L’Assemblée générale tient un débat de haut niveau pour commémorer le 8 mars et plaide en faveur de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes d’ici à 2030
« Le temps de l’autonomisation des femmes est arrivé », a déclaré ce matin le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, à l’ouverture du débat thématique de haut niveau tenu par l’Assemblée générale sur le thème: « Faire progresser l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes et des filles pour un programme de développement porteur de transformation pour l’après-2015 ».
Ce débat thématique, auquel prenaient part deux femmes Chefs d’État, Mme Ellen Johnson Sirleaf, du Libéria, et Mme Kolinda Grabar-Kitarovic, de la Croatie, ainsi que le Premier Ministre de la Turquie, M. Ahmet Davutoğlu, était organisé dans le cadre de la commémoration de la Journée internationale de la femme, qui sera célébrée ce dimanche, le 8 mars. Dans le cadre de ce débat de haut niveau, ont eu lieu deux tables rondes interactives, présidées respectivement au cours de la matinée et dans l’après-midi, par les Présidentes du Libéria et de la Croatie.
« Faisons de l’expression 50/50 notre cri de ralliement pour 2030 », a déclaré le Secrétaire général, prônant ainsi la réalisation de l’égalité entre les sexes d’ici à la date butoir de mise en œuvre du futur programme de développement qui prendra le relais des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) après 2015. « Nous ne pouvons connaître de succès dans la mise en place de ce nouveau programme de développement sans l’implication, dans sa réalisation et sa mise en œuvre, de la moitié de la population mondiale, qui est constituée de femmes », a souligné M. Ban Ki-moon.
Le Secrétaire général a évoqué sa propre expérience de la vie, faisant le parallèle entre les droits dont bénéficiait sa mère, aujourd’hui âgée de 95 ans, et ceux dont jouissent aujourd’hui ses petites-filles, qui aujourd’hui ont plus d’opportunités d’épanouissement et de facilités dans leur existence. Il a ainsi relevé que 20 ans après la quatrième Conférence mondiale sur les femmes de Beijing, tenue en 1995, de nombreux changements positifs ont eu lieu à travers le monde en faveur des femmes. Il a, entre autres, noté que la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité est une plateforme importante pour l’implication des femmes dans le maintien et le renforcement de la paix. Mais, en revanche, le Secrétaire général a regretté que les stéréotypes liés au genre continuent de perpétuer les inégalités, déplorant en outre à cet égard que huit pays dans le monde n’ont aucune femme dans leur gouvernement.
S’adressant aux dirigeants du monde, la jeune Noelia, de l’Équateur, âgée de 13 ans, leur a dit: « nous, les filles et les femmes, si nos droits sont respectés, cela changera le monde ». Elle a parlé de la vie de sa mère, qui a vécu des discriminations diverses tout au long de sa vie, du fait de sa condition de femme. Elle a ainsi cité entres autres les obstacles que beaucoup de sociétés posent à la scolarisation des filles; ainsi que les abus sexuels et autres formes de violences dont elles sont victimes. Elle a terminé son propos en invitant les dirigeants du monde à « s’engager en faveur de la transformation de la vie des filles et des femmes du monde entier ».
Le Président de l’Assemblée générale, M. Sam Kutesa, de l’Ouganda, a rappelé qu’il s’agissait de la première fois que le Bureau d’un Président de l’Assemblée générale organisait une manifestation internationale pour commémorer la Journée internationale de la femme. Les croyances, normes et pratiques ancrées dans nos sociétés doivent être confrontées pour que nous puissions lutter contre la discrimination basée sur le sexe, a-t-il plaidé, prônant aussi une plus grande implication des femmes dans les institutions publiques et privées, en particulier au niveau des prises de décisions.
La Présidente du Libéria, Mme Ellen Johnson Sirleaf, a rappelé qu’en janvier 2015, au Sommet d’Addis-Abeba, les membres de l’Union africaine (UA) avaient décidé que 2015 serait l’année de l’autonomisation des femmes et du développement dans le cadre de la promotion de l’Agenda 2063 de l’UA. Elle a regretté que les progrès accomplis depuis la Conférence de Beijing aient été lents. À ce rythme, « il nous faudrait encore 81 ans pour parvenir à l’égalité entre les sexes dans le monde du travail; 75 ans pour arriver à établir l’égalité dans les rémunérations versées aux hommes et aux femmes, et plus de 30 ans pour parvenir à l’égalité entre hommes et femmes dans les processus de prise de décisions ». « Il ne suffit plus de faire de beaux discours », a ajouté la Présidente du Libéria qui a invité la communauté internationale à lever les obstacles qui persistent à la participation des femmes à tous les niveaux de prise de décisions. Mme Sirleaf s’est également félicitée du fait que depuis 13 jours il n’y ait eu aucun nouveau cas d’Ebola dans son pays.
Mme Kolinda Grabar-Kitarovic, Présidente de la Croatie, a souhaité qu’un objectif spécifique transformateur relatif à l’égalité des sexes et à l’autonomisation des femmes soit intégré dans le programme de développement pour l’après-2015. Elle a précisé que « l’autonomisation des femmes n’est pas seulement la bonne chose à faire, mais c’est aussi une décision intelligente à prendre ». Elle a justifié son propos en soulignant qu’un rapport du Fonds monétaire international (FMI) démontre que les pays ayant réduit les inégalités entre les sexes ont connu une augmentation de 15% à 35% de leur produit intérieur brut (PIB). Elle a en outre appelé les femmes à « briser les obstacles et barrières » pour s’imposer dans la société.
Le Premier Ministre turc, M. Ahmet Davutoglu, qui prenait également part à la cérémonie d’ouverture du débat thématique, a constaté à regret que les obstacles perdurent à la réalisation de l’autonomisation des femmes, et il a estimé qu’il fallait s’attaquer à leurs causes profondes. Pour ce faire, il a estimé que l’éducation des filles et des femmes est essentielle. Il a également dénoncé les violences faites aux femmes et aux filles, en particulier dans les situations de conflit, où ce phénomène semble être devenu une technique et une arme de guerre. En Turquie, a-t-il assuré, les droits des femmes sont reconnus par la Constitution du pays, et il a noté qu’étant donné que « les femmes sont le moteur du développement », il faudrait établir un objectif séparé de développement durable qui porterait spécifiquement sur l’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes.
La représentante du Centre de recherche et de ressources de l’Asie Pacifique pour les femmes (ARROW), Mme Sivananthi Thanenthiran, de la Malaisie, a salué le combat mené par des femmes, qui lui a permis de bénéficier des droits qu’elle a aujourd’hui. Elle a lancé un appel aux dirigeants du monde pour qu’ils fassent en sorte que le cadre de développement pour l’après-2015 puisse inspirer les générations à venir. « Vingt ans après Beijing, soudainement les droits des femmes et les droits de l’homme semblent être devenus incompatibles avec nos croyances et nos cultures », s’est indignée avec regret la représentante, avant d’exiger que les femmes qui défendent leurs droits soient protégées partout dans le monde, et en particulier dans les pays frappés par le phénomène de l’extrémisme religieux.
Mme Phumzile Mlambo-Ngcuka, Directrice exécutive d’ONU-Femmes, a estimé dans son intervention que l’égalité des sexes est une question fondamentale des droits de l’homme. Elle a appelé la communauté internationale à mettre pleinement en œuvre la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) et le Programme d’action de Beijing, invitant de ce fait les dirigeants à modifier les législations nationales. Elle a souhaité qu’avant d’évaluer les progrès accomplis en matière d’égalité des sexes en 2030, il faudrait déjà mener une évaluation en la matière à mi-parcours, c’est-à-dire en 2020. « Nous ne pouvons bâtir l’avenir que nous voulons si le patriarcat reste la règle », a déclaré Mme Mlambo-Ngcuka. Elle a en outre invité tous les dirigeants du monde, notamment les dirigeants hommes, à s’engager en faveur de la campagne « HeForShe », lancée en septembre 2014 par ONU-Femmes, et qui vise à créer un mouvement de solidarité dédié à l’égalité des sexes. Ce mouvement doit rassembler la moitié de l’humanité, composée par les hommes, pour qu’ils apportent leur appui à l’autre moitié de l’humanité, les femmes.
Intervenante principale au débat, Mme Michaëlle Jean, Secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), a rappelé les souffrances des femmes et des filles à travers le monde. Elle a notamment souligné le triste destin imposé aux écolières enlevées par la secte Boko Haram au Nigéria depuis bientôt un an et « dont nous n’avons plus la moindre trace ». Elle a rappelé que la majorité des conflits internes, qui minent de nombreux pays depuis la fin de la guerre froide, et l’embrigadement de jeunes et de femmes et filles opéré à grande échelle par les groupes terroristes, trouvent la plupart du temps leurs racines dans les inégalités, les injustices et la pauvreté persistantes. « Que serait-il advenu », a-t-elle demandé, « si ces dernières années, les femmes avaient recouru à la violence, ou alors si elles avaient pris les armes partout où elles sont victimes d’inégalités et d’injustices? »
Mme Jean a en outre déclaré qu’il n’y a pas de développement possible sans l’apport des femmes, qui constituent la moitié de l’humanité, et elle a noté qu’« exclure les femmes c’est se condamner à ne pas réussir ». L’égalité entre hommes et femmes et l’autonomisation économique de ces dernières ne sont pas seulement l’affaire des seules femmes, a-t-elle plaidé, ajoutant que l’implication des hommes est à cet égard indispensable.
DÉBAT THÉMATIQUE DE HAUT NIVEAU SUR LE THÈME « FAIRE PROGRESSER L’ÉGALITÉ DES SEXES ET L’AUTONOMISATION DES FEMMES ET DES FILLES POUR UN PROGRAMME DE DÉVELOPPEMENT PORTEUR DE TRANSFORMATION POUR L’APRÈS-2015 »
Table ronde interactive 1
L’autonomisation économique et politique des femmes, y compris l’accès et le contrôle des ressources économiques et productives et la participation active à la gouvernance et à la prise de décisions
En ouvrant la première table ronde qui a eu lieu dans la matinée, Mme ELLEN JOHNSON SIRLEAF, Présidente du Libéria, qui en était l’animatrice, a demandé aux panélistes pourquoi il semble si difficile pour le monde de parvenir à une égalité des sexes dans les différentes sociétés.
La Présidente du Parlement ougandais, Mme REBECCA ALITWALA KADAGA, a relevé que dans de nombreux pays d’Afrique, les femmes sont occupées aux tâches ménagères et à la promotion et la sauvegarde du bien-être familial, et elles n’ont pas le temps de se préoccuper des questions politiques et s’impliquer dans des activités politiques. Elle a salué l’adoption, il y a 20 ans, du Programme d’action de Beijing, mais a souhaité que des évaluations en soient faites pour savoir exactement ce qui a été fait depuis et ce qu’il reste à faire. Mme Kadaga a aussi déploré le fait que les femmes, premières victimes des conflits, ne soient pas souvent associées aux pourparlers de paix, et a fait remarquer que, malgré la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité, ce sont toujours les hommes qui ont la latitude de décider ou non de la mise en œuvre des recommandations inscrites dans ce document. Mme Kadaga a par ailleurs appelé la communauté internationale à promouvoir la vulgarisation de la pratique de la « certification de l’égalité des sexes », qui est une approche adoptée par le Parlement ougandais, dont elle est la Présidente. Cette pratique veut que tout projet de texte soit d’abord soumis à un examen minutieux qui détermine s’il tient amplement compte de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes.
Mme HELEN CLARK, Administratrice du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), a pour sa part estimé que l’autonomisation des femmes, notamment dans le domaine économique, passe aussi par la possibilité qui pourrait leur être offerte d’avoir un accès aux terres, ceci au même titre que les hommes, comme l’ont dûment mentionné le Programme d’action de Beijing et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW). Elle a ainsi rappelé que selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), si les femmes avaient accès à la propriété foncière au même titre que les hommes, les productions agricoles en seraient largement améliorées. Mme Clark a regretté le fait que ce droit de posséder la terre ne soit pas accordé aux femmes dans de nombreux pays du monde, notamment du fait de certaines coutumes et de restrictions juridiques. Mme Clark a de ce fait appelé au réaménagement des cadres juridiques nationaux, tout en plaidant pour une augmentation du nombre de femmes exerçant dans la sphère juridique, notamment au sein des professions de juge et d’avocat. Elle a aussi préconisé une assistance juridique mobile en faveur des femmes rurales, qui sont les plus affectées par la question de l’accès à la propriété foncière.
L’Administratrice du PNUD a ensuite estimé que 20 ans après Beijing, il faudrait que le système des Nations Unies mette plus d’accent sur la participation des femmes à tous les programmes et projets engagés au niveau des pays. Elle aussi salué l’adoption de la résolution 1325 (2000) du Conseil de sécurité, mais a regretté qu’au cours des négociations de paix, les femmes sont très souvent reléguées au second ou au troisième rangs, alors qu’elles ont aussi leur mot à dire. Mme Clark a également souhaité que le système des Nations Unies adopte une approche unique de statistiques présentées par sexe, donc à caractère sexospécifique, afin de permettre aux décideurs de pouvoir prendre des décisions en connaissance de cause.
Mme JANE STEWART, Directrice de l’Organisation internationale du Travail (OIT), a relevé que le monde n’a pas encore accepté le principe de « la rémunération égale entre hommes et femmes à qualification égale et à travail égal ». Elle a indiqué que les femmes souffrent de nombreuses discriminations dans le monde du travail, en plus du traitement salarial inégal dont elles sont victimes. Elle a ainsi évoqué le harcèlement sexuel dont elles sont victimes, et l’absence de services et prestations sociales qui tiennent compte de leur statut non seulement d’employées, mais aussi d’épouses et de mères. « Les économies qui intègrent le plus de femmes dans le monde du travail sont celles qui sont les plus compétitives », a-t-elle ensuite fait remarquer. Elle a aussi plaidé pour que des services de garde pour enfants souples et de bonne qualité soient mis en place, expliquant que cette mesure encouragerait plus de femmes à prendre la décision de retourner dans la vie professionnelle après un accouchement, ceci étant aussi vrai pour les femmes entrepreneurs. Mme Stewart a par ailleurs souligné que le fait que les femmes sont moins enclines à s’engager dans des filières de formation scientifiques et techniques, ce qui est un obstacle majeur à leur épanouissement professionnel, et notamment à leur capacité d’occuper des postes de responsabilité.
Mme NAILA KABEER, Enseignante sur le genre et le développement à l’Institut du genre de l’École d’économie et de sciences politiques de Londres, a dit que les femmes sont plus enclines que les hommes à travailler gratuitement, notamment dans le cadre de l’accomplissement des tâches familiales. Elle a prôné des formations adéquates en leur faveur, afin qu’elles puissent s’intégrer dans le monde de l’emploi formel. Pour celles qui veulent créer des petites et moyennes entreprises (PME), elle a préconisé qu’il leur soit octroyé des crédits à des taux préférentiels, et a en outre indiqué qu’il est difficile pour les femmes d’y avoir accès dans un contexte où le droit à la propriété foncière leur est refusé. Les terrains et les propriétés foncières servent parfois d’hypothèque pour l’obtention d’un prêt bancaire, a-t-elle relevé.
Elle a aussi indiqué que la création de syndicats de travailleuses indépendantes permettrait aux femmes d’améliorer leur couverture sociale. Elle a aussi plaidé afin que la question du travail non rémunéré des femmes soit introduite dans le programme de développement pour l’après-2015, et a ajouté que si les hommes participaient davantage aux tâches ménagères, cela réduirait le fardeau qui pèse sur les épaules des femmes. Elle a expliqué que des avancées technologiques, notamment dans le domaine de l’électroménager, pourraient avoir un impact positif sur le travail ménager des femmes, qui s’en trouverait allégé. Elle a plaidé pour que la société comptabilise le travail que les femmes font quand elles s’occupent des membres vulnérables de leur famille et de la société, notamment les enfants, les vieillards et autres handicapés.
Mme AIZHAMAL BAKASHOVA, membre d’une organisation non gouvernementale (ONG) du Kirghizistan, a soutenu que l’accès à la terre est essentiel à l’autonomisation des femmes. Elle a aussi estimé qu’il ne faut pas seulement offrir du travail aux femmes, mais qu’il faut que le travail qui est offert soit fait d’emplois décents qui leur fournissent des moyens de subsistance dans la durée. « Il faut avoir un indicateur mondial de mesure des écarts de salaires entre les sexes pour trouver une solution à cette question », a-t-elle aussi proposé. Elle s’est félicitée du fait que le Kirghizistan soit l’un des deux pays d’Asie gouvernés par des femmes. Mais elle a précisé que le vrai changement en faveur de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des filles et des femmes viendrait quand les femmes seraient la majorité dans les organes de prise de décision au niveau communautaire.
M. PATRICK HO, Vice-Président du Comité chinois pour le fonds énergétique, a affirmé que l’expérience chinoise fait voir que l’accès à l’énergie durable peut contribuer à autonomiser les femmes. Il a ainsi expliqué que le Gouvernement de la Chine a œuvré à réduire la pauvreté des femmes rurales en promouvant l’installation de milliers de centrales de production d’énergie en mettant en valeur la biomasse dans les villages. Il a souligné que cet accès facile à l’énergie permet aux femmes de s’adonner à d’autres activités qui peuvent leur fournir des revenus supplémentaires.
Il a regretté que les femmes soient quasiment absentes des conseils d’administration des entreprises du secteur des hydrocarbures à travers le monde. « Pourtant, la diversité de sexes est essentielle pour le succès », a-t-il noté. Il a émis le vœu qu’avec les nouvelles technologiques et l’usage croissant des énergies renouvelables, les femmes auraient désormais l’opportunité de s’impliquer davantage dans les questions concernant le secteur de l’énergie, ceci au même niveau que les hommes.
Discussion interactive
Au cours de la discussion qui a suivi les interventions des panélistes, le représentant du Monténégro a souhaité que le programme de développement pour l’après-2015 puisse véritablement permettre aux pays et aux entreprises d’œuvrer en faveur de la réalisation de l’égalité des sexes et du respect de tous les droits de l’homme, y compris ceux dont ont particulièrement besoin les femmes.
Le représentant de la Namibie, s’exprimant au nom du Groupe des États d’Afrique, a pour sa part indiqué que l’autonomisation des femmes est intimement liée au développement durable, et que pour réaliser les objectifs de développement durable, il faut mettre en œuvre les recommandations du Programme d’action de Beijing en faveur des femmes.
Le représentant de la Lettonie, qui a parlé au nom de l’Union européenne (UE), a indiqué que l’UE envisage de faire en sorte que 75% des femmes européennes soient intégrées au monde du travail à l’horizon 2020. Il a souligné que pour l’Union européenne, l’autonomisation des femmes doit être un objectif spécifique et indépendant du futur programme de développement.
Le représentant de l’Équateur, s’exprimant au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a salué l’intégration d’un objectif spécifique sur l’égalité des sexes parmi les 17 objectifs de développement durable (ODD) arrêtés par le Groupe de travail ouvert de l’Assemblée générale sur les objectifs de développement durable. Il a souhaité que la question de l’égalité des sexes soit intégrée de manière transversale dans tous les objectifs et cibles du nouveau programme de développement.
Le représentant du Zimbabwe, s’exprimant au nom de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), a déclaré que les femmes représentent la moitié des pauvres de la sous-région d’Afrique australe, d’où l’importance d’œuvrer à leur autonomisation.
La représentante de la Finlande a proposé que des indicateurs clairs et mesurables soient élaborés pour véritablement permettre d’évaluer la prise en compte et la mise en œuvre des recommandations liées à la promotion de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes dans le programme de développement pour l’après-2015.
La représentante d’une organisation de la société civile a plaidé pour que des emplois décents soient créés en faveur des femmes, et qu’elles puissent bénéficier de salaires égaux à ceux des hommes quand elles occupent les mêmes fonctions que ces derniers.
La prenant au mot, le représentant du Brésil a estimé que la discrimination sur le lieu travail exacerbe la « féminisation de la pauvreté ». Il a indiqué que le principe de l’égalité entre les sexes est intégré dans la Constitution du Brésil, et il a invité la communauté internationale à se donner les moyens d’assurer la mise en œuvre de cette question dans le futur programme de développement qui sera mis en œuvre après 2015.
Mme Kadaga, Présidente du parlement de l’Ouganda, a clos le débat en invitant tous les parlementaires, à travers le monde, à prendre en compte la question de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des filles et des femmes. Elle a expliqué qu’il est de leur devoir, en tant que représentants des populations, de traduire ce vœu en politique concrète au niveau de chaque pays.
Table ronde interactive 2
L’accès à un enseignement de qualité et à la formation professionnelle en tant qu’outils d’autonomisation des femmes et des filles
La Présidente de la Croatie, Mme KOLINDA GRABAR-KITAROVIC, qui animait cette table ronde, a invité les panélistes à dire comment une éducation de qualité peut permettre de rendre les femmes et les filles plus à même de devenir des citoyennes pleinement épanouies et participant à la vie sociale.
Mme IRINA BOKOVA, Directrice générale de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO), a d’emblée déploré le fait que 31 millions de jeunes filles à travers le monde ne vont pas à l’école primaire, ceci pour diverses raisons. Elle a ajouté que les deux tiers des adultes analphabètes dans le monde sont des femmes. « Au rythme actuel, il faudra attendre 2084 avant que l’éducation primaire pour tous soit effective et devienne une réalité à travers le monde », a-t-elle déploré. Elle a indiqué que cela peut changer si les adolescentes sont ciblées en priorité, car elles sont les plus exposées aux mariages précoces et aux violences sexuelles. Il faut mieux coordonner les politiques d’éducation, de santé et d’emploi, a-t-elle préconisé, invitant aussi à « porter l’éducation hors des salles de classe en promouvant des formations techniques et professionnelles dispensées en faveur des jeunes femmes. Elle a expliqué que cela peut aussi se faire plus aisément, et avec davantage de succès, grâce à l’apport des technologies de l’information et de la communication (TIC) qui ont un fort potentiel pour pouvoir atteindre facilement les filles quand elles sont exclues et privées d’éducation.
M. BABATUNDE OSOTIMEHIN, Directeur exécutif du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), a également convenu que la cible majeure des actions d’autonomisation doit être celles constituée par les adolescentes. Si ces filles vont au bout de leur éducation secondaire, la société aura un retour d’investissement plus important, a-t-il indiqué. Il a ainsi expliqué qu’après le secondaire, les jeunes femmes sont plus à même de prendre soin de leur santé, et notamment leur santé sexuelle et reproductive, ce qui va les aider à éviter de nombreux écueils tels que les mariages précoces et les grossesses non désirées. Il a aussi dit qu’ayant terminé leur éducation secondaire, les jeunes femmes sont mieux armées pour aller à l’université ou alors pour recevoir une formation conduisant à un emploi décent. « Six cents millions de jeunes filles à travers le monde nous regardent, et on ne peut se permettre d’échouer », a-t-il conclu.
Mme YOKO HAYASHI, Présidente du Comité pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), a relevé que selon les dispositions de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, tous les États devraient créer des « mesures spéciales temporaires », afin d’adapter leur législation nationale aux termes de la Convention. Elle a regretté que cela ne soit pas encore le cas dans tous les pays, ce qui constitue un obstacle pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes, et partant à l’égalité des sexes. Elle a aussi souligné que les mesures d’austérité adoptées par de nombreux gouvernements à travers le monde, pour faire face à la crise économique, constituent des obstacles à la mise en œuvre de ces mesures spéciales temporaires, qui auraient bénéficié aux femmes.
Mme GEETA RAO GUPTA, Directrice exécutive adjointe chargée des programmes du Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF), a pour sa part relevé que l’accès à l’école pour les filles ne suffit pas, mais que cette scolarisation doit se faire dans de bonnes conditions. « Ce n’est pas le fait d’aller à l’école qui est transformateur », a-t-elle souligné, précisant « que c’est plutôt la bonne qualité de l’éducation qui l’est ». Elle a en outre regretté que de nombreux parents, dans les pays en développement notamment, préfèrent investir sur les garçons, délaissant ainsi les filles qui sont vouées aux mariages précoces.
Mme MARIANA MANCILLA, de l’ONG mexicaine « Balance Promocion para el Desarrollo y Juventud A.C. », a estimé que les services de santé reproductive et sexuelle sont un atout majeur pour l’épanouissement des jeunes femmes. Elle a expliqué que la connaissance du fonctionnement de leur corps leur procure une autonomisation de fait pour toute leur vie d’adulte.
Discussion interactive
Au cours de la discussion interactive qui a suivi ces déclarations, le représentant de l’Équateur, s’exprimant au nom de la Communauté des États d’Amérique latine et des Caraïbes (CELAC), a plaidé pour l’accès universel à l’éducation en faveur de tous, y compris les jeunes filles. Il a aussi souhaité que le programme de développement pour l’après-2015 prenne en compte la question des inégalités entre les genres, et il a demandé la prise de mesures concrètes pour lutter contre les féminicides et autres crimes violents à l’encontre des femmes.
La représentante du Qatar, s’exprimant au nom du Conseil de coopération des États arabes du Golfe (CCG), a estimé que l’on ne peut parler d’égalité des sexes sans tenir compte du rôle et de la place de chacun dans la famille. Elle a en outre émis le vœu que le futur programme de développement intègre l’égalité des sexes, de manière transversale, dans tous ses objectifs.
La représentante du Canada a quant à elle regretté que la scolarisation des filles, quand elle est effective, ne soit pas toujours de bonne qualité. Elle a indiqué que le Canada soutient les programmes de promotion de la scolarisation des jeunes, et notamment des jeunes filles, à travers des programmes mis en œuvre dans des pays en développement, y compris en Afghanistan.
La représentante de la Belgique a pour sa part souhaité que l’éducation des jeunes filles soit de qualité identique à celle des garçons, et elle a également souhaité que les filles aient un accès équitable aux mêmes filières d’études et de carrières que les garçons.
Le représentant de la Chine a souligné que depuis la quatrième Conférence mondiale sur les femmes de Beijing, en 1995, la Chine a renforcé la mise en œuvre des politiques qui garantissent le respect des droits politiques et économiques des femmes. Il a indiqué que la Chine prône l’élimination de toutes les discriminations qui touchent les femmes, et qu’elle promeut l’accès de toutes les filles et femmes à une éducation de bonne qualité.
Pour la représentante de l’Argentine, les femmes doivent se saisir de l’opportunité que leur offre les nouvelles technologies au même titre que les hommes, au lieu de s’en servir principalement à des fins ludiques. « Au lieu de recevoir les messages du monde virtuel, les femmes doivent prendre la parole en public », a-t-elle d’autre part préconisé.
Le représentant de l’Inde s’est quant à lui félicité des progrès significatifs que son pays a réalisés en matière de participation des femmes à la vie sociale et politique. Il a ajouté que les préjugés sexistes ont été supprimés de tous les programmes scolaires indiens.
Chez nous, à Cuba, 52% des emplois de niveau universitaire sont tenus par des femmes, a dit la déléguée de cet État Membre, soulignant qu’à Cuba, l’égalité des sexes était déjà une réalité.
Remarques de clôture
Le Président de l’Assemblée générale, M. Sam Kutesa, en clôturant le débat thématique de haut niveau, a relevé que les travaux auront permis aux participants de souligner que l’égalité des sexes et l’autonomisation des filles et des femmes sont des questions cruciales dans le cadre du développement durable. Ceci renforce la place qu’occupe l’Objectif de développement durable numéro 5 (ODD numéro 5), relatif à « la réalisation de l’égalité des genres et à l’autonomisation des femmes et des filles ». Il a noté que de nombreux intervenants au débat ont souhaité qu’un tel objectif soit perçu comme étant transversal aux autres ODD. Ils ont aussi appelé à la promotion d’une éducation de bonne qualité en faveur des filles, et ont souhaité que ces dernières aient la possibilité de s’engager dans des domaines non traditionnels, tels que ceux de la science et de la technologie.
Les participants ont également préconisé la création d’emplois décents pour les femmes, et ont souligné à raison que les économies où les femmes sont le plus actives sont aussi les plus performantes. De ce fait, des appels ont été lancés en faveur du renforcement de l’accès des femmes aux ressources économiques, a constaté M. Kutesa. Il a en outre rappelé que les débats ont permis de dégager l’importance d’une plus grande implication des femmes dans la prévention et la résolution des conflits. Le Président de l’Assemblée a aussi relevé que l’importance du travail ménager qu’accomplissent les femmes a été mentionnée, tout comme la nécessité d’identifier les causes structurelles des inégalités entre les sexes.