L’Assemblée générale évalue les progrès et les obstacles dans la lutte mondiale contre la drogue, un marché de 322 milliards de dollars
À moins d’un an de sa session extraordinaire sur le problème mondial de la drogue, l’Assemblée générale a réfléchi aujourd’hui aux moyens de mieux lutter contre cette menace qui représente un chiffre d’affaires de 322 milliards de dollars et qui met en péril la sécurité, la stabilité et la santé publique des États, touchant plus particulièrement les jeunes et les communautés.
La session extraordinaire de 2016 est organisée en prélude à l’année 2019, date butoir pour la mise en œuvre de la Déclaration politique et du Plan d’action de 2009 sur « la coopération internationale en vue d’une stratégie intégrée et équilibrée de lutte contre le problème mondial de la drogue ». « Lorsque nous nous retrouverons l’an prochain au mois d’avril, nous devons être prêts à relever nous-mêmes les défis, à tenter de consolider nos approches et à élaborer toute une série de perspectives sur les questions liées à la drogue », a déclaré le Vice-Secrétaire général de l’ONU, M. Jan Eliasson, en ouvrant, ce matin, un débat thématique de haut niveau qui a rassemblé tout au long de la journée ministres et représentants d’État.
« Nous devons nous écouter les uns les autres et engager un débat ouvert et global », a déclaré M. Eliasson, qui a souligné la nécessité, tout en se concentrant sur la santé publique, la prévention et les soins, ainsi que sur les stratégies économiques, sociales et culturelles, de « bâtir une approche multisectorielle fondée sur le partenariat et la coopération ».
Le débat thématique d’aujourd’hui intervient, à un moment essentiel, quelque temps après le treizième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale, qui a consacré, une nouvelle fois, le principe de « la responsabilité commune mais différenciée », a commenté le Président de l’Assemblée générale, M. Sam Kutesa.
Aucun pays ni aucune société n’est à l’abri de la menace des drogues illicites et de leurs conséquences, a-t-il déclaré, en dénonçant une entreprise multimilliardaire dont le chiffre d’affaires s’élève à environ 322 milliards de dollars. L’être humain doit être au centre de nos efforts, a plaidé le Président, d’où l’importance d’inclure la prévention du crime et la justice pénale dans le programme de développement pour l’après-2015.
Le Président de l’Assemblée a insisté sur la pleine mise en œuvre des trois Conventions de l’ONU, celles de 1961 sur les stupéfiants, de 1971 sur les substances psychotropes et de 1988 sur le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes. En plus de ces Conventions, a préconisé M. Kutesa, la communauté internationale doit utiliser les autres outils qu’offrent les Conventions des Nations Unies contre la corruption et la criminalité transnationale organisée.
Il faut faire baisser l’offre et la demande, étudier les nouvelles tendances, anticiper les dynamiques émergentes et faire attention au lien entre trafic illicite de drogues et financement du terrorisme, corruption et trafic d’armes légères et de petit calibre, s’est-il expliqué.
Le Ministre de la justice et du droit de la Colombie, M. Yesid Reyes Alvarado, a rappelé qu’en 2012, les Présidents colombien, guatémaltèque et mexicain avaient lancé un appel à évaluer les progrès et les limites de la politique de lutte contre la drogue, en demandant une réflexion approfondie et une révision rigoureuse et responsable de l’approche suivie jusqu’à présent. « C’est ainsi que l’Assemblée générale a prévu la tenue d’une session extraordinaire de 2016 », a expliqué M. Reyes Alvarado.
Les approches limitées à «la guerre contre la drogue », n’ont pas réussi à éradiquer la production illicite, le transport et la distribution de drogues, a reconnu son homologue de la Jamaïque, M. Mark J. Golding. Le Ministre jamaïcain a prôné la création, à l’occasion de la session extraordinaire de l’an prochain, d’un groupe consultatif d’experts pour examiner la cohérence de l’architecture de l’ONU dans le domaine du contrôle de drogues, les incohérences entre les différents traités et les « tensions juridiques » dans la législation sur le cannabis. Ce que la Jamaïque voudrait finalement, c’est un régime de traités qui donne plus d’autonomie à chaque État dans la conception des politiques et lois nationales, s’agissant en particulier du cannabis.
« Nous devons accepter le fait que nous faisons face à un phénomène mondial qui touche chaque État d’une manière spécifique », a en effet observé le Secrétaire d’État aux affaires intérieures du Mexique Miguel Ángel Osorio, appelant à une « riposte commune », reposant sur un « partage des responsabilités » et permettant de « promouvoir des politiques cohérentes et complémentaires entre les pays ». Il ne faut surtout pas croire que les méthodes des pays développés peuvent être répliquées telles quelles dans les pays en développement, a mis en garde le Président du Conseil national de lutte contre les stupéfiants de la République dominicaine, M. Fidias Aristy Payano.
L’Union européenne s’est vantée de l’une des stratégies « les plus réalistes et les plus humaines au monde ». Sa représentante, Mme Gyoryi Marin Zanthy, a expliqué le Plan 2013-2020 dans lequel les toxicomanes sont considérés comme des personnes à aider plutôt que comme des criminels. Aux côtés de plusieurs autres délégations, elle a exprimé sa ferme opposition à la peine de mort, en toutes circonstances, y compris pour les délits liés à la drogue, appelant les États qui maintiennent ce châtiment à l’abandonner.
La discussion a également pris la forme de deux tables rondes, la première sur « les réalisations et les obstacles des États Membres dans la lutte contre le problème mondial de la drogue » et la seconde sur « l’importance pour les États Membres de mettre en place une approche multidimensionnelle et multipartite dans la lutte contre le problème mondial de la drogue ».
DÉBAT THÉMATIQUE DE HAUT NIVEAU EN SOUTIEN AU PROCESSUS MENANT À LA SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2016 SUR LE PROBLÈME MONDIAL DE LA DROGUE
Ouverture du débat
M. SAM KUTESA, Président de la soixante-neuvième session de l’Assemblée générale des Nations Unies, a estimé que la session extraordinaire de 2016 sur le problème mondial de la drogue est une occasion unique pour une discussion ouverte, inclusive et approfondie, en prélude à l’année 2019, identifiée comme la fin du délai imparti pour la mise en œuvre des engagements et cibles contenus dans la Déclaration politique et Plan d’action sur la coopération internationale en vue d’une stratégie intégrée et équilibrée de lutte contre le problème mondial de la drogue.
Le débat thématique d’aujourd’hui intervient, à un moment essentiel, quelques temps après le treizième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale, qui a consacré le principe de « la responsabilité commune mais différenciée ». Aucun pays ni aucune société n’est à l’abri de la menace des drogues illicites et de leurs conséquences, a déclaré le Président de l’Assemblée générale. Le problème mondial de la drogue ne fait aucune discrimination entre pays riches et pays pauvres, même si ce sont les plus pauvres et les plus vulnérables qui sont les plus affectés, à cause de la multitude des défis auxquels ils font face.
M. Kutesa a insisté sur le fait que le trafic de drogues est une entreprise de multimilliardaire qui a infiltré nos sociétés, nos gouvernements, et les institutions nationales et internationales, y compris celles responsables de leur contrôle. Le marché mondial de la drogue représente un chiffre d’affaires d’environ 322 milliards de dollars. Alors que les barons de la drogue prospèrent, des millions d’hommes, de femmes et d’enfants sont piégés dans la pauvreté et languissent en prison, un défi pour les systèmes de santé déjà surchargés, particulièrement dans les pays en développement.
L’être humain doit être au centre de nos efforts, a plaidé le Président de l’Assemblée générale, ajoutant « nous devons faire tout ce que nous pouvons pour les soutenir et les autonomiser afin qu’ils surmontent la vulnérabilité qui les expose aux drogues illicites et à la criminalité », ce qui souligne l’importance d’inclure la prévention du crime et la justice pénale dans le programme de développement pour l’après-2015.
Les efforts collectifs, a poursuivi le Président, doivent se tourner vers la prévention, tout en veillant à fournir traitement et soins aux personnes concernées. Il faut aussi renforcer la coopération internationale contre la criminalité internationale liée à la drogue. À ce sujet, le Président a insisté sur la pleine mise en œuvre des trois conventions contre la drogue. « Nous pouvons faire mieux dans ce domaine en tant que nation et en tant que communauté internationale », a-t-il estimé. En plus des trois conventions, a noté M. Kutesa, la communauté internationale doit utiliser les autres outils qu’offrent les Conventions des Nations Unies contre la corruption et la criminalité transnationale organisée pour combattre le trafic de drogues, le blanchiment d’argent et autres activités illicites liées à la faune ou aux forêts.
Il faut équilibrer l’offre et la demande, tout en mettant en lumière l’impact de la consommation de drogues sur les pays producteurs et de transit, plaidant, et mettant en œuvre des stratégies alternatives de développement. Il faut étudier les nouvelles tendances, anticiper les dynamiques émergentes et faire attention au lien entre trafic illicite de drogues et financement du terrorisme, corruption et trafic d’armes légères et de petit calibre. Le Président a salué l’action de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) qui a mis en place des programmes de développement alternatifs visant à améliorer la vie des paysans, notamment les femmes, dans diverses régions du monde.
M. JAN ELIASSON, Vice-Secrétaire général de l’ONU, a affirmé que lorsque nous nous retrouverons l’an prochain au mois d’avril, nous devons être prêts à relever nous-mêmes les défis, à tenter de consolider nos approches et à élaborer toute une série de perspectives sur les questions liées à la drogue. Nous devons nous écouter les uns les autres et engager un débat ouvert et global, a-t-il déclaré.
Selon M. Eliasson, il existe différentes façons de voir les défis qui nous attendent. Nous devons reconnaître que le trafic de stupéfiants représente dans de nombreux cas une menace à la paix et à la sécurité aux niveaux national, régional et international.
Au niveau national, il a cité les réseaux criminels qui prospèrent grâce au trafic de drogues allant jusqu’à menacer la stabilité des sociétés solides et stables.
Au niveau international, les liens entre la criminalité transnationale organisée, le terrorisme et l’extrémisme violent constituent une nouvelle menace très grave. La lutte contre la drogue et la criminalité est incluse dans les mandats des opérations de maintien de la paix des Nations Unies dans des pays comme la Guinée-Bissau et l’Afghanistan, a-t-il dit.
La lutte contre la drogue est une lutte douloureuse, souvent ingrate, qui ne semble jamais prendre fin, a observé le Vice-Secrétaire général. Il a en particulier mis l’accent sur la nécessité de prendre des mesures de riposte basées sur la santé, surtout pour les toxicomanes.
De même, il convient de prêter une attention particulière à la protection des jeunes, élaborer des politiques qui reconnaissent les effets de la toxicomanie sur les enfants.
M. Eliasson a souligné la nécessité, tout en se concentrant sur la santé publique, la prévention et les soins, ainsi que sur les stratégies économiques, sociales et culturelles, de bâtir une approche multisectorielle fondée sur le partenariat et la coopération.
M. ARTHAYUDH SRISAMOOT (Thaïlande) Président de la cinquante-huitième session de la Commission des stupéfiants, a affirmé que sa Commission était pleinement déterminée à mettre en œuvre le mandat que lui a confié l’Assemblée générale. Chargée de diriger le processus préparatoire en vue de la tenue de la session extraordinaire de 2016, la Commission a notamment organisé un segment spécial en mars de l’année dernière, durant lequel États Membres, entités de l’ONU et organisations de la société civile ont pu échanger leurs points de vue. Il a aussi indiqué que ce segment spécial avait bénéficié de la participation active des jeunes et de la communauté scientifique.
Le Président a détaillé la résolution relative à la session extraordinaire agréée, indiquant que cette dernière proposait les dates du 19 au 21 avril 2016 pour la tenue de ladite session. La résolution prévoit également un débat général et cinq tables rondes interactives ainsi que les dispositions relatives à un document « court, substantiel, concis et orienté vers l’action, comprenant un ensemble de recommandations opérationnelles ». Ce document serait soumis pour adoption à la session extraordinaire, a-t-il conclu.
Déclarations
M. YESID REYES ALVARADO, Ministre de la justice de la Colombie, a rappelé qu’en 2012, les Présidents de la Colombie, du Guatemala et du Mexique avaient lancé un appel à évaluer les progrès et les limites de la politique de lutte contre la drogue, en demandant une réflexion profonde et une révision rigoureuse et responsable de l’approche suivie jusqu’à présent. C’est ainsi que l’Assemblée générale a prévu la tenue d’une session extraordinaire de 2016, a souligné M. Reyes Alvarado. Nous ne voulons pas renier les Conventions existantes, a-t-il assuré, expliquant rechercher plutôt un équilibre dans leur fonctionnement. Le Ministre a indiqué que, malgré les grands efforts consentis par son pays pour mettre fin à la culture illicite de la drogue, il est encore loin de son élimination et fait même face à une amplification du phénomène. Cela prouve l’énorme capacité d’adaptation des organisations criminelles qui contrôlent ce marché, a-t-il fait remarquer, en soulignant la nécessité de changer la méthode.
Le flux de drogues qui sortent de nos frontières a beaucoup diminué mais l’offre et la consommation interne ont augmenté, a indiqué le Ministre en soulignant qu’on ne pouvait plus opposer comme avant les pays producteurs et les pays consommateurs. Il a prôné une analyse objective de la politique de lutte contre la drogue, en se basant sur les leçons apprises. La première de ces leçons est qu’il ne suffit pas de réprimer l’économie illicite de drogues en droit pénal. Il faut, a-t-il recommandé, démanteler les réseaux criminels pour casser la chaîne du trafic. Une autre leçon est qu’il faut aborder la consommation de drogues comme un problème de santé publique, sans jeter l’opprobre sur les consommateurs. Autre problème à régler: la détérioration du tissu social et de la cohabitation pacifique. Le Ministre a aussi conseillé de laisser aux pays une marge de manœuvre suffisante pour mener leurs politiques, celles-ci devant en outre être évaluées en fonction de leurs résultats et de leurs échecs.
Le Ministre a énuméré 12 points qu’il souhaiterait voir inclure dans le nouveau plan d’action dont l’harmonisation des politiques et des engagements pris en matière de droits de l’homme, l’analyse approfondie, avec la participation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), du phénomène lié aux nouvelles drogues de synthèse, la révision des systèmes de classification des substances et l’amélioration de l’efficacité des processus judiciaires contre la délinquance transnationale organisée, avec des forces spéciales de police et d’enquête.
M. MARK J. GOLDING, Ministre de la justice de la Jamaïque, a confié que son pays est parvenu à la conclusion que les approches antérieures, encapsulées dans la notion « guerre contre la drogue », n’avaient pas réussi à éradiquer la production illicite, le transbordement et la distribution de drogues. En adoptant une approche insuffisamment souple et holistique, nous avons « malheureusement » facilité l’enrichissement et le renforcement de la criminalité transnationale organisée, opprimé les groupes autochtones qui ont des droits constitutionnels méritant le respect et aliéné et criminalisé les jeunes. Par l’« étroitesse » de notre approche, nous avons contribué à compromettre le développement durable, les processus démocratiques et l’état de droit dans de nombreux pays.
Le dialogue posé, le Ministre a voulu que la prochaine session extraordinaire ne soit pas un forum pour approuver les accords et les approches passés. Au contraire, elle doit être l’occasion de jeter un regard neuf sur les actions passées, en vue de développer de nouvelles approches adaptables à nos environnements en constante mutation.
Pour la Jamaïque, la session extraordinaire devrait créer un groupe consultatif d’experts pour examiner la cohérence de l’architecture de l’ONU dans le domaine du contrôle de drogues, les incohérences entre les différents traités et les « tensions juridiques » dans la législation sur le cannabis. La session devrait aussi ouvrir ses portes à un groupe de travail de la société civile, renforcer la coordination entre toutes les entités de l’ONU pour une approche plus holistique et indiquer clairement la direction que devrait prendre le nouveau plan d’action. Ce que la Jamaïque voudrait finalement, c’est un régime de traités qui donne plus d’autonomie à chaque État dans la conception des politiques et lois nationales, s’agissant en particulier du cannabis.
M. MIGUEL ÁNGEL OSORIO CHONG, Secrétaire d’État aux affaires intérieures du Mexique, a estimé que les progrès en vue de la résolution du problème mondial de la drogue étaient insuffisants. « Nous devons accepter le fait que nous faisons face à un phénomène mondial qui touche chaque État d’une manière spécifique », a-t-il dit. Il a prôné une riposte commune, qui soit basée sur un partage des responsabilités et permette de promouvoir des politiques cohérentes et complémentaires entre les pays. M. Osorio Chong a affirmé que la fin des années 90 avait vu l’émergence d’un nouveau paradigme, selon lequel la demande en stupéfiants illicites requiert la même attention que la production et le trafic. « Il est maintenant essentiel que nous intensifions nos efforts en vue d’améliorer le bien-être des communautés », a-t-il, ajoutant que la session extraordinaire était à ce titre une excellente occasion à saisir.
Il a souligné la nécessité d’examiner attentivement les mandats existants, dont celui de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS), pour réduire la demande et améliorer la coordination s’agissant de la disponibilité, la facilité d’accès et le contrôle des nouvelles substances. « La solution fondamentale au problème des drogues réside dans la prévention », a-t-il poursuivi. Pour répondre plus efficacement au problème mondial de la drogue, le Secrétaire d’État a défendu des politiques « plus justes et plus humaines ». Nous devons proposer des solutions qui, tout en étant dissuasives, mettent l’accent sur le bien-être de la société et de l’individu. Il a ajouté qu’une telle approche exigeait une cohérence entre les trois conventions sur le contrôle des drogues et les instruments internationaux sur les droits de l’homme. Il a, à ce titre, vivement regretté l’absence de consensus sur la nécessité de cesser de promouvoir des mesures « cruelles et inhumaines ». « L’application de telles pratiques est non seulement contraire aux trois conventions mais dessert la prévention de la criminalité, la sécurité des citoyens et l’harmonie sociale ». En conclusion, M. Osorio Chong a encouragé les États Membres à considérer l’utilisation de tous les outils de la justice pénale qui sont à leur disposition, tels que les alternatives à l’incarcération et le respect de la proportionnalité dans l’imposition des peines.
M. RODRIGO VIELMANN, Vice-Ministre des relations extérieures du Guatemala, a expliqué être venu à cette réunion malgré quelques réserves, mais en assumant sa responsabilité d’analyser les progrès qui ont pu être réalisés. Une telle discussion était inconcevable il y a quelques années, a-t-il rappelé. Il a souligné la responsabilité de la communauté internationale de mettre en œuvre les conventions internationales, en en faisant une interprétation « intégrale ». Le Guatemala vit de près les conséquences du trafic de drogues, en tant que pays de transit, a indiqué M. Vielmann, soulignant la menace que cela fait peser sur les institutions publiques. Il ne suffit pas de se concentrer sur la pénalisation vu le contexte actuel, car on risque de laisser de côté les autres problèmes sociaux comme l’éduction, la santé et le développement.
Au Guatemala, une Commission nationale de la réforme politique en matière de drogues est actuellement en train d’élaborer une politique plus efficace. Il faut, en effet, a insisté le Vice-Ministre, respecter la souveraineté des États en la matière, bien au fait des besoins de leurs populations. Si on ne peut offrir une solution unique, on peut quand même créer les conditions favorables à un consensus global, a-t-il néanmoins reconnu, avant de recommander de consolider les efforts grâce aux agences de l’ONU. M. Vielmann a attiré l’attention sur la Déclaration de l’Organisation des États américains de 2013.
M. JUAN CARLOS MOLINA, Secrétaire d’État du Programme de prévention de l’addiction aux drogues et de lutte contre le trafic de stupéfiants de l’Argentine, a parlé des efforts consentis pas son pays pour réduire l’offre et la demande de substances illicites, tout en regrettant que le retour sur investissement ne soit pas assez visible. C’est sans doute parce que nous ne voulons pas regarder le problème en face, a-t-il reconnu, en citant les propos de la Présidente de l’Argentine elle-même. Celle-ci a demandé aux pays les plus gros consommateurs de drogues et non producteurs, d’aborder le problème du financement. Où est blanchi l’argent des narcotrafiquants? Dans les banques des pays producteurs ou dans celles des pays développés et des paradis fiscaux?
Regardons au-delà de la session extraordinaire, a conseillé le Secrétaire d’État qui a prôné des objectifs réalisables mais ambitieux. Il faut, a-t-il précisé, aborder de manière distincte les différents maillons de la chaîne qui va de la lutte contre le trafic de drogues au blanchiment d’argent, en prenant des mesures dures et en punissant pénalement les consommateurs de drogues. Il a aussi conseillé de prévoir des peines alternatives à la prison, ainsi qu’une taxation des substances. M. Molina a fait remarquer que la bureaucratie diplomatique et les querelles sur des points ou des crochets ne mèneraient pas à la victoire. N’ayons pas peur de débattre et de changer même les conventions qui paraissent intouchables, a-t-il lancé.
M. RODRIGO VELEZ, Secrétaire national du Conseil du contrôle des narcotiques et des substances psychotropes de l’Équateur, s’exprimant au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a déclaré qu’au cours du troisième Sommet de la CELAC qui a eu lieu à Belén au Costa Rica le 29 janvier dernier, les États membres ont adopté une déclaration spéciale dans laquelle ils ont reconnu que le problème mondial de la drogue a des implications sur la santé publique, la sécurité et le bien-être de l’humanité, et particulièrement des enfants et des adolescents. Ils ont aussi noté qu’étant donné que cette question affecte le processus de développement, la communauté internationale devrait y faire face en tenant compte du principe de responsabilité commune et d’une approche multidisciplinaire qui doit inclure les droits de l’homme et des mesures pour le bien-être des individus, conformément, a-t-il précisé, aux trois conventions des Nations Unies.
M. Velez a appelé à des mesures visant à réduire l’offre et la demande de drogues et à atténuer les conséquences socioéconomiques de ce fléau. Pour la CELAC, les stratégies de réduction de l’offre et de la demande doivent s’appuyer sur le respect de la souveraineté et de la non-ingérence dans les affaires intérieures. Il a expliqué que la lutte nécessite un soutien technique adéquat en faveur des pays affectés, y compris en faveur des pays de transit. Il a en outre plaidé pour une approche qui tienne compte des aspects tels que la prévention, le traitement, la réhabilitation et la réintégration sociale, mais aussi de l’égalité entre les sexes.
M. LUIS E. ARREAGA, Premier Vice-Secrétaire adjoint du Bureau des narcotiques et du maintien de l’ordre des États-Unis, a estimé que la session extraordinaire constituerait une occasion d’évaluer les réalisations et les lacunes dans la lutte contre le fléau mondial de la drogue et de définir des moyens d’action. Les réformes engagées dans ce secteur devraient pouvoir être effectuées dans le cadre des trois conventions des Nations Unies, a-t-il dit. Cette réunion sera l’occasion de traduire les données scientifiques dans des pratiques efficaces et de faire part des politiques en matière pénale et d’éventuelles alternatives à l’incarcération. Il a également insisté sur la nécessité de réfléchir aux moyens à mettre en œuvre pour faciliter l’entraide judiciaire, les extraditions ou la coopération pour lutter contre les trafics illicites. M. Arreaga a également encouragé la société civile et les organisations régionales à apporter leur pierre à l’édifice lors de cette session spéciale de 2016.
M. FIDIAS ARISTY PAYANO, Président du Conseil national de lutte contre les stupéfiants de la République dominicaine, a dit que depuis un passé récent, la République dominicaine est devenu un pays de transit du trafic des stupéfiants vers les États-Unis et l’Europe. Il a insisté sur le lien entre ce trafic et la violence qui frappe la région, et l’impact de ce fléau sur l’économie du pays, soulignant que les ressources du pays pour le développement doivent être réaffectées à la lutte contre la drogue. Il faut une plus grande coopération internationale, a-t-il insisté, au nom d’une région qui compte environ 620 millions d’habitants dont une grande proportion en âge de travailler mais exposée au chômage et à la pauvreté, et en conséquence, à la violence liée au trafic des stupéfiants.
M. Payano a mis en garde contre la prétention de croire que les méthodes de lutte mises en œuvre dans les pays développés pourraient être répliquées telles quelles dans les pays en développement. En République dominicaine, le pilier de la lutte est la prévention, notamment à travers l’éducation et la sensibilisation du grand public. Le Président a appelé à un consensus international sur des politiques favorisant le traitement et la réinsertion des consommateurs, dans le respect des conventions internationales. « On a trop mis l’accent sur la sécurité au détriment de l’approche sanitaire », a-t-il regretté, en vantant le mérite des alternatives aux peines d’emprisonnement. Il a conclu en insistant sur la coopération internationale et sur le principe de la responsabilité commune mais différenciée.
M. JOSÉ MIGUEL INSULZA, Secrétaire général de l’Organisation des États américains, a affirmé que toutes les phases du trafic de drogues se trouvaient dans les pays de la région. Une stratégie a été mise en place, laquelle insiste notamment sur la prévention et des alternatives à l’emprisonnement, a-t-il dit, notant que des résultats avaient été obtenus. M. Insulza a souligné la nécessité d’examiner avec soin la question de la criminalisation de la consommation personnelle de drogues. Une approche souple doit être élaborée prenant en compte les différentes réalités dans l’hémisphère. Il a aussi insisté sur le financement de la lutte contre le trafic de drogues, confiant attendre beaucoup du nouveau plan d’action.
M. JEAN-LUC LEMAHIEU, Directeur de la Division des politiques d’analyse et des affaires publiques de l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), a rappelé qu’au treizième Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale, tenu le mois dernier au Qatar, les participants avaient adopté la Déclaration de Doha, afin de manifester, entre autres, leur engagement à lutter contre le trafic de stupéfiants au niveau mondial. Il s’est réjoui que le processus préparatoire à la session extraordinaire de 2016 connaisse un engouement particulier. L’ONUDC, a-t-il dit, soutient une réponse pénale forte, tenant compte de la dignité humaine dans l’application des mesures de prévention et de traitement des consommateurs et autres gens. L’ONUDC travaille aussi à des mesures économiques alternatives en faveur des paysans qui s’engagent à délaisser leur production illicite.
Table ronde sur les réalisations et les obstacles des États Membres dans la lutte contre le problème mondial de la drogue
Coprésidée par les représentants de la Colombie et du Portugal, respectivement Mme María Emma Mejía Vélez et M. Alvaro José de Mendonça e Moura, la première des deux tables rondes de ce débat thématique de haut niveau visait à dresser un bilan des politiques mises en œuvre par les États Membres et à confronter leurs expériences, positives et négatives, en vue de mieux combattre collectivement le problème mondial de la drogue.
Le cadre juridique actuel des Nations Unies et les instruments juridiques internationaux sont suffisamment souples si l’on veut examiner les différentes politiques et réformes à mener, a estimé M. Mendonça e Moura. Le représentant portugais a entamé la discussion en redisant la ferme opposition de son pays à la peine de mort, en tous les cas et en toutes circonstances. Il a appelé les États qui maintiennent ce châtiment à l’abandonner.
Mme RUTH DREIFUSS, membre de la Commission mondiale pour la politique des drogues et ancienne Présidente de la Suisse, a affirmé que la proposition de consacrer en 2016 une session spéciale de l’Assemblée générale aux problèmes des drogues était née d’un sentiment d’urgence, le sentiment que ces problèmes s’aggravent et que les solutions choisies pour y faire face ne sont pas adéquates. Elle a mis l’accent sur la nécessité de faire un bilan honnête et complet, de procéder à une analyse rigoureuse des substances psychotropes, de leur mode de consommation et de leurs effets.
Mme Dreiffuss a, de même, invité à envisager des objectifs rationnels, réalisables et respectueux des droits de l’homme. Elle a plaidé pour une approche plus scientifique et rationnelle des substances, de nouvelles voies devant, selon elle, être explorées en ce qui concerne les nouveaux produits psychoactifs. Elle a aussi plaidé pour une réglementation des marchés, du contrôle par les États de toutes les substances qui présentent des risques sérieux de consommation problématique. Cette responsabilité des États vaut autant pour les substances psychotropes licites qu’illicites. Elles ne doivent pas être abandonnées, de fait, entre des mains criminelles, a-t-elle dit.
M. ZAHIR TANIN (Afghanistan) a souligné les difficultés de surmonter la menace des drogues dans son pays, marqué par près de 40 ans d’instabilité, de guerres, de violences, ce défi étant exacerbé aujourd’hui par les problèmes liés au terrorisme, aux activités armées, à la criminalité, à l’insécurité, à la corruption et à la pauvreté. Le représentant a fait observer que l’Afghanistan avait enregistré des succès importants depuis la mise en œuvre, en 2003, d’une Stratégie de lutte contre les drogues.
En dépit de ces avancées, l’Afghanistan a connu l’an dernier un accroissement de la consommation et de la production des drogues illicites, a-t-il expliqué, lequel a coïncidé avec l’achèvement du processus de transition et la prise en charge totale de la sécurité par les Forces de sécurité nationales. Alors que se présente un nouveau tournant pour l’Afghanistan, les Taliban et d’autres groupes d’opposition armés ont relancé leurs campagnes brutales menaçant la stabilité et la sécurité du pays. M. Tanin a mis l’accent sur une nécessaire coopération régionale et internationale pour lutter contre ce fléau.
M. MILTON ROMANI, Secrétaire du Conseil national de la drogue de l’Uruguay, a estimé que la pensée unique, parfois dogmatique ou pseudo-scientifique, faisaient courir le risque de frustrations. À la session extraordinaire de 2016, il faudra avoir le courage d’admettre qu’il y a des visions différentes et des expériences distinctes, a-t-il dit. Il a en particulier plaidé contre la peine de mort appliquée comme châtiment dans la lutte contre la drogue. L’absence de proportionnalité dans le cadre de la loi pénale accentue la violence et remplit les prisons de gens malades. Il faut placer l’être humain et les sociétés au centre des politiques, a insisté M. Romani.
Les États doivent s’attaquer au problème des drogues en plaçant les individus et les sociétés au cœur de toutes les politiques dans le cadre d’une approche globale multisectorielle, commune, intégrée, partagée et équilibrée, a insisté, à son tour, M. KAIRAT ABDRAKHMANOV (Kazakhstan). Toutes les mesures doivent être guidées par les principes de la Charte des Nations Unies, du droit international, des droits de l’homme, de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États, a-t-il dit.
Selon M. Abdrakhmanov, la session extraordinaire devrait être utilisée pour garantir une mise en œuvre solide et efficace des conventions internationales de contrôle des drogues. Il a souligné que son pays représentait un exemple en matière de bonnes pratiques en raison de sa situation géographique, les groupes criminels internationaux continuant d’utiliser l’Asie centrale non seulement comme un marché pour les drogues, mais aussi comme une zone de transit pour des produits narcotiques vers les pays européens.
Lors de la discussion qui a suivi, le délégué de l’Espagne a considéré que les trois conventions des Nations Unies en la matière étaient fondamentales. Les trois piliers essentiels sur lesquels repose la politique espagnole de lutte contre la drogue sont les preuves scientifiques, une approche équilibrée pour réduire tant l’offre que la demande et la défense des malades, la réinsertion des consommateurs étant cruciale. La représentante de l’Union européenne a elle aussi insisté sur les trois conventions de l’ONU, « pilier » de la réponse mondiale contre les drogues. Une politique efficace doit se baser sur une approche équilibrée et fondée sur des preuves, comprenant la réduction de la demande, la prévention, le traitement, l’atténuation des risques sociaux et la réduction de l’offre, y compris la prévention et la dissuasion et la lutte contre la criminalité, sans oublier la coopération internationale. L’importance de cette coopération a été soulignée par le représentant de l’Équateur, au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC). Il a demandé la promotion de politiques globales conformes aux engagements internationaux et un débat entre États qui soit large, transparent et inclusif.
La représentante de l’Union européenne a insisté sur le fait que les risques sanitaires et sociaux doivent être « un élément essentiel » des politiques nationales et internationales. Elle a souligné la nécessité urgente d’améliorer l’accès aux médicaments contrôlés et d’éviter des obstacles inutiles en la matière. La participation de la société civile, y compris la communauté scientifique, à l’élaboration des politiques doit être encouragée. La « priorité absolue », a-t-elle estimé, doit être l’abolition de la peine de mort en toutes circonstances, y compris pour les crimes liés à la drogue. La déléguée a aussi préconisé des mesures alternatives de développement pour stopper la production illicite. Elle a souhaité que la session extraordinaire de 2016 se penche sur le nouveau défi que constitue la propagation des substances psychoactives et sur le problème au remplacement des précurseurs traditionnels par des précurseurs alternatifs. Elle a attiré l’attention sur les recommandations que l’Union européenne veut inclure dans le document final de la session extraordinaire de 2016.
Table ronde sur l’importance pour les États de mettre en place une approche multidimensionnelle et multipartite dans la lutte contre le problème mondial de la drogue
Cette table ronde était coprésidée par le représentant de la Slovénie, M. ANDREJ LOGAR, et de la Tunisie, M. MOHAMED KHALED KHIARI.
Mme GYORGYI MARTIN ZANATHY, Union européenne, a indiqué que la stratégie 2013-2020 de lutte contre les drogues de l’Union européenne (UE) vise notamment la réduction de l’offre et de la demande et la coopération internationale. Elle a plaidé pour des politiques de justice pénale rééquilibrées qui feraient que les toxicomanes soient considérés comme des personnes à aider plutôt que comme des criminels. Les 27 États de l’UE, a-t-elle ajouté, appliquent la stratégie de l’UE en tenant compte de leur législation nationale. Elle s’est félicitée des résultats de cette stratégie qui apparaît comme « l’une des plus réalistes et des plus humaines au monde ». Elle a insisté sur le respect des droits de l’homme dans la lutte contre les drogues, appelant aussi à l’abolition de la peine de mort pour des crimes liés aux stupéfiants.
M. AHMADU GIADE, Directeur de l’Agence nigériane de lutte contre les stupéfiants, a appelé à identifier les facteurs qui ont une influence négative sur l’offre et la demande. Aucune méthodologie ne peut s’appliquer partout, a-t-il estimé, en conseillant une approche holistique et intégrée. Aussi, le Nigéria a-t-il mis en place un comité multisectoriel, conforme à sa volonté de voir s’intensifier la lutte contre les stupéfiants sur le continent africain, car, « il faut un réseau pour lutter contre un réseau ».
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA (Pérou), a souligné que son pays est à la fois un lieu de production, de consommation et de transit. Face aux conséquences multiples de ce fléau, le Pérou s’est engagé à éradiquer des milliers d’hectares de culture de coca en 2013, une initiative qui a contribué à la réduction de l’offre de 16% la même année. Le programme national de développement alternatif a permis l’essor de la production de cacao ou de café.
M. DISPANADDA DISKUL, Chef du projet de développement de « Doi Tung » de la Fondation Mae Fah Luang de la Thaïlande, a dit qu’il y a 30 ans, la Thaïlande était le plus grand producteur d’opium au monde, mais la détermination des autorités nationales a fait qu’aujourd’hui, le pays est cité en exemple par l’ONUDC. La lutte contre la pauvreté a été la réponse, a-t-il dit, expliquant que le projet de développement qu’il dirige a permis de renforcer les capacités des populations démunies lesquelles ont pu faire des choix de vie plus sains, voir leurs revenus augmenter et tourner le dos à la production de drogues.
Mme SANDY MTEIREK, Coordonnatrice du plaidoyer à l’ONG Skoun, des centres libanais de prise en charge des personnes dépendantes aux drogues, a estimé que la pénalisation et les sanctions contre les toxicomanes font plus de mal que de bien. Dans la guerre contre les drogues, a-t-elle noté, des pays comme le Liban ont sacrifié les droits de l’homme. En 1988, le pays avait adopté une approche favorisant la prise en charge sanitaire des toxicomanes, mais ce n’est qu’en 2013 que l’État a véritablement entamé une approche sanitaire au détriment de l’approche pénale. Elle a plaidé pour la participation de tous à la lutte contre la drogue, y compris de la société civile.
Lors de la courte discussion qui a suivi les exposés des panélistes, le délégué du Zimbabwe, s’exprimant au nom de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), a dit que la pauvreté et le désespoir rendent les gens plus vulnérables au trafic des drogues, déplorant aussi que les efforts financiers engagés par les pays en développement contre ce fléau entravent leurs perspectives de développement. Les efforts de lutte contre les stupéfiants sont aussi minés par la corruption qui apparaît comme « un virus » facilitant la propagation du trafic de stupéfiants, a dit la représentante du Paraguay. Toute approche qui ne tient pas compte de cette réalité est vouée à l’échec, a-t-elle prévenu.
Les États Membres ont pour la plupart considéré que la lutte contre les stupéfiants est peu efficace, notamment avec l’apparition de nouvelles substances psychotropes. Le représentant des États-Unis a ainsi rappelé que les rapports de l’ONU mentionnent pas moins de 500 nouvelles substances qui ont vu le jour au cours de ces cinq dernières années.
En plus des substances psychotropes moult fois mentionnées, le représentant des Philippines a cité l’émergence du trafic de drogues par Internet. Il faut que la communauté internationale utilise la science et la technologie pour faire face à cette nouvelle menace, a-t-il préconisé.
Une autre nouvelle menace est la montée de la criminalité transfrontalière organisée dans la région du Sahel, ont déploré certains délégués parmi lesquels celui de l’Algérie. Il a expliqué que ce regain de trafic dans le Sahel va de pair avec les activités de groupes terroristes dans la région.
Pour faire face à ces défis, la coopération a été le mot d’ordre des intervenants. Le représentant du Tadjikistan a présenté des programmes conjoints avec l’Afghanistan dans la lutte contre la culture et le trafic du pavot. La coopération internationale, a-t-il estimé, doit également prendre en compte la question du blanchiment d’argent.
La Communauté des Caraïbes (CARICOM) a déjà initié des débats au sein de ses commissions régionales sur les questions des stupéfiants, a noté le délégué d’Antigua-et-Barbuda. Il a ainsi évoqué une initiative régionale visant à dépénaliser la consommation du cannabis. Son homologue des États-Unis, appuyant cette coopération interétatique, a voulu que le secteur privé y soit associé. Le représentant de la Fédération de Russie a suggéré une collaboration scientifique, raison pour laquelle son pays envisage de créer une « académie internationale de lutte contre les drogues ».
Le délégué de l’Inde a promis que son pays allait remplir ses responsabilités vis-à-vis de la communauté internationale, d’autant plus que la culture d’opium et d’autres opiacés y est légale et ancrée dans les traditions séculaires. Son homologue de la République islamique d’Iran a salué le fait que 74% des saisies d’opium dans le monde soient faites dans son pays, ce qui témoigne de la volonté des autorités de faire leur part du travail, en dépit des sanctions dont le pays est frappé.
Le représentant de l’Autriche a salué l’assistance de l’ONUDC aux États Membres, notamment dans le cadre des approches de développement alternatives. Le représentant du Japon s’est aussi félicité du soutien financier de l’ONUDC, alors que pour le délégué de Cuba, les fonds continuent de manquer. Il a déploré le fait que l’ONUDC n’ait que 10% de budget prévisible, le reste des fonds étant des dons.
Pour de nombreuses délégations, la lutte contre les stupéfiants passe par la pleine application des trois conventions des Nations Unies. Le représentant de la Fédération de Russie a ainsi invité la communauté internationale à trouver les moyens d’application des dispositions de ces textes internationaux, appuyé en cela par celui du Canada qui a rappelé que ces conventions avaient été adoptées par les États Membres après d’intenses négociations. « Ce n’est pas le moment de réinventer la roue », a-t-il souligné.
En plus de ces conventions, il faut aussi tenir compte des lois et réalités propres à chaque pays, a plaidé la représentante de l’Égypte, aidé en cela par celui de la Chine qui a averti que la multiplication des légalisations nationales est peu propice aux progrès. Chaque pays rend compte à ses citoyens, a renchéri son homologue de Singapour qui a promis que l’intransigeance allait rester de mise.
La représentant de la France et bien d’autres ont aussi appelé à l’abolition de la peine de mort dans les cas de crimes liés aux stupéfiants. Celui de la Suisse a estimé que les droits de l’homme doivent faire partie de la problématique dans la lutte contre les stupéfiants, notamment le droit à la santé et à la vie.
Clôture
M. KHALED SHAMAA, Président du Conseil préparatoire de la Session extraordinaire de l’Assemblée générale et Représentant permanent de l’Égypte auprès de l’Office des Nations Unies à Vienne, a souligné que le débat thématique d’aujourd’hui avait montré que si le défi était commun, les réalités sur le terrain variaient de région à région. Les participants ont mis l’accent sur la nécessité d’adopter une approche équilibrée sur toutes les questions soulevées, a-t-il dit.
Il faut, a-t-il ajouté, adopter une démarche pragmatique et rationnelle en vue de renforcer la Déclaration politique et le Plan d’action.
M. SAM KUTESA, Président de la soixante-neuvième session de l’Assemblée générale, dans ses remarques de clôture, s’est dit convaincu que les enseignements et points de vue tirés du débat d’aujourd’hui constitueraient une contribution de valeur au processus devant mener à la session extraordinaire de l’an prochain.
De nombreux orateurs, a-t-il dit, ont souligné que le problème mondial de la drogue était une menace complexe et transnationale qui devait être traitée de manière collective, en ayant à l’esprit le principe de « responsabilités commune mais différenciée ».
Les participants, a-t-il ajouté, ont mis l’accent sur la nécessité d’une approche multidimensionnelle et multipartite, nombre d’entre eux souhaitant les apports de la société civile et de la communauté scientifique. De même, une plus grande coopération internationale et une réponse mondiale, pleinement conformes aux buts et principes de la Charte des Nations Unies, du droit international et à la Déclaration universelle des droits de l’homme, ont été recommandées.
Le Président de l’Assemblée a également affirmé que plusieurs délégations avaient insisté sur l’importance de la dimension humaine du problème de la drogue et appelé à porter une plus grande attention sur la santé publique, la réhabilitation et la réintégration. Une attention spéciale devrait être aussi accordée aux plus vulnérables que sont en particulier les femmes et les enfants dans la définition et la mise en œuvre des politiques de la drogue.
Tout au long de la journée, les participants ont mis l’accent sur le lien entre le problème mondial de la drogue et la paix et la sécurité, a-t-il poursuivi.
Enfin, M. Kutesa a estimé qu’il était essentiel que toutes les parties prenantes, y compris les entités des Nations Unies, la société civile et la communauté scientifique prennent toute leur part au processus préparatoire de la session extraordinaire de 2016.