Réunion internationale sur la Palestine: peut-on sauver « la solution à deux États », se demandent les experts au dernier jour des discussions
BRUXELLES, le 8 septembre – « Vivante ou morte et enterrée? » se sont demandés aujourd’hui les experts s’agissant de « la vision d’une région dans laquelle deux États, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, à l’intérieur de frontières reconnues et sûres ». Les experts tenaient leurs dernières discussions dans le cadre de la Réunion internationale sur la question de Palestine, organisée depuis deux jours à Bruxelles, par le Comité pour l’exercice des droits inaliénables du peuple palestinien. « Le processus politique est mort », a tranché l’Observateur permanent de l’État de Palestine.
Sur le thème « les colonies et la solution à deux États », M. Daniel Seidemann, avocat et fondateur de « Terrestrial Jerusalem » à Tel-Aviv, a estimé que la viabilité ou non de la vision de deux États est directement liée au nombre des colons qu’il faudra réinstaller ailleurs. En 2007, ce nombre était de 116 000, en 2015, à plus de 150 000 et si les choses continuent à ce rythme, l’augmentation sera de 5 000 à 10 000 par an. Pour savoir si « le point de non- retour » a été franchi, a estimé l’expert, il faut donc répondre à une question simple: Israël a-t-il la volonté politique et les ressources matérielles pour réinstaller 150 000 colons au minimum?
Oui mais les colons ne représentent que 4,4% de la population en Cisjordanie et seul 1,8% de la population israélienne totale devrait être évacuée si un accord était signé, a répondu une des Directrices de « Peace Now », Mme Anat Ben Nun. On ne saurait, a-t-elle supplié, déterminer la réalité sur place en fonction d’un tout petit pourcentage des populations israélienne et palestinienne. Mme Nun a préféré mettre en avant le fait que la solution à deux États est appuyée par la majorité des deux populations. Cette solution est donc bien vivante malgré l’augmentation du nombre de colons. « C’est la seule solution possible » parce qu’elle permet aux deux peuples d’exercer leur droit à l’autodétermination.
« Le processus politique est mort », a tranché l’Observateur permanent de l’État de Palestine, à partir de New York. Pour sauver la solution à deux États, les Palestiniens ont fait une toute petite demande à Israël pour qu’il stoppe les colonies de peuplement, « énorme » obstacle à la paix et condition préalable à la reprise des négociations.
Le Conseil de sécurité doit agir et s’il ne le fait pas, il faut envisager un plan de secours et convoquer une conférence internationale, a suggéré l’Observateur permanent. Sinon, a-t-il prédit, on ouvrirait la porte aux extrémistes et on prendrait le risque d’une guerre des religions « incontrôlable » qui commencerait à Jérusalem.
En tant que plus grand partenaire commercial d’Israël, l’Union européenne peut faire beaucoup plus pour promouvoir la solution à deux États, a commenté Mme Martina Anderson, membre du Parlement européen et chargée des relations avec le Conseil législatif palestinien. Intervenant depuis Strasbourg, elle a estimé que l’Union européenne pourrait, par exemple, suspendre son Accord d’association avec Israël dont l’article 2 stipule: « les relations entre les parties devraient s’appuyer sur le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques, qui guident leurs politiques intérieure et internationale, et constituent un élément essentiel de l’Accord ».
Or aujourd’hui, s’est plainte Mme Anderson, face aux violations constantes par Israël des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés et les entorses à la vision de deux États, la Haut-Représentante pour les affaires étrangères de l’Union européenne préfère privilégier « un dialogue structuré avec Israël sur ces questions ».
Pourtant, a dénoncé Mme Anderson, c’est la même Union européenne qui a très rapidement frappé la Fédération de Russie de sanctions commerciales, économiques et diplomatiques après l’annexion de la Crimée. Or, après près de 50 ans d’occupation de la Palestine, Israël reste le plus grand partenaire commercial de l’Union européenne. Se fondant sur ses lignes directrices sur l’étiquetage, a insisté Mme Anderson, l’Union européenne pourrait purement et simplement interdire sur son sol plutôt que de se contenter de les signaler les produits fabriqués dans les colonies de peuplement.
Mais là encore, a dit le Coordonnateur pour Israël et la Palestine auprès du Conseil européen des relations internationales, nous ne parlerions que de la politique de différenciation entre Israël et ses colons que l’Union européenne a déjà introduite dans ses relations bilatérales. Les États européens pourraient élargir cette politique, par exemple, aux fondations, mais la reprise des négociations israélo-palestinienne devenant de plus en plus improbable, ils se gardent bien de prendre le risque « de faire tanguer le bateau diplomatique ». En juillet dernier, le Conseil des Ministres européens des affaires étrangères a réitéré l’engagement de faire en sorte que tout accord avec Israël indique « sans équivoque et explicitement » qu’il ne s’applique pas au territoire occupé depuis 1967.
On ne saurait cacher à quel point le contexte politique influe sur les politiques de différenciation, a commenté le Directeur du Projet européen pour le Moyen-Orient et Modérateur des débats. M. Martin Konecny a comparé les cas de la Crimée, de la Palestine et du Sahara occidental.
Au cours de l’échange, certains représentants de la société civile ont demandé que les colons coupables de violence soient reconnus comme « terroristes » par la communauté internationale.
La Réunion internationale sur la question de Palestine, qui prend fin aujourd’hui à Bruxelles après deux jours de débats, était organisée avec la collaboration de la Ligue des États arabes et de l’Organisation de la coopération islamique (OCI).