La Première Commission achève son débat général
La Première Commission (désarmement et sécurité internationale) a achevé aujourd’hui son débat général au cours duquel elle a entendu les interventions d’une centaine de délégations.
Le débat général a permis aux intervenants de plaider en faveur d’un monde sans armes nucléaires. À cette aune, la conclusion, le 14 juillet 2015, de l’Accord préliminaire de Genève sur le programme nucléaire iranien (« Plan d’action conjoint ») a été considérée comme une preuve de l’efficacité de la diplomatie multilatérale sur les questions de sécurité les plus complexes. Le débat général a également fourni l’occasion aux différents intervenants de réaffirmer leur appui à la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient, la nécessité de sortir de l’impasse le mécanisme onusien de désarmement, de réduire les budgets militaires et de soutenir les activités de désarmement régional.
Sur ce dernier point, le Népal a estimé que les plus 1,7 trillion de dollars consacrés chaque année aux dépenses militaires devraient être alloués aux activités vitales de développement, en particulier la lutte contre l’extrême pauvreté. Par ailleurs, l’importance de prévenir toute militarisation de l’espace par des mesures fortes a également été soulignée. Tous ces points feront l’objet de projets de résolution qui seront présentés à partir du lundi 2 novembre.
Certaines délégations ont également souligné le besoin d’améliorer les mesures prises au niveau régional contre la prolifération des armes légères et de petit calibre (ALPC). La Jordanie et le Maroc ont affirmé que les conflits au Moyen-Orient attisaient la course aux armements et la prolifération des ALPC, exhortant la communauté internationale à faire appliquer les instruments juridiquement contraignants en vigueur, compte tenu des besoins spécifiques des communautés les plus durement touchées.
Pour sa part, le représentant du Maroc a déclaré appuyer fermement la mise en œuvre du Programme d’action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects et l’entrée en vigueur du Traité sur le commerce des armes « face à la recrudescence des activités terroristes en Afrique du Nord et dans l’espace sahélo-saharien ».
La Première Commission amorcera son débat thématique lundi, à 10 heures, lors duquel elle entendra notamment des représentants d’organisations internationales de désarmement.
DÉBAT GÉNÉRAL SUR TOUS LES POINTS DE L’ORDRE DU JOUR RELATIFS AU DÉSARMEMENT ET À LA SÉCURITÉ INTERNATIONALE
Déclarations
M. NURAN NIYAZALIEV (Kyrghizstan) a indiqué que son pays soutenait l’initiative dite « Promesse humanitaire » destinée à sensibiliser à la dimension humanitaire des armes nucléaires. Nous sommes prêts à appuyer tout projet de résolution sur le sujet, a-t-il ajouté, surtout si un tel texte souligne les ravages environnementaux causés par l’extraction d’uranium dans les processus de production du combustible nucléaire. Le représentant a également indiqué que son pays appuierait le projet de résolution soumis à la Commission sur la prévention de la militarisation de l’espèce extra-atmosphérique. Toute négociation sur un accord juridiquement contraignant devrait être conduite sous les auspices des Nations Unies, a-t-il estimé.
M. MOH’D KAIS MUFLEH ALBATAYNEH (Jordanie) a plaidé en faveur de la réalisation d’un monde exempt d’armes nucléaires. Une zone exempte d’armes de ce type au Moyen-Orient contribuerait à renforcer l’environnement sécuritaire ainsi que le régime « en berne » du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, a-t-il dit. Israël doit adhérer au Traité et soumettre toutes ses installations au système de vérification de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), conformément aux résolutions pertinentes de l’Assemblée générale, du Conseil de sécurité et de l’Agence elle-même, a estimé le représentant. Les conflits au Moyen-Orient attisent la course aux armements et la prolifération des armes légères et de petit calibre, a-t-il encore déclaré, exhortant la communauté internationale à faire appliquer les instruments juridiquement contraignants en vigueur, en tenant compte des besoins spécifiques des pays les plus durement touchés.
M. BAUDELAIRE NDONG ELLA (Gabon) a déclaré qu’en raison de la réelle menace que représentent les armes nucléaires et leurs vecteurs, il faut s’assurer que, ni elles, ni les technologies et autres composantes ne puissent jamais tomber entre les mains de groupes terroristes. En tant que pays partie du Traité de Pélindaba, créant une zone exempte d’armes nucléaires en Afrique, le Gabon est opposé à l’accumulation excessive d’armes de destruction massive, dont font partie les armes nucléaires, et plaide en ce sens pour un accord multilatéral négocié au sein de la Conférence du désarmement.
S’agissant des armes classiques, M. Ndong Ella a déclaré qu’il est prouvé qu’elles étaient devenues de vraies armes de destruction massive. La région d’Afrique centrale à laquelle appartient le Gabon a longtemps été déstabilisé par de nombreux conflits et est désormais en proie à la menace terroriste, dont le trafic des armes légères et de petit calibre, a-t-il affirmé. Pour y faire face, mon pays a organisé trois ateliers à Libreville, dont le premier les 28 et 30 janvier 2014, qui avait pour but de développer une stratégie intégrée de lutte contre la prolifération des armes en Afrique centrale. Le second atelier de mai 2015 s’est penché sur les questions de financement du terrorisme et le blanchiment d’argent. Le dernier atelier, qui s’est tenu du 29 septembre au 2 octobre, était, pour sa part, axé sur le développement d’une stratégie intégrée de lutte contre le terrorisme. Le Gabon accueillera par ailleurs, du 23 au 27 novembre prochain, la réunion ministérielle du Comité consultatif permanent des Nations Unies sur les questions de sécurité en Afrique centrale, a annoncé le représentant.
M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a estimé qu’il était temps de progresser vers la rédaction d’un instrument juridiquement contraignant interdisant complètement les armes nucléaires, étant donné que la méthode par étape prônée par certaines délégations a échoué. L’élimination de ces armes est la seule garantie contre leur utilisation, a-t-il estimé, soulignant la détermination du continent africain à refuser ces armes, qui s’est traduit par la conclusion du Traité de Pelindaba et la large ratification du Traité sur l’interdiction complète des essais nucléaires. L’Éthiopie, qui a ratifié ces deux Traités, estime qu’il faut avancer sur la création d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient, car la paix et la sécurité de cette région ne pourraient être garanties que si elle est débarrassée des armes nucléaires, a-t-il affirmé. Le représentant a également indiqué que son pays, qui a aussi ratifié le Traité sur le commerce des armes, estimait que sa mise en œuvre de bonne foi par tous était la seule garantie d’avoir un contrôle sur le commerce des armes classiques..
Mme HELENA RAJAONARIVELO (Madagascar) a demandé aux États dotés de l’arme nucléaire de démontrer la volonté politique nécessaire pour parvenir à un nouveau traité les interdisant. Selon elle, l’accord sur le nucléaire iranien de juillet dernier devrait encourager les parties concernées à le mettre intégralement en œuvre et représente une avancée sur la voie d’un monde exempt d’armes nucléaires. La représentante a ensuite rappelé le droit des États parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires à l’utilisation nucléaire à des fins pacifiques, et elle s’est fermement opposée à toute tentative de course aux armements dans l’espace. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a un rôle particulier à tenir dans le domaine de l’assistance technique tel qu’il est énoncé dans le Programme pour le développement durable à l’horizon 2030, a-t-elle ajouté. Sur les armes classiques, elle a notamment appelé à l’universalisation du Traité sur le commerce des armes.
Mme IVANA PAJEVIC (Monténégro) a déclaré que son pays, qui est partie aux plus importants accords internationaux relatifs au désarmement, est particulièrement actif en matière de prévention de la prolifération des armes nucléaires, chimiques, biologiques et radiologiques. Le Monténégro a construit son cadre juridique national dans le but de mettre en œuvre la résolution 1540 du Conseil de sécurité sur les armes chimiques et a, à cet effet, organisé une table ronde nationale sur la mise en œuvre de cette résolution en juin dernier, a indiqué la représentante. Un plan d’action visant les mesures à prendre face aux conséquences de ces armes a également été préparé. Mon pays est également engagé à appliquer entièrement le Traité sur le commerce des armes et soutient l’universalisation de la Convention sur les armes à sous munitions. Il a dans ce cadre détruit tous ses stocks existants de ce type d’armes, a affirmé la représentante.
M. BOUCHAIB EL OUMNI (Maroc) a regretté que la Conférence d’examen du Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires n’ait pas pu prendre de décisions visant l’établissement d’une zone exempte d’armes nucléaires et d’autres armes de destruction massive au Moyen-Orient « en application de la résolution de 1995 ». À son avis, une conférence internationale sur cette question pourrait représenter une occasion historique pour enclencher un processus destiné à débarrasser la région des armes de destruction massive et renforcer la paix et la sécurité internationales. S’agissant de la paralysie du mécanisme de désarmement onusien, Le représentant a indiqué que le Maroc restait prêt à examiner toute proposition visant à débloquer les travaux de la Conférence du désarmement, dont l’intégrité et le mandat doivent être conservés, et relancer ceux de la Commission du désarmement. En outre, face à la recrudescence des activités terroristes en Afrique du Nord et dans l’espace sahélo-saharien, il a souligné que son pays appuyait fermement la mise en œuvre du Programme d’action en vue de prévenir, combattre et éliminer le commerce illicite des armes légères sous tous ses aspects et l’entrée en vigueur du Traité sur le commerce des armes.
Mme SEWA ADHIKARI (Népal) a estimé que les plus 1,7 trillion de dollars consacrés chaque année aux dépenses militaires devraient être alloués aux activités vitales de développement, en particulier la lutte contre l’extrême pauvreté. Elle a, par ailleurs, plaidé pour l’élaboration d’un instrument de garanties de sécurité négatives juridiquement contraignant, qui constituerait une étape importante vers la réalisation du désarmement nucléaire complet et irréversible. Il est temps de rejeter les doctrines de dissuasion nucléaire en vigueur, a-t-elle affirmé. En conclusion, la représentante a annoncé que sa délégation présenterait à la Commission un projet de résolution demandant un soutien renouvelé aux activités du Centre régional de l’ONU pour la paix et le désarmement en Asie et dans le Pacifique, qui siège à Katmandou.
M. PIERRE CORDEN, du Saint-Siège, a déploré que les budgets militaires ne cessent d’augmenter, que les armes et munitions trouvent toujours les moyens d’être acheminées et que les dirigeants manquent toujours de volonté pour mettre fin à la guerre. Les États doivent parvenir aux objectifs de la Charte des Nations Unies, a dit l’observateur, appelant la communauté internationale à construire des ponts de confiance notamment pour préserver la crédibilité et l’universalisation du TNP. Citant le pape François, il a dit que l’exemple de l’accord sur le nucléaire iranien montre bien que les négociations sont un excellent moyen de résoudre les questions de désarmement. Pour le Saint-Siège, le seul moyen de prévenir l’utilisation des armes nucléaires est leur élimination complète, a-t-il conclu.
Mme CHRISTORY, du Comité international de la Croix-Rouge, a déclaré que l’utilisation d’engins explosifs puissants dans les zones densément peuplées est de nature à infliger des dégâts importants, des pertes en vies humaines ou des déplacements massifs de population. Or, il se trouve que les forces armées de nombreux États disposent et utilisent ces armes, y compris celles qui ne sont pas engagées dans des conflits, a-t-elle souligné. L’observatrice a également estimé que l’espace extra-atmosphérique ne devrait pas être utilisé à des fins militaires et que les États devaient s’assurer que les armes de type classique ne servent pas à commettre des crimes de masse.
M. LUIS FELIPE DE MACEDO SOARES, Organisme pour l’interdiction des armes nucléaires en Amérique latine et dans les Caraïbes (OPANAL), a déploré que son organisme, composé de 33 États membres du Traité de Tlatelolco, n’ait pas été intégré au processus de discussion sur le désarmement nucléaire. Ayant cependant pris part à la Conférence d’examen du TNP de mai 2015, l’organisme déplore l’échec qui a marqué cette réunion, a dit l’observateur, affirmant par ailleurs que l’OPANAL maintenait sa proposition de créer un mécanisme consultatif entre les zones exemptes d’armes nucléaires existantes.