Assemblée générale: un débat général marqué par le conflit syrien, la crise des réfugiés et des appels à un accord contraignant contre les changements climatiques
La situation en Syrie et l’ampleur inédite des migrations qu’elle suscite, en conjonction avec les autres crises au Moyen-Orient ou en Afrique, ont dominé les six jours de débat général de la soixante-dixième session de l’Assemblée générale, cette semaine à New York.
Les quelque 160 chefs d’États et de gouvernement qui se sont succédé à la tribune de marbre vert depuis lundi, le plus grand nombre à ce jour, a souligné aujourd’hui le Président de l’Assemblée M. Mogens Lykketoft, ont également pressé la communauté internationale de parvenir à un accord juridiquement contraignant contre les changements climatiques.
Le débat s’est ouvert le 28 septembre par un vibrant hommage à l’ONU, « née des cendres de la guerre » et avec les félicitations du Secrétaire général, M. Ban Ki-moon, pour l’adoption des 17 objectifs « inspirants » de développement durable (ODD) qui, d’ici à 2030, doivent permettre de mettre fin à l’extrême pauvreté.
Mais, « pourquoi est-il plus facile de trouver de l’argent pour détruire les peuples et la planète que pour leur protection? » s’est interrogé M. Ban alors que plus de 60 millions de personnes dans le monde ont fui pour se mettre à l’abri, chiffre jamais atteint par le passé selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR).
Face aux atrocités commises par l’État islamique en Iraq et en Syrie, unanimement condamnées, la communauté internationale est restée divisée sur les solutions à apporter, sources d’une première passe d’armes lundi dernier entre les États-Unis et la Fédération de Russie. Pour le Président russe, qui a lancé depuis les premières frappes aériennes en Syrie, la communauté internationale ferait « une erreur en refusant de coopérer avec le Gouvernement syrien ». Son homologue américain a défendu une « transition gérée sans Assad », appuyé par la France pour qui le Président syrien étant « à l’origine du problème, il ne peut faire partie de la solution ».
Plusieurs pays d’Europe ont réclamé de l’aide aux autres continents pour l’accueil des réfugiés, la Hongrie suggérant aujourd’hui la mise en place d’une « force conjointe de l’Union européenne pour protéger les frontières du continent », qui risque sinon « elle-même d’être déstabilisée », a prévenu le Ministre des affaires étrangères. La Turquie, en première ligne, avec le Liban et la Jordanie, de l’accueil des réfugiés syriens, a réclamé la création d’une « zone de sécurité », épargnée par tous les belligérants.
Les autres conflits qui secouent le monde, en Ukraine dont le Président a tourné les talons quand parlait la Fédération de Russie, en Afrique, « l’un des épicentres des conflits armés, du terrorisme et des migrations » selon le Tchad, et bien sûr au Moyen-Orient, ont été également très présents.
Alors que le drapeau palestinien a été hissé mercredi pour la première fois sur le parvis de l’ONU, le Président de l’Autorité Palestinienne s’est affranchi des Accords d’Oslo signés en 1992 et a affirmé « qu’il ne servait à rien de perdre du temps à négocier pour négocier » avec l’État d’Israël. Le lendemain, le Premier Ministre israélien dénonçait l’accord sur le nucléaire iranien et se taisait pendant 44 secondes à la tribune, mimant le silence de l’Assemblée générale -« une institution en échec »- face aux menaces iraniennes contre le peuple d’Israël.
Tout au long de la semaine, de nombreuses voix donc celles de l’Inde et du Pakistan et de beaucoup d’autres sur les autres continents, se sont élevées pour réclamer une réforme de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité, qui doit augmenter le nombre de ses membres, permanents et non permanents, pour mieux refléter les réalités géopolitiques de l’époque. À l’instar de l’Angola, de nombreux États africains ont plaidé pour une représentation de leur continent. Le droit de veto a été souvent contesté et la proposition de la France de le lever dans le cas d’atrocités commises ou de crimes contre l’humanité, maintes fois reprise.
De nombreux responsables ont exprimé leurs vues sur la nomination du Secrétaire général souhaitant, comme le Costa Rica, que le processus de sélection qui sera lancé en 2016 soit « plus démocratique et plus transparent » et, pourquoi pas, ouvert à une femme, a complété la Bulgarie.
Mais pour les petits États insulaires en développement des Caraïbes et du Pacifique ou les petits États côtiers comme le Belize, c’est la menace sur les océans et la dégradation du climat qui apparaissent comme la menace première à leur survie. Le Tuvalu, la Dominique, la Grenade et bien d’autres ont réclamé un accord fort à la Conférences des États Parties à la Convention–cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, en décembre à Paris, limitant le réchauffement de la planète à 2 degrés Celsius et le financement du Fonds vert pour le climat à la hauteur des enjeux. Ce sont les plus pauvres qui seront les plus vulnérables, ont rappelé les Fidji, tandis que Saint-Kitts-et-Nevis a souligné le besoin de « simplifier » l’accès à ces financements.
Face à cette masse d’urgences et de crises, le Président de l’Assemblée qui a conclu le débat aujourd’hui, a aussi voulu retenir « l’espoir » que beaucoup de dirigeants placent dans l’examen de haut niveau de la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité qui doit se tenir l’an prochain.
RAPPORT DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL SUR L’ACTIVITÉ DE L’ORGANISATION (A/70/1)
Suite du débat général
M. HUGO ROGER MARTÍNEZ BONILLA, Ministre des relations extérieures d’El Salvador, a appelé de ses vœux un réel et profond changement, notamment, la restructuration de l’architecture financière internationale et la refonte des mécanismes de coopération et de la dette souveraine des pays en développement, car les dernières crises financières et économiques ont particulièrement affecté les pays les plus vulnérables. Le responsable d’El Salvador a évoqué le problème du trafic de drogues en rappelant qu’en avril 2016, l’Assemblée générale tiendra une session extraordinaire dont il a espéré qu’elle permettrait de revitaliser la lutte contre ce phénomène et de procéder à un échange de pratiques exemplaires.
El Salvador, qui est coordonnateur du Groupe des États d’Amérique latine et des Caraïbes, mise également sur une réglementation internationale contre le crime organisé pour éviter de nouveaux transferts illégaux d’armes: « Je lance un appel fervent à la communauté internationale pour qu’elle travaille à l’application effective du Traité sur le commerce des armes », a insisté le Ministre qui n’a pas manqué de se féliciter de la détente entre Cuba et les États-Unis, car si elle est positive pour les relations entre les deux pays, elle l’est aussi pour tout le continent, a-t-il souligné en réclamant la levée, « dans les plus brefs délais » de l’embargo américain qui persiste à l’encontre de Cuba.
M. YOUSEF BIN AL-ALAWI BIN ABDULLA, Ministre des affaires étrangères d’Oman, a émis le vœu que le soixante-dixième anniversaire des Nations Unies serait l’occasion de renouveler la confiance en l’action internationale, grâce à des initiatives contribuant à un ordre économique international fondé sur la justice pour tous. Il s’est félicité de l’accord conclu entre le Groupe des 5+1 et l’Iran sur le programme nucléaire de ce dernier. Cet accord, a-t-il estimé, constitue un modèle pour le règlement de questions « controversées et complexes ». Il a espéré que cet « accord historique » ouvrirait une nouvelle ère de relations fondées sur la coopération, le respect et la confiance mutuelle. Se félicitant également que le drapeau de la Palestine soit hissé à l’ONU, il a exhorté Palestiniens et Israéliens à retourner à la table des négociations.
S’agissant du Yémen, le Chef de la diplomatie omanie s’est déclaré particulièrement inquiet devant des organisations terroristes, dont certaines sont visées par les sanctions de l’ONU, qui se servent du pays comme base de leurs activités, ce qui pose une menace directe à la sécurité et à la stabilité de la région. Dans ce contexte difficile, il a appuyé les efforts de l’Envoyé spécial du Secrétaire général et a appelé toutes les parties au respect du droit international, en particulier les Conventions de Vienne sur les relations diplomatiques et sur les relations consulaires. De la même façon, il a appuyé le travail de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie. M. Al-Alawi Bin Abdulla a exhorté à la mise en place d’une zone exempte d’armes nucléaires au Moyen-Orient.
« Aucune raison » de se réjouir 70 ans après la création de l’ONU, a estimé M. PETER SZIJJÁRTÓ, Ministre des affaires étrangères et du commerce de la Hongrie, en énumérant les nombreux défis auxquels est confrontée l’Europe, dont un conflit en Ukraine depuis deux ans et une myriade de « conflits gelés » menaçants. L’Union européenne se heurte actuellement « au plus dur conflit » depuis sa création avec l’arrivée massive de migrants, « sans trouver encore les bonnes réponses » car il n’y a « pas de consensus en Europe ni dans le monde sur l’ampleur, le volume et la nature de ces migrations », a-t-il indiqué.
La crise est beaucoup plus « complexe » qu’une crise de réfugiés car elle implique aussi des « migrants économiques et des combattants étrangers ». Cette situation, la pire depuis la création du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), avec 60 millions de personnes qui ont fui cette année dans le monde, est notamment « due à des mauvais choix politiques ». Le résultat est qu’une partie importante du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord est déstabilisée et que face à l’État islamique qui progresse, la Coalition internationale n’a obtenu que des « succès limités ». Or, sans rétablir la paix en Syrie, qui passe « par la négociation », le flux migratoire ne cessera pas, a prévenu le Ministre, en insistant: « il n’y aura pas de paix réelle sans accord et sans coopération entre la communauté transatlantique et la Fédération de Russie ».
En même temps, la communauté internationale doit lutter contre un autre défi, les changements climatiques qui encouragent de nouveaux mouvements migratoires. Ces mouvements massifs ont déjà commencé dans le monde et appellent « une réponse mondiale et une implication mondiale », a-t-il martelé, notant que « l’Union européenne supporte actuellement la plus grande partie » du fardeau et risque « elle-même d’être déstabilisée ». « Si nous ne pouvons maitriser nos frontières, nous allons nous retrouver sans défense », a prévenu le Ministre, en appelant à la mise en place d’une « force conjointe de l’Union européenne pour protéger les frontières extérieures du continent ».
M. OSMAN SALEH, Ministre des affaires étrangères de l’Érythrée, a dénoncé d’emblée les inégalités flagrantes entre les pays et régions, y compris au sein de l’ONU qui reflètent un « ordre mondial injuste, inégal et non démocratique », où l’immense majorité des États est marginalisée. L’Assemblée générale même, qui devrait être un organe puissant et jouissant d’un pouvoir et d’une influence réels, est dominée par une poignée d’États, a-t-il fustigé, encourageant, en revanche, à redoubler d’efforts en vue de la revitalisation de cet organe.
M. Saleh a dénoncé le fait que son pays soit encore une des victimes de l’ONU, depuis le temps où et pendant 30 longues années, son mouvement de libération a été écrasé sans ménagement par des bombardements injustes et dévastateurs. Aujourd’hui, l’Érythrée indépendante fait face à une autre forme d’injustice que sont les sanctions « injustes et illégitimes » et les accusations sans fondement, tandis que l’ONU et le Conseil de sécurité continuent d’appuyer l’occupation illégale de son territoire souverain en violation du droit international et de plusieurs résolutions du Conseil de sécurité. L’Érythrée, qui poursuit sa marche contre vents et marées, a fait des progrès remarquables dans l’édification d’une nation fondée sur l’intégration, la dignité humaine et les droits, a déclaré M. Saleh.
M. FRANÇOIS LOUCÉNY FALL, Ministre d’État, Ministre des affaires étrangères et des Guinéens de l’étranger, a déclaré que la prospérité que nous voulons partager est gravement menacée par la violence sur fond d’extrémisme et d’intolérance. L’exclusion, source de frustration, met également en péril la démocratie et la bonne gouvernance, tandis que le Proche-Orient est toujours en proie aux pires souffrances, notamment avec l’occupation de la Palestine. La Guinée exhorte donc la communauté internationale à tout mettre en œuvre pour la reprise des négociations entre Israël et l’État de Palestine, condamnés à vivre côte à côte, a-t-il ajouté.
Concernant l’Afrique, il a déclaré qu’elle sort peu à peu de sa torpeur, en renouant notamment avec la croissance économique et en investissant dans le renforcement de ses capacités de défense et de sécurité. Mais elle fait également face à la flambée du terrorisme et c’est pour cela qu’il faut trouver les voies et moyens pour endiguer ce fléau, y compris en éliminant les inégalités et en renforçant la culture démocratique, les droits humains et les libertés fondamentales, a-t-il aussi déclaré.
M. Fall a dit que la réalisation des 17 objectifs ambitieux du Programme de développement durable à l’horizon 2030 nécessitera une mobilisation de ressources adéquates. La Guinée fonde l’espoir que la Conférence de Paris sur le climat débouchera sur un accord juridiquement contraignant et appelle d’ores et déjà les États à contribuer au Fonds vert pour le climat. Il faut adapter notre vision de la gestion des affaires du monde aux réalités actuelles, a poursuivi le Ministre. Le système international doit être réformé et permettre la pleine participation de tous à l’évolution du monde. Il faut donc renforcer l’Assemblée générale et démocratiser le Conseil de sécurité. La Guinée, a dit le Ministre, soutient l’initiative de la France et du Mexique visant à encadrer l’usage du droit de veto, « à condition que cette mesure s’applique de manière équitable à toutes les régions du monde ».
Il s’est réjoui de la reprise des relations diplomatiques entre Cuba et les États-Unis, en arguant que l’Histoire prouve une fois de plus qu’en privilégiant la négociation et le dialogue au détriment de l’usage de la force, il est possible d’aplanir les divergences les plus profondes. C’est dans ce contexte que le Ministre s’est aussi réjoui de l’aide apportée par les Nations Unies et les autres partenaires dans la signature de l’accord global du 20 août dernier entre la mouvance présidentielle et l’opposition guinéenne. Les élections qui doivent se tenir le 11 octobre prochain marqueront pour la Guinée un nouveau départ vers son véritable développement économique et social, a-t-il assuré, sans oublier de remercier la communauté internationale pour l’aide qu’elle a apportée à la lutte contre la pandémie d’Ebola.
Mme FRANCINE BARON, Ministre des affaires étrangères de la Dominique, a insisté sur la menace « disproportionnée » pour des États comme le sien que constitue la forte concentration d’émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, rappelant que le seul passage de l’ouragan Erika en août sur son île a dévasté plus de 90% de l’économie locale en 24 heures. Ce phénomène « sape nos progrès vers le développement durable », a-t-elle souligné car il détourne des ressources destinées à relever les défis actuels, et qu’ils sont déjà la résultante des changements climatiques, a-t-elle estimé. Entre 2000 et 2014, les catastrophes naturelles ont coûté plus de 30 milliards de dollars aux pays des Caraïbes et 40% de la dette d’un État comme la Dominique résulte des emprunts contractés pour répondre à ces cataclysmes. « Une seule catastrophe naturelle peut faire reculer le PIB de nos pays de 10 ans », a-t-elle rappelé.
Pour cette raison, Mme Baron a réclamé la création d’un fonds international, fondé sur des contributions volontaires, pour aider les petits États insulaires à faire face à ces phénomènes extrêmes. La Dominique attend donc que les États Parties à la Convention-cadre des Nations Unies contre les changements climatiques écoutent les appels de la communauté scientifique et que tous prennent des engagements sérieux à Paris à savoir la mise en place d’un système limitant la hausse des températures à 2 degrés maximum, a-t-elle réclamé. « Mais nous demandons aussi à la Conférence de créer un nouveau mécanisme qui fournira des ressources aux petits États insulaires car les effets des changements climatiques vont perdurer », a-t-elle insisté.
Mme DUNYA MAUMOON, Ministre des affaires étrangères des Maldives, a rappelé que les premiers mots de la Charte des Nations Unies sont « Nous les peuples ». Soixante-dix ans après, il faut se demander si le peuple a été bien servi au-delà des promesses et confirmation des principes, a-t-elle estimé. Alors que les Nations Unies sont et restent le meilleur espoir de l’humanité, elles restent aussi piégées, prisonnières des excuses et coincées dans les mandats de ses organes. Pourquoi le Conseil de sécurité ne peut-il débattre que des questions d’armes et de bombes? Pourquoi le Conseil économique et social ne pourrait-il aussi discuter de la paix et de la sécurité? Pourquoi le développement et la guerre ne peuvent avoir une dimension « droits de l’homme »? Pourquoi chaque thématique relève de la compétence exclusive d’un organe? s’est interrogée la Ministre.
Les Maldives sont d’avis que chaque problème doit être examiné sous ses différents aspects et cela implique une redéfinition du concept de sécurité, incluant toutes les questions liées aux menaces visant l’humanité, dont les changements climatiques. Pour les Maldives, les changements climatiques sont une menace à la paix et à la sécurité. Ils affectent l’économie, entravent l’exercice des droits de l’homme et compromettent le mode de vie des populations. Les Maldives sont prêtes à agir. Elles ont d’ailleurs déjà commencé, avec les autres petits États insulaires en développement, à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et à travailler à un instrument juridiquement contraignant en prévision de la Conférence de Paris sur le climat, a souligné la Ministre.
La question des océans est une autre source de préoccupation pour les Maldives, car ils représentent une grosse partie de leur économie et de leur mode de vie. L’exploitation illégale des ressources naturelles et maritimes par des bandes criminelles menace également la paix et la sécurité. C’est pour cela que depuis 1980, le braconnage des tortues est interdit et que la biosphère est protégée depuis 2012. Les Maldives investissent aussi dans les capacités de résilience de ses communautés à l’intérieur, comme à l’extérieur du pays, notamment en promouvant l’autonomisation des jeunes et des femmes et en renforçant la démocratie.
La Ministre a également déclaré que « la crise des migrants » ne devrait pas s’appeler ainsi, mais plutôt « crise des réfugiés », car a-t-elle ajouté, ils fuient la violence, la barbarie et le terrorisme insensé de groupes qui agissent au nom de l’islam et nourrissent ainsi le courant islamophobe. La communauté internationale ne doit pas laisser ces groupes dénaturer la religion islamique, « religion de paix et de tolérance », a-t-elle ajouté. Elle s’est ensuite réjouie que le drapeau palestinien flotte désormais aux Nations Unies. C’est une étape historique, s’est-elle félicitée, ajoutant qu’une solution permanente à la situation en Palestine serait le retrait complet d’Israël des territoires occupés et la proclamation d’un État palestinien.
Mme NIERMALA BADRISING, Ministre des affaires étrangères du Suriname, a indiqué que les sept dernières décennies ont permis de grandes réalisations socioéconomiques, notamment dans l’égalité entre les sexes; le retour à la démocratie; le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales et la lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée. Au chapitre des défis à relever, Mme Badrising a attiré l’attention sur les conflits armés, la montée du fondamentalisme, le non-respect des droits de l’homme, les préoccupations liées à la santé, comme le VIH/sida et les maladies non transmissibles, de même que sur les effets pervers des changements climatiques et des catastrophes naturelles.
La lutte contre les changements climatiques demeure une haute priorité pour le Suriname, le plus petit pays d’Amérique du Sud qui abrite pourtant pas moins de 8% de la forêt tropicale vierge du monde et dont environ 94% du territoire est recouvert par cette forêt, ce qui en fait la « nation la plus verte de la Terre », a expliqué la Ministre. Dans ce contexte, elle a dit attendre du rendez-vous de Paris un « nouvel accord mondial » incluant des mesures spécifiques d’atténuation des effets des changements climatiques et des engagements relatifs à l’adaptation. Elle a aussi demandé que la priorité soit donnée à la mobilisation des ressources financières, en particulier pour les petits États insulaires et côtiers en développement. Épris de paix, le Suriname se réjouit des pas positifs dans le processus de normalisation des relations entre Cuba et les États-Unis, a indiqué la Ministre, en invitant à la levée du blocus économique.
M. DANIEL JEAN, Vice-Ministre des affaires étrangères du Canada, s’est inquiété du financement des objectifs de développement durable, les projections montrant que l’on ne dispose pas encore des milliers de milliards nécessaires pour les appliquer, a-t-il dit en appelant à trouver de nouvelles sources de financement, privées notamment, pour combler ce fossé. Ceci est d’autant plus important que, du jour au lendemain, les progrès peuvent être anéantis par les conflits, les guerres, les catastrophes et ou les crises alimentaires aigües.
En 2014, le Canada a augmenté de 32% son aide humanitaire pour venir en appui aux pays en crise comme l’Iraq, la Syrie, les Philippines ou la République centrafricaine, a-t-il relevé. Mais le Canada souhaite aujourd’hui faire face à la crise des réfugiés et des migrants qui touche l’Europe. Dans certains cas, comme celui des Syriens, le problème est « pressant », dans d’autre, il s’inscrit dans la durée. « Nous collaborerons avec nos partenaires pour surmonter ces difficultés en accueillant et réinstallant des réfugiés syriens au Canada », a-t-il promis. Mais, a poursuivi le Ministre, sans l’engagement collectif des États Membres pour résoudre les crises, les engagements de la Chartes de l’ONU seront des « paroles creuses ». Il a ajouté que son pays « appuiera » les minorités religieuses dont l’existence même est menacée par l’État islamique. Le Canada s’engage à « attirer l’attention » sur les « violences barbares » à l’encontre des femmes et des filles.
M. DANIELE BODINI (Saint-Marin) a rappelé que son pays, un petit pays sans armée et aux ressources limitées, ne peut compter que sur les Nations Unies et que face à la multitude des défis, une réforme de l’ONU, pour la rendre « plus efficace », est devenue « fondamentale ». La question doit être au cœur des travaux de l’Assemblée générale en ce soixante-dixième anniversaire, a insisté le représentant. L’Assemblée générale doit être revitalisée et le Conseil de sécurité, dont la réforme doit se faire dans un esprit de consensus, doit élargir la composition de ses membres non permanents afin de se prévaloir d’une « représentation géographique plus équilibrée ».
Face à l’afflux massif de réfugiés vers l’Europe, le représentant a dénoncé « la férocité sans précédent » exercée sur les populations en Iraq et en Syrie et espéré une solution diplomatique sous la direction de l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la Syrie. Le représentant a rappelé que les femmes font toujours l’objet de discriminations et de violence en bien des points du monde, y compris dans les pays développés. La traite des femmes est loin d’être un problème résolu. De même, les enfants, le groupe le plus vulnérable, sont toujours soumis à la violence, aux abus et à l’exploitation.
M. CARLOS RAÚL MORALES, Ministre des affaires étrangères du Guatemala, a souligné qu’il n’y a pas eu un seul incident regrettable, ni blessé, ni acte de vandalisme, pendant les 22 semaines de manifestations populaires contre la corruption, qui ont conduit à la démission du Président et de la Vice-Présidente ainsi que de leur déferrement devant la justice. Les Nations Unies ont joué un rôle dans ce processus, a dit le Ministre, indiquant que les nouvelles autorités sont chargées de conduire le pays aux élections du 25 octobre. La démocratie a montré sa force, a-t-il dit, soulignant que pendant ces manifestations, aucun ordre constitutionnel n’a été renversé ni changé.
Cette force est celle des Guatémaltèques qui exigent des changements sociétaux et des réformes politiques et sociales. Il est donc important que l’État y réponde adéquatement pour renforcer encore plus la démocratie. Le Gouvernement doit surtout répondre aux revendications sociales des jeunes car la migration doit être une option et pas la solution. Le représentant a chiffré à plus de deux millions, le nombre de Guatémaltèques qui vivent en dehors du pays, et notamment aux États-Unis. Même s’il s’agit d’un mouvement séculaire, la migration impose des responsabilités aux États qu’il soit d’origine, de transit ou de destination.
C’est pour cette raison que le Guatemala, le Honduras et El Salvador ont rejoint le triangle de l’Amérique centrale et du Nord, pour travailler, avec les États-Unis et la Banque mondiale, à un plan de l’Alliance pour la prospérité, qui analyse les raisons de la migration pour offrir de meilleures opportunités économiques aux jeunes. En 2016, ce Plan sera doté de 2,8 milliards de dollars, a-t-il chiffré. Le Guatemala apprécie en outre les efforts et les réformes envisagés par le Président Obama en faveur des migrants et continue de demander que ses ressortissants bénéficient du statut de protection temporaire accordé aux migrants aux États-Unis.
Le Ministre a également déclaré que son pays est dans un processus de normalisation avec ses voisins. Avec le Belize, la décision est de se tourner vers la Cour internationale de Justice (CIJ) pour régler les différends territoriaux. La coopération avec le Mexique est au plus haut niveau et avec le Honduras, la création d’une première union douanière est sur la bonne voie, a affirmé le Ministre, avant de se réjouir du renouveau des relations entre Cuba et les États-Unis et d’appeler à la levée de l’embargo contre Cuba. Il s’est en revanche dit très préoccupé par la situation au Moyen-Orient, notamment en Palestine et en Syrie. Il a exprimé la disposition de son pays à contribuer à l’amélioration des opérations de maintien de la paix de l’ONU. Le Ministre a conclu sur l’importance d’un instrument juridiquement contraignant contre les changements climatiques.
M. CALEB OTTO (Palaos) a espéré que d’ici à une génération, l’on repense à la présente session de l’Assemblée générale comme un événement déterminant au cours duquel le monde a résolument décidé d’inverser la tendance du développement et de l’exploitation de la planète, de redoubler d’efforts pour en finir avec la pauvreté et de protéger les plus vulnérables par un véritable engagement en faveur d’une transformation réelle. L’adoption d’une nouvelle série de 17 objectifs de développement durable, a-t-il dit, montre clairement que la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) aurait été bien plus impressionnante si le monde avait pris la peine de remédier aux causes sous-jacentes de la pauvreté et de la dégradation de l’environnement et de mettre en pratique l’OMD 8 sur les partenariats.
La troisième Conférence internationale sur le financement du développement a été, en juillet dernier à Addis-Abeba, le « premier test du degré d’engagement des pays développés. Il a déploré que le Programme d’action d’Addis-Abeba ait, grosso modo, réitéré les engagements des OMD, sans s’inquiéter de l’écart entre les grands discours et le faible niveau des engagements financiers. Dès lors, il s’avère qu’un Partenariat mondial « ambitieux et revigoré » soit clairement requis, a insisté le représentant. Il a cité les partenariats fructueux entre son pays et les États-Unis, le Japon et Taiwan. Il a d’ailleurs exhorté le système de l’ONU à impliquer Taiwan dans la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 et dans les mécanismes pertinents sur l’environnement, comme la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, compte tenu en particulier de ses capacités techniques.
M. CLAUDE BOUAH-KAMON (Côte d’Ivoire) s’est déclaré interpellé par l’insupportable tragédie humaine du phénomène migratoire actuel et s’est incliné devant la mémoire de « nombreux disparus de la Méditerranée ». Face à ce drame humanitaire, a-t-il dit, la communauté internationale doit, dans une approche concertée, globale et cohérente, trouver une réponse humaine à la crise des migrants et des réfugiés, qui fuient la pauvreté, la misère, la violence et les guerres au péril de leur vie. « Il en va de notre responsabilité commune », a-t-il insisté.
M. Bouah-Kamon a voulu que l’on réfléchisse à l’avenir de l’ONU dans ce monde en proie à des mutations de tous ordres. Boko Haram, a-t-il dit, qui est devenu « l’État islamique en Afrique de l’Ouest » continue de semer désolation et terreur tandis que la cybercriminalité prend de l’ampleur, et la pauvreté, en dépit des efforts engagés pour son éradication, est toujours une préoccupation et un facteur qui handicape le développement et le bien-être des peuples. S’agissant de son pays, le représentant a estimé que l’année 2015 est une « année charnière » en raison de la tenue, à partir du 25 octobre prochain, des élections générales ouvertes et inclusives. Il s’est félicité de la récente décision du Conseil de sécurité, dans sa résolution 2226 (2015) du 25 juin dernier, autorisant l’ONUCI à apporter un appui logistique aux élections.
Le Gouvernement a mis en place le « Cadre permanent de dialogue avec l’opposition » et mettra tout en œuvre afin de garantir la crédibilité du processus électoral en vue de consolider la paix retrouvée ». Le représentant a aussi indiqué que la Commission nationale pour la réparation et l’indemnisation des victimes (CONARIV), mise en place par le Gouvernement en vue de parachever les travaux de la Commission Dialogue, vérité et réconciliation (CDVR), procède actuellement à l’indemnisation des victimes. Le processus de désarmement, démobilisation et réinsertion (DDR) a été achevé avec succès avec un taux de réinsertion de 85% des ex-combattants, a ajouté le représentant.
Déclaration de clôture
M. MOGENS LYKKETOFT, Président de la soixante-dixième session de l’Assemblée générale, a déclaré que ce débat a vu la participation du plus grand nombre de chefs d’État et de gouvernement de l’histoire de l’ONU. Il a été agréable de les entendre réitérer les valeurs et principes qui fondent la Charte des Nations Unies et l’adoption du Programme de développement durable à l’horizon 2030 a été un moment historique, a-t-il dit.
Résumant les thématiques abordées au cours du débat général, il a dit que l’un des messages entendu au cours de ces six derniers jours a porté sur le sort des migrants dans le monde. Il a été dit que cette crise appelle une réaction mondiale, ancrée dans une approche des droits de l’homme. Concernant la crise en Syrie, beaucoup de dirigeants ont appelé à l’implication des grandes puissances afin qu’elles contribuent à la recherche d’une solution politique. Il a également été demandé que les obstacles à la paix entre Israël et la Palestine soient levés, tandis que les agissement des groupes extrémistes et terroristes ont été condamnés et qualifiés d’affront à la civilisation, a encore dit le Président. Les dirigeants ont aussi souligné la nécessité de renforcer les préventions des conflits et de même, ils ont dans leur grande majorité, en particulier les petits États insulaires en développement, jugé impératif de parvenir à un accord juridiquement contraignant à la Conférence de Paris sur le climat.
Dans le domaine de la santé, des nouvelles rassurantes sont venues du côté de l’Afrique l’Ouest, où les pays concernés ont pu se sortir de la maladie à virus Ebola, notamment avec l’appui des Nations Unies et d’autres partenaires internationaux. Les chefs d’État et de gouvernement ont par ailleurs placé beaucoup d’espoirs dans l’examen de haut niveau de la résolution 1325 du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité qui doit se tenir l’an prochain. Concernant les questions organisationnelles et institutionnelles, ils ont à nouveau demandé une réforme du Conseil de sécurité, afin qu’il respecte les équilibres mondiaux, et plaidé pour plus de transparence dans la désignation du Secrétaire général des Nations Unies, a résumé le Président.
Droits de réponse
La représentante de l’Indonésie a réagi aux propos des délégations des Tonga et des Îles Salomon, en rejetant les allégations sur de prétendues violations des droits de l’homme en Papouasie occidentale. Tenant à rétablir les faits, elle a rappelé que la Constitution et la législation indonésiennes offrent toutes les garanties de protection des droits. En tant que quatrième plus grande démocratie au monde, l’Indonésie a mis en place des mécanismes solides et travaille avec une société civile dynamique qui suit avec attention les problèmes des droits de l’homme qui surgissent dans le pays. L’Indonésie est aussi très engagée aux niveaux régional et international, s’agissant notamment du renforcement des capacités. La représentante a dénoncé les motivations politiques des Tonga et des Îles Salomon et affirmé que son pays accorde une grande importance aux relations avec les peuples des îles du Pacifique et cherche à s’en rapprocher au nom de la paix et de la sécurité régionales.
Son homologue des Tonga a dit apprécier les relations diplomatiques avec l’Indonésie mais a insisté sur les préoccupations face aux allégations de violations des droits de l’homme. Il a espéré qu’une mission conjointe d’établissement des faits serait mise sur pied et appelé à un dialogue plus large avec l’Indonésie à ce propos.
Le représentant des Îles Salomon a réitéré son attachement et son profond respect pour la souveraineté de l’Indonésie. Il a pris bonne note de la déclaration de cette dernière, en priant les délégations de garder à l’esprit les trois piliers de la Charte de l’ONU. Tous les États ont le droit et l’obligation de respecter, promouvoir et protéger les droits de l’homme. Il a réitéré la volonté de son pays de travailler de concert avec tous les États, dont l’Indonésie, en faveur des droits de l’homme.
La déléguée de la République islamique d’Iran a quant à elle dénoncé les allégations infondées du représentant de Bahreïn, des accusations « fabriquées de toutes pièces » dont l’objectif est d’occulter les exactions du Gouvernement bahreïni contre sa propre population. La déléguée a rappelé que la dénomination historique du golfe est bien « Golfe persique », une dénomination qui remonte au Ve siècle avant Jésus-Christ et qui figure dans les anciens textes arabes. Pourquoi certaines délégations arabes continuent d’utiliser d’autres expressions? s’est-elle demandée, avant de réitérer la souveraineté de l’Iran sur les trois îles « persiques » d’Abou Moussa, de la Petite Tunb et de la Grande Tunb. Toute affirmation contraire à cette « vérité » serait une ingérence, a-t-elle prévenu. La souveraineté de l’Iran sur ces trois îles « n’est pas négociable ». Commentant ensuite les propos de la délégation du Canada, la représentante a vu un pays qui « poursuit ses années d’attaques » contre l’Iran. Ce pays s’est même opposé à l’accord sur le programme nucléaire, a-t-elle taclé.