Le Conseil de sécurité fait le bilan de la présidence mensuelle et de l’année 2014
Alors que 2014 touche à sa fin, le bilan de ses travaux auquel se livre traditionnellement le Conseil de sécurité en fin de mois s’est traduit, aujourd’hui, en un bilan annuel et, pour les cinq membres non permanents dont le mandat prend fin le 31 décembre, en un bilan de leurs contributions actives aux réunions et visites sur le terrain de l’organe chargé du maintien de la paix et de la sécurité internationales pendant deux ans.
Loin de clôturer les travaux du Conseil, a annoncé le Président du Conseil pour le mois de décembre, l’Ambassadeur Mahamat Zene Cherif, du Tchad, cette séance sera suivie, cet après-midi, d’une autre séance publique portant sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée (RPDC). Demain, les membres du Conseil, a-t-il ajouté, tiendront des consultations à huis clos sur la situation en Libye.
Revenant sur les deux années que sa délégation a passées au sein du Conseil, la représentante du Luxembourg a rappelé qu’elle avait prôné une approche holistique, « forte du constat inspiré par l’ancien Secrétaire général de l’ONU, M. Kofi Annan, selon qui une approche liant sécurité, développement et droits de l’homme » représente la meilleure façon d’établir une paix durable et consolider la paix après un conflit.
Dans ce contexte, le représentant de la France a tenu à rappeler l’importance que revêt précisément, à ses yeux, la question des droits de l’homme dans le travail du Conseil de sécurité « et notamment pour ce qui relève de la Corée du Nord ». Cette situation, a-t-il estimé, justifie pleinement la « mobilisation » de ses membres.
La représentante de l’Argentine a, de son côté, dressé un constat assez pessimiste, convaincue que le Conseil de sécurité laisse derrière lui « un monde marqué par la multiplication des conflits et l’exacerbation de ceux qui existaient déjà ». Il s’agit en partie, a-t-elle précisé, de la conséquence des divisions du Conseil autour de deux principes « fondamentaux » mais souvent « antinomiques »: le respect de la souveraineté des États et le respect des droits de l’homme.
Elle a déclaré au Conseil que « jamais » elle n’oublierait la journée du 21 août 2013, où l’injonction du « plus jamais ça » avait pris fin, avec l’utilisation en Syrie d’armes chimiques contre des populations civiles. Son homologue de l’Australie est allé jusqu’à dire que le Conseil serait « toujours jugé par son échec à résoudre les conflits », en particulier le conflit syrien.
Ce conflit et son impact sur les plans humanitaire et sécuritaire au Moyen-Orient ont été identifiés par plusieurs membres comme la situation où le Conseil ne sera pas parvenu à jouer le rôle que lui confie la Charte des Nations Unies, en raison des divergences de vues de ses membres. La France, le Royaume-Uni et les États-Unis ont déploré que le Conseil ne soit toujours pas en mesure de contribuer au règlement politique de la situation sur la base du Communiqué de Genève, tandis que la République de Corée s’est dite déçue de constater que 12,3 millions de Syriens continuent d’avoir un cruel besoin d’assistance.
La délégation américaine a, quant à elle, attiré l’attention sur les agissements de l’État islamique de l’Iraq et du Levant (EIIL) sur les territoires dont ce groupe terroriste s’est emparé, ainsi que sur les victimes que continue de faire le terrorisme parmi les enfants, comme les attentats commis la semaine dernière au Pakistan et au Yémen l’ont douloureusement rappelé.
Si la délégation britannique s’est félicitée des initiatives récentes du Conseil pour lutter plus efficacement contre cette menace, notamment la résolution 2195 (2014), qui identifie clairement ses liens avec la criminalité transnationale organisée, la Fédération de Russie a prévenu des risques que pose l’acquisition d’armes chimiques par des acteurs non étatiques. La Chine a estimé que la priorité en la matière devrait être donnée au « tarissement » des sources de financement des groupes terroristes et à la fermeture des voies de recrutement.
Afin de mettre en place des mécanismes efficaces et briser les liens entre réseaux criminels et groupes terroristes, le représentant de la Jordanie a réaffirmé l’importance de la coopération régionale. C’est à ce titre que le Nigéria a salué l’initiative récente du Bénin pour constituer une équipe conjointe « pour lutter contre et vaincre Boko Haram ».
L’impasse dans laquelle se trouve le Conseil de sécurité concernant la situation en Ukraine –objet de 27 réunions en 2014, ont rappelé les États-Unis– a été évoquée à plusieurs reprises aujourd’hui. La France a dénoncé la « tendance systématique » de Moscou à « s’ingérer » dans les affaires de ses voisins, s’inquiétant avec la Lituanie des initiatives de rapprochement russes avec l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud. Le délégué russe a rétorqué qu’il ne s’agissait que d’un « accord bilatéral » comme ceux que son pays conclut dans le monde entier.
Regrettant cependant les divergences persistantes entre les membres du Conseil sur les situations qui prévalent « au Soudan » ou « en Libye », la Fédération de Russie a été rejointe sur ce point par l’Argentine, qui a estimé qu’en dépit de sa gravité, la situation en Ukraine ne pouvait être comparée aux crises qui secouent le Soudan du Sud, la République centrafricaine ou encore la Syrie. La déléguée argentine a convenu avec sa collègue luxembourgeoise qu’il était nécessaire, pour le Conseil, de se montrer plus proactif et de « prévenir » les crises.
Revenant sur les initiatives de son pays au cours des deux dernières années, le représentant du Rwanda a rappelé qu’il était à l’origine de la résolution 2150 (2014) sur la prévention des génocides. Pourtant, a-t-il fait observer, cela n’a pas suffi à mettre fin, entre autres, aux exactions des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).
L’Australie a regretté qu’en l’absence de consensus, le projet de résolution que sa délégation avait présenté afin d’améliorer les 15 régimes de sanctions établis par le Conseil de sécurité n’ait toujours pas été adopté. « Nous avons manqué là l’occasion de renforcer un mécanisme important pour lutter contre les auteurs de crimes graves, ainsi que l’assistance fournie aux États Membres pour les aider à mettre en œuvre les résolutions pertinentes », a relevé la représentante de la Lituanie.
Le représentant du Tchad a pointé le « précédent » créé, selon lui, par la décision des membres du Conseil de revenir, « à l’expiration de la procédure de silence », sur la déclaration présidentielle* relative au partenariat entre l’ONU et l’Union africaine, qui avait été adoptée le 16 décembre.
Enfin, le représentant de la Jordanie a expliqué que le projet de résolution que fait actuellement circuler son pays sur la Palestine appelle à un règlement global de la question de l’occupation israélienne. « Nous continuerons à travailler avec les États Membres en vue d’atteindre le consensus recherché par les États arabes et un nombre significatif d’autres pays », a-t-il assuré.
Les membres sortants du Conseil de sécurité sont l’Argentine, l’Australie, le Luxembourg, la République de Corée et le Rwanda. À compter du 1er janvier 2015, ces pays seront remplacés par l’Angola, l’Espagne, la Malaisie, le Venezuela et la Nouvelle-Zélande, qui siègeront, au sein du Conseil, pendant deux ans.
* Voir communiqué de presse CS/11705