En cours au Siège de l'ONU

Soixante-dixième session,
10e séance – matin
AG/DSI/3528

La Première Commission poursuit son débat sur la production de matières fissiles et la dénucléarisation

Les activités nucléaires du Japon remises en cause par la délégation de la Chine

La Première Commission (désarmement et sécurité internationale) s’est penchée ce matin sur la question de la production des matières fissiles lors du deuxième jour de son débat thématique sur les armes nucléaires, au cours duquel une vingtaine de délégations ont pris la parole.   

En ouverture de séance, Mme Elissa Golberg, Présidente du Groupe d’experts gouvernementaux chargé de faire des recommandations sur l’élaboration d’un traité interdisant la production de matières fissiles à des fins militaires, a précisé que, de manière générale, le traité interdirait la production de matières fissiles pour empêcher l’augmentation des volumes disponibles et se pencherait sur les stocks déjà produits ».  Elle a précisé que les stocks existants sur lesquels le traité aurait un droit de regard concerneraient les stocks civils, le combustible naval et les stocks assignés aux armes nucléaires.  La vérification de l’application du traité devra tenir compte des définitions convenues des matières fissiles et des catégories de production passée et future, a-t-elle indiqué, soulignant que le Groupe d’experts entendait examiner plus avant les défis posés en matière de vérification: la sécurité nationale, la non-prolifération et la propriété commerciale.  À cet égard, elle a estimé que l’initiative prise par les États-Unis de constituer un partenariat international pour la vérification du désarmement nucléaire pourrait être un cadre efficace de discussion.  « Nous appelons les délégations de la Première Commission à appuyer le projet de résolution du Canada qui exhorte au lancement, à la Conférence du désarmement, de négociations sur ledit traité », a conclu M. Golberg.

La représentante du Pakistan, Mme Themina Janjua a rejeté catégoriquement l’utilité du Groupe d’experts, « organisme qui a échoué à atteindre un véritable consensus sur la portée et les objectifs du traité ».  « Seule la Conférence du désarmement peut décider de la pertinence de la création d’un instrument juridiquement contraignant de désarmement », a-t-elle tenu à rappeler, avant de déclarer que, le Groupe d’experts n’étant pas mandaté par la Conférence, il n’était pas possible pour son pays d’accepter ni ses conclusions ni ses recommandations.  En outre, se référant aux publications du Groupe d’experts, la déléguée pakistanaise a prévenu que les vastes stocks de matières fissiles à des fins militaires déjà disponibles, couplés à ceux destinés à des usages civils mais pouvant être facilement « militarisés », ne pourraient pas être visés par le traité tel qu’envisagé par le Groupe.  Mme Janjua s’est prononcée pour l’élaboration d’un traité sur les matières fissiles, « non-discriminatoire, doté d’un mécanisme de vérification représentatif et indépendant et reflétant l’équilibre entre les objectifs de désarmement et de non-prolifération déjà agréés au plan international. 

Le niveau et l’utilisation de la production des matières fissiles ont fait l’objet d’un vif échange entre les représentants de la Chine et du Japon.  Réagissant à l’intervention du représentant de la Chine qui a attiré l’attention sur l’accumulation, par le Japon, d’importantes quantités d’uranium et de plutonium hautement enrichis, et les déclarations de certains responsables japonais favorables à la nucléarisation militaire de leur pays, le représentant japonais, dans son droit de réponse, a affirmé que toutes les matières sensibles de son pays étaient placées sous le régime de vérification de l’Agence internationale de l’énergie atomique, « l’Agence ayant de longue date reconnu leur caractère pacifique ».  Le représentant du Japon a par ailleurs précisé que les activités nucléaires de son pays étaient transparentes, y compris celles relatives à l’uranium hautement enrichi.  Pour sa part, le représentant chinois a maintenu que « le Japon est le seul État non doté avec un cycle complet du nucléaire et un immense stock de matières nucléaires, qui, d’ailleurs, n’a cessé d’augmenter.

Pour sa part, le représentant de l’Inde, qui a précisé que son pays « possède des arsenaux nucléaires à un niveau minimum dissuasif et défensif, a présenté plusieurs projets de résolution, dont un proposant la création d’une convention interdisant l’utilisation des armes nucléaires.  « Ce projet de texte, présenté depuis 1982, reflète l’avis des auteurs selon lequel la mise en œuvre d’un tel instrument serait de nature à créer un environnement favorable aux négociations vers l’élimination de ces armes », a souligné le représentant.  Un autre projet de résolution présenté par l’Inde porte sur la réduction du danger nucléaire et souligne la nécessité de revoir les doctrines militaires et de réduire les risques d’une utilisation accidentelle des armes nucléaires.

La Commission poursuivra demain, mercredi 21 octobre à 10 heures, son débat thématique sur les armes nucléaires et procédera à la présentation de ses projets de résolution.

DÉBAT THÉMATIQUE SUR LES QUESTIONS À L’ORDRE DU JOUR ET PRÉSENTATION ET EXAMEN DE TOUS LES PROJETS DE RÉSOLUTION ET DE DÉCISION PRÉSENTÉS AU TITRE DES POINTS DE L’ORDRE DU JOUR

Déclarations

Mme ELISSA GOLBERG, Présidente du Groupe d’experts gouvernementaux chargé de faire des recommandations sur les aspects susceptibles de contribuer à l’élaboration d’un traité interdisant la production de matières fissiles pour la fabrication d’armes et autres dispositifs explosifs nucléaires, sans être mandaté pour le négocier, a rappelé la portée d’un éventuel traité de cette nature, précisant qu’il devrait correspondre aux objectifs généraux de l’instrument, qu’il relève de la non-prolifération et/ou du désarmement général.  Mme Golberg a ajouté que le Groupe d’experts s’était demandé si le futur traité devait concerner les matières fissiles produites par tel État partie avant son entrée en vigueur.  De manière générale, a-t-elle dit, le traité interdirait la production de matières fissiles pour d’emblée empêcher l’augmentation des volumes disponibles et se pencherait sur les stocks déjà produits.  Elle a expliqué que les stocks existants, sur lesquels le traité aurait un droit de regard, concerneraient les stocks civils, le combustible naval et les stocks assignés aux armes nucléaires.  Selon Mme Golberg, l’identification, dans le cadre du traité, de ces types de matières fissiles a représenté l’un des principaux résultats des réflexions menées par le Groupe d’experts.  Elle a souhaité que la discussion sur ce sujet se poursuive lors des délibérations de la Première Commission. 

Mme Golberg a ensuite souligné que la mise en œuvre du traité devrait être internationalement et efficacement vérifiable, ce qui signifie qu’il devra être capable de détecter les cas de non-conformité de manière rapide.  Le régime de vérification du traité devra tout particulièrement se concentrer sur les risques de détournement des matières fissiles et les cas de productions et d’installations non déclarées.  La vérification devra en outre tenir compte des différentes définitions convenues des matières fissiles et des catégories fonctionnelles de production passée et future, a poursuivi Mme Golberg.  Le Groupe d’experts entend partager avec les délégations les défis identifiés en matière de vérification, y compris la sécurité nationale, la non-prolifération et la propriété commerciale, a également affirmé la Présidente du Groupe.  À cet égard, elle a estimé que l’initiative qu’ont prise les États-Unis de constituer un partenariat international pour la vérification du désarmement nucléaire pourrait être un cadre efficace de discussion.

En conclusion, Mme Golberg a appelé les délégations de la Première Commission à appuyer le projet de résolution du Canada qui exhorte au lancement sans délais, à la Conférence du désarmement, de négociations sur ledit traité. 

M. HAMOOD SALIM ABDULLAH AL TOWAIYA (Oman), au nom du Groupe arabe, a exprimé la satisfaction de son Groupe au sujet de la décision prise de faire du 26 septembre, la Journée mondiale de l’élimination des armes nucléaires.  Cet évènement permettra d’accélérer le processus, de même que la tenue d’une conférence sur le désarmement nucléaire en 2018, au plus tard, a-t-il estimé.  Les membres du Groupe arabe, qui ont tous soumis leurs installations au régime de contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), condamnent l’attitude des États dotés qui n’honorent pas leurs promesses de désarmement nucléaire et continuent de menacer des États non dotés, a-t-il poursuivi.  Ils condamnent aussi l’attitude des États, et en particulier des États-Unis qui ont empêché l’adoption d’un texte final à la dernière conférence d’examen du TNP en s’opposant à toute référence au Moyen-Orient dans le texte.  Or, libérer cette région des armes nucléaires est une condition préalable indispensable à la paix et est conforme aux précédents consensus, a-t-il précisé, condamnant aussi le refus d’Israël d’adhérer au TNP et à l’AIEA.  

M. EPHRAIM LESHALA MMINELE (Afrique du Sud) a relevé que les coûts associés à l’entretien des arsenaux nucléaires étaient deux fois plus élevés que le montant de l’aide au développement fournie à l’Afrique.  Cet état de fait n’est pas tenable dans un monde où les besoins fondamentaux de milliards d’êtres humains ne sont pas satisfaits, a-t-il ajouté.  Le représentant a déclaré que tant qu’il existerait des armes nucléaires, la prolifération verticale et horizontale « persisterait ».  Sur ce point, il a demandé l’élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant sur les garanties négatives de sécurité aux États non dotés d’armes nucléaires.  Rappelant que le désarmement nucléaire est une obligation juridique autant qu’un devoir moral, le représentant a annoncé que sa délégation présenterait un projet de résolution intitulé « Impératifs éthiques pour un monde sans armes nucléaires ».

M. JOHN QUINN (Australie) a affirmé que la réduction des arsenaux nucléaires n’est pas seulement conforme à l’article 6 du TNP, mais aussi une condition indispensable pour la paix dans le monde et pour la sécurité de l’humanité.  Les États dotés ont donc la responsabilité de créer un environnement international propice à accélérer le désarmement multilatéral, aussi vite que possible, a-t-il dit, ajoutant qu’il est possible d’aider à ce processus par des mesures pratiques et progressives, qui sont de nature à permettre de réels progrès sur la question.  L’Australie regrette à cet égard l’échec de la conférence d’examen du TNP de 2015, mais rappelle que les consensus atteints en 2000 et 2010 restent valables.  Dans ce contexte, une mesure de confiance serait, par exemple, que les États dotés fassent preuve de transparence en ce qui concerne leurs stocks d’armes nucléaires, a-t-il indiqué.

M. Quinn a également précisé que sa délégation soutenait l’approche pragmatique sur le désarmement nucléaire prônée par les États nucléaires et n’était donc pas favorable à un traité interdisant purement et simplement les armes nucléaires.  Un tel instrument ne mènerait pas à l’élimination de ces armes, a-t-il noté, car les États dotés ne s’en débarrasseront qu’à condition de pouvoir le faire en toute sécurité.  Pour qu’il en soit ainsi, a poursuivi le représentant, il faudra mettre en place des mécanismes de vérification visant à s’assurer de la destruction effective de toutes les armes nucléaires existantes et des capacités de développement de nouvelles armes de ce type.

Le représentant a par ailleurs indiqué que sa délégation, avec celle du Mexique, présenteraient un projet de résolution sur le Traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires, dans le cadre du vingtième anniversaire de l’adoption dudit Traité.  Le projet de texte appellera à l’entrée en vigueur du Traité, a conclu le représentant, avant d’appeler la République populaire démocratique de Corée à abandonner son programme nucléaire et à se conformer à ses obligations internationales, en particulier aux résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. 

Mme EBUN STRASSER-KING (Sierra Leone), au nom du Groupe des États d’Afrique, a rappelé que les États africains appuyaient l’établissement de zones exemptes d’armes nucléaires dans le monde.  Le statut de zone exempte de l’Afrique fournit un véritable bouclier préventif au continent, a-t-elle précisé, en empêchant notamment l’installation de dispositifs nucléaires explosifs sur le territoire des pays et la conduite d’essais d’armes de destruction massive.  Elle a réaffirmé que le Groupe africain déplorait l’absence de progrès dans la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient et a souligné l’importance, dans ce contexte de sécuritaire volatile, de parvenir à l’universalisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.  La représentante a par ailleurs indiqué que l’Agence internationale de l’énergie atomique était la seule autorité compétente en matière de vérification et elle a réaffirmé le droit inaliénable des parties au Traité sur la non-prolifération nucléaire d’utiliser l’énergie nucléaire à des fins pacifiques.  Enfin, elle a demandé aux délégations d’appuyer, cette année encore, le projet de résolution sur le Traité sur une zone exempte d’armes nucléaires en Afrique (Traité de Pelindaba) présenté par le Groupe des États d’Afrique.

M. HAMAD TAMI AL-HAJRI (Qatar) a déclaré partager l’avis des autres délégations sur l’impossibilité de réaliser l’objectif de la communauté internationale sur le désarmement nucléaire sans l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient.  L’opposition de certains États ou leur refus d’adhérer au TNP ou de soumettre leurs installations au régime de l’AIEA vont à l’encontre de cet objectif, a-t-il déploré, affirmant que son pays était conscient de ses engagements, en particulier en ce qui concerne les conséquences humanitaires des armes nucléaires.  C’est ainsi que le Qatar a entériné la Promesse humanitaire adoptée à la dernière conférence de Vienne sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires et a participé à tous les évènements y afférents, a assuré le représentant.

M. HENK COR VAN DER KWAST (Pays Bas) a indiqué qu’afin de faciliter la mise en œuvre de l’accord sur le programme nucléaire iranien du 14 juillet 2015, son pays avait alloué 600 000 euros à l’Agence internationale de l’énergie atomique.  Il a souligné, au sujet du Traité sur la non-prolifération, que l’échec de la dernière conférence d’examen ne remettrait pas en cause le statut de pierre angulaire du régime de non-prolifération et du désarmement nucléaire du Traité.  Il a plaidé en faveur d’un monde sans armes nucléaires, cet objectif pouvant être atteint, à son avis, à travers un processus progressif axé sur des mesures pratiques et concrètes.  Le représentant a également noté avec satisfaction l’attention portée à la dimension humanitaire des armes nucléaires: « les considérations humanitaires ne pouvant que renforcer la pertinence de l’Option zéro et nous inciter, tous, à prévenir l’utilisation d’armes nucléaires », a-t-il dit. 

Concernant le projet de traité interdisant la production de matières fissiles à des fins militaires, le représentant a indiqué que les travaux du Groupe d’experts gouvernementaux jetaient les bases potentielles d’un démarrage des négociations, « de préférence à la Conférence du désarmement ».  Toutefois, a-t-il prévenu, pour la première fois depuis la fin de la Guerre froide, les stocks de matières fissiles pourraient augmenter.  Il a réaffirmé l’attachement de son pays aux critères de vérification, affirmant que: « les Pays-Bas contribueront activement à l’initiative prise par les États-Unis de constituer un partenariat international pour la vérification du désarmement nucléaire ».

Mme EDITA HRDÁ (République tchèque) a déclaré qu’en dépit de l’échec de la dernière conférence d’examen du TNP, ce Traité reste au cœur du régime de non-prolifération, d’autant que les consensus passés restent en vigueur, en particulier celui de 2010.  La République tchèque estime donc qu’il faut avancer vers l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient, y compris en identifiant les opportunités d’un dialogue régional et en prenant en compte les intérêts de sécurité légitimes de chacun.  La délégation a appelé également les États non encore parties au Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN) à le ratifier rapidement afin d’accélérer son entrée en vigueur, s’est félicitée de la signature de l’accord sur le nucléaire iranien et a invité ce pays à pleinement coopérer avec l’AIEA et à répondre à toutes les questions en suspens. 

Mme Hrdá a également indiqué que son pays a toujours condamné les essais nucléaires de la République populaire démocratique de Corée, et, dans ce contexte, continue d’appeler ses autorités à abandonner leur programme nucléaire et à rejoindre le TNP et l’AIEA au plus vite.  La République tchèque, comme la vaste majorité des États Membres, est en outre favorable au lancement des négociations sur un Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.  Ses experts ayant participé aux travaux du Groupe d’experts gouvernementaux sur ce Traité, la République tchèque est convaincue que les recommandations fournies au Secrétaire général faciliteront les négociations sur ce Traité, a conclu la représentante. 

M. STEPHAN TAFROV (Bulgarie) a affirmé qu’en dépit de l’échec de la dernière conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération nucléaire, le Traité demeurait la pierre angulaire du régime de non-prolifération et le cadre de choix du désarmement nucléaire et des utilisations pacifiques de l’énergie nucléaire.  Il a ajouté qu’il était important de continuer d’attirer l’attention sur la dimension humanitaire des armes nucléaires, notant néanmoins que seule l’élimination complète de ces armes constituerait une avancée concrète vers un monde plus sûr.  Pour le représentant bulgare, créer les conditions propices à un monde sans armes nucléaires nécessite la prise en compte des dimensions tant humanitaires que sécuritaires de ces arsenaux.  Enfin, il a appelé les États à prendre sans délais les mesures nécessaires à une revitalisation de la Conférence du désarmement, où doivent débuter des négociations sur un traité d’interdiction de la production de matières fissiles et l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction des essais nucléaires. 

Mme HELENA NOLAN (Irlande), dont le pays est membre de la Coalition pour un Nouvel Ordre du Jour, a demandé qu’une nouvelle impulsion soit donnée au pilier du désarmement nucléaire du TNP et regretté le manque de résultats de la Conférence de révision du TNP de 2015.  « Pas une seule arme nucléaire n’a été désactivée sous le TNP ou dans le cadre d’autres processus multilatéraux et il n’existe pas de structures ou de mesures efficaces pour que cela se fasse », a-t-elle déploré, avant d’estimer qu’il était légitime dès lors de rechercher de nouvelles approches susceptibles de stimuler le débat et provoquer l’action.  Elle a salué le fait que la dimension humanitaire de l’impact de ces armes occupe à nouveau une place prioritaire dans le TNP et a demandé aux délégations d’accueillir favorablement le projet de résolution sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires que l’Union européenne a présenté et que l’Irlande a coparrainé.

Par ailleurs elle a salué le projet de résolution présenté par l’Afrique du Sud et également coparrainé par son pays, sur les impératifs éthiques pour un monde exempt d’armes nucléaires, affirmant que ce texte allait au-delà des intérêts et doctrines étroits pour mettre en avant le développement humain.

M. HALVOR SÆTRE (Norvège) a dressé un bilan mitigé du désarmement nucléaire, avec d’une part, les avancées enregistrées avec l’Accord START signé entre les États-Unis et la Fédération de Russie, la diminution des stocks d’arsenaux nucléaires existants et la conclusion de l’accord sur le nucléaire iranien; et, d’autre part, l’échec de la Conférence d’examen du TNP, la poursuite du programme nucléaire nord-coréen, la poursuite des programmes de modernisation des armes existantes ou encore le silence russe sur la proposition américaine de réduction d’un tiers de leurs arsenaux nucléaires.  Pour la Norvège, a-t-il indiqué, les États dotés ont une responsabilité particulière en matière de désarmement nucléaire et de non-prolifération, ajoutant que sans dialogue constructif il n’y aura pas de progrès sur la question.  Les États non dotés ont aussi un rôle à jouer et la Norvège entend faire sa part, a conclu le représentant.

Mme ROSEMARY MCCARNEY (Canada) a regretté le manque de compromis lors de la Conférence de révision du TNP de 2015 qui s’est soldée sans l’adoption d’un document final.  Toutefois, cela ne signifie pas l’affaiblissement de ce Traité qui reste, selon elle, la pierre angulaire du régime international de désarmement nucléaire.  Cela n’invalide pas non plus son Plan d’action de 2010 qui demeure « la meilleure voie pour renforcer les trois piliers du TNP ».  Le Canada continuera à travailler avec ses partenaires sur la non-prolifération pour faire avancer ces engagements, a-t-elle indiqué.

La sécurité et la stabilité régionales et internationales continuent d’être mises en péril par le non-respect, par la Corée du Nord et la Syrie, de leurs obligations en matière de non-prolifération nucléaire, a souligné la représentante, qui attend de voir si ces États respecteront de manière vérifiable leurs engagements en coopérant de façon franche avec l’AIEA.  Elle a invité tous les États à assurer la pleine mise en œuvre des sanctions de l’ONU contre la Corée du Nord et à continuer de faire pression sur celle-ci pour qu’elle abandonne ses programmes nucléaires et de missiles balistiques dans l’attente de redevenir partie du TNP et de respecter son Accord de garanties généralisées.

S’agissant de l’Iran, la représentante a exprimé sa satisfaction face aux efforts du P5+1 visant à parvenir à un accord sur la mise en place d’un programme nucléaire iranien exclusivement pacifique et visant à empêcher l’Iran d’acquérir l’arme nucléaire.  Cependant, le Canada jugera l’Iran par ses actes, et non ses paroles, a prévenu la représentante.  Par ailleurs, elle a encouragé les puissances nucléaires à faire preuve de plus de transparence sur la manière de s’acquitter de leurs obligations dans le cadre du TNP, estimant que le partenariat international pour la vérification du désarmement nucléaire était une initiative judicieuse.  Elle a également estimé que tout progrès en termes de désarmement nucléaire doit tenir compte des dimensions humanitaires et stratégiques de ces armes.  En conclusion, la représentante a à nouveau condamné l’annexion de la Crimée par la Russie ainsi que son implication militaire en Ukraine et lancé un appel à la Russie pour qu’elle cesse de développer de missiles de croisière qui sont interdits par le Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaire.

Mme TEHMINA JANJUA (Pakistan) a constaté que les retards pris en matière de désarmement nucléaire sont dus au comportement de ceux qui souhaitent détourner les travaux de la Conférence du désarmement vers la prise de mesures partiales de non-prolifération, au premier rang desquelles un traité d’interdiction de la production de matières fissiles.  Un tel traité qui est discriminatoire par nature et ne s’applique pas aux stocks de matières fissiles existants saperait la sécurité de certains États, tout en étant totalement inoffensif pour ceux détenant les stocks les plus importants, a-t-elle jugé.  Pour la représentante, un traité de ce type, contrairement à ce qu’avancent de nombreuses délégations, ne constituerait en rien une avancée majeure en matière de désarmement nucléaire.  Les vastes stocks de matières fissiles à des fins militaires déjà disponibles, couplés à ceux destinés à des usages civiles mais pouvant être facilement « militarisés » ne pourraient pas être visés par le traité, a expliqué Mme Janjua.  Rejetant l’utilité du Groupe d’experts gouvernementaux dirigé par Mme Golberg, organisme qui a échoué à atteindre un véritable consensus sur la portée et les objectifs du traité, la représentante a estimé que seule la Conférence du désarmement pouvait décider de la pertinence de la création d’un instrument juridiquement contraignant de désarmement.  Le Groupe d’experts n’étant pas mandaté par la Conférence du désarmement, nous ne pouvons pas, par conséquent, accepter ses conclusions et recommandations, a déclaré Mme Janjua.  À son avis, un traité sur les matières fissiles, « non-discriminatoire par nature et doté d’un mécanisme de vérification représentatif et indépendant », devrait refléter l’équilibre nécessaire entre les objectifs de désarmement et de non-prolifération déjà convenus au plan international.

M. VENKATESH VARMA (Inde) a déclaré que le désarmement nucléaire ne peut se faire que lors d’un processus « pas à pas », dans le cadre d’un dialogue inclusif entre États dotés.  L’Inde, qui a des arsenaux nucléaires à un niveau minimum dissuasif et défensif, n’a toujours pas l’intention d’adhérer au TNP en tant que pays doté, a réaffirmé le représentant, déplorant que des propositions de nature à diviser les délégations aient été avancées au sein de cette commission.  Le représentant a ensuite présenté trois projets de résolution, dont le premier portant sur la convention sur l’interdiction de l’utilisation des armes nucléaires.  Ce projet de texte présenté depuis 1982, reflète l’avis des auteurs selon lequel la mise en œuvre d’un tel instrument serait de nature à créer un environnement favorable aux négociations vers l’élimination de ces armes, a expliqué le représentant, invitant les États qui s’opposent traditionnellement à ce texte à revoir leur position.  Le second projet porte sur la réduction du danger nucléaire; il souligne la nécessité de revoir les doctrines militaires et de réduire les risques d’une utilisation accidentelle des armes nucléaires, a-t-il précisé.  Le dernier projet, a indiqué le représentant, porte sur les mesures visant la prévention d’acquisition d’armes de destruction massive par les groupes terroristes.  Il énumère les différentes mesures à prendre à cette fin, tant aux niveaux national qu’international, a conclu le représentant.    

M. MICHAEL BIONTINO (Allemagne) a déploré que d’autres progrès significatifs de la nature de ceux induits par l’accord sur le nucléaire iranien n’aient pas été enregistrés, en particulier sur les programmes nucléaires nord-coréen et syrien.  Dans ce contexte, le représentant a appelé ces deux États à se soumettre aux contrôles de l’AIEA.  Il a par ailleurs plaidé pour la reprise des négociations entre les États-Unis et la Fédération de Russie en ce qui concerne le contrôle des armes nucléaires, comme l’a proposé le Président Obama, et a exprimé son soutien aux négociations sur le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.  S’il n’est pas possible d’y parvenir aux Nations Unies, il faudra saisir un autre cadre, a indiqué le représentant.  Il a également estimé irréaliste de penser que le désarmement nucléaire pourrait s’envisager sans la participation des États dotés.  La question doit également être étudiée sous l’angle de la sécurité des États dotés, a dit le représentant, appelant à la création d’un groupe gouvernemental à composition non limité pour aborder ces questions.  

M. KANG MYONG CHOI (République populaire démocratique de Corée) a estimé que la modernisation d’armes nucléaires et le déploiement accéléré de systèmes de défense par la plus importante puissance nucléaire entraînaient une nouvelle course aux armements.  Il a affirmé que, ce faisant, les États-Unis détournaient l’attention du désarmement nucléaire pour faire de la non-prolifération la plus haute des priorités.  Il s’agit, à son avis, d’une atteinte à la souveraineté des États.  Mon pays appelle au lancement sans délais de négociations sur une convention relative aux armes nucléaires destinée à encadrer leur élimination totale, a lancé le représentant, pour qui les États dotés des plus vastes stocks d’armes nucléaires devraient donner l’exemple en abolissant de manière vérifiable leurs arsenaux.  Dans cette attente, a-t-il poursuivi, les États dotés devraient s’abstenir de menacer les États non dotés d’une utilisation contre eux d’armes nucléaires.  Il a également affirmé que la doctrine de dissuasion nucléaire de la République populaire démocratique de Corée ne servait d’autre cause qu’à garantir la sécurité de son pays et d’empêcher que celui-ci soit la cible et la victime d’agressions et d’attaques.

M. ION JINGA (Roumanie) a souligné la nécessité de la revitalisation de la Conférence du désarmement, la Première Commission ayant selon lui le potentiel pour élaborer des mesures pratiques à cette fin.  Il a par ailleurs souligné que la conclusion d’un accord sur le programme nucléaire iranien avait apporté la preuve que la diplomatie et la négociation étaient des instruments efficaces pour renforcer la sécurité internationale.  Il est maintenant crucial que l’Iran coopère pleinement avec l’Agence internationale de l’énergie atomique, a-t-il estimé, ce pays ayant encore à rassurer la communauté internationale quant à la nature de son programme nucléaire. 

Mme ANDA GRINBERGA (Lettonie) a salué l’accord historique intervenu entre l’E3/UE3 et l’Iran sur le dossier nucléaire iranien et s’est dit persuadé que la mise en œuvre complète et rapide de cet accord serait de nature à renforcer les efforts de non-prolifération et désarmement nucléaire mondiaux.  Au-delà des efforts de mise en œuvre du TNP, la représentante de la Lettonie a souligné l’importance de renforcer le processus intersession du TNP.  Elle s’est dit persuadée que le renforcement du lien entre les comités préparatoires et la conférence d’examen serait de nature à apporter de la valeur ajoutée.  « Un lien intersession plus fort nous permettrait de réduire la pression relative à la quantité de travail à fournir par la conférence d’examen à la fin d’un cycle de négociations », a-t-elle estimé.  Elle a aussi réaffirmé l’importance des efforts bilatéraux et multilatéraux pour faire avancer les objectifs du TNP. 

M. VINICIO MATI (Italie) a salué l’accord sur le nucléaire iranien et sa validation par le Conseil de sécurité, tout en appelant la communauté internationale dans son intégralité à appliquer cet accord.  Il a ensuite affirmé que son pays était disposé à participer à l’établissement d’un climat favorable à l’objectif de la communauté internationale, à savoir l’élimination totale des armes nucléaires.  Ce climat ne saurait être atteint, toutefois, sans l’inclusion dans ce processus des pays dotés et sans tenir compte de leurs intérêts sécuritaires, a-t-il estimé, réaffirmant que la sécurité nucléaire constituait une priorité pour son pays.  

M. GORGUI CISS (Sénégal) a réaffirmé la position de son pays qui milite pour l’éradication totale des activités nucléaires à vocation militaire, et non pour leur simple réduction.  L’heure est à la réflexion sur la persistance de telles armes, estimées à plus de 15 000 réparties sur 9 pays, a précisé le représentant, réaffirmant par ailleurs le soutien de sa délégation à « l’Engagement humanitaire » pris lors de la neuvième Conférence de révision du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de mai 2015.

« En dépit de notre volonté commune, force est de constater que le désarmement nucléaire auquel nous aspirons, devient de plus en plus une utopie », a déploré le représentant, qui regrette que les traités ne prévoient que la destruction de missiles porteurs et des têtes nucléaires, créant ainsi un potentiel nucléaire réversible.  Il est dès lors indispensable, à son avis, de renforcer l’autorité du TNP, notamment par son universalisation.  À ce titre, il a souligné le rôle de premier plan qu’a à jouer l’AIEA dans l’adoption de mesures efficaces en vue d’enrayer la prolifération des armes nucléaires, ce qui suppose des capacités de vérification et de supervision renforcées lui permettant de disposer des moyens et outils adaptés.  Sa délégation déplore par ailleurs le manque de consensus constaté lors de la Conférence de révision du TNP de 2015 et réaffirme que la tenue de la Conférence pour une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient constituerait un pas décisif vers le désarmement nucléaire.  En outre, le Sénégal soutient l’idée d’une Conférence internationale de haut niveau des Nations Unies sur le désarmement nucléaire en 2018, telle que formulée dans la résolution 68/32 de l’Assemblée générale, a conclu le représentant.

M. SIRITHON WAIRATPANIJ (Thaïlande) s’est associé d’emblée à la centaine de pays qui soutiennent « l’Engagement humanitaire » et a salué le changement d’attitude en cours pour mobiliser davantage de parties prenantes autour des conséquences humanitaires des armes nucléaires.  Son pays a coorganisé la table ronde régionale sur ce sujet, qui a eu lieu à Bangkok en mars dernier, a-t-il indiqué.  Le représentant a par ailleurs appelé à l’ouverture de discussions sur le régime juridique international des armes nucléaires soulignant que l’impact de ces armes touche autant les puissances nucléaires que les autres pays, et que par conséquent, il faut élargir le débat.  En dépit des résultats décourageants de la conférence de révision du TNP de 2015, la Thaïlande reste fermement attachée à ce Traité et à sa mise en œuvre car la sécurité nucléaire, conformément aux garanties de l’AIEA, est une question prioritaire pour mon gouvernement, a-t-il dit.  Le représentant a souligné à ce propos que son pays était sur le point de passer une loi sur « l’énergie nucléaire » qui alignera les engagements de la Thaïlande, tant techniques, institutionnels, qu’éducatifs, avec ses obligations internationales pour lui permettre de pleinement tirer profit des applications pacifiques de l’énergie nucléaire.  Cette loi portera également sur les tests nucléaires, a expliqué le représentant, ce qui permettra à son pays de se « rapprocher » de la ratification du TICEN.  La Thaïlande prend également les mesures nécessaires pour pouvoir signer et ratifier la Convention.

M. FU CONG (Chine) a affirmé que les activités nucléaires de son pays étaient ouvertes et transparentes, la Chine ayant toujours appelé à un désarmement nucléaire complet et participé à tous les efforts à la Conférence du désarmement pour l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires.  Mon pays est également favorable à un traité sur l’interdiction de la production des matières fissiles, a dit le représentant, précisant qu’il avait en outre ratifié les protocoles facultatifs à diverses zones exemptes d’armes nucléaires, en particulier celles des sous-régions asiatiques.  Cependant, pour parvenir aux objectifs de la communauté internationale en matière de désarmement nucléaire, il faudra que l’universalité de ce désarmement soit acquise, que le processus se déroule « pas à pas », que les doctrines nucléaires militaires des États changent et que les équilibres stratégiques soient maintenus.

Pourtant, au fil des années, le Japon a accumulé des quantités énormes de matières nucléaires, au-delà même de ses besoins légitimes, a souligné le représentant, estimant que le Japon possédait actuellement près de 1 200 kg d’uranium hautement enrichi, et environ 47,8 tonnes de plutonium séparé, dont 10,8 tonnes sur son territoire.  Cette quantité est suffisante pour fabriquer 1 350 têtes nucléaires, a expliqué le représentant de la Chine, ajoutant que cette situation contredit les positions politiques du Japon concernant les excédents de plutonium.  Cette accumulation de matières nucléaires a interpellé le représentant chinois, qui a en outre souligné que certains responsables politiques japonais plaidaient actuellement ouvertement en faveur de la nucléarisation militaire de leur pays.  La communauté internationale doit se pencher sur ce problème, a–t-il conclu.    

M. NGUYEN KHANH TOAN (Viet Nam) a notamment salué les conférences sur la dimension humanitaire des armes nucléaires, en espérant qu’elles entraîneraient une mobilisation accrue en faveur d’un monde sans armes de ce type.  Il a en outre exhorté les États Membres à dépasser leurs différends en progressant de manière pratique vers l’élimination totale des armes nucléaires.

Droits de réponse

Le Japon a répondu à la Chine que toutes les matières sensibles du pays étaient placées sous le régime de vérification de l’Agence internationale de l’énergie atomique, celle-ci ayant reconnu de longue date leur nature pacifique.  Le représentant a assuré que les activités nucléaires du Japon étaient transparentes « et que nous dévoilons totalement notre situation sur l’uranium hautement enrichi auprès de l’Agence ».  « Nos efforts sont reconnus par l’Agence et la communauté internationale », a-t-il indiqué.

La Chine a déclaré que, quoi qu’en dise le Japon, des faits fondamentaux sont avérés: « Le Japon est le seul État non doté avec un cycle complet du nucléaire et un immense stock de matières nucléaires qui, d’ailleurs, n’a cessé d’augmenter », a affirmé le représentant chinois.  Pourquoi le Japon a-t-il besoin de telles quantités de plutonium séparé? s’est-il demandé.

Le Japon a répondu que la politique de son pays était orientée sur la défense nationale.  Nous sommes un pays épris de paix qui n’a pas l’intention de devenir une puissance nucléaire, a assuré le représentant japonais.

La Chine a déploré que le Japon ne réponde pas à ses questions.  Pourquoi le Japon a-t-il besoin de tant de matières fissiles, en l’occurrence de quoi fabriquer plus de 1 000 bombes atomiques? a de nouveau demandé le représentant chinois.  

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