Première Commission: certaines puissances nucléaires se prononcent pour une démarche pragmatique en matière de désarmement nucléaire
La Commission entend également des responsables des mécanismes de désarmement des Nations Unies
La Première Commission, chargée du désarmement et de la sécurité internationale, a entamé ce matin ses débats thématiques par une séance consacrée aux armes nucléaires.
Les délégations qui ont pris la parole à cette occasion, certaines s’exprimant au nom de groupes régionaux, ont toutes réaffirmé leur rejet des armes nucléaires, dont l’utilisation serait catastrophique et contraire à la Charte des Nations Unies.
De l’avis du représentant de la Jamaïque, au nom de la CARICOM, ces armes ne serviraient à rien, ni dans la lutte contre le terrorisme, ni contre l’extrémisme, ni contre la criminalité transnationale organisée ou la cybercriminalité, sauf à offrir des arguments moraux aux « États voyous » et aux groupes non étatiques qui veulent en posséder. Pour la représentante de l’Uruguay, au nom de l’Union des nations de l’Amérique du Sud (UNASUR), ces armes présentent même un danger, y compris pour les États qui en possèdent. C’est pourquoi l’UNASUR souhaiterait la tenue, d’ici à 2018, d’une conférence internationale chargée de recenser toutes les mesures pour parvenir à une convention les interdisant et les éliminant totalement.
Pour sa part, le représentant du Mexique a estimé que la possession de ces armes ne devrait plus être à la base de la doctrine de sécurité de tant d’États Membres des Nations Unies, alors que le représentant de la Suisse a souligné les dangers que représenterait l’immobilisme en matière de désarmement nucléaire, d’autant que des informations récemment publiées sur un certain nombre d’incidents évités de justesse dans ce domaine sont de nature à inquiéter. Dans ce contexte, la seule mesure concrète qui vaille serait la réduction du statut opérationnel et du niveau d’alerte des armes, a indiqué le représentant du Chili, au nom du Groupe de la levée de l’état d’alerte.
De leur côté, les puissances nucléaires intervenues ce matin ont continué de plaider pour une démarche progressive en matière nucléaire. Pour le représentant des États-Unis, malgré les appels de « ceux qui demandent une démarche alternative et immédiate ou soulignent les conséquences humanitaires des armes nucléaires », la réalité est que le désarmement nucléaire ne se fera pas du « jour au lendemain », mais par une approche pragmatique comme celle adoptée par son pays, en particulier dans l’Accord de limitation des armements stratégiques qui le lie à la Fédération de Russie. Dans ce cadre, les États-Unis ont réduit de près de 85% ses stocks stratégiques par rapport à 1967, a précisé le représentant.
La représentante de la France a répondu à « ceux qui estiment que le désarmement nucléaire ne va pas assez vite et pas assez loin », que cet objectif ne saurait être réduit à une incantation, mais se construit à travers une approche graduelle fondée sur des mesures concrètes et pragmatiques. À présent, la France ne dispose plus que de 300 armes nucléaires et a réduit le niveau d’alerte de nombreux dispositifs stratégiques, a-t-elle précisé.
Non officiellement reconnue comme puissance nucléaire, le représentant d’Israël a, de son côté, estimé que malgré ses mérites, le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires n’a pas été en mesure d’empêcher des violations, notamment dans la région du Moyen-Orient qui le concerne au premier chef. Il ne sera pas possible d’avancer vers un Moyen-Orient exempt d’armes de destruction massive sans des négociations directes entre les pays de la région et la réalisation d’un consensus sur la question, a-t-il affirmé, déplorant par ailleurs que les pays de la sous-région ne disposent d’aucun forum où ils peuvent communiquer directement sur des questions touchant leur sécurité collective.
Certaines délégations, comme celle de l’Afrique du Sud, au nom de la Coalition du Nouvel agenda, et l’Autriche ont présenté des projets de résolution portant sur la réalisation d’un monde exempt d’armes nucléaires, les conséquences humanitaires des armes nucléaires et la « Promesse humanitaire » adoptée lors de la dernière Conférence de Vienne sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires.
En début de séance, la Première Commission a entendu les principaux responsables des mécanismes de désarmement de l’ONU. Le Haut-Représentant par intérim pour les affaires de désarmement, M. Kim Won-Soo, a indiqué que, suite à la confirmation de l’usage d’armes chimiques en Syrie, le Secrétaire général avait lancé un mécanisme d’enquête en collaboration avec l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), qui, avec INTERPOL et l’Organisation mondiale de la Santé, devrait permettre d’intensifier considérablement les réponses de la communauté internationale face à la menace des armes chimiques. Le Secrétaire exécutif de la Commission préparatoire de l’Organisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN), M. Lassina Zerbo, a pour sa part souligné qu’à l’origine, la Commission préparatoire dont il a la charge, a été établie pour trois ans. Or, cela fait maintenant près de 20 ans qu’elle s’efforce d’insuffler la confiance nécessaire entre États; il appartenait désormais à ceux-ci de passer à l’action pour accélérer l’entrée en vigueur du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN), a-t-il estimé.
Le Secrétaire général de la Conférence du désarmement, M. Michael Møller, a également déploré que le TICEN, dernier traité sur le désarmement à avoir été négocié, ne soit toujours pas entré en vigueur. Le blocage prolongé de la Conférence du désarmement risque à son avis d’inciter les États à se tourner vers d’autres enceintes, ce qui achèverait d’entamer la crédibilité de l’ONU dans ce domaine. Le Directeur général adjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, M. Hamid Ali Rao, a, quant à lui, indiqué que son organisation avait détruit 90% des stocks d’armes chimiques déclarés de la Syrie, affirmant que la priorité serait désormais d’anticiper les risques de voir des armes non déclarées ou dissimulées tomber entre les mains d’acteurs non étatiques. La Représentante personnelle du Directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Mme Tracy Brown, a déploré, de son côté, que 12 États continuent de refuser de signer les accords de garantie de sauvegarde, en dépit des 2 800 incidents nucléaires qui ont été rapportés depuis 1995.
La Première Commission poursuivra son débat thématique sur les armes nucléaires demain, mardi 20 octobre, à 10 heures.
DÉBAT THÉMATIQUE SUR LES QUESTIONS À L’ORDRE DU JOUR ET PRÉSENTATION ET EXAMEN DE TOUS LES PROJETS DE RÉSOLUTION ET DE DÉCISION PRÉSENTÉS AU TITRE DES POINTS DE L’ORDRE DU JOUR
Dialogue avec le Haut-Représentant par intérim pour les affaires de désarmement et d’autres hauts fonctionnaires sur la situation actuelle dans le domaine de la maîtrise des armements et du désarmement et sur le rôle des organisations internationales dotées de mandats en la matière
M. KIM WON SOO, Haut-Représentant par intérim pour les affaires de désarmement, a déclaré que la confirmation de l’usage d’armes chimiques en Syrie place les Nations Unies dans l’obligation d’agir. C’est pourquoi le Secrétaire général a lancé un mécanisme d’enquête en lien avec l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), a-t-il expliqué, soulignant que ce mécanisme, chargé de travailler avec INTERPOL et l’Organisation mondiale de la Santé, devrait permettre d’intensifier considérablement les réponses de la communauté internationale face à la menace des armes chimiques. La signature de l’accord sur le nucléaire iranien devrait également entraîner l’intensification de la coordination entre INTERPOL et l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pour la mise en œuvre de la résolution 2231 du Conseil de sécurité, a-t-il ajouté. Concernant le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN), le Haut-Représentant par intérim a lancé un appel aux 25 États qui n’ont pas encore ratifié cet instrument à le faire rapidement, ajoutant que chaque nouvelle ratification renforce les normes contre les essais nucléaires.
M. Kim a également évoqué le concours d’affiche pour la paix lancé par les Nations Unies. Le concours sera officiellement lancé en janvier prochain et a pour but de sensibiliser sur les dangers des armes nucléaires et promouvoir un monde exempt de ces armes, a-t-il dit. Le lauréat sera connu en mars 2016. L’Université pour la paix, le Centre de désarmement et de non-prolifération de Vienne et l’Agence internationale de l’énergie atomique dispenseront en outre des formations sur le désarmement nucléaire destinées aux étudiants de l’Université, mais aussi aux communautés intéressées par le désarmement, a précisé le Haut-Représentant par intérim, indiquant que l’aide financière et politique des États est fortement attendue.
M. LASSINA ZERBO, Secrétaire exécutif de la Commission préparatoire de l’Organisation du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires, a souligné que depuis l’ouverture à ratification du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICEN) un seul pays avait violé le moratoire sur les essais nucléaires en vigueur. Il faut toutefois continuer de rechercher l’entrée en vigueur de ce Traité car il ne faut pas oublier les graves conséquences, notamment humanitaires, de ces armes, a poursuivi le Secrétaire exécutif, citant les pertes humaines et destructions des villes de Nagasaki et d’Hiroshima ou les dégâts infligés dans les îles du Pacifique. C’est aux États Membres de prendre les choses en main, a dit M. Zerbo, observant que la Commission préparatoire dont il a la charge avait été mandatée au départ pour trois ans, mais qu’elle siège toujours au bout de presque 20 ans. Elle a bien joué son rôle, en insufflant la confiance nécessaire entre États, a-t-il dit, mais il appartient à ceux-ci maintenant de faire le nécessaire pour accélérer l’entrée en vigueur du TICEN.
M. MICHAEL MØLLER, Secrétaire général de la Conférence du désarmement, a fait part de sa frustration en raison du peu de progrès réalisé dans le domaine du désarmement au cours des 20 dernières années. « Le Traité d’interdiction complète des essais nucléaires est le dernier à avoir été négocié et il n’est toujours pas entré en vigueur et nous ne pouvons honorer notre mandat en tant qu’unique forum multilatéral de négociation des traités de désarmement », a-t-il souligné. Évoquant la possibilité qu’en cas de blocage prolongé de la Conférence du désarmement les pays finissent par se tourner vers d’autres enceintes –« ce qui achèverait d’entamer la crédibilité et la confiance pour l’ONU »-, il a réaffirmé sa foi dans la pertinence et l’utilité potentiellement essentielle de la Conférence. « Nous avons besoin d’une Conférence du désarmement modernisée et renforcée: tel reste en tout cas le vœu du Secrétaire général de l’ONU », a poursuivi M. Møller.
Il a ajouté qu’en l’absence de consensus, les nombreux points de convergence enregistrés à Genève pourraient suffire pour que reprennent les négociations sur le fond. « Nous pourrions faire intervenir les régimes juridiquement contraignants plus tard, après les négociations », a proposé le Secrétaire général de la Conférence du désarmement. Pour sortir de l’impasse, il a également dit compter sur les travaux du Groupe à composition illimitée créé par l’Assemblée générale et sur les échanges entre la Conférence et la société civile, l’expertise de cette dernière devant enrichir les débats entre États Membres. M. Møller a aussi souhaité que la Conférence s’ouvre à des discussions sur d’autres points que les points centraux figurant à son ordre du jour, comme la cybersécurité et les robots tueurs. Enfin, il a appuyé le projet de résolution de la France sur l’appui financier à l’Institut des Nations Unies pour la recherche sur le désarmement (UNIDIR), dont les travaux, a-t-il dit, représentent une contribution intellectuelle majeure pour les diplomates et le grand public.
M. HAMID ALI RAO, Directeur général adjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC), a indiqué que jamais l’Organisation n’avait travaillé à un rythme aussi soutenu que dans le cadre du démantèlement de l’arsenal chimique de la Syrie. Avec plus de 90% des stocks déclarés détruits, nous sommes dans les temps pour une éradication complète en 2023, a-t-il précisé, affirmant qu’il fallait désormais anticiper les risques accrus que des armes chimiques non déclarées ou dissimulées tombent entre les mains d’acteurs non étatiques, l’État islamique ayant utilisé des armes de ce type en Syrie et en Iraq au cours des deux dernières années. M. Rao a rappelé au renforcement des capacités techniques et financières de l’Organisation, ainsi qu’à la révision des normes de non-prolifération en vigueur afin de lui permettre de répondre aux problèmes posés par l’émergence possible d’un terrorisme chimique. La Convention sur les armes chimiques doit devenir universelle dans les meilleurs délais, a-t-il également souligné.
Mme TRACY BROWN, Représentante personnelle du Directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), a déclaré que son agence appuyait l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, estimant que les garanties de sauvegarde contre la prolifération de ce type d’armes étaient un outil essentiel de son travail. Aujourd’hui, 182 États ont signé ces accords de garanties de sauvegarde avec l’AIEA, dont 174 ne sont pas des puissances nucléaires. En revanche, a-t-elle précisé, 12 États n’en sont pas encore signataires, car ils estiment que l’agence n’est pas en mesure de fournir des garanties dans ce domaine. Aujourd’hui, toutefois, la situation est en train d’évoluer, avec un nombre croissant de pays qui veulent ou installent de nouvelles centrales nucléaires à la technologie de plus en plus complexe, ce qui a entraîné l’AIEA à travailler avec ses États membres à la conceptualisation et le développement de garanties au niveau national. Ce concept consiste à définir des mesures de garanties d’une manière qui considère comme un tout les activités et les capacités nucléaires et liées au nucléaire d’un État, a-t-elle précisé. Mme Brown a également indiqué que depuis 1995, les États membres de l’AIEA ont rapporté près de 2 800 incidents concernant des matériels nucléaires, parfois susceptibles d’infliger des dégâts considérables. La sécurité nucléaire incombe aux États, y compris aux États qui n’ont pas de matériels nucléaires ou des pays de transit, a dit la représentante.
Déclarations
M. THOMAS MAJNOCZI (Autriche), au nom de l’Initiative humanitaire, a estimé que les opportunités que les armes nucléaires soient effectivement utilisées existaient toujours, le « devoir » de la communauté internationale étant de réduire ce risque potentiel en levant l’état d’alerte des têtes nucléaires. Il faut, en effet, a-t-il dit, limiter strictement le rôle des armes nucléaires dans les doctrines de sécurité. Le représentant a cependant souligné que la seule garantie contre le risque éventuel d’une détonation nucléaire était l’élimination totale de toutes les armes de cette nature. Il a également rappelé qu’aucun pays ou groupe de pays et organisation internationale ne pourrait être en mesure de répondre aux besoins humanitaires d’une population touchée par l’explosion d’une bombe atomique. S’il doit y avoir une coopération entre États quant à la dimension humanitaire des armes nucléaires, celle-ci doit se concentrer sur la prévention, a-t-il estimé. À cette fin, il a demandé l’instauration d’un cadre juridique contraignant et complet d’interdiction de la possession, du transfert, de la production et de l’utilisation des armes nucléaires.
M. KAMAPRADIPTA ISNOMO (Indonésie), au nom du Mouvement des non-alignés, a rappelé la décision de l’Assemblée générale de tenir, au plus tard en 2018, une conférence de haut niveau destinée à examiner les progrès réalisés en matière de désarmement nucléaire. Il a estimé important d’intégrer à toutes les délibérations sur le désarmement nucléaire la dimension humanitaire des armes nucléaires. Les conférences sur le sujet tenues en Norvège, à Nayarit et Vienne, ont montré clairement les risques dévastateurs que feraient encourir à la communauté internationale une détonation nucléaire, a-t-il déclaré, indiquant que tout usage d’une arme atomique constituerait une violation de la Charte des Nations Unies et un crime contre l’humanité. Estimant que seule l’élimination totale des armes nucléaires et l’assurance donnée qu’aucune arme de ce type ne serait jamais utilisée contre un État non doté pourrait empêcher la survenue d’une catastrophe atomique, le représentant a demandé la conclusion sans délais d’un instrument international juridiquement contraignant sur les garanties négatives de sécurité aux États non dotés.
Mme CRISTINA CARRIÓN (Uruguay), au nom de l’Union des nations de l’Amérique du Sud (UNASUR), a déclaré que ses États membres sont prêts à agir pour la destruction totale des armes nucléaires, car ces armes représentent une menace réelle, y compris pour les États qui les possèdent, a-t-elle dit, appelant à une accélération du processus d’élaboration d’une convention les interdisant et les éliminant totalement. Dans cette optique, l’UNASUR appelle à la tenue d’une conférence internationale, d’ici à 2018 au plus tard, afin de recenser toutes les mesures pour parvenir à un tel objectif, a déclaré la représentante.
La représentante a également exprimé l’attachement des membres de son groupe à l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient, cela devant contribuer à leur avis à la paix dans cette région et dans le monde, et fait part de leur déception devant l’échec de la Conférence d’examen du TNP en mai dernier, incapable de s’entendre sur la tenue d’une conférence sur la question. La représentante de L’UNASUR a également appelé les États dotés à retirer leurs réserves interprétatives à l’Accord de Tlatelolco, établissant une zone exempte d’armes nucléaires en Amérique du Sud et dans les Caraïbes.
M. COURTENAY RATRRAY (Jamaïque), au nom de la CARICOM, a estimé que l’utilisation ou même la menace d’utiliser les armes nucléaires constituaient un crime contre l’humanité, au titre de la Charte des Nations Unies. Ces armes ne servent à rien, ni dans la lutte contre le terrorisme, ni contre l’extrémisme, ni contre la criminalité transnationale organisée ou la cybercriminalité, a-t-il souligné, sauf à donner des arguments moraux aux « États voyous » et aux groupes non étatiques pour justifier leur volonté d’en posséder. Pour les États de la CARICOM, il est urgent de négocier l’élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant sur l’utilisation et la menace d’utilisation de ces armes, a dit le représentant. M. Rattray a également estimé important de poursuivre des discussions sur l’interdiction des matières fissiles, afin de parvenir à un accord contraignant sur la question. La CARICOM est également favorable à l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient, car elle permettrait de ramener la paix dans la région, a-t-il conclu.
M. MICHIEL COMBRINK (Afrique du Sud), au nom de la Coalition du Nouvel Agenda, a présenté le projet de résolution portant sur la réalisation d’un monde exempt d’armes nucléaires. Il a précisé que, cette année, le texte a réaffirmé les préoccupations de la Coalition quant aux conséquences humanitaires des armes nucléaires et soulignait le rôle fondamental du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires pour réaliser le désarmement nucléaire. Le projet de résolution appelle ainsi les États parties au Traité à en promouvoir l’universalité et à la reprise de pourparlers sur la dénucléarisation de la péninsule coréenne, a également noté le représentant. Il a encouragé tous les États à réaffirmer leur engagement en faveur du désarmement nucléaire en adoptant ce texte par le consensus le plus large possible.
M. JORGE LOMÓNICO (Mexique) a souhaité que les armes nucléaires cessent « enfin » d’être la base de la doctrine de sécurité de tant d’États Membres des Nations Unies. Les réunions sur la dimension humanitaire des armes nucléaires ont créé, cette année, une dynamique sans précédent et nécessaire pour faire un saut qualitatif vers un monde exempt d’armes nucléaires, a-t-il assuré. Pour le représentant mexicain, la doctrine de la dissuasion nucléaire est irrecevable tant que les États non dotés n’auront pas reçu toutes les assurances de protection contre l’usage d’armes nucléaires. Afin que « les nations ne soient plus unies par la peur et le manque de confiance », il a plaidé en faveur d’un instrument international juridiquement contraignant sur les garanties négatives de sécurité aux États non dotés d’armes nucléaires. Il a demandé aux États dotés de cesser de reporter cette avancée importante, devenue d’autant plus pressante « que se font actuellement entendre d’inquiétants échos de la guerre froide ».
M. BENNO LAGGNER (Suisse) a déclaré que rester immobile sur le désarmement nucléaire n’est pas une solution et que toute régression serait inacceptable. Pour la Suisse, les consensus acquis dans les documents finaux des précédentes Conférences d’examen du TNP et dans le Plan d’action de 2010 doivent être respectés et mis en œuvre, y compris par les États dotés non membres du TNP. Il est également primordial de progresser vers in instrument international juridiquement contraignant en ce qui concerne la production et l’interdiction des matières fissiles à usage militaire, qui exigera la contribution active de tous les États, a dit le représentant.
M. Laggner a également estimé que les débats autour des conséquences humanitaires des armes nucléaires peuvent approfondir la compréhension collective en ce qui concerne les menaces posées par ces armes. C’est pour cela qu’il est primordial à son avis de réduire le risque d’une utilisation découlant d’une erreur de calcul ou d’un accident. Or les informations qui ont récemment été rendues publiques sur un certain nombre d’incidents évités de justesse sont troublantes, a indiqué le représentant, ajoutant que des actions concrètes et efficaces afin de réduire la disponibilité opérationnelle des systèmes nucléaires doivent être prises par les États dotés de ces armes.
M. ROBERT A. WOOD (États-Unis) a réaffirmé que son pays était déterminé à rechercher la paix et la sécurité dans un monde exempt d’armes nucléaires, comme l’a dit le Président Obama en avril 2015. C’est à cette fin que les États-Unis ont revu leur position sur l’arme nucléaire, ayant signé avec la Fédération de Russie, un nouveau traité START, dit START 2 (Traité entre les États-Unis d’Amérique et l’Union des Républiques socialistes soviétiques sur la réduction et la limitation des armements stratégiques offensifs). En outre, le Président Obama a annoncé en 2013 que les États-Unis seraient disposés à ouvrir de plus larges discussions avec la Fédération de Russie sur la réduction d’un tiers supplémentaire du nombre d’armes stratégiques prévu dans cet Accord.
Les États-Unis entendent les voix de ceux qui mettent en avant les conséquences humanitaires des armes nucléaires et réclament une démarche alternative et immédiate. Mais la réalité est que le désarmement nucléaire ne se fera pas du « jour au lendemain », a poursuivi dit le représentant, indiquant que son pays adoptait une approche pragmatique sur la question. Ainsi, avec la Fédération de Russie, les États-Unis ont progressivement mis en œuvre le plus important traité de contrôle des armes des 20 dernières années, a-t-il précisé. Les stocks stratégiques de ces deux puissances nucléaires sont tombés en dessous des seuils de 1950 et rien qu’aux États-Unis, les stocks ont été réduits de près de 85% par rapport à 1967.
M. Wood a également affirmé que son pays n’utiliserait jamais ses armes nucléaires contre des pays n’en disposant pas. Les États-Unis n’élaborent en outre pas de nouvelles armes ni ne procèdent à des nouveaux essais, et les programmes de modernisation ne visent que la sécurité des installations et des armes, a encore assuré le représentant. Il a également affirmé que son pays a réduit ses stocks de matières fissiles à usage militaire, notamment plus de 146 tonnes métriques d’uranium enrichi sont sous le contrôle de l’AIEA. Les États-Unis sont par ailleurs engagés à la Conférence du désarmement pour faire avancer les discussions sur la production des matières fissiles et tiennent au régime de non-prolifération de l’AIEA, a affirmé le représentant, soulignant que son pays entendait collaborer pour la mise en œuvre de ses obligations en matière de désarmement nucléaire.
Au nom du Groupe de la levée de l’état d’alerte, M. CRISTIAN BARROS MELET (Chili) a jugé que réduire le statut opérationnel et le niveau d’alerte des armes nucléaires constituait une mesure concrète de désarmement nucléaire. Il a noté que les États détenteurs de l’arme nucléaire ont reconnu dans le document final de la Conférence d’examen 2010 l’intérêt légitime des États non détenteurs de l’arme nucléaire pour la question de la réduction du statut opérationnel des systèmes d’armes nucléaires. Il a expliqué que cet intérêt n’a pas diminué notamment depuis 2010 avec l’accent mis sur les conséquences humanitaires terribles du recours à l’arme nucléaire. Il a dit que les preuves présentées dans le cadre des conférences de l’Initiative humanitaire d’Oslo, de Nayarit et de Vienne ont permis de mettre en lumière la nécessité urgente d’éliminer les armes nucléaires, ce qui est le meilleur moyen de garantir leur non-utilisation. Le représentant du Chili a indiqué que son groupe avait avancé un certain nombre de propositions dans le « Document de travail 21 » présenté à la Conférence d’examen 2015. Parmi ces propositions, figure un appel aux États dotés de l’arme nucléaire afin qu’ils prennent des mesures dans le domaine des doctrines et postures nucléaires ainsi que des structures des forces pour parvenir à des réductions du niveau d’alerte des armes nucléaires, a-t-il précisé.
M. MUSTAPHA ABBANI (Algérie) a appelé à la pleine mise en œuvre des articles 4 et 6 du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, ainsi qu’à l’élaboration d’un instrument international juridiquement contraignant sur les garanties négatives de sécurité aux États non dotés d’armes nucléaires. Il a également souligné le rôle utile des zones exemptes d’armes nucléaires dans la stabilité régionale, et, à cet égard, déploré la persistance d’obstacles qui entravent la mise en place d’une zone de ce type au Moyen-Orient, ajoutant que ce projet avait été lancé par l’Assemblée générale des Nations Unies il y a plus de 20 ans.
Mme ALICE GUITTON (France) a cité le Président François Hollande, pour qui « la France est une puissance de paix et partage donc l’objectif du désarmement nucléaire quand le contexte stratégique le permettra ». Elle a ainsi noté que « les perspectives de désarmement ne doivent progresser qu’en garantissant une sécurité non diminuée pour tous ». La représentante française a salué la conclusion, le 14 juillet dernier, de l’accord sur le programme nucléaire iranien, la France ayant été pleinement investie dans la négociation pendant près de 10 ans. « La France est satisfaite mais vigilante, car nous ne sommes qu’au début d’un long processus de restauration de la confiance », a expliqué Mme Guitton. Elle a, par ailleurs, exhorté la République populaire démocratique de Corée, « qui menace de procéder à de nouvelles provocations majeures », de renoncer sans tarder à ses programmes nucléaires et balistiques et de respecter les résolutions du Conseil de sécurité la concernant.
Répondant à ceux qui estiment que « le désarmement nucléaire ne va pas assez vite et pas assez loin », la représentante française a affirmé que cet objectif ne saurait être réduit à une incantation: « le désarmement nucléaire se construisant à travers une approche graduelle basée sur des mesures concrètes et pragmatiques ». Mme Guitton a souligné la pertinence du cadre normatif instauré par le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, affirmant que son pays assumerait pleinement ses responsabilités d’État doté. La dissuasion française, a-t-elle précisé, est conforme au droit international et les mesures que nous prenons sont aussi conformes au principe de stricte suffisante. Indiquant que la France ne disposait plus que de 300 armes nucléaires, elle a également signalé la baisse du niveau d’alerte de nombreux dispositifs stratégiques français. Enfin, après avoir rappelé que la France avait été le premier État doté à avoir ratifié le TICEN et baissé le niveau qualitatif de ces armes nucléaires, elle a déclaré que les assurances de sécurité données aux États non dotés par son pays « restaient pleinement valides ».
En sa capacité nationale, M. MAJNOCZI (Autriche) a déploré que certains États continuent de justifier la possession d’armes nucléaires en refusant ce droit à d’autres. Cela représente un risque pour le régime de non-prolifération, a prévenu le représentant, ajoutant qu’il faut avancer vers un désarmement complet. C’est pour cette raison que la délégation de l’Autriche présentera deux projets de résolution, dont un sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires. Ce projet souligne que la survie de l’humanité ne peut être garantie que par la destruction de ces armes et appelle tous les États à prendre toutes les mesures pour parvenir à cet objectif, a-t-il précisé. L’autre résolution porte sur la « Promesse humanitaire » adoptée lors de la dernière Conférence de Vienne sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires. Ce texte exhorte, entre autres, les délégations à mettre en œuvre toutes les mesures nécessaires pour combler le vide existant en matière d’élimination des armes nucléaires et appelle les États dotés à prendre des mesures intermédiaires en vue d’éviter toute détonation.
M. ALVARO MENDONCA MOURA (Portugal) a affirmé que le TNP constituait la pierre angulaire du désarmement et de la non-prolifération nucléaire et offrait en même temps un cadre juridique international crucial pour la promotion de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire. Il a regretté que la récente Conférence d’examen n’ait pu parvenir à un consensus avant de proposer que l’on s’appuie sur les petits progrès réalisés pour préparer le prochain cycle de négociations. Il a exhorté le République populaire démocratique de Corée (RPDC) à respecter ses obligations internationales relatives au TNP et à l’ensemble des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité et le conseil d’administration de l’AIEA. « Nous appelons aussi la République arabe syrienne à respecter la résolution adoptée en 2011 par le conseil d’administration de l’AIEA », a ajouté le représentant du Portugal.
M. MICHAL SEHAYEK-SOROKA, Directeur adjoint du Ministère des affaires étrangères d’Israël, a affirmé qu’Israël était un participant actif au processus du Sommet sur la sécurité nucléaire et adhérait au Code de conduite sur la sûreté et la sécurité des sources radioactives de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Préoccupé par le fait que des matériaux radioactifs et nucléaires puissent être utilisés dans le contexte d’actes terroristes, Israël a signé la Convention internationale pour la répression des actes de terrorisme nucléaire et ratifié la Convention sur la protection physique de matériaux nucléaires, y compris son amendement 2005, a-t-il précisé, soulignant que son pays aussi était un partenaire de l’Initiative mondiale de lutte contre le terrorisme nucléaire.
Par ailleurs, le représentant d’Israël a réaffirmé l’importance du TNP pour la non-prolifération en relevant que quatre des cinq cas de non-respect du TNP émanaient de pays du Moyen-Orient -l’Iran, l’Iraq, la Syrie et la Lybie. Quant au cinquième, la République populaire démocratique de Corée (RPDC), il est aussi impliqué dans la prolifération de l’arme nucléaire au Moyen-Orient, a indiqué M. Sehayek-Soroka. « Malgré ses mérites, le TNP n’a pas été en mesure d’empêcher des violations et d’y remédier », a expliqué le représentant, avant de regretter que la Conférence d’examen 2010 du TNP n’ait pas mentionné l’Iran comme acteur de violations du TNP, malgré de nombreuses résolutions du Conseil de sécurité et de l’AIEA en ce sens.
Le représentant a prévenu qu’il ne serait pas possible d’avancer vers un Moyen-Orient exempt d’armes de destruction massive sans des négociations directes entre les pays de la région et la réalisation d’un consensus sur la question. Il a dit regretter que les pays du Moyen-Orient ne disposent d’aucun forum où ils peuvent communiquer directement sur des questions clefs affectant leur sécurité collective et individuelle. Il a assuré de la volonté d’Israël d’ouvrir le dialogue avec ses voisins sur toutes les questions relatives à la sécurité régionale, rappelant que son pays a participé en 2013 et 2014 en Suisse à cinq cycles de négociations multilatérales sous les auspices du Vice-Ministre finlandais Laajava, avant de conclure que les pays arabes préféraient la voie de la confrontation par le biais de résolutions qu’il a qualifiées de source de division.
Droits de réponse
Le représentant de la République populaire démocratique de Corée a répondu à la France qu’il faudrait qu’elle mesure mieux la situation dans la péninsule coréenne: « Qui est à l’origine des tensions et qui cherche la négociation? » s’est-il demandé. Il a ensuite réaffirmé que son pays avait été obligé de développer l’arme nucléaire pour répondre aux menaces des États-Unis, seuls responsables selon lui de la nucléarisation de la péninsule. Le représentant a indiqué que son pays était en faveur de la signature d’un traité de paix, « qui nécessite l’implication des États-Unis et donc l’abandon de la politique d’hostilité de ces derniers.
Les États-Unis ont répondu en répétant qu’ils ne menaçaient pas la République populaire démocratique de Corée avec des armes nucléaires et que celle-ci devait assumer ses obligations internationales en matière de dénucléarisation de la péninsule coréenne. « Les États-Unis ne reconnaissent pas la République populaire démocratique de Corée en tant qu’État doté de l’arme nucléaire », a aussi précisé le représentant américain.
Le représentant de la République populaire démocratique de Corée a réagi en notant que c’était grâce à la politique de dissuasion de son pays qu’une guerre dans la péninsule coréenne avait pu être évitée. Il a répété que les États-Unis devaient abandonner leur politique afin d’avancer sur la voie d’un traité qui seul permettrait d’instaurer une paix durable dans la région. Des mesures de confiance sont nécessaires pour mettre fin à la course aux armements dans la péninsule, a-t-il estimé.