Assemblée générale: les délégations voient dans le rapport annuel du Conseil de sécurité un document clinique, sans analyse et limité à une chronologie des réunions
Clinique, dépourvu d’analyse et limité à une énumération chronologique des réunions, le rapport annuel du Conseil de sécurité à l’Assemblée générale ne peut en l’état réellement servir l’interaction entre le Conseil et les 178 États qui n’y siègent pas, ont dénoncé ce matin les délégations.
En préambule du débat, le Président de la soixante-dixième session de l’Assemblée, M. Mogens Lykketoft, a justement souligné que le Conseil de sécurité, effectuant son mandat « au nom de tous les États Membres », doit savoir que l’examen de son rapport annuel constitue un aspect important de la transparence et de la reddition de comptes que tous les États Membres sont en droit d’espérer. Le rapport annuel, a rappelé le Président, était une des nombreuses questions dont il a parlé lors du débat public du Conseil de sécurité sur ses méthodes de travail et si ces méthodes ont été améliorées, ces dernières années, les États continuent d’appeler à une amélioration du caractère analytique du rapport annuel.
Président du Conseil pour le mois de novembre, le représentant du Royaume-Uni en a présenté les activités entre le 1er août 2014 et le 31 juillet 2015, soulignant qu’elles avaient augmenté et justifié la tenue de 267 réunions officielles dont 248 débats publics, ainsi que l’adoption de 65 résolutions et de 27 déclarations présidentielles.
Pourquoi nous dire combien de débats publics le Conseil a tenus si l’on ne nous parle pas des points de vue et des propositions spécifiques qui ont été avancés? s’est agacé le délégué de l’Estonie, au nom du Groupe « Responsabilité, cohérence et transparence » (ACT), rassemblant 25 pays soucieux d’améliorer les méthodes de travail du Conseil de sécurité. Le rapport devrait donner lieu à un débat thématique, à la fois rétrospectif et prospectif, a-t-il suggéré, en proposant aussi que les évaluations mensuelles des présidences du Conseil, plus analytiques, y soient intégrées. La représentante des Maldives a réitéré l’idée que le débat se tienne « avant la finalisation » du rapport, de façon à intégrer les questions et précisions soulevées par tous les États.
Si nos points de vue ne sont pas pertinents que le Conseil nous dise au moins pourquoi? s’est impatienté, à son tour, le représentant de l’Inde, en constatant qu’encore une fois, le Conseil n’a pas tenu compte des propositions faites l’année dernière. Jugeant ce comportement d’autant plus « inacceptable » qu’il conduit à un « gaspillage du temps et des ressources précieuses de l’Assemblée générale », le représentant a demandé: combien de fois, le Conseil a-t-il adopté ses résolutions ou déclarations après avoir entendu tous les États Membres dans ses débats publics? « Zéro ». Le nœud du problème, a estimé le représentant, c’est la transparence, la reddition de comptes et la réactivité du Conseil aux points de vue des autres États Membres de l’ONU.
L’opacité du rapport, a-t-il poursuivi, fait d’ailleurs qu’on ne comprend pas comment l’organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales a pu laisser le monde s’enfoncer ainsi dans la violence ni comment il a pu laisser 60 millions de personnes fuir de chez elles. Le Conseil, a rebondi le représentant du Costa Rica, devrait publier un registre officiel sur l’utilisation du veto et la menace d’y recourir. Dire sur quels points les discussions ont achoppé nous offrirait à tous une perception plus exacte des délibérations, a insisté le représentant du Mexique. Tous les États sont en droit de savoir non seulement ce qui est arrivé au Conseil et quand mais aussi le pourquoi et le comment de l’action ou de l’inaction pour identifier les domaines qu’il faut améliorer dans les méthodes de travail, a encouragé son homologue ukrainien.
Comme l’agression de l’Ukraine l’a montré, un monde, où les buts et principes de la Charte sont violés, où le droit international est soumis à des interprétations sélectives voire farfelues et où les auteurs de crimes graves échappent à la justice, a besoin d’un Conseil de sécurité fort, capable d’agir avec détermination. Nous voulons un Conseil capable de protéger et de respecter la Charte des Nations Unies, a-t-il ajouté, en se demandant ce que le Conseil a fait de l’Article 27 qui oblige une partie à un différend à s’abstenir de voter. Or la Fédération de Russie a exercé son droit de veto sur deux projets de résolution relatifs à l’Ukraine.
Le représentant s’est donc félicité du Code de conduite du Groupe ACT qui engage les États à ne pas exercer le droit de veto dans des situations de crimes graves. À ce jour, a indiqué le représentant du Liechtenstein, 106 États l’ont signé, dont 9 siègent actuellement au Conseil. Au-delà du rapport annuel, le vrai débat concerne le fonctionnement du Conseil et l’Égypte, qui y siègera au 1er janvier, a promis qu’elle fera tout pour renforcer l’ouverture et la transparence, indispensables à la crédibilité du Conseil.
L’Assemblée générale se réunira demain, vendredi 13 novembre à partir de 10 heures pour examiner plusieurs points, dont le suivi des textes issus des grandes conférences et réunions organisées par l’ONU dans les domaines économique et social.
NOTE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL TRANSMETTANT À L’ASSEMBLÉE GÉNÉRALE LA LISTE DES 66 QUESTIONS DONT EST SAISI LE CONSEIL DE SÉCURITÉ (A/70/300) ET RAPPORT ANNUEL DU CONSEIL DE SÉCURITÉ (A/70/2)
Déclarations
M. MOGENS LYKKETOFT, Président de la soixante-dixième session de l’Assemblée générale, a souligné que le Conseil de sécurité effectuant son mandat « au nom de tous les États Membres », l’examen de son rapport annuel par l’Assemblée constitue un aspect important de la transparence et de la reddition de comptes que tous les États Membres attendent du Conseil. Le rapport annuel, a rappelé le Président, était une des nombreuses questions dont il a parlé lors du débat public du Conseil de sécurité sur ses méthodes de travail et si ces méthodes ont été améliorées, ces dernières années, les États Membres continuent d’appeler à une amélioration du caractère analytique du rapport annuel.
Toutefois, le rapport n’est qu’une forme parmi d’autres de l’interaction entre le Conseil de sécurité et l’Assemblée, a dit le Président, une interaction qui sera particulièrement vitale l’année prochaine. Les Présidences du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale travaillent en effet au processus de sélection et de nomination du prochain Secrétaire général. Il faut espérer, a confié le Président, que nous serons en mesure d’envoyer très rapidement, aux États Membres, la lettre clarifiant le processus global. Le Président a aussi indiqué qu’avec son homologue du Conseil de sécurité, il travaille à l’examen de l’architecture de consolidation de la paix de l’ONU et que, dans ce cadre, ils ont reconduit les cofacilitateurs pour qu’ils identifient les résolutions identiques ou contraires dans les deux instances.
M. MATTHEW RYCROFT (Royaume-Uni), Président du Conseil pour le mois de novembre, a d’abord indiqué que le rapport annuel du Conseil couvre la période allant du 1er août 2014 au 31 juillet 2015, période à laquelle les activités du Conseil ont augmenté. Quelque 267 réunions officielles dont 248 débats publics ont été tenues. Le Conseil a adopté 65 résolutions et 27 déclarations présidentielles, et fait 148 déclarations à la presse. Le Conseil a dépêché trois missions, une en Belgique, aux Pays-Bas, au Soudan du Sud, en Somalie et au Kenya; une en Haïti; et la dernière en République centrafricaine, au Burundi et en Éthiopie. La situation au Moyen-Orient a dominé l’ordre du jour du Conseil, suivie par les situations en Iraq, en Syrie et au Yémen qui ont donné lieu à des résolutions.
Le Conseil a aussi adopté la résolution 2231 approuvant le Plan d’action global sur le dossier nucléaire iranien. Il a examiné régulièrement la situation en Ukraine et adopté la résolution 2202. L’Afrique s’est maintenue en bonne place dans son ordre du jour, comme en atteste, entre autres, la création du Comité chargé de superviser l’interdiction de voyager et le gel des avoirs décrétés par la résolution 2206 sur le Soudan du Sud.
Les questions thématiques, générales et multisectorielles sont restées la priorité du Conseil, dont la non-prolifération des armes nucléaires, le terrorisme, la protection des civils, la réforme du secteur de la sécurité, ou encore la coopération entre l’ONU et les organisations régionales.
Le Conseil s’est aussi régulièrement réuni pour examiner et prendre des décisions sur les menaces terroristes posées par les mouvements Al-Qaida, l’État islamique en Iraq et au Levant et le Front al-Nosra, sans oublier de condamner les exactions de Boko Haram.
À l’occasion du soixante-dixième anniversaire de l’ONU, le Conseil a tenu un débat public sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales et pour la première fois, il a eu en novembre 2014, une réunion d’information sur le rôle de la police dans le maintien et la consolidation de la paix qui a donné lieu à la première résolution sur la question.
Au nom du Mouvement des pays non alignés, M. HOSSEIN DEGHANI (République islamique d’Iran) a appelé le Conseil de sécurité à respecter les fonctions et pouvoirs de chaque organe principal des Nations Unies, conformément à l’Article 24 de la Charte des Nations Unies. Le représentant s’est en effet inquiété de la tendance du Conseil à empiéter « continuellement » sur les prérogatives de l’Assemblée générale et du Conseil économique et social (ECOSOC). Il a dénoncé les tentatives répétées du Conseil d’utiliser les questions thématiques pour élargir son mandat à des domaines qui ne posent aucune menace au maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il a appelé les Présidents de l’Assemblée générale, de l’ECOSOC et du Conseil de sécurité à coordonner l’ordre du jour et le programme de travail de leur organe respectif, cela « dans le respect de leur mandat ».
Le représentant s’est tout de même félicité des réunions informelles entre le Président du Conseil et les États Membres sur le rapport annuel. Le Mouvement des non-alignés exhorte toujours le Conseil à présenter un document plus explicatif, plus exhaustif et plus analytique, évaluant le travail accompli et non accompli et passant en revue les points de vue exprimés par ses membres. Le Mouvement des non-alignés voudrait que le rapport explique les circonstances dans lesquelles le Conseil adopte telle ou telle résolution ou déclaration. Le Conseil pourrait aussi présenter des « rapports spéciaux » à l’Assemblée générale et faire en sorte que ces évaluations mensuelles soient véritablement exhaustives et analytiques. L’Assemblée pourrait peut-être proposer les paramètres de ces évaluations, a estimé le représentant.
Pourquoi nous dire combien de débats publics le Conseil a tenus si l’on ne nous parle pas des points de vue et des propositions spécifiques qui ont été avancés? s’est demandé M. SVEN JURGENSON (Estonie), au nom du Groupe « Responsabilité, cohérence et transparence », rassemblant 25 pays soucieux d’améliorer les méthodes de travail du Conseil de sécurité. Le représentant a aussi estimé que l’adoption du rapport annuel au Conseil devrait donner lieu à un débat thématique qui serait à la fois rétrospectif et prospectif. Il a également proposé que les évaluations annuelles des organes subsidiaires du Conseil et les évaluations mensuelles des présidences du Conseil, qui sont plus analytiques, fassent partie intégrante du rapport annuel.
Le représentant a ensuite exhorté le Conseil à impliquer davantage les autres parties prenantes de l’ONU dans ses débats thématiques. Il a ajouté qu’il faut que le rapport annuel consacre un chapitre aux efforts faits pour améliorer les méthodes de travail du Conseil. Il a enfin suggéré que l’adoption du rapport annuel donne lieu à des ateliers sur les pays inscrits à l’ordre du jour du Conseil ou même à un format moins formel que la formule Arria. Le représentant a conclu en se félicitant que 106 États, dont 9 membres du Conseil, aient appuyé le Code de conduite proposé par son Groupe sur l’action du Conseil contre les crimes de génocide, contre l’humanité et de guerre.
M. SABRI BOUKADOUM (Algérie) a estimé que le rapport annuel du Conseil reste loin des aspirations des États Membres. Il a espéré pour l’avenir, un rapport plus analytique et des propositions pour améliorer les méthodes de travail du Conseil. Il y faut plus de transparence et par exemple une meilleure diffusion des informations et une implication plus soutenue des autres États Membres dans les débats du Conseil. Le représentant a aussi estimé que les consultations devraient être ouvertes aux États et aux parties impliquées dans le dossier à l’examen pour que le Conseil puisse avoir toutes les informations avant de prendre ses décisions. Le représentant a regretté que certains États Membres ne respectent pas les résolutions du Conseil de sécurité lequel doit être capable de résoudre les conflits et les crises pour retrouver sa crédibilité. Le représentant a enfin demandé au Conseil de contribuer au renforcement de l’architecture de maintien de la paix de l’Union africaine.
L’attitude du Conseil est pour le moins « inacceptable », a déclaré d’emblée M. ASOKE K. MUKERJI (Inde), en voyant que ce dernier n’a pas pris en compte les propositions faites lors du débat de l’année dernière. Si nos points de vue ne sont pas pertinents que le Conseil nous dise au moins pourquoi? s’est agacé le représentant devant ce qui est devenu un « exercice sans but » et un « gaspillage du temps et des ressources précieuses de l’Assemblée générale ». Le Conseil a certes tenu de nombreux débats publics mais combien de fois, a-t-il adopté ses résolutions ou déclarations après avoir entendu tous les États Membres? zéro, a répondu le représentant. Pourquoi alors les invités à participer aux débats? a-t-il demandé. Le nœud du problème, a-t-il estimé, c’est la transparence, la reddition de comptes et la réactivité aux points de vue des autres États Membres.
Or, l’opacité du rapport fait qu’on ne comprend pas comment l’organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales a laissé le monde s’enfoncer encore davantage dans la violence ni comment il a laissé 60 millions de personnes fuir leur maison. L’inefficacité du Conseil, a poursuivi le représentant, nous impose à tous un prix élevé, en particulier les pays en développement. Le Conseil semble en effet incapable de comprendre la nature des défis socioéconomiques auxquels font face les pays en développement, dans un monde marqué par les troubles et les tensions. À ce jour, le Conseil ne compte qu’un pays en développement parmi ses membres permanents alors que l’Assemblée générale en compte 134.
La plupart des travaux du Conseil se concentrent sur l’Afrique mais aucune opération de maintien de la paix sur le continent n’a réussi. Le Conseil utilise ces opérations comme des mécanismes à durée illimitée et non comme un moyen de rétablir une paix durable. Le Conseil continue à faire fi de l’Article 44 de la Charte en n’invitant pas les pays fournisseurs de contingents à ces débats sur les missions. Au Conseil, aucun des membres qui tient vraiment la plume n’est Africain. Seul l’élargissement du Conseil dans les deux catégories de sièges peut corriger une telle situation.
La réponse du Conseil à la menace du terroriste a été pour le moins faible, a poursuivi le représentant. Il a rappelé que l’an dernier, son pays avait demandé en vain que le Conseil enquête et punisse les actes terroristes, en particulier contre les Casques bleus. Le représentant a aussi souligné l’inefficacité du Conseil dans les négociations pacifiques pour régler les différends, citant les situations en Syrie, au Soudan du Sud ou en Ukraine. C’est la raison pour laquelle, nos leaders se sont mis d’accord pour dire que le Conseil doit devenir plus représentatif pour être plus efficace, a souligné le représentant. Enfin il a noté « avec préoccupation » que le Conseil continue de s’aventurer dans des domaines qui relèvent de l’Assemblée générale. En conclusion, a-t-il insisté, le rapport montre que l’efficacité du Conseil est « gravement compromise ». La solution réside dans une réforme rapide pour corriger « cette anomalie majeure dans les relations internationales », en ce soixante-dixième anniversaire de l’ONU.
M. JUAN G. MENDOZA GARCIA (Costa Rica) a exhorté le Conseil de sécurité à présenter un rapport plus analytique et non une énumération insipide des réunions qu’il a tenues. Les États Membres veulent des analyses sur le processus de prise de décisions, notamment les points de divergence. Le représentant a invité le Conseil à envisager des alternatives pour améliorer son travail et la participation des autres États Membres dans la rédaction du rapport. Le degré d’interactivité avec les États Membres est nul, a-t-il dénoncé, devant un rapport qui ne tient pas compte de l’avis des autres. Le représentant a tenu à parler de la lutte contre l’impunité pour appeler le Conseil de sécurité à renforcer sa coopération avec la Cour pénale internationale (CPI). Il a réitéré sa proposition de créer un protocole sur le renvoi des affaires à la CPI. Il a réitéré son appui à l’initiative franco-mexicaine sur la suspension du droit de veto dans les cas de crimes de masse ainsi que l’initiative du Groupe ACT. Le représentant a demandé aux membres permanents de publier un registre officiel sur l’utilisation du veto et la menace d’y recourir. Concernant la sélection du prochain Secrétaire général, il a argué du droit de l’Assemblée générale de participer au processus. Une nouvelle fois, il a plaidé pour que le prochain chef de l’administration de l’ONU soit une femme.
M. CARLOS DUARTE (Brésil) a estimé que les délégations des 178 États non membres sont en droit d’être mieux informées des travaux du Conseil. Le représentant a souligné les échecs du Conseil en Syrie et dans le conflit israélo-palestinien. Il a aussi cité les problèmes récurrents en République démocratique du Congo et en Haïti, avant de se dire encouragé par la forte participation au débat que l’Assemblée générale a tenu sur la réforme du Conseil de sécurité. La seule manière, a-t-il répété, de rendre le Conseil plus efficace, plus transparent et plus comptable de ses actes est de le réformer pour adapter sa structure « anachronique » aux réalités du monde contemporain.
M. RAMADHAN MWINYI (République-Unie de Tanzanie) a indiqué que son pays appuyait les mesures prises pour renforcer la transparence et l’efficacité du Conseil de sécurité, les débats thématiques devant, à cet égard, offrir l’opportunité à toutes les délégations d’exprimer leurs vues avant l’adoption des résolutions. Il a ajouté que les initiatives de la France, du Mexique et du Groupe « Responsabilité, cohérence et transparence » en faveur d’une limitation de l’usage du droit de veto en cas de génocide ou de violation massive des droits de l’homme étaient un pas dans la bonne direction. Les détenteurs du droit de veto doivent agir dans le strict respect des objectifs et principes de la Charte des Nations Unies, a-t-il estimé à ce propos.
Après avoir souligné l’importance que le rapport annuel du Conseil de sécurité soit plus analytique, le représentant tanzanien a regretté que les discussions ouvertes à la société civile et aux universitaires aient porté sur des sujets de discorde n’ayant rien à voir avec le mandat du Conseil. En tant qu’organe représentatif de l’Assemblée générale, le Conseil doit éviter d’aborder de tels sujets, qui l’écartent de ses responsabilités fondamentales, a-t-il jugé. Face à la complexité croissante des conflits, a-t-il également noté, il est capital que le Conseil de sécurité accorde la priorité à la recherche de solutions politiques et s’investisse plus avant dans la prévention des conflits et la consolidation de la paix. Il devrait renforcer à cette fin sa coopération avec les autres organes principaux de l’ONU chargés de s’attaquer aux causes profondes des conflits, à commencer par la pauvreté et les inégalités chroniques, a ajouté M. Mwinyi.
M. CHRISTIAN WENAWESER (Liechtenstein) a évoqué le Code de conduite pour la prévention des crimes de génocide, contre l’humanité et de guerre, par lequel 106 États, dont 9 siègent actuellement au Conseil, se sont engagés à ne pas utiliser le droit de veto pour bloquer des résolutions visant à mettre un terme et à prévenir de tels crimes. L’attitude du Conseil envers le Burundi mérite d’être saluée, a dit le représentant, mais il n’a pas été capable de traiter de la violence qui a accompagné les élections du mois de mai et des circonstances chaotiques qui les ont entourées. La situation actuelle montre l’incapacité à s’engager dans une diplomatie préventive effective. Le Conseil, a-t-il dit, doit agir avec détermination face à cette situation « extrêmement explosive » qui pourrait être l’illustration d’une application pratique du Code de conduite, a estimé le représentant.
S’agissant de la situation au Darfour, il a dit partager « la frustration » de la Procureure de la Cour pénale internationale qui a décidé, compte tenu de l’inaction du Conseil face à des crimes qui exigent pourtant une attention urgente, d’affecter ses ressources limitées ailleurs. En Syrie, a poursuivi le représentant, le Conseil n’a pas non plus répondu comme il faut à ce qui est devenu « le conflit de la décennie ». Le Conseil a plutôt donné l’impression que les meurtres de civils par d’autres moyens, dont la torture, la privation de nourriture et les barils d’explosifs, méritent moins l’attention que les armes chimiques. On chercherait en vain dans le rapport une tentative de rendre justice aux victimes, s’est scandalisé le représentant. La création d’un mécanisme crédible de reddition de comptes pourrait prévenir d’autres crimes en Syrie, a-t-il tranché.
Globalement, a-t-il estimé, le Conseil a été incapable de prendre les mesures adéquates pour empêcher ou mettre fin aux atrocités, malgré les outils dont il dispose. Cela est d’autant plus décevant que la performance du Conseil est la clef de la manière dont l’opinion publique perçoit l’ONU. Son incapacité et son manque de volonté d’agir face aux atrocités est particulièrement préjudiciable à la réputation de l’Organisation. Le représentant a espéré que le Conseil réagira aux appels des États Membres et qu’il fera son travail dans une « culture de responsabilité politique ». Par le Code de conduite qu’ils ont signé, les 106 États Membres ont prévenu qu’ils comptent sur la tolérance zéro face aux atrocités. Les membres du Conseil qui ont signé le Code ont certes une responsabilité particulière mais c’est l’ensemble du Conseil qui doit emboucher le clairon du changement de culture qui, il faut l’espérer, sera apparent dans le prochain rapport annuel, a conclu le représentant.
Mme IVIAN DEL SOL DOMINGUEZ (Cuba) a dénoncé le fait que les rapports du Conseil de sécurité n’ont jamais présenté une analyse critique et réelle des activités du Conseil. Le Conseil n’a jamais présenté de rapports spéciaux, en violation de l’Article 15 de la Charte des Nations Unies. Combien de temps faudra-t-il attendre? Combien de fois le Conseil échappera-t-il à l’exercice consistant à se montrer comptable de ses actes devant l’Assemblée générale? La représentante a, à son tour, dénoncé la tendance du Conseil à empiéter sur les mandats et le rôle des autres organes des Nations Unies. L’un des problèmes, a-t-elle tranché, est un Conseil de sécurité non réformé. Plus il sera transparent, plus il gagnera en légitimité, en ouverture et en efficacité, a estimé la représentante.
M. OSAMA A. MAHMOUD (Égypte) a dénoncé, à son tour, un rapport qui se résume à une compilation statistique alors que l’on attend des explications sur les obstacles et les écueils auxquels le Conseil se heurte dans l’exercice de son mandat. Le représentant a aussi dénoncé les débats thématiques qui empiètent souvent sur les compétences des autres organes de l’ONU et provoquent des chevauchements. L’Assemblée générale a un rôle important à jouer et nous demandons au Conseil de respecter les équilibres prévus par la Charte, a-t-il dit. Il a souhaité que le Conseil consulte les autres États et organisations régionales impliqués dans une crise avant d’envisager toute décision. Le Conseil devrait aussi consulter les pays fournisseurs de contingents quand il s’agit d’une opération de maintien de la paix. Quand l’Égypte siègera au Conseil, en 2016 et 2017, elle fera tout pour renforcer l’ouverture et la transparence, indispensables à la crédibilité du Conseil, a promis le représentant.
M. RICARDO ALDAY (Mexique) a souligné les divergences sur la manière de présenter le rapport du Conseil de sécurité. Faute d’autre possibilité, a-t-il estimé, ce débat devrait en principe constituer la meilleure occasion de dialoguer et de communiquer sur les travaux du Conseil. Pourtant, tant sur la forme que sur le fond, le rapport n’a jamais donné lieu à un dialogue substantiel ou interactif. Les limites de l’exercice sont aussi liées à la difficulté qu’ont les membres du Conseil à se mettre d’accord sur son contenu, mais ce rapport pourrait tout de même intégrer certains changements dans les méthodes de travail, a-t-il estimé.
Le représentant a ainsi rappelé la proposition du Groupe ACT et des « Small Five » de faire du rapport un outil du renforcement du dialogue entre le Conseil et les États Membres. En l’état actuel, ce rapport ne présente aucune forme réelle d’analyse ni d’information. Dire par exemple sur quels points les discussions au Conseil ont achoppé nous offrirait à tous une perception plus exacte et plus pertinente des délibérations, a insisté le représentant. Faire connaître le point de vue de chacun, sans jugement aucun, améliorerait la qualité de l’information, la transparence et la responsabilité du Conseil. Le représentant a également proposé la tenue d’un débat annuel entre les États Membres et le Conseil de sécurité avant la rédaction et la présentation du rapport final. Le Conseil de sécurité doit aussi respecter le mandat qui lui est confié par la Charte, a averti le représentant qui s’est dit « préoccupé par les dysfonctionnements du Conseil lorsqu’il choisit l’inaction dans certaines situations ». Cette inaction constitue « une menace à la paix et à la sécurité internationales », a-t-il insisté tout en se disant « encouragé » par l’appui tacite des États Membres à l’initiative de la France et du Mexique sur le veto et à l’initiative du Groupe ACT.
M. ION JINGA (Roumanie) a rappelé que l’on vient de marquer le dixième anniversaire de la résolution 1631 du Conseil de sécurité sur la coopération entre l’ONU et les organisations régionales et sous-régionales, un thème qui était une priorité pour la Roumanie lorsqu’elle était membre non permanent du Conseil en 2004 et 2005. Le représentant s’est aussi félicité que le Conseil dépêche de plus en plus de missions sur le terrain car il est essentiel que ses membres consultent directement les gens affectés par les conflits qu’il est censé résoudre. Il a également jugé bon de souligner la capacité du Conseil à s’adapter et à répondre de manière adéquate aux nouveaux types de crises comme Ebola. Nous voulons tous, a-t-il conclu, un Conseil impliqué, engagé, transparent et efficace.
M. JEREMIAH N. K. MAMABOLO (Afrique du Sud) a, à son tour, regretté l’absence d’une évaluation analytique du travail du Conseil de sécurité. Les rapports sont trop « cliniques », a-t-il estimé, se contentant d’énumérer les évènements de manière chronologique et descriptive sans analyse aucune ou presque. Le rapport ne saurait cacher que rien à changer dans la situation des membres élus du Conseil qui sont constamment confrontés aux manœuvres des membres permanents. Cela fait des années que l’Afrique du Sud critique la pratique consistant à élaborer les résolutions importantes au sein d’un petit groupe de pays qui les présentent ensuite aux autres membres comme « un fait accompli ». Se félicitant tout de même des efforts du Conseil pour se rapprocher de l’Union africaine, le représentant a néanmoins regretté que le rapport ne reflète en rien l’engagement en faveur de consultations régulières. Quand il s’agit de l’Union africaine et des autres organisations régionales, il semble, a-t-il constaté, que le Conseil de sécurité ne prend en compte que les suggestions qui servent les intérêts nationaux de certains de ses membres. Il est temps que le principe de complémentarité soit respecté pour une meilleure synergie entre l’ONU et les organisations régionales.
S’agissant des méthodes de travail, il faut, a dit à son tour le représentant, entendre plus souvent les pays directement affectés par les conflits inscrits à l’ordre du jour du Conseil. On ne saurait cacher les échecs en Syrie et en Palestine. À chaque fois, c’est l’Assemblée générale qui s’est placée à la hauteur des défis. Il est temps, a estimé le représentant, d’améliorer l’équilibre des pouvoirs entre le Conseil et l’Assemblée, d’autant plus que cette année, les États vont parler de la sélection et de la nomination du prochain Secrétaire général.
En tant que nouveau membre non permanent du Conseil, M. EDUARD FESKO (Ukraine) a marqué son intérêt particulier pour le rapport annuel du Conseil. Il s’est dit convaincu que tous les États doivent être informés non seulement de ce qui est arrivé au Conseil et quand mais aussi sur du pourquoi et du comment de telle ou telle action ou inaction. Or, cet aspect fait toujours défaut dans les rapports annuels du Conseil. Une analyse du processus de prise de décisions, dans les cas où le Conseil échoue à agir et où son action ne donne pas les résultats escomptés, pourrait contribuer à identifier les domaines qu’il faut améliorer dans les méthodes de travail. Cela pourrait aussi faciliter la recherche de moyens plus efficaces pour s’orienter davantage vers les résultats par opposition à la tendance dangereuse d’éviter une question au point de l’ignorer.
Le rapport annuel, a poursuivi le représentant, doit répondre clairement à la question du succès du Conseil dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Comme l’agression de l’Ukraine l’a montré, un monde où les buts et principes de la Charte sont violés, où le droit international est soumis à des interprétations sélectives voire farfelues et où les auteurs de crimes graves échappent à la justice, a besoin d’un Conseil de sécurité fort, capable d’agir avec détermination. Nous voulons, a insisté le représentant, un Conseil capable de protéger et de respecter la Charte des Nations Unies. Or, on voit aujourd’hui que l’Article 27, qui oblige une partie à un différend à s’abstenir de voter, est « une montagne trop haute » pour la partie en question, comme en attestent les deux vetos de la Fédération de Russie sur les projets de résolution relatifs à l’Ukraine, mais aussi pour le Conseil lui-même qui s’est bien gardé d’invoquer cet Article. Le représentant s’est donc félicité du Code de conduite du Groupe ACT, en estimant que les faiblesses tiennent bien plus à des lacunes institutionnelles dans sa composition et ses méthodes de travail qu’au manque de volonté de ses États membres.
M. AKAN RAKHMETULLIN (Kazakhstan) a dit que le travail du Conseil de sécurité aurait été bien accueilli si le rapport était plus analytique. Le représentant a suggéré la publication d’un rapport provisoire avant le rapport final. À son tour, il a encouragé le Conseil à solliciter plus souvent l’avis des pays fournisseurs de contingents et des autres acteurs pertinents, dont les organisations régionales. Il a aussi comme d’autres délégations conseillé une coordination plus efficace entre le Conseil, l’Assemblée et l’ECOSOC. Le représentant a dit attendre avec impatience la fin des négociations intergouvernementales sur la réforme du Conseil de sécurité et vu que l’année 2016 sera celle de la sélection du prochain Secrétaire général, le représentant a exhorté le Conseil de sécurité à renforcer son interaction avec l’Assemblée sur cette question.
Face aux phénomènes globaux, force est de constater, a estimé M. ABDERRAZZAK LAASSEL (Maroc) que le Conseil a agi à l’unisson et de manière concertée en prenant des mesures appropriées pour contre les menaces, particulièrement celle du terrorisme international. Il a insisté sur une interaction renforcée entre le Conseil et la Commission de consolidation de la paix et ses configurations pays. Le Maroc préside lui-même la « Configuration République centrafricaine » dont les actions sont essentiellement centrées sur le soutien au processus politique, particulièrement sur le financement des élections, mais également sur les projets de réconciliation nationale et du renforcement de l’état de droit.
Le Maroc, a poursuivi le représentant, n’a cessé d’attirer l’attention de la communauté internationale sur la situation au Sahel. Il a dit constater que l’espoir et la philosophie derrière la mise en place de la Stratégie des Nations Unies s’effritent petit à petit et ce malgré une détérioration de la situation dans certaines régions du Sahel. Il a dit espérer que le prochain briefing de la Représentante spéciale du Secrétaire général permettra d’en savoir plus sur les avancées réalisées mais surtout sur les difficultés rencontrées dans la mise en œuvre de la Stratégie. Il est important de réfléchir à un plan d’action pour une mise en œuvre intégrale de cette stratégie et de corriger ses lacunes. Il a relevé que les membres du Conseil ont exprimé leur gratitude au Maroc pour l’action qu’il a menée pour faire progresser l’Accord politique de Skhirat du 11 juillet 2015 sur la Libye. Le représentant a aussi salué le Conseil pour avoir consacré une partie importante de son agenda et de ses réunions à la lutte contre le fléau du terrorisme.
Mme MALEEHA LODHI (Pakistan) a prévenu que ce n’est qu’avec un rappel annuel « substantiel » que le débat que tient l’Assemblée générale pourrait avoir du sens. D’une façon générale, a-t-elle concédé, le Conseil a raisonnablement bien fonctionné, comme en atteste le nombre des réunions et des textes qu’il a pu adopter. Mais, a-t-elle néanmoins constaté, le rapport manque de substances et plus d’un quart de ses pages est consacré à une simple énumération des réunions. Le Conseil a toujours de sérieuses lacunes dans son travail et le Pakistan est préoccupé par le recours excessif au Chapitre VII sans utiliser pleinement les Chapitres VI et VIII de la Charte. Le Conseil et l’Assemblée, a estimé la représentante, doivent travailler comme des partenaires. L’Assemblée pourrait se saisir des questions controversées sur lesquelles le Conseil ne s’accorderait pas.
À son tour, elle a suggéré au Conseil de solliciter plus souvent l’avis des pays fournisseurs de contingents. Elle a aussi dénoncé la « sélectivité » du Conseil s’agissant de la question de la Palestine et n’a pas manqué, comme les autres délégations, de reprocher au Conseil de s’approprier les questions qui relèvent des prérogatives de l’Assemblée et de se montrer lent dans l’amélioration de ses méthodes de travail. Elle a suggéré la création d’un comité interinstitutionnel entre l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité qui serait appelé à contribuer à la mise en œuvre des propositions sur l’amélioration de ces méthodes travail.
Mme FARZANA ZAHIR (Maldives) a estimé que le rapport du Conseil de sécurité ne mettait pas assez en lumière ses priorités et a souhaité qu’il adopte une approche plus analytique et plus concrète pour rendre le conseil plus efficace. Pour elle, l’adoption du rapport annuel devrait être l’occasion d’un dialogue de fond avec tous les membres des Nations Unies qui pourraient ainsi pouvoir partager leurs analyses sur la façon dont le Conseil a représenté l’Organisation durant l’année. Elle a ainsi souhaité que le débat se tienne avant la finalisation du rapport de façon à intégrer les questions et précisions soulevées. Elle s’est dite grandement préoccupée par l’incapacité du Conseil sur les situations en Palestine, en Syrie, et dans la lutte contre l’État islamique qui constituent dans tous les cas les échecs majeurs de l’époque. Il convient, a-t-elle ajouté, que le rapport reflète de manière adéquate les travaux du Conseil afin que chacun puisse prendre connaissance de ses lacunes afin de pouvoir les combler. Toute incapacité à s’acquitter de son mandat remet en cause la légitimité et la pertinence du Conseil, et donc celle de l’ONU dans son ensemble, a-t-elle conclu.
M. OMAR D. F. MOHAMED (Soudan) a rejeté un rapport quantitatif et procédural qui ne reflète en rien le rôle du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale dans le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il est important de réformer l’ONU, a-t-il dit, pour assurer une vraie relation de travail entre ces deux organes. La nouvelle pratique qui accorde à certains États du Conseil « l’exclusivité du stylo » dans la rédaction des projets de résolution participe, a tranché le représentant, d’une « méthodologie coloniale ». Les méthodes de travail du Conseil doivent être améliorées, a-t-il insisté, avant de rappeler que 66% des questions dont le Conseil est saisi concerne l’Afrique. Il a aussi plaidé pour davantage de débats publics pour accroître l’objectivité et la transparence du Conseil et pour plus de consultations avec les organisations régionales et sous-régionales, sans oublier les pays directement concernés par la situation à l’examen. Les déclarations présidentielles, les exposés et les rapports doivent être distribués aux États Membres dans toutes les langues officielles, avant une réunion du Conseil, a aussi demandé le représentant.