou 25% des grossesses, que l’enfant soit atteint d’albinisme.  En Amérique du Nord et en Europe, il semblerait qu’une personne sur 17 à 20 000 en soit atteinte, contre une sur 1 500 en Afrique subsaharienne, une sur 668 chez les aborigènes du Pacifique et une sur 125 parmi les Kuna, au Panama.

Une forme rare d’albinisme affecte uniquement les yeux, a-t-elle précisé, ce qui implique que toute analyse de l’albinisme devrait aussi étudier l’impact sociologique de la perception des couleurs dans l’expérience de discrimination et de stigmate.

Dans ses recommandations et son plan d’action, l’experte indépendante appelle à œuvrer à faire cesser les agressions et le trafic des membres et organes des personnes atteintes d’albinisme.  À cet effet, les États doivent coopérer entre eux dans la mise en œuvre de mesures spécifiques, ciblées et pratiques. 

Elle a également encouragé à l’établissement d’un cadre juridique de protection aux fins d’identifier les instruments clefs relatifs aux droits de l’homme pouvant répondre durablement aux violations des droits de l’homme de ces personnes. 

En troisième lieu, Mme Ero a exhorté à inclure l’albinisme dans l’ordre du jour national et à mener des consultations avec les parties prenantes, pour formuler un modèle des pratiques optimales sur l’albinisme.  Elle a aussi annoncé qu’elle axerait son travail sur l’assistance technique aux États et la conduite d’études sur les causes profondes des agressions contre les personnes atteintes d’albinisme.  

Dialogue interactif

La République-Unie de Tanzanie a dit figurer parmi les pays où les personnes atteintes d’albinisme ont été victimes d’actes de brutalité intolérables.  Le Gouvernement s’est employé à mettre fin à cette tragédie ancrée dans des superstitions, et 139 suspects ont été arrêtés depuis 2006.  Il a entrepris des campagnes de sensibilisation et observe chaque année une journée de l’albinisme. De plus, le Gouvernement met en place des systèmes de santé gratuits et, avec le Malawi, la Tanzanie a décidé de présenter à la Commission un projet de résolution sur la question.

Le Portugal a demandé à l’experte comment elle comptait dialoguer avec d’autres acteurs internationaux pour lutter contre la violence et la stigmatisation.

Les États-Unis lui ont demandé quels types d’activités elle entreprendra dans le cadre de son mandat, sachant aussi qu’il existe des instruments portant sur les handicapés qui peuvent l’aider à s’atteler à ces préoccupations.

À son tour, l’Union européenne a souhaité savoir quelles initiatives seront prioritaires pour Mme Ero durant la première année de son mandat pour sensibiliser l’opinion à la lutte contre les violences à l’encontre des personnes atteintes d’albinisme.

L’experte indépendante sur l’exercice des droits de l’homme par les personnes atteintes d’albinisme n’a pas souhaité s’attarder sur les statistiques mentionnées par la Tanzanie. 

Elle a indiqué que des activités en marge de la prochaine réunion de l’Union africaine seront organisées sur cette question.  Elle entend également coopérer avec d’autres régions, dans les Caraïbes ou en Asie du Sud.

Mme Ero a indiqué qu’elle travaillait avec l’expert sur le handicap, « une dimension à prendre en compte du fait des problèmes de vue liés à l’albinisme ».  Elle a l’intention d’aborder la question de l’épidémie de cancers de la peau et d’autres aspects liés à la santé.

Enfin, d’ici à l’année prochaine, Mme Ero a espéré pouvoir fixer « un cadre juridique pertinent ».   

Sa priorité, a-t-elle souligné, sera de « considérer la sorcellerie comme une pratique traditionnelle nocive ».  À ce sujet, elle a reconnu qu’il y avait pas mal d’ambiguïtés dans certaines lois archaïques.  Elle fera des recommandations à l’égard de la médecine traditionnelle également.

Déclaration liminaire

La Rapporteuse spéciale sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant, Mme LEILANI FARAH, a présenté son rapport annuel qui se concentre sur la Conférence des Nations Unies sur le logement et le développement urbain durable (Habitat III) prévue à Quito, en Équateur, du 17 au 20 octobre 2016.

Cette Conférence aura des implications importantes pour le Programme de développement durable à l’horizon 2030, a précisé la Rapporteuse spéciale. 

Elle a demandé aux États de reconnaître les limites des approches actuelles en matière d’urbanisation.  Elle leur a aussi demandé d’être « créatifs et courageux », et d’élaborer un nouveau programme pour les villes axé sur les droits de l’homme.

La croissance urbaine n’est pas viable quand elle encourage de vastes inégalités qui aboutissent à une ségrégation entre les groupes favorisés et les groupes marginalisés.  Pour Mme Farah, « l’accès à un logement convenable est peut-être la question la plus importante à laquelle les villes font face aujourd’hui ».

Environ un habitant urbain sur 4 vit dans des implantations sauvages, « souvent dans des conditions déplorables », sans accès à l’eau potable, à l’assainissement, à l’électricité, à l’emploi et à la santé, a expliqué l’experte. 

La privation de logement est un phénomène persistant et croissant, a-t-elle constaté.  Chaque année, des millions d’hommes, de femmes et d’enfants sont expulsés de leurs logements pour que leurs terres soient utilisées à des fins de développement, et les groupes vulnérables se trouvent repoussés à la périphérie des villes.

Mme Farah a regretté que les droits de l’homme soient « largement absents du travail préparatoire » de la Conférence Habitat III.  Au contraire, selon elle, il faut « faire du droit au logement un pilier d’un nouveau programme pour les villes ». 

Le droit au logement nécessite l’adoption d’une approche axée sur les êtres humains, a insisté la Rapporteuse spéciale.  Elle a, donc, préconisé un « nouveau programme en faveur des droits urbains ».

Dans le cadre de l’objectif 11.1 du Programme de développement à l’horizon 2030, les États s’engagent à « faire en sorte que les villes et les établissements humains soient ouverts à tous, sûrs, résilients et durables ».  Pour réaliser le droit à un logement convenable dans ce cadre, a conclu Mme Farah, il va falloir remettre en question les priorités, l’affectation des ressources et inclure tous les membres de la société dans le processus de prise de décisions.

Dialogue interactif

Le Maroc a indiqué que sa nouvelle Constitution érige l’accès à un logement décent en droit constitutionnel.  Que pense la Rapporteuse spéciale de l’efficacité des mécanismes utilisés pour observer le respect des engagements pris dans le cadre de la Conférence Habitat II?  Peut-elle présenter les liens entre Habitat II, la COP20 et Programme de développement durable à l’horizon 2030?

L’Union européenne lui a demandé des précisions sur les enseignements tirés des bonnes pratiques recensées durant ces 20 dernières années pour répondre aux défis des villes. Dans la mesure où plus d’un milliard de personnes vivent dans des taudis, Mme Farha peut-elle donner des indications préliminaires sur son prochain rapport au Conseil des droits de l’homme consacré aux sans-abris?

Le Brésil, soulignant l’importance d’approfondir la discussion sur la reconnaissance des droits urbains, l’exclusion sociale et les migrations, la terre et les inégalités, et les implantations sauvages, a appuyé ses recommandations pour la Conférence Habitat III.

L’Indonésie, après avoir insisté sur la sécurité du logement et l’amélioration des conditions de vie des personnes vivant dans des taudis, a interrogé la Rapporteuse sur ses vues relatives au renforcement du rôle des collectivités locales en matière d’urbanisation.

L’Allemagne a souhaité connaître ses vues sur la façon dont un nouveau programme pourrait contribuer à la réalisation des objectifs et des cibles du Programme de développement à l’horizon 2030 et à l’élimination des problèmes des sans-abris et des expulsions forcées?

Les Maldives, soulignant que les OMD n’avaient pas tenu compte du droit à un logement convenable, ont demandé comment procéder dans le cadre du nouveau programme de développement?

L’Afrique du Sud a insisté sur l’inclusion, la transparence et la bonne gouvernance.

Le Cameroun, évoquant les programmes gouvernementaux en matière d’urbanisation et les réflexions en cours, a demandé à Mme Farha comment elle envisageait d’orienter les États dans la promotion des droits de propriété et d’occupation.

L’Iraq, évoquant les familles sans logement convenable qui vivent dans des implantations sauvages, a demandé s’il fallait les laisser ou les expulser; comment les gouvernements peuvent-ils faire face à ce phénomène?

La Rapporteuse spéciale sur le logement convenable en tant qu’élément du droit à un niveau de vie suffisant, a vu « un lien direct entre les objectifs de développement durable et Habitat III », même si les objectifs sont imparfaits en ce qui concerne le droit à un logement convenable.  D’après elle, Habitat III sera une bonne occasion de présenter ce que peut être la cible 11.1 du Programme de développement durable à l’horizon 2030 dans la réalité.

« Habitat II a été laissé un peu pour compte et les OMD n’ont pas bien tenu compte de la question », a-t-elle reconnu.

Sur l’évaluation des progrès, elle s’est dite préoccupée car les indicateurs quantitatifs peuvent être utilisés de différentes façons et la valeur qualitative du logement dit « convenable » peut être perdue.

Pour Mme Farha, il existe bien des pratiques optimales.  Dans son dernier rapport au Conseil des droits de l’homme, elle a mis l’accent sur le rôle des collectivités locales.  En Amérique latine, par exemple, les villes adoptent des chartes qui comprennent le droit à un logement convenable, et, dans différents pays du monde, il y a des jurisprudences intéressantes.

Évoquant ses recherches sur les sans-abris, elle s’est dite « horrifiée » par ce qu’elle constate dans le monde entier, en raison de décisions prises à la fois par les gouvernements et le secteur privé.  Elle a aussi jugé « très préoccupante » la pénalisation du groupe social des sans-abris.

La Rapporteuse spéciale a notamment prôné une décentralisation des ressources et des capacités, « pour que les collectivités locales comprennent qu’elles ont aussi des responsabilités en matière de droits de l’homme ».

Dans le cadre du droit international, a-t-elle conclu, « les expulsions forcées constituent une grave violation des droits de l’homme »; toutes les autres options doivent être explorées et toute décision doit être prise après des consultations sérieuses avec les familles concernées.

Déclaration liminaire

M. MICHEL FORST, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, a d’emblée déclaré qu’il avait effectué sa première visite de terrain en novembre 2014 au Burundi, et qu’il avait hâte de continuer le dialogue avec les autorités du pays en vue d’améliorer la situation des défenseurs des droits de l’homme dans le pays.  Tout en insistant sur le fait que ce type de visites constituait un élément essentiel de son mandat, il a affirmé n’avoir pas été en mesure de mener à bien sa mission dans certains pays cette année en raison de l’absence de coopération de certains États, et ce, en dépit de ses sollicitations répétées.

Il a invité ceux que cela intéressait à visiter son site Internet afin de se rendre compte du grand nombre de pays, y compris le Bélarus, le Bahreïn, la Chine et le Venezuela, auxquels il a adressé des demandes répétées qui n’ont pas encore eu de suite.  Il s’est dit en outre déçu qu’en dépit des négociations prolongées et des requêtes formulées depuis 2008, les Philippines ne soient toujours pas parvenues à confirmer une date concrète pour une éventuelle visite.

Quant aux autorités du Pérou, il a expliqué que les discussions avec Lima pour une mission en 2015 n’avaient pas été concluantes faute de réponse des concernées.  Cependant, il continue d’espérer recevoir des confirmations relativement aux dates proposées par les Gouvernements de la Hongrie, du Kirghizistan et du Mexique, lesquels ont réagi favorablement au sujet de la visite qui interviendra en 2016.  M. Forst a rappelé que le principal objectif du mandat sur la situation des défenseurs des droits de l’homme était d’examiner, suivre et de prodiguer des conseils sur la situation.

Il a ainsi déclaré qu’il existait de nombreuses limites pour exécuter son mandat.  Il a affirmé en substance que le nombre des défenseurs de droits de l’homme se réduisait davantage avec des signes évidents selon lesquels la situation est sans espoir.  Au regard de l’actualité, il a exhorté les États Membres à s’inspirer du Prix Nobel attribué au quartet du dialogue national marocain, lequel a joué un rôle significatif pour initier un dialogue social, mettre en œuvre l’état de droits et impulser la création d’institutions démocratiques solides.

À cet égard, il s’est interrogé sur la manière dont les Nations Unies pouvaient protéger et encourager ces défenseurs des droits de l’homme qui risquent leur vie pour l’amour des autres.  M. Forst a dit être convaincu que c’est en mettant un terme aux sanctions et en les récompensant qu’ils seront en mesure de poursuivre leur travail.

En vue de mieux appréhender la situation des défenseurs des droits de l’homme, le Rapporteur spécial a organisé sept consultations régionales depuis sa nomination.  Il a ainsi rencontré plus de 500 d’entre eux issus de 111 pays.  De ces consultations, il ressort que la situation des défenseurs des droits de l’homme à travers le monde est lugubre et s’aggrave au quotidien, a affirmé M. Michel Forst. 

Ces derniers sont régulièrement la cible d’attaques et de menaces, de harcèlement, d’intimidation, de criminalisation et d’agression physique, a-t-il déploré.  Une situation d’autant plus complexe que ces violations sont perpétrées par les États et des acteurs non étatiques, tels que les groupes religieux et armés ou des compagnies transnationales, avec une résurgence du recours aux lois visant à limiter l’intervention des défenseurs de droits de l’homme et des journalistes.  « Je rappelle cependant que la protection des droits de l’homme est du principal ressort des États. »

Dans cette grisaille, le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme note dans certains pays des évolutions positives avec l’adoption de lois.  Il a dit son intention d’organiser des consultations avec des défenseurs travaillant dans des zones en conflit ou sortant de crise.

Il a également dit avoir rencontré des défenseurs des droits de l’homme qui ont mis en avant l’importance des mécanismes régionaux des droits de l’homme visant à les protéger.  Pour autant, ceux-ci ne cachent pas un sentiment mitigé vis-à-vis de ces mécanismes.  En conséquence, il a souligné son intention de travailler étroitement avec ces mécanismes afin de créer une meilleure interaction entre leurs mandats respectifs.  Il a dit sa conviction quant à une coopération ininterrompue et un dialogue constructif avec les gouvernements et les autres partenaires nationaux.

Il est préoccupé par le nombre croissant d’actes d’intimidations et de représailles, l’interdiction de voyage, l’atteinte physique et les meurtres.  Il se réjouit cependant que le Ghana ait, au nom de 62 États, présenté une déclaration conjointe exprimant leurs préoccupations concernant les représailles et réaffirmé le droit de chacun à coopérer avec l’ONU et ses mécanismes des droits de l’homme.

Pour conclure, il a appelé à mettre fin à toutes formes d’intimidations et de représailles contre tout individu coopérant avec les Nations Unies.

Dialogue interactif

La Norvège a fait part de sa profonde inquiétude face au harcèlement, aux disparitions forcées, voire aux assassinats de défenseurs des droits de l’homme.  Il importe que l’Assemblée générale se prononce clairement sur cette question et fasse le suivi, a dit la déléguée en faisant état d’un projet de résolution visant au renforcement de la sécurité des défenseurs des droits de l’homme.  Elle a fermement appuyé le travail du Rapporteur spécial, en collaboration avec les États et le système des Nations Unies, en l’encourageant à une approche novatrice.

L’Irlande, membre du Conseil des droits de l’homme, a aussi dénoncé les restrictions observées dans certains pays et les représailles visant à dissuader les défenseurs des droits de l’homme de coopérer avec les organes et mécanismes de l’ONU.  La déléguée a exhorté à une lutte plus ferme contre leurs auteurs.  Que pense le Rapporteur spécial des risques auxquels sont confrontés les défenseurs?

La République tchèque a indiqué que la législation de ce pays réaffirme l’attachement à la protection des défenseurs, qui demeurent vulnérables, ignorés, et dont le travail est jugé illégitime.  Elle a demandé quelles seraient les mesures efficaces à envisager en vue de mieux les protéger, en particuliers ceux qui prennent la défense des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT).

L’Union européenne s’est félicitée du travail abattu par M. Forst, en particulier avec les organisations régionales.  La déléguée a déclaré que l’Union européenne cherche à mieux diffuser les lignes directrices sur la protection des défenseurs des droits de l’homme.  Elle a souhaité savoir comment venir en aide aux défenseurs qui souffrent de plus en plus de la tendance à leur stigmatisation, notamment des femmes et de ceux qui cherchent à protéger les droits des lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres (LGBT).

La Pologne a qualifié d’« alarmante » la tendance à limiter l’action des défenseurs qui, sans l’appui de l’État, courent le risque d’intimidation et de menaces.  Les organisations de la société civile ont moins de marge de manœuvre dans toutes les régions du monde, a observé la représentante, qui a salué le rôle d’éclaireurs des défenseurs en matière de violations des droits de l’homme.

S’exprimant dans le même esprit, la Suisse a salué l’attention portée par M. Forst à la situation des femmes défenseurs des droits de l’homme dans ses consultations et son rapport.  En plus d’être exposées à différentes formes de violence, celles-ci font face à des préjugés ou à l’exclusion en raison de normes socioculturelles, de traditions et de stéréotypes relatifs au rôle et à la condition de la femme dans la société.  Quelles mesures concrètes peut-on prendre pour une meilleure reconnaissance du travail important qu’elles effectuent?

Le Liechtenstein a déclaré que les blogs et les nouvelles technologies auraient dû élargir la plateforme de la liberté d’expression mais qu’ils sont souvent restreints.

Le Brésil s’est rallié à l’analyse du Rapporteur spécial sur les risques encourus par tous les défenseurs, qu’ils émanent d’acteurs étatiques ou non.  Il a appuyé l’accent mis sur les défenseurs des LGBT qui ne peuvent travailler si leurs moyens de communication sont bloqués ou confisqués.  Sans affecter la liberté de la presse, il convient d’examiner plus en avant leur rôle dans les médias.

La Lituanie a dénoncé les attaques contre les journalistes, surtout dans le contexte actuel d’escalade des conflits armés.  La représentante a noté l’accroissement du nombre de journalistes tués dans l’exercice de leur fonction, en particulier dans les situations de conflits, souvent dans un climat d’impunité.  Comment les États peuvent-ils lever les entraves à la liberté des défenseurs des droits de l’homme?

Le Royaume-Uni a fait remarquer que les journalistes, les blogeurs et les militants des droits de l’homme étaient tous concernés par cette problématique.  Souvent, la remise en cause des réalités au sein de la société ou la dénonciation de gangs ou de groupes extrémistes, font que les défenseurs des droits de l’homme deviennent des cibles directes.

Cuba a mis en garde contre les personnes se présentant comme des défenseurs des droits de l’homme et qui violent la Charte des Nations Unies et la législation nationale.

Les Maldives ont procédé à une description de la législation nationale garantissant la liberté des défenseurs des droits de l’homme et invité le Rapporteur spécial à effectuer une visite en 2016.  La déléguée a prié les titulaires de mandat de demeurer neutres.  La guerre contre le terrorisme est parfois utilisée comme prétexte pour attaquer les défenseurs des droits de l’homme, dont certains ignorent souvent les mécanismes qui existent en vue de leur protection.

La Colombie s’est dotée d’une série de lois dans le cadre de la protection des défenseurs, et a organisé un sous-groupe ministériel sur les femmes défenseuses des droits de l’homme et leur participation au processus de paix.  Comment progresser dans la protection des jeunes défenseurs, surtout à la lumière du Programme de développement durable à l’horizon 2030 qui met en avant le rôle des jeunes et les technologies de l’information?

Les États-Unis ont déclaré qu’au bout du compte, les pays qui défendent les militants des droits de l’homme s’en sortiront mieux que ceux qui les répriment. 

Dans cet esprit, le Canada a renvoyé au tableau alarmant brossé par M. Forst et plaidé en faveur d’une société civile robuste et indépendante.  Les militants des peuples autochtones courent aussi de gros risques, a affirmé la déléguée, ajoutant que son pays luttait contre les législations restrictives.  L’Internet est aussi utilisé en tant que moyen de répression, a-t-elle encore dénoncé, encourageant les procédures spéciales à s’intéresser davantage aux pays où la liberté d’expression est restreinte en ligne.

La Fédération de Russie a estimé que l’échange d’expériences positives constituait une tâche très importante.  La Russie dispose d’un conseil à la présidence sur les organisations de la société civile car il importe de faire connaître et de protéger les défenseurs.  Un prix de 4 millions de roubles sera aussi remis chaque année aux meilleurs défenseurs des droits de l’homme.  L’approche du Rapporteur spécial de classer les défenseurs dans différentes catégories est contreproductive car tous doivent figurer sur un pied d’égalité.  Comment M. Forst compte-t-il développer sa collaboration avec d’autres titulaires de mandats?

Le Costa Rica a salué l’adoption des Lignes directrices de San José sur les représailles à l’encontre d’individus ou de groupes qui coopèrent avec les Nations Unies.  À son tour, la représentante a attiré l’attention sur les discriminations et les représailles dont sont victimes les défenseuses des droits de l’homme.  Elle a voulu savoir quelles mesures pourraient être envisagées à cet égard.

Le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l’homme a salué le soutien général apporté par les États à son mandat.  « Ce n’est pas un mandat de dénonciation », a-t-il précisé.  Le mandat a une double facette: faire une évaluation de la situation et permettre aux États d’apprendre les uns des autres.

M. Forst a estimé qu’il était temps de faire une évaluation exhaustive de la manière dont les mécanismes de protection fonctionnent.  Il a reconnu qu’« ils ne fonctionnent pas aussi bien qu’ils le devraient ».

Enfin, le Rapporteur spécial a jugé urgente la question des défenseurs qui travaillent dans le domaine des industries extractives, minières et de l’environnement, car ils sont menacés par les États et les acteurs non étatiques.  À ce sujet, il œuvre avec le Groupe de travail sur les entreprises et les droits de l’homme pour chercher de nouvelles formes d’actions pour saisir les États concernés et s’adresser directement aux multinationales impliquées dans des abus.

Déclaration liminaire

Partant du droit du public à savoir, M. DAVID KAYE, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, a consacré son rapport (A/70/361) à la protection des sources d’information et des lanceurs d’alerte, en se fondant sur le droit et la pratique aux niveaux national et international.  Il a posé la question de savoir comment des informations relatives à des sujets d’intérêt public, occultées de façon injustifiée, finissent par être connues.

Il a déclaré d’emblée qu’en janvier dernier, nombre de pays avaient vigoureusement défendu la liberté d’expression au lendemain des attentats contre les dessinateurs de Charlie Hebdo, et le personnel et les consommateurs du supermarché juif à Paris.  Le Conseil de sécurité a, lui, judicieusement traité de la crise des agressions à l’encontre des médias dans sa résolution S/RES/2222 (2015). 

Il a ajouté qu’il avait appris, au fil de ses rencontres avec des délégations et représentants étatiques, que la liberté d’expression ne saurait exister uniquement dans des documents spécifiques ou des manifestations dans les rues de Paris, mais qu’elle devrait aussi être présente dans les couloirs des parlements, les plateformes des présidents et autres hommes politiques, ainsi que dans les bureaux des agences de renseignements et dans les rues où les forces protègent l’ordre. 

Le Rapporteur spécial qui pose comme une évidence que les « secrets ne se dévoilent pas d’eux-mêmes », a affirmé que leur divulgation suppose le triptyque « source, diffusion, protection », qui consiste en trois éléments essentiels: une personne ayant connaissance de certains faits et désireuse de dévoiler ce qui est occulté; une plateforme de communication pour les divulguer; et un système juridique –et une culture politique– garantissant une protection efficace aux deux.

Plaidant pour la mise en place de cadres juridiques et politiques propres à la promotion et à la garantie de l’accès à l’information et à la protection des individus et groupes qui la divulguent (journalistes, blogueurs, chercheurs et autres particuliers), il a noté le caractère variable réservé aux informations secrètes divulguées.  Il signale en effet dans son rapport que les révélations faites par Edward Snowden sur les pratiques de surveillance ont eu des répercussions profondes sur la législation et la vie politique; alors que d’autres n’ont pas réussi à attirer l’attention ni à provoquer une réaction.

M. Kaye a indiqué que pour son étude, il avait envoyé un questionnaire aux États et reçu des réponses de 28 d’entre eux.  Douze organisations de la société civile et des individus ont également soumis des communications.  Il a rappelé la tenue d’une réunion en juin dernier à Vienne pour recueillir l’expertise de la société civile et d’universitaires en matière de protection des sources et des lanceurs d’alerte, qui repose sur le droit fondamental de la liberté d’expression et sur l’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.  Il a ajouté qu’il fallait appliquer la protection contre les représailles dans toutes les institutions publiques, y compris celles liées à la sécurité nationale.

Après avoir relevé que le Programme de développement durable à l’horizon 2030 comporte un engagement en faveur de l’accès universel à l’Internet, il a estimé, cependant, que « l’Internet n’est ni ouvert, ni libre ni sûr » car il est de plus en plus utilisé pour attaquer les minorités ethniques et religieuses, les lesbiennes, les homosexuels, les opposants et autres membres des communautés marginalisées.

 M. Kaye a d’ailleurs annoncé qu’il s’apprêtait à mener un projet d’envergure sur les responsabilités des acteurs privés qui font de l’Internet ce qu’il est, et des garanties des gouvernements liés à un accès sécurisé à l’Internet.  Il continuera de mettre l’accent sur les menaces à la liberté d’expression en ligne et hors ligne.  Il a dénoncé l’existence de listes noires et l’incitation, dans des sites Internet, à la violence et à la haine alors qu’il existe des lacunes dans la sécurité de l’encryption et l’anonymat en ligne.

Pour le Rapporteur spécial, les mesures de représailles ou les attaques contre les lanceurs d’alerte doivent faire l’objet d’enquêtes approfondies et les responsables, comparaître devant la justice car, lorsque ces attaques sont tolérées ou perpétrées par des dirigeants, elles conduisent à une culture du silence et de la peur. 

À cet égard, il a recommandé que les fonctionnaires des organes de l’ordre et de l’appareil judiciaire soient formés, et aux autorités, de condamner publiquement les attaques à l’encontre des sources et des lanceurs d’alerte.  Les Nations Unies et autres organisations sont aussi appelées à l’adoption de normes efficaces et de politiques de transparence permettant au public d’avoir un plus large accès à l’information et de protéger les lanceurs d’alerte.

Il a regretté, s’agissant des visites de pays, que l’Indonésie n’ait pas répondu à ses demandes, et que la Jordanie n’ait pas encore fixé de date.

Dialogue interactif

Le Brésil a appuyé la nécessité de protection fondamentale du droit du public à savoir.  L’impunité encourage à une culture de la peur et de la dénonciation, a souligné la déléguée, qui a voulu savoir comment l’ONU peut contribuer à la protection des groupes les plus vulnérables parmi les lanceurs d’alerte.

Des procédures et une législation claires sont essentielles pour que les lanceurs d’alerte ne fassent pas l’objet d’éventuelles représailles, a dit la Suisse.  Le Rapporteur spécial pourrait-il faire part de bonnes pratiques dans l’inclusion de ces aspects dans les législations nationales?  Quelles mesures concrètes peuvent être prises pour changer et améliorer la perception vis-à-vis de ces personnes et pour la meilleure reconnaissance de leurs activités? 

Les États-Unis, soucieux de protéger la liberté d’opinion et d’expression ancrée dans l’histoire du pays, et reconnaissant que c’est au gouvernement de montrer qu’il peut y avoir un intérêt à limiter cette liberté, lui ont demandé comment la communauté internationale pouvait protéger les lanceurs d’alerte, les journalistes et les organes de presse dans les pays où ils font l’objet de menaces et de violence.

Pour l’Union européenne, une presse libre et indépendante est essentielle. Comment le Rapporteur spécial souhaite-t-il donner des conseils aux gouvernements sur les mesures nécessaires pour prévenir les assassinats de journalistes et de blogueurs?

L’Estonie a demandé à M. Kaye que faire pour que les mesures sécuritaires n’aillent pas à l’encontre de la vie privée et de la liberté en ligne.

Le Liechtenstein lui a demandé comment il percevait les appels à une législation sur Internet.  Par exemple, la négation du génocide ne serait-elle passible de peines que si exprimée dans un contexte d’incitation à la violence?

La Pologne a souligné l’importance de la divulgation d’information sur des erreurs ou des abus dans le domaine public et souhaité connaître les mesures à prendre pour lutter contre les représailles.

La Norvège, le Royaume-Uni, l’Autriche et la République tchèque ont reconnu la nécessité de protéger les sources des lanceurs d’alerte, dénoncé les attaques contre les journalistes et les médias, puis demandé à M. Kaye des précisions sur les mesures concrètes à prendre pour combattre l’impunité et promouvoir la protection du droit à l’information. 

Les Maldives l’ont interrogé sur les meilleures pratiques « pour réconcilier l’échange d’informations et les préoccupations de sécurité ».

La Colombie a réitéré son appui au Rapporteur pour son travail.  Le Costa Rica et Cuba ont souhaité connaître le rôle des Nations Unies pour une meilleure protection à l’échelle mondiale des groupes vulnérables.

La Fédération de Russie, soulignant l’importance de vérifier les informations, a enjoint le Rapporteur spécial à respecter le Pacte relatif aux droits civils et politiques et à « ne pas faire d’interprétation libre ».  Pour la Russie, il ne s’agit que d’un débat et « il n’y pas encore de consensus s’agissant de la définition du journaliste ».  En outre, il faut s’interroger sur « le caractère acceptable de divulguer des informations militaires ou des archives à l’opinion publique ».

La France, marquée par l’attaque terroriste contre le magazine Charlie Hebdo, en janvier dernier, a évoqué les défis nouveaux et appelé tous les États à engager un dialogue constructif avec le Rapporteur spécial.  Elle défend la liberté de la presse, la protection des journalistes et de leurs sources, les blogueurs et les cyberdissidents.  Comment concilier l’objectif de protection de la liberté d’expression en facilitant l’anonymat et le cryptage et l’objectif de prévention du discours d’incitation à la haine dans le respect des droits de l’homme? 

Le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression a indiqué que tant son présent rapport que celui soumis au Conseil des droits de l’homme à Genève reposaient sur les législations existantes et non sur celles prévues.  D’autre part, de bonnes pratiques concernant la protection des défenseurs des droits de l’homme ont été décelées dans le cadre de l’application de la Convention contre la corruption.  L’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques protège les défenseurs des droits de l’homme mais ne mentionne pas les journalistes. 

En conséquence, M. Kaye a estimé que son mandat exigeait une approche élargie pour inclure tous les types de défenseurs.  Il est très rare que des personnes rendent des comptes pour des agressions contre des journalistes, a-t-il dit, ajoutant que l’UNESCO travaillait sur ce sujet.  Les discours haineux dans le cadre des technologies d’anonymat sont monnaie courante, ce qui exige des normes plus spécifiques du fait que l’article 20 du Pacte interdit l’incitation à la haine. 

Toutefois, il a exhorté les délégations et leurs gouvernements à apprécier la valeur des outils de protection des groupes vulnérables qui utilisent les techniques de cryptage pour avoir accès aux informations, ou pour se prémunir contre d’éventuelles représailles.  Au bout du compte, il convient d’harmoniser la législation et la pratique.  Il ne faut pas diaboliser les dénonciateurs car l’opinion publique a le droit d’avoir accès à l’information, surtout si celle-ci est confisquée. 

Déclaration liminaire

Le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction, M. HEINER BIELEFELDT, a indiqué que son rapport intérimaire se concentrait sur les droits de l’enfant et de ses parents dans le domaine de la liberté de religion ou de conviction.

Les violations de la liberté de religion ou de conviction affectent souvent les droits des enfants et de leurs parents, a expliqué M. Bielefeldt.  Un exemple extrême est l’enlèvement d’enfants issus de minorités religieuses, généralement des filles, afin de les convertir par la force à une autre religion.  Ce type d’enlèvement, fréquemment associé à un mariage précoce forcé, viole aussi les droits des parents, y compris leur droit de dispenser une éducation religieuse et morale à l’enfant, suivant leurs propres convictions. 

« De tels abus se produisent souvent dans un climat d’impunité », a ajouté le Rapporteur spécial.  Il est préoccupant de constater que, dans certains pays, les abus sont directement commis par des agences de l’État.

M. Bielefeldt a également attiré l’attention de la Commission sur l’éducation scolaire.  La pression exercée sur les enfants dans les écoles, par exemple pour les écarter de leurs religions ou de leurs croyances, peut encore violer simultanément les droits des enfants et des parents. 

Il a déploré les attitudes encore largement répandues, les coutumes, les normes et les pratiques qui font que « les enfants sont traités comme s’ils étaient la propriété de leurs familles et de leurs communautés sans avoir de droits propres ».  Pourtant, l’article 14 de la Convention relative aux droits de l’enfant consacre le respect dû aux enfants et à leurs parents en matière de liberté de religion ou de conviction.

La Convention part du principe que les parents sont les gardiens naturels des intérêts de l’enfant, mais cela n’exclut pas des conflits d’intérêt, en particulier quand l’enfant grandit et veut devenir plus indépendant, a fait remarquer M. Bielefeldt.  On peut même envisager des situations où l’État doit intervenir pour protéger l’enfant contre la négligence, la violence domestique ou des pratiques néfastes.

Les mutilations génitales féminines ou les mariages d’enfants ne peuvent jamais être « justifiés » par l’invocation de la liberté de religion ou de conviction, et les États sont obligés de prendre toutes les mesures appropriées pour éliminer de telles pratiques, a insisté le Rapporteur spécial. 

Les droits de l’enfant et de ses parents dans le domaine de la liberté de religion ou de conviction couvrent plusieurs sphères de la vie, a poursuivi M. Bielefeldt, en citant une série d’exemples, dont les cérémonies religieuses et les prières.  Il a tenu à souligner que les enfants plus mûrs méritent de voir leurs propres décisions respectées, comme la décision de ne pas participer.

Si l’instruction religieuse à l’école doit rester optionnelle, il est toutefois possible de dispenser une information générale sur diverses religions, dans un esprit d’équité et de neutralité.  

Enfin, dans certains systèmes juridiques, on empêche les personnes qui professent une religion ou une conviction particulière de se marier légalement, ce qui peut faire de l’enfant une personne « illicite », a noté le Rapporteur spécial.  Il est alors prioritaire de réformer le droit de la famille pour éliminer une telle discrimination.         

Dialogue interactif

La Suisse a demandé au Rapporteur spécial quelles mesures pourraient être prises par les mécanismes compétents de l’ONU afin de protéger les minorités religieuses, de garantir la liberté de changer de religion, de ne pas en avoir et de s’assurer que certains États n’incriminent plus l’apostasie.

Les États-Unis ont salué l’accent mis sur l’éducation et sur les pratiques préjudiciables aux femmes et aux enfants.  La délégation s’est enquise de modèles de législation pour lutter contre ce problème.

L’Irlande a défendu le droit de l’enfant à ne pas avoir la confession de ses parents ou à ne pas avoir de religion.  Elle a aussi souligné la nécessité de l’échange de bonnes pratiques à cet égard.

L’Union européenne a manifesté son intention de travailler d’arrache-pied pour soumettre une résolution sur la question traitée par le Rapporteur spécial, d’ici à la fin de l’année.

L’Autriche a admis que le sujet du rapport est l’un des plus délicats car il touche aux relations parents-enfants et aux capacités de développement de l’enfant pour qu’il puisse pleinement exercer sa liberté d’opinion et de religieux.

La Fédération de Russie a loué le travail toujours très professionnel du Rapporteur spécial.  La Russie a une expérience millénaire de multiples religions, ce qui pose souvent des problèmes très délicats qu’il convient de prendre en considération dans l’élaboration des politiques.  Elle a souligné le rôle des États dans l’enseignement des différentes religions.  Cette question est d’autant plus importante qu’on la retrouve dans la crise migratoire actuelle, a dit la déléguée.

La Norvège a reconnu qu’il faut accorder une attention accrue aux minorités religieuses, et protéger l’enfant de toute violation de ses droits.

Le Canada a dénoncé les pratiques préjudiciables comme le mariage d’enfants, les mariages précoces et forcés.  La protection des filles et des garçons contre la violence, l’exploitation et les mauvais traitements figure également en bonne place dans les efforts canadiens, notamment du fait des atrocités que continue de commettre le prétendu État islamique en Iraq et en Syrie.

Le Bureau de la liberté de religion du Canada défend les communautés religieuses persécutées et fait la promotion de la liberté, la démocratie, la primauté du droit et des droits de la personne.  Le Canada a invité le Rapporteur spécial à proposer des moyens susceptibles de permettre aux pays de mieux collaborer afin d’inverser la tendance actuelle de la montée des restrictions et de l’hostilité religieuses, et du caractère violent de ce phénomène partout dans le monde.

La Pologne a fait valoir l’intérêt supérieur de l’enfant en toutes circonstances, notant que certaines autorités publiques peuvent parfois restreindre la liberté de religion ou de conviction.  Comment garantir le principe de la responsabilité que les parents ont, au premier chef, dans l’éducation de leurs enfants?

L’Iraq a signalé que les groupes terroristes ont recours aux attentats qui ciblent d’abord la population civile.  Dans la partie du territoire où Daech sévit, ses bandes terroristes ont enlevé des civils des minorités yazédis et autres, les forçant à se convertir et les soumettant à l’esclavage, y compris sexuel.  Il a appelé à punir ces crimes.

Le Mexique a appuyé sans faille la liberté de religion et de culte.  Il a relevé la mention faite dans le rapport sur les personnes athées et a voulu obtenir plus de précisions.

Le Royaume-Uni a constaté la montée d’attaques contre des individus juste pour leur appartenance ethnique ou religieuse.  Que peuvent faire les États lorsque les enfants reçoivent une éducation religieuse à la maison bafouant d’autres religions? 

L’Allemagne s’est demandé quel modèle d’éducation serait pertinent dans ce contexte.

La Turquie a souligné le rôle des dirigeants religieux et mis en exergue le flux de migration qui risque d’aggraver la montée de la xénophobie et du rejet de certaines religions.

Le Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction a recommandé d’avoir une vision d’ensemble des droits de l’homme, car ils sont indivisibles.  Par exemple, parler des droits des enfants sans parler des droits des parents n’a pas de sens.  On ne peut pas prendre en compte les droits des groupes vulnérables sans adopter une approche globale, a-t-il dit.

S’agissant de l’élimination des pratiques néfastes, qui sont souvent des sujets tabous, « les dirigeants religieux doivent aller au-delà des condamnations abstraites » et présenter des arguments contraires.  M. Bielefeldt a cité pour exemple une conférence organisée au Caire sur les mutilations génitales féminines en 2006.

D’après lui, l’État doit s’assurer qu’aucun enfant ne soit endoctriné et les cours religieux doivent être facultatifs.

Les lois sur les familles constituent « une pomme de discorde », a reconnu ensuite M. Bielefeldt.  Le traitement des convertis ou des minorités non reconnues montre l’absence de compréhension de la liberté de religion ou de conviction.  « Il faut pouvoir avoir le droit de changer de religion ».  Or, dans certains pays se convertir est une infraction pénale.

La bonne pratique du dialogue interreligieux ne doit pas se confiner aux personnes habituelles mais inclure la jeune génération, y compris des filles, a-t-il conclu.

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