L’Assemblée examine, dans le cadre du soixante-dixième anniversaire de l’ONU, les défis à relever en matière de maintien de la paix et de sécurité internationales
L’Assemblée générale a tenu, aujourd’hui, un débat thématique de haut niveau portant, dans le cadre du soixante-dixième anniversaire de l’ONU, sur le maintien de la paix et de la sécurité internationales, qui a été l’occasion pour nombre des quelque 50 ministres et représentants d’États Membres de souligner l’urgence d’une réforme de l’Organisation pour lui permettre de mieux affronter les défis actuels et à venir.
Ouvrant ce débat, le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, a appelé à renforcer la prévention, la médiation et le règlement pacifique des différends, ainsi que la consolidation de la paix, tout en insistant sur la nécessité de s’attaquer aux racines des conflits, en accordant notamment une attention plus soutenue aux violations des droits de l’homme, lesquelles sont souvent les signes avant-coureurs du pire à venir, et de fournir des ressources adéquates et prévisibles.
Décidé par l’Assemblée générale dans sa résolution 69/316*, sur une initiative du Groupe des États d’Afrique, ce débat thématique vise à tirer les enseignements de l’expérience acquise au cours des 70 années écoulées et à faire le point des défis actuels dans ce domaine. Ce fut l’occasion pour les États Membres et les États observateurs de réaffirmer leur attachement à la Charte des Nations Unies.
Le Secrétaire général a rappelé que l’Organisation comptait aujourd’hui quatre fois plus de Membres qu’au moment de sa création en 1945. De même, les opérations de maintien de la paix et les missions politiques spéciales déploient à travers le monde plus de 128 000 personnes, un nombre plus élevé que jamais auparavant, tandis que le personnel humanitaire s’efforce de porter secours à un nombre record de personnes dans le besoin. Les mécanismes des Nations Unies en vue de régler l’instabilité et la fragilité ont atteint leurs limites, a-t-il dit.
M. Ban a également annoncé qu’il présenterait, à l’Assemblée générale dans les mois à venir, un plan de renforcement des efforts visant à prévenir l’extrémisme violent. Le Sommet humanitaire mondial d’Istanbul, qui se tiendra en mai 2016, sera une occasion essentielle de consolider les efforts en vue de sauver des vies humaines et d’alléger les souffrances.
La paix, a déclaré le Président de la soixante-dixième session de l’Assemblée générale, M. Mogens Lykketoft, n’est « pas seulement l’absence de conflit, c’est aussi un état d’esprit ». « En cette année anniversaire, nous devons nous rapprocher de la vision de la Charte des Nations Unies », a-t-il proposé.
Afin de faire progresser les synergies entre les trois principaux examens en cours sur le maintien de la paix, sur la consolidation de la paix et sur les femmes, la paix et la sécurité, et d’échanger des vues concernant le rôle et l’efficacité de l’ensemble du système des Nations Unies en matière de paix et de sécurité, un débat thématique de haut niveau aura lieu les 10 et 11 mai 2016, a-t-il annoncé.
Pour le Président de l’Assemblée générale également, « notre préoccupation pour la sécurité, la paix, les droits de l’homme et le développement doit trouver son expression dans la façon dont nous répondons à la crise actuelle des réfugiés ». Il a ainsi indiqué qu’il convoquerait prochainement une réunion de l’Assemblée générale consacrée à la réponse à apporter à certains des défis dans ce domaine.
Le Président de la Commission indépendante sur le multilatéralisme, M. Kevin Rudd, a fait observer que le maintien de la paix et de la sécurité internationales demeurait le principal mandat des Nations Unies. « Soixante-dix ans est la durée d’une vie humaine », a-t-il déclaré, en notant qu’aucune autre institution internationale n’avait atteint un tel âge.
M. Rudd a souligné le caractère central de la prévention. La Syrie, a-t-il dit, est l’exemple de ce qui peut se passer lorsque l’on n’arrive pas à prévenir un conflit, l’émergence d’un groupe comme celui de Daech ou la gestion des réfugiés. Il a déploré le cynisme qui s’installe face à ceux qui appellent à la réforme de l’Organisation. « Nos ancêtres, il y a 70 ans, ont réussi à surmonter le cynisme de la guerre. Nous devons aujourd’hui les imiter. »
La plupart de la cinquantaine de ministres et de représentants qui ont pris la parole lors de cette première journée de débat ont souligné l’urgence d’une réforme visant à renforcer les Nations Unies.
Au nom du Mouvement des pays non alignés, le Ministre des affaires étrangères de la République islamique d’Iran, M. Javad Zarif, a exprimé la détermination du Mouvement à défendre les principes de souveraineté, d’égalité, d’intégrité territoriale et de non-intervention dans les affaires intérieures des États.
En outre, selon le Mouvement des pays non alignés, la Charte des Nations Unies contient suffisamment de dispositions sur l’usage de la force pour maintenir la paix et la sécurité internationales, le Conseil de sécurité devant s’y conformer strictement. Ainsi, recourir au Chapitre VII de la Charte, qui prévoit le recours à la force, pour tenter de régler des questions qui ne posent pas de menace à la paix et à la sécurité internationales doit être évité, a insisté M. Zarif, en précisant que les Chapitres VI ou VIII –règlement pacifique des différends et accords régionaux- étaient les plus appropriés.
Le Ministre des affaires étrangères du Pakistan, M. Sartaj Aziz, dont le pays est, depuis des décennies, l’un des plus gros contributeurs de soldats de la paix, a réitéré la position de son pays en faveur d’une réforme du Conseil de sécurité, lequel devrait comprendre, a-t-il précisé, davantage de membre élus et de membres permanents afin de rendre cet organe moins opaque.
La Vice-Ministre des affaires étrangères de l’Inde, Mme Sushma Swaraj, a dit que le Conseil de sécurité a tendance à surcharger son programme de travail avec des questions qui pourraient être examinées par d’autres organes des Nations Unies. « La réforme du Conseil de sécurité est une des tâches les plus urgentes dont nous sommes saisies », a-t-elle déclaré, en exhortant à conclure les négociations sur ce sujet au cours de la soixante-dixième session.
La position commune africaine sur la réforme du Conseil de sécurité a été réaffirmée par l’Observateur de la Commission pour la paix et la sécurité de l’Union africaine, M. Ismail Chergui. Définie dans le Consensus d’Ezulwini, elle demande à ce que l’Afrique soit « dûment représentée au sein du Conseil de sécurité avec tous les pouvoirs et les privilèges de ses cinq membres permanents actuels ».
La Vice-Ministre des affaires étrangères de la Pologne, Mme Henryka Mościcka-Dendys, et son homologue belge, M. Didier Reynders, ont tous deux soutenu l’initiative de la France et du Mexique visant à empêcher l’usage par les membres permanents du Conseil de sécurité du droit de veto en cas d’« atrocités de masse ». En application de cette proposition, qui a accueilli à ce jour l’appui de 70 États, les membres permanents du Conseil s’engageraient volontairement et collectivement à ne pas exercer ce droit. « Un veto trop longtemps utilisé entache la crédibilité du Conseil de sécurité et de l’ensemble de l’ONU », a estimé le représentant du Royaume-Uni, M. Matthew Rycroft.
Certains, tel le Ministre nigérian des affaires étrangères, M. Aminu Wali, ont prôné l’« expansion de l’approche régionale, qui est une passerelle entre les efforts nationaux et mondiaux dans le règlement des conflits ». Il faut ainsi parfois, selon lui, « construire des passerelles quel que soit le conflit ».
M. Wali a, en particulier, étayé sa démonstration avec l’exemple de la lutte contre Boko Haram dans sa région. De même, « le lien entre l’Union africaine, l’Union européenne et l’ONU démontre ce qui peut être fait avec le Programme conjoint d’appui qui, en matière de coopération, a donné des résultats tangibles ».
M. Chergui a, pour sa part, présenté les principes qui devraient guider les différentes configurations de partenariat entre l’Union africaine et l’ONU et d’autres, comme ceux de la sécurité collective dans le cadre du Chapitre VIII de la Charte des Nations Unies, de l’appui à l’appropriation et à l’établissement de priorités par le continent africain ou de la division des tâches sur la base de la complémentarité.
Enfin, le représentant de la Chine, M. Liu Jieyi, a indiqué que son pays, qui établira un fonds de développement d’un milliard de dollars sur 10 ans pour soutenir les activités de l’ONU en faveur du développement, affecterait 8 000 soldats aux forces en attente du maintien de la paix. Elle octroiera enfin 100 millions de dollars à l’Union africaine pour appuyer la force africaine en attente et renforcer ainsi sa capacité à résoudre les crises sur le continent.