Soixante-neuvième session,
matin et après-midi
AG/11618

Assemblée générale: débat thématique sur les moyens de mise en œuvre du futur programme de développement pour l’après-2015

« Quelle quantité de ressources faudra-t-il mobiliser pour mettre en œuvre un programme de développement véritablement ambitieux et transformateur pour l’après-2015? ».  C’est la question à laquelle le Président de l’Assemblée générale a demandé aujourd’hui aux États et aux experts de répondre.  Le « débat thématique », qui se tient aujourd’hui et demain, s’est ouvert par les déclarations du Vice-Secrétaire général de l’ONU et des Ministres suédois, ougandais et bosnien, avant une séance plénière au cours de laquelle sont intervenus d’autres États et des spécialistes du système de l’ONU.

« Cette année, nous avons une occasion unique de changer notre monde pour le meilleur », a déclaré le Président de l’Assemblée générale, M. Sam Kahamba Kutesa, qui, comme les autres intervenants, a mis l’accent sur la chance qu’offre 2015 de paver la voie à l’éradication de la pauvreté et à la réalisation du développement durable dans ses dimensions sociale, économique et environnementale.  Les ? objectifs proposés à ce jour contiennent 169 cibles ambitieuses qui peuvent transformer notre société et préserver notre planète, a estimé le Président de l’Assemblée générale.

Mais pour cela, il faut répondre à trois questions: quelle quantité de ressources faudra-t-il mobiliser pour mettre en œuvre un programme véritablement ambitieux et transformateur pour l’après-2015?  Selon les estimations rappelées aujourd’hui par le Président de l’Assemblée générale, il faudra 135 à 195 milliards de dollars tous les deux ans pour éliminer l’extrême pauvreté et 5 à 7 000 milliards par an pour les investissements dans les infrastructures de transport, de l’énergie, de l’eau et de l’assainissement.  Les enjeux sont énormes, a reconnu la Ministre des finances, de la planification et du développement de l’Ouganda.  Mme Maria Kiwanuka a souligné que rien que pour le développement des infrastructures en Afrique, il faudra mobiliser 95 milliards de dollars par an.

Quelles politiques, actions et mesures concrètes faudra-t-il prendre pour mobiliser ces ressources?  « Aide-investissements-impôts », a répondu M. Eric Solheim, Président du Comité pour l’assistance au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).  Les ressources sont bien là: l’épargne mondiale est estimée aujourd’hui à 22 000 milliards de dollars par an, sources publique et privée comprises.  Il faudra, a suggéré le Président de l’Assemblée générale, viser les fonds de pension et les marchés des capitaux, et baisser le coût des envois de fonds des migrants.  Il faudra aussi assurer le respect des engagements pris s’agissant de l’aide publique au développement (APD), de la question de plus en plus « complexe » de la dette souveraine et d’un système commercial international plus ouvert et plus équitable.

Comment assurer une utilisation effective de ces ressources pour garantir le développement durable?  Ici aussi, le Président de l’Assemblée générale a appelé à des moyens novateurs pour améliorer l’efficacité budgétaire et combattre la corruption, l’évasion fiscale et les flux financiers illicites. 

Toutes ces questions devraient recevoir une réponse définitive au mois de juillet, à Addis-Abeba, à la troisième Conférence sur le financement du développement.  Les États ont devant eux deux autres étapes cruciales en 2015: en septembre, à New York, le Sommet sur le programme de développement pour l’après-2015; et en décembre, à Paris, la Conférence sur le climat.  Sans oublier la troisième Conférence sur la réduction des risques de catastrophe qui se tiendra à Sendai (Japon) le mois prochain.

Le Vice-Secrétaire général de l’ONU, M. Jan Eliasson, a estimé qu’un accord fort sur le financement du développement jettera les bases du succès du Sommet sur le programme de développement pour l’après-2015 et donnera un véritable élan à un accord universel et significatif sur le climat.

La cohérence des politiques dans tous les domaines est en effet de la plus grande importance pour pouvoir réaliser le développement durable, a souligné la Ministre de la coopération au développement international de la Suède, Mme Isabella Lövin.  Son homologue des affaires étrangères de la Bosnie-Herzégovine, M. Zlatko Lagumdzija, a conseillé d’utiliser tout le potentiel des nouvelles technologies pour coordonner le grand nombre de parties prenantes au développement.

Le débat plénier entre États et experts du système de l’ONU a abordé la question d’un « nouveau partenariat mondial pour la mise en œuvre d’un programme de développement pour l’après-2015 ».  En effet, a prévenu le Vice-Secrétaire général de l’ONU, il faudra plus que le financement et les investissements pour réussir le nouveau programme de développement.  Il est revenu sur l’importance d’une coopération internationale « intensifiée » et sur le changement qu’il faut opérer pour que les finances travaillent vraiment pour le développement.  C’est ce qu’on entend par « partenariat revitalisé et effectif ».

Cofacilitateur des négociations sur ledit programme et Représentant du Kenya, M. Macharia Kamau, a insisté, à son tour, sur l’importance d’un partenariat global renforcé, « équitable et inclusif ».  Il faut se mettre d’accord sur la façon dont le travail va être réparti car les gouvernements seuls ne pourront pas répondre aux défis que poseront les nouveaux objectifs.  Si nous travaillons tous ensemble pour renforcer l’APD et la fiscalité, nous pourrons connaître le succès, s’est dit convaincu le Cofacilitateur des négociations sur le financement du développement et Représentant de la Norvège, M. Geir Pedersen.  Il va falloir développer tous les partenariats et initiatives possibles pour bien préparer Addis-Abeba, New York et Paris, a-t-il dit, car il est impossible, a renchéri M. Eric Solheim, Président du Comité pour l’assistance au développement de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), de continuer à traiter l’environnement et le développement de manière distincte.

Le commerce étant une part importante de ces deux rubriques, M. Mukhisa Kituyi, Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED), a avoué que la mise en place d’un système commercial équitable, ouvert et offrant leurs chances aux économies pauvres et marginalisées reste un défi.  Il faudra placer la reddition de comptes au centre des objectifs de développement durable, a proposé Mme Kathy Calvin, Présidente de la Fondation

des Nations Unies, en jetant un regard accusateur sur les multinationales.  Au nom du Groupe des États d’Afrique, le représentant du Zimbabwe a dénoncé les dysfonctionnements dans l’exploitation des ressources naturelles, dont les contrats déséquilibrés.

La question des partenariats pour la mobilisation des ressources a été vue par tous les intervenants comme le nerf de la guerre.  Le Groupe des 77 et la Chine, par la voix du représentant de l’Afrique du Sud, s’est demandé si l’objectif visant à ce que les pays développés consacrent 0,7% de leur PNB à l’APD est encore suffisant.  En attendant, son homologue du Bénin, au nom des pays les moins avancés (PMA), a appelé au respect de l’engagement à allouer au moins 50% de l’APD mondiale aux PMA.  Le moment est venu de prendre une décision concrète sur l’annulation de la dette des PMA, a-t-il ajouté, plaidant aussi pour la création d’un « centre pour les investissements en faveur des PMA ». 

      Le Groupe des 77 et la Chine sont revenus sur les flux financiers illicites, en particulier le représentant du Botswana, au nom de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), « une des régions les plus touchées au monde ».  Si le représentant du Zimbabwe a, au nom du Groupe des États d’Afrique, vanté les mérites des banques régionales de développement, son homologue du Groupe des 77 s’est plaint, comme celui de l’Équateur, au nom de la Communauté des Caraïbes (CELAC), des lacunes systémiques dans les institutions financières internationales au sein desquelles la voix des pays en développement n’est pas entendue alors que les partenariats, ont argué plusieurs intervenants, doivent s’adapter aux priorités établies par les pays eux-mêmes et respecter leur marge de manœuvre politique. 

Nous attendons la proposition du Secrétaire général sur les moyens de renforcer la coopération Sud-Sud, a dit le représentant de l’Équateur, au nom de la Communauté des Caraïbes (CELAC).  Une coopération « gagnant-gagnant », a insisté celui de la Chine.  Les petits États insulaires en développement (PEID), qui n’ont pas d’économie d’échelle ni un accès facile aux marchés internationaux, ont besoin de partenariats authentiques en faveur du développement durable, a insisté le représentant de Tonga, au nom des 12 États insulaires en développement du Pacifique, en rappelant que c’était la question centrale de la troisième Conférence des Nations Unies sur les PEID tenue à Samoa en septembre 2014.

Dans ce cadre, beaucoup ont plaidé pour le transfert des technologies, comme la représentante des Maldives, au nom de l’Alliance des petits États insulaires.  Les PEID et les PMA devraient bénéficier d’un traitement spécial, d’autant plus que la récession a réduit leurs revenus fiscaux et commerciaux, a fait remarquer la représentante de Belize, au nom de la Communauté des Caraïbes (CARICOM).  C’est l’absence d’un mécanisme intergouvernemental de suivi, a commenté son homologue de l’Inde, qui a conduit à l’échec du huitième objectif des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD).  Cet objectif traite précisément du partenariat mondial.  La délégation de l’Union européenne a tout de même tenu à souligner l’importance des moyens de mise en œuvre « non financiers », tels qu’un bon climat des affaires et une bonne gouvernance. 

L’Assemblée générale a ensuite tenu une table ronde sur « les infrastructures de développement dans le programme de développement pour l’après 2015 et les partenariats pour la réalisation des OMD ».  Elle tiendra demain une autre table ronde sur le thème « le rôle des parlements, villes et autorités locales dans la mise en œuvre du programme de développement pour l’après-2015 ».

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