L’ECOSOC conclut son sommet sur l’urbanisation durable en plaidant pour l’émergence d’une mobilisation citoyenne
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Conseil économique et social
Session de 2014
18e & 19e séances – matin & après-midi
L’ECOSOC CONCLUT SON SOMMET SUR L’URBANISATION DURABLE EN PLAIDANT POUR L’ÉMERGENCE D’UNE MOBILISATION CITOYENNE
Le Conseil économique et social (ECOSOC) a conclu, ce soir, trois jours d’intenses discussions au cours desquelles experts de réputation mondiale, organisations internationales, États Membres, activistes et chefs d’entreprises ont tenté de définir ce que l’urbanisation durable doit être dans un monde qui a franchi, en 2011, le cap des sept milliards d’habitants, dont une majorité de citadins. Ces derniers ont été désignés comme acteurs clefs du changement par de très nombreux intervenants.
« Plus de 50% de l’humanité vivent déjà dans des zones urbaines, contribuant ainsi à l’évolution rapide des villes comme habitat premier de l’humanité. Cela place l’urbanisation parmi les phénomènes mondiaux les plus importants du XXIe siècle. L’urbanisation est une force qui, efficacement canalisée, permet potentiellement au monde de surmonter certains des grands défis mondiaux qui existent à l’heure actuelle, dont les changements climatiques et la hausse des inégalités, et de parvenir à un développement durable, équitable et inclusif pour tous », indique la note d’information préparée par l’ECOSOC.
Pour son Vice-Président, M. Vladimir Drobjnak, ce tout premier débat de l’année consacré aux questions d’intégration a permis de renforcer le rôle du Conseil en matière de coopération effective entre les différentes parties prenantes. Il a été marqué, aujourd’hui, par une discussion sur le thème de la gouvernance, de l’élaboration de politiques et de la planification efficace pour une urbanisation durable, au cours de laquelle plusieurs exemples concluants ont été présentés.
Ainsi, le Plan Maroc vert et le Plan marocain pour l’énergie solaire ont été adoptés « pour canaliser les efforts en faveur du développement durable », a expliqué le Directeur central chargé de la planification urbaine et architecturale du Maroc. Mme Angela Brown-Burke, la maire de Kingston, la capitale jamaïcaine, a expliqué que des lois de décentralisation étaient en cours d’élaboration pour déléguer une véritable autonomie aux collectivités territoriales.
Pour décrire les responsabilités complémentaires de chaque niveau de gouvernement –local, régional et national- en matière de développement durable, le Ministre des gouvernements locaux et du développement rural du Ghana a tenté une comparaison avec les postes « d’avant-centre, de marqueur de but et de défenseur au sein d’une équipe de foot ».
Au niveau strictement local, de nombreux intervenants, comme la délégation de l’Inde, ont plaidé pour la mise en place de « coalitions » d’organisations non gouvernementales, d’associations citoyennes et de dirigeants d’entreprise, qui seraient les interlocuteurs privilégiés des autorités locales. Cette proposition a été saluée par le Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat), M. Joan Clos, qui a cité en exemples les villes de Lima et de Ouagadougou, où la mobilisation de tels acteurs a été décisive.
Outre le leadership et une bonne planification, le développement urbain doit donc pouvoir compter sur une participation active des citadins eux-mêmes, a renchéri un professeur de Columbia University (New York). Cette participation citoyenne au gouvernement des villes a été l’un des thèmes centraux des débats de cette troisième journée de débats, notamment lors de la table ronde de l’après-midi.
Plusieurs experts ont en effet plaidé en faveur d’une telle participation, comme c’est déjà le cas à Kingston avec la mise en place de « forums interinstitutions » chargés d’identifier les défis à relever et de trouver des solutions. Il faudrait aussi inciter les femmes à participer aux processus de prise de décisions, a encouragé, pour sa part Mme Anne Hidalgo, la maire de Paris, « une ville qui compte 50% de femmes dans l’exécutif municipal et au conseil municipal ».
À la question de savoir quelles sont les conditions essentielles pour garantir un monde urbanisé durable, le représentant de Just Cities Initiative, de la Fondation Ford, a répondu: « une bonne gouvernance et une société civile participative ». La maire de Paris a conseillé de saisir l’occasion de la « transition écologique » pour « changer de paradigme » et inclure les populations en marge.
De manière générale, l’intégration harmonieuse des bassins ruraux et urbains a été présentée, au cours de ces trois jours de débats, comme un préalable à toute expansion urbaine viable.
À la lumière de ces éléments, le Directeur exécutif d’ONU-Habitat a vivement encouragé les États Membres à participer activement, les 17 et 18 septembre prochain au Siège de l’ONU à New York, à la session préparatoire de la troisième conférence des Nations Unies sur le logement et le développement urbain durable (Habitat III), afin de dessiner les contours des « villes de demain », sous le leadership des autorités locales et avec le concours de la société civile, du secteur privé et de la société civile.
Habitat III se tiendra en 2016 à Istanbul, en Turquie.
DÉBAT CONSACRÉ AUX QUESTIONS D’INTÉGRATION
Discussion thématique sur le thème « Gouvernance, élaboration de politiques et planification efficaces pour une urbanisation durable »
Avant de lancer la première discussion de la matinée, le Vice-Présidentdu Conseil économique et social (ECOSOC), M. VLADIMIR DROBNJAK (Croatie), a rappelé que les politiques urbaines nationales devraient suivre une démarche de planification globale avec une vision à long terme, en prenant en compte les besoins de développement rural.
M. NAVID HANIF, Directeur du Bureau de l’appui au Conseil économique et social et de la coordination du Département des affaires économiques et sociales (DAES), qui présentait le rapport du Secrétaire général (E/2014/67), a expliqué les défis importants à relever pour satisfaire les besoins d’une population urbaine en pleine croissance sans exercer trop de pression sur les ressources nationales. Les nouvelles difficultés dans les zones urbaines, a-t-il fait observer, exigent une plus grande coopération des gouvernements et aussi de la société civile. Il est essentiel, a-t-il ajouté, d’assurer une gouvernance efficace pour promouvoir des villes durables. De nombreuses villes continuent à se heurter à des décisions morcelées, à une faible coordination des acteurs et à des ressources insuffisantes, a-t-il fait remarquer, avant de prôner des processus décisionnels plus inclusifs afin de tenir compte des besoins de tous les groupes sociaux. Il faudrait également mettre sur pied des partenariats forts entre le secteur public et le secteur privé. Les autorités locales et nationales doivent établir une meilleure coordination entre elles, a-t-il aussi recommandé, avant de conseiller d’adopter des procédures innovantes pour les prises de décisions.
Le modérateur de cette table ronde, M. BERRY VRBANOVIC, Vice-Présidentde la Fédération canadienne des municipalités, Conseiller de Kitchener (Canada) et Vice-Trésorier de Cités et Gouvernements Locaux Unis, a demandé aux participants de se pencher sur les moyens de garantir un dialogue entre toutes les parties prenantes pour relever les défis actuels posés aux villes, tels que la pollution, l’accès à l’énergie, la fourniture des services de base, les logements et les infrastructures. Quels que soient la taille et le stade de développement des villes, la gestion urbaine exige de plus en plus la participation de nombreuses parties prenantes, a-t-il expliqué, en plaidant en faveur d’une coopération efficace.
Mme ANGELA BROWN-BURKE, Maire de Kingston, capitale de la Jamaïque, a indiqué que trois projets de lois en cours d’examen au Parlement prévoient une décentralisation afin de conférer une véritable autonomie aux autorités locales. Le défi, a-t-elle expliqué, consiste à fournir les services attendus par les citoyens sans pour autant augmenter les impôts. Même si les lois ne sont pas encore adoptées, les autorités locales n’ont pas attendu la fin de ce processus pour s’intéresser aux questions de développement durable et d’environnement. Elle a estimé qu’il faudrait s’appuyer sur les citoyens et pas seulement sur les dirigeants. À Kingston, a indiqué la maire de cette ville, nous avons constitué des forums interinstitutions pour discuter des défis à relever et des solutions. Mme Brown-Burke a estimé que les autorités locales devraient être les meilleurs défenseurs de la cause des citadins, notamment pour éliminer les discriminations. Elle a ensuite parlé de la stratégie de la ville de Kingston qui vise à attirer les fonds nécessaires au fonctionnement des pouvoirs locaux et au soutien des activités économiques des communautés. Avant de conclure, elle a prôné un esprit d’ouverture, d’honnêteté et de transparence dans la gestion des villes, en s’appuyant sur les valeurs démocratiques et en pratiquant l’écoute des autres.
M. HASSAN RADOINE, Directeur central chargé de la planification urbaine et architecturale au Ministère de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire du Maroc, a parlé de l’urbanisation en tant qu’outil d’intégration de la durabilité économique, sociale et environnementale. Le Maroc s’est lancé dans la sensibilisation politique sur l’importance du développement de villes qui sont économiquement prospères et durables sur les plans social et environnemental. « Notre stratégie d’urbanisation à long terme est fondée sur la planification nationale du territoire », a-t-il expliqué. Parmi les mesures concrètes adoptées pour mettre en œuvre les politiques de développement urbain durable, il a expliqué que son pays avait entrepris de mettre en valeur les zones sensibles et les ressources naturelles et d’améliorer la qualité de l’environnement. Pour éviter l’approche technocrate du haut vers le bas, il faudrait institutionnaliser les démarches pour garantir leur mise en œuvre, a-t-il estimé.
Présentant le Plan Maroc vert adopté par le pays, M. Radoine a expliqué que, dans un pays où la majorité de la population travaille dans le secteur rural, ce Plan vise à faire de l’agriculture le moteur de la croissance pour les 10 à 15 prochaines années et de promouvoir les investissements privés. Passant ensuite à l’ambitieux Plan marocain pour l’énergie solaire, il a émis l’espoir que sa mise en œuvre aboutirait à réduire la consommation énergétique, ainsi que les émissions de gaz à effet de serre. M. Radoine a aussi énuméré tous les domaines où le Maroc entreprend des efforts en faveur du développement durable, comme les transports publics, l’énergie, l’éducation, le tourisme, la préservation du patrimoine et la planification du territoire. Un train à grande vitesse est en cours de fabrication, tandis que les réseaux de tramway se développent dans plusieurs villes, a-t-il cité en exemples.
« Le programme de développement pour l’après-2015 doit être urbain », a enchaîné Mme CLARA IRAZABAL ZURITA, Directrice de Latin Lab et professeure assistante en planification urbaine à Columbia University (New York), en insistant sur la nécessité d’axer ce programme sur les villes, afin que celles-ci contribuent davantage aux solutions. Elle a parlé, à cet égard, d’un processus participatif mis en place par le Bureau régional d’ONU-Habitat à Rio de Janeiro pour établir des indicateurs d’évaluation de la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) dans les zones urbaines. Elle a par ailleurs suggéré de revoir la conceptualisation du développement durable, en se basant sur les « trois E »: Économie, Environnement et Équité.
Mme Irazabal Zurita a regretté que l’économie soit dominante dans le monde actuel, les deux autres secteurs étant assujettis aux besoins et aux caprices de l’économie, avant d’appeler à renverser ce modèle. L’Équité, a-t-elle précisé, doit être placée au sommet avec l’économie à son service. Elle a ensuite proposé d’ajouter « deux autres E » à la liste - Engagement et Éducation. Mme Irazabal Zurita a aussi appelé à tirer les leçons du passé, afin d’éviter de revenir à zéro à chaque fois. Elle a ainsi fait référence à deux études qu’elle avait menées en 2005, dans des villes du Brésil (Curitiba) et des États-Unis (Portland), qui ont conclu que le développement urbain devrait être réalisé autour de trois piliers: un bon leadership, une bonne planification et une participation active des citoyens. Elle a donc appelé à se concentrer sur ces trois domaines, en donnant l’exemple du système de transport public rapide à Curitiba qui a été reproduit dans des centaines de villes du monde. En ce qui concerne la participation des citoyens, elle a fait remarquer qu’il y avait eu parfois trop de contrôle de la part des citoyens à Portland.
Débat interactif
Le débat interactif qui a suivi a permis à des représentants de la société civile de poser différentes questions aux experts, notamment sur le niveau de participation de la société civile. Le représentant de Global Urban Development a tout d’abord indiqué qu’il rejetait l’idée selon laquelle l’économie s’oppose à l’environnement, en reprenant l’exemple de Curitiba, une ville qui est devenue plus riche grâce à une politique d’économie verte. Puis un autre représentant de la société civile, de l’Université de York (Toronto), a invité à réfléchir à ce que l’on entend par le terme « participatif ».
Répondant à ces deux remarques, la professeure de Columbia University a reconnu que la croissance économique devrait être un moyen plutôt qu’une fin en soi, en invitant à cet égard à revoir les priorités en termes de planification et de gestion. Elle a ensuite reconnu qu’il faudrait préciser la notion de participation afin de mieux la définir.
Sur cette question de la participation des citoyens, la maire de Kingston a souhaité que l’équité soit bien mise en avant dans les activités de nature participative pour que ceux qui y contribuent comprennent bien les règles du jeu.
Pour sa part, la maire de la communauté de Harlem, relevant que les personnes qui servent dans les autorités locales manquent de formation, a invité à employer des experts qui dispenseraient ce type de formation. À cet égard, la professeure de Columbia University a recommandé de prévoir des cours et des ateliers à cet effet, ainsi que des périodes de stage.
De son côté, la représentante de Women’s Environnement & Developpment Organization a rappelé la nécessité d’intégration des femmes dans toutes ces questions. La maire de Kingston a reconnu l’importance de cette question et estimé qu’il était important pour les femmes dirigeantes de soutenir la participation des autres femmes.
La représentante de New Future Foundation a demandé des précisions sur les mesures à prendre aux niveaux local et national ainsi qu’au niveau des citoyens pour améliorer la capacité des gouvernements locaux.
Répondant à une question du représentant de Cornell University, le Directeur central chargé de la planification urbaine et architecturale au Ministère de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire du Maroc a mis l’accent sur l’autonomisation des régions, en estimant qu’il faudrait permettre à tous les niveaux de gouvernance d’intervenir. Pour cela, a-t-il dit, il faudrait assurer une formation sur le développement durable. « Nous aurions beaucoup à gagner si nous encouragions la collaboration entre nations, plutôt que la concurrence », a ajouté la professeure de Columbia University, en faisant référence à l’Alliance bolivarienne pour les Amériques (Alba), projet en Amérique latine qui propose une alternative aux accords conventionnels de libre-échange. « C’est en travaillant de concert que nous comprendrons la nécessité du dialogue », a conclu la maire de Kingston.
Table ronde sur le thème « Imaginer les villes du futur – Solutions, innovations et partenariats pour une urbanisation durable »
À quoi ressembleront les villes de l’avenir? Au rythme où va l’urbanisation en Asie, quelle est la vision d’avenir pour les villes? Quels sont les innovations et partenariats possibles pour une urbanisation durable? Telles ont été les questions auxquelles les panélistes se sont efforcés de répondre, aujourd’hui, au cours de cette table ronde, animée par M. Urs Gauchat, Doyen de l’École d’architecture et de Design de l’Institut de technologie du New Jersey et Directeur fondateur du Consortium pour une urbanisation durable. Celui-ci a expliqué que l’objectif était de concrétiser les utopies qui permettront aux villes du futur d’accueillir la population urbaine mondiale dans des conditions décentes.
Déclarations liminaires
M. LANCE BROWN, Président de l’Institut américain d’architectes et Directeur fondateur du Consortium pour une urbanisation durable, a présenté les principes fondamentaux qui doivent, selon lui, prévaloir dans la conception et l’amélioration des villes. Il a expliqué qu’il faudrait tout d’abord renforcer les conditions de vie dans les villes modernes. Il est nécessaire, a-t-il souligné, d’établir des communautés et de créer des opportunités en rendant villes et bassins urbains plus compétitifs. M. Brown a estimé ensuite qu’il faudrait promouvoir l’égalité, tout en encourageant le développement durable et la résilience. S’agissant de ce dernier point, il a cité en exemple la réflexion engagée par la ville de New York pour moderniser le littoral de Rockaway après le passage de l’ouragan Sandy.
Mme JANICE PERLMAN, Fondatrice et Présidente de Mega-Cities Project, s’est demandée, pour sa part, ce que signifie, pour les villes, la notion de développement durable. La croissance démographique va exiger la construction de 35 millions de logements supplémentaires par an. Face à une telle tendance, les populations qui affluent dans les villes, s’établissent sur des terrains vagues, qui deviennent ensuite des bidonvilles et des favelas. Le principal objectif de l’ONU doit être de répondre à la question fondamentale des inégalités entre les personnes bénéficiant d’un logement décent et celles qui vivent dans des établissements informels. Dans le cadre du projet Mega-Cities, qu’elle dirige, Mme Perlman encourage les partenariats multipartites, en confiant le leadership aux groupes les plus actifs, souvent issus de la société civile. Les gouvernements locaux doivent donc se montrer réceptifs aux propositions issues de la base, « condition sine qua non pour façonner une urbanisation durable », a-t-elle conclu.
Mme KALPANA VISWANATH, Fondatrice de Safetipin, a rappelé que 900 millions de personnes vivront dans des bidonvilles d’ici à 2020, en particulier en Asie et en Afrique. L’insécurité des villes rend la sortie de la pauvreté encore plus difficile, c’est un véritable cercle vicieux, a-t-elle relevé. L’intervenante a donc proposé le concept de « ville partagée », où les aspects sociaux, politiques, économiques et culturels, seraient pris en compte à parts égales dans le cadre d’une approche intégrée. La transparence et l’égalité, la participation citoyenne et démocratique, la reconnaissance de la diversité et la réduction des inégalités, ainsi que l’autonomisation des femmes doivent être les lignes directrices d’un tel concept, a précisé la panéliste.
Mme ROSE MOLOKOANE, Coordonnatrice à Slum Dwellers International, a estimé que le seul changement possible pour les espaces urbains devrait venir d’un changement de mentalités. La Coordonnatrice a fait remarquer qu’à chaque fois qu’elle s’adresse aux autorités locales, on lui propose une amélioration de la fourniture des services, alors que ce que l’on attend de ces autorités locales, c’est un « changement de paradigmes ». Pour y parvenir, il faudrait une véritable volonté politique, a-t-elle lancé. Dans ce contexte, les femmes, « agentes du changement » par excellence, peuvent jouer un rôle déterminant, à condition toutefois de leur donner la possibilité d’initier elles-mêmes des projets, notamment par le biais de partenariats. « C’est ainsi qu’il sera possible de faire la différence dans les établissements humains informels », a-t-elle estimé.
Une conversation sur l’urbanisation durable
Déclarations liminaires
Mme ANNE HIDALGO, Maire de Paris et Coprésidente de Cités et Gouvernements Locaux Unis, a rappelé la nécessité de travailler à l’autonomie alimentaire des grandes métropoles, en recréant à la périphérie une ceinture maraîchère. Elle s’est réjouie que la ville de Paris soit l’hôte de la Conférence des Nations Unies sur le climat « COP 21 » qui se tiendra en décembre 2015. Elle a ensuite recensé les défis vertigineux que les villes doivent relever, notamment parce qu’elles consomment trois quarts des ressources énergétiques de la planète. L’enjeu, aujourd’hui, est d’intégrer toutes les composantes du développement pour développer des villes durables, a-t-elle expliqué, en souhaitant que le tissu urbain se réinvente plutôt que de s’étendre à l’infini. Elle a parlé des objectifs ambitieux de Paris en matière de logements sociaux et des « grandes trames écologiques » prévues en végétalisant 7 hectares de toits d’ici à 2020 ou en ouvrant de nouveaux jardins.
La maire de Paris a recommandé de faire preuve d’innovation dans les cités modernes. À cet égard, elle a cité en exemple un immeuble de logement social, à Paris, où le chauffage est fourni gratuitement grâce à l’énergie générée par les microprocesseurs d’ordinateurs. Elle a assuré qu’elle veillerait à offrir à moindre coût le chauffage dans tous les logements parisiens, en précisant que ce chauffage sera respectueux de l’environnement. Plaidant en faveur du renforcement de la participation citoyenne dans les villes, Mme Hidalgo a recommandé de faire participer plus activement les femmes aux processus décisionnels, en rappelant que l’exécutif municipal et le conseil municipal de la ville de Paris comptaient 50% de femmes. Elle a par ailleurs conseillé de saisir l’occasion de la transition écologique pour changer de modèle et inclure les populations exclues.
L’animatrice de la réunion, Mme AFAF KONJA, Porte-parole du Président de la soixante-huitième session de l’Assemblée générale, a demandé aux participants de faire ressortir les défis et les occasions que représente le développement durable des villes. Comment pouvons-nous passer de la politique à la mise en œuvre de celle-ci? a-t-elle demandé. Quelles sont les responsabilités de chacun en matière de développement durable?
M. AKWASI OPOING-FOSU, Ministre pour les gouvernements locaux et le développement rural du Ghana, a suggéré que les gouvernements nationaux établissent des cadres politiques et fixent les grandes orientations, tandis que les responsables régionaux devraient assumer des responsabilités qui pèsent trop lourdement sur le gouvernement central et sur les autorités locales. Ils fournissent aussi un appui technique aux entités locales. Au niveau local, les autorités sont mieux placées pour répondre aux besoins essentiels de la population, a-t-il estimé. Il a comparé ces trois niveaux de responsabilités aux postes d’avant-centre, de marqueur de but et de défenseur dans une équipe de foot, ce dernier ayant une vue d’ensemble comme l’ont les gouvernements nationaux. Tous les niveaux doivent travailler ensemble pour mettre en œuvre le développement durable, a-t-il souligné.
« Comment les villes peuvent-elles devenir plus productives tout en étant plus résilientes? » a ensuite demandé la modératrice.
« Je crois beaucoup à la capacité des villes d’agir lorsqu’elles s’appuient sur les initiatives citoyennes », a dit la maire de Paris. Si on reste au stade de la technique, on ne produit rien, a-t-elle expliqué, en invitant à renforcer l’aspect participatif. Faisant le lien entre les deux, elle a parlé des centres de données qui permettent de trouver des solutions, par exemple pour réduire la pollution causée par les véhicules automobiles. Le développement durable ne doit pas être abordé uniquement sous l’angle des technologies, a-t-elle insisté. Les nouvelles technologies, la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, ainsi que la participation citoyenne, a-t-elle estimé, sont les trois éléments nécessaires au développement durable.
La modératrice a ensuite orienté le débat sur la question de la planification intégrée des villes. « Comment peut-elle répondre aux besoins en énergie dans les zones urbaines des pays en développement? »
M. PATRICK HO CHI PING, Secrétaire général du Comité du Fonds de l’énergie chinoise, a conseillé d’intégrer toutes les exigences de l’urbanisation lors de la planification. C’est le processus de planification lui-même qui est important, a-t-il expliqué. La participation citoyenne, a-t-il dit, c’est l’idée que chacun doit contribuer au développement durable et aussi renoncer à quelque chose. Dans un pays comme les États-Unis, où l’on utilise 20% des voitures du monde et consomme 40% de l’essence, nous avons besoin d’une culture de modération et de contrôle sur soi-même pour éviter les excès.
En réponse aux questions qui se posent pour les mégapoles, M. DON CHEN, Just Cities Initiative de la Fondation Ford, a indiqué que 60% de ce qui sera construit en 2030 n’existe pas encore aujourd’hui. Il a ainsi recommandé d’éviter l’utilisation de termes galvaudés comme mégapole. Si les personnes sont attirées par les grandes villes, la plupart se rendent dans des villes de taille plus moyenne, a-t-il observé. La Fondation Ford contribue à la formation de planificateurs dans le monde, a-t-il indiqué.
La discussion s’est poursuivie sur le rôle du secteur privé, qui doit jouer un rôle actif pour l’urbanisation durable et la création d’emploi dans les villes.
La durabilité vise à optimiser les relations entre plusieurs types de capitaux, a indiqué M. GARY LAWRENCE, Vice-Président et Responsable en chef de la viabilité de la Société AECOM. Sa société travaille sur un projet de réduction des émissions de gaz à effet de serre, a-t-il précisé, en s’étonnant que les villes ne se tournent pas davantage vers le secteur privé pour réduire la pollution. Il a aussi remarqué que le capital humain, c’est-à-dire l’intelligence humaine, c’est le seul capital qui s’améliore avec l’expérience. Lorsqu’il était le planificateur de la ville de Seattle, il y a plusieurs années, il avait pris conscience du manque d’humilité et l’incapacité à comprendre l’avenir dans ce domaine. « Nous devons apprendre à nous adapter », a-t-il dit. Pour lui, les trois éléments nécessaires à la durabilité sont la viabilité économique, la faisabilité technique et la volonté politique.
« Quels sont les mécanismes à suivre pour garantir des démarches cohérentes, sans oublier le développement rural et en rendant les villes résilientes face aux changements climatiques? »
Répondant à cette question, M. RICHARD FLORIDA, Professeur de commerce et de créativité de l’Université de Toronto et Professeur de recherche mondiale de la School of Continuing and Professional Studies de l’Université de New York, qui est aussi rédacteur en chef à The Atlantic, a recommandé de placer les villes et le développement durable au cœur du programme de l’ECOSOC. Les technologies, a-t-il fait remarquer, permettent à certains de se développer, mais pas à tous. Il a évoqué le récent Forum urbain mondial qui a conclu que les établissements urbains et les villes étaient essentiels dans la lutte contre la pauvreté. Il a par ailleurs signalé la pénurie de données dans ces domaines, avant d’appeler l’ECOSOC à formuler des recommandations pour financer la collecte de données dans les villes du monde. Il a aussi regretté le manque de formation pour préparer les futurs maires à faire face aux défis.
À la question de savoir quelles sont les conditions essentielles pour garantir un monde urbanisé durable, la maire de Paris a répondu que c’est la démocratie. Pour le Secrétaire général du Comité du Fonds de l’énergie chinoise, le mode de vie urbain durable devrait être adopté au quotidien par tous, tandis que le représentant de la Fondation Ford a souligné l’importance d’une bonne gouvernance et d’une société civile participative.
« La voie à suivre »
M. JOAN CLOS, Directeur exécutif du Programme des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat), a présenté les lignes directrices d’Habitat III: la voie à suivre vers un programme urbain pour 2016, la conférence internationale qui se tiendra cette année-là. « Il faut reconnaître qu’une urbanisation efficace ne se fait pas par hasard, mais par des choix. C’est précisément parce que la planification urbaine n’a pas été suffisamment prise en compte que les villes ont cru de manière anarchique. Comment peut-on changer les paradigmes? » a-t-il demandé. Il faudrait, a-t-il répondu, commencer par fixer des dénominateurs communs pour protéger les espaces urbains du monde entier, des critères de bases à partir desquels des stratégies spécifiques seraient élaborées au cas par cas. « New York, a-t-il rappelé, n’est pas Mexico ». Si les autorités locales doivent se porter garantes des espaces publics et de la planification urbaine, elles ne peuvent pas tout faire par elles-mêmes.
Investies de grandes responsabilités, les autorités locales disposent de pouvoirs limités, a souligné le Directeur exécutif, pour qui les gouvernements doivent les soutenir tout en s’alignant sur leur vision de l’urbanisme. C’est une vision qui, à une époque marquée par une expansion ininterrompue des villes, doit impérativement tenir compte de la relation avec la périphérie et avec les zones rurales, a ajouté M. Clos. Pour être efficaces, a-t-il dit, les modèles de gouvernance urbaine, les politiques urbaines et les outils de planification urbaine doivent tenir compte du fait que la portée et les incidences des activités urbaines dépassent les domaines d’intervention et les frontières géographiques et qu’un nombre croissant de parties prenantes et d’acteurs urbains sont concernés. Dans ce contexte, le Directeur exécutif a encouragé les États Membres à participer à la conférence préparatoire d’Habitat III, qui se tiendra à New York les 17 et 18 septembre prochain, et à y faire des contributions intellectuelles et financières.
S’adressant à l’ECOSOC par visioconférence depuis Bonn, MM. David Cadman, Président du Conseil international pour les initiatives écologiques locales (ICLEI), Paul Lindvall, Président du Conseil municipal de Linköping, en Suède, Tikender Singh Panwar, maire adjoint de Shimla, en Inde, et Mussa Natty, Directeur municipal de Dar es-Salaam, en Tanzanie, ont eux aussi mis l’accent sur le rôle pivot de la gouvernance locale pour les villes de demain. M. Cadman a estimé que des investissements massifs devraient être consentis dans les mégapoles du monde entier, avec l’aide du secteur privé, mais sous le leadership des autorités locales et gouvernementales.
Discussion interactive
La délégation de l’Allemagne a affirmé que son pays était fermement convaincu par le potentiel des villes comme vecteurs de développement durable. Répondant au représentant de l’ONG Slum Dwellers International, l’animateur de la discussion, M. Richard Florida, rédacteur en chef à The Atlantic et Professeur à l’Université de Toronto et à l’Université de New York, a reconnu que les données existantes devraient être consolidées dans le cadre de la planification urbaine et tenir compte de celles recueillies sur le terrain, en plus des statistiques officielles. À un autre intervenant de la société civile, le Directeur exécutif d’ONU-Habitat, M. Joan Clos, a plaidé pour éliminer les barrières entre espace rural et espace urbain, les deux devant bénéficier des mêmes services de base et d’un même accès au logement décent. Le représentant de l’Inde a plaidé pour la mise en place de coalitions de groupes de la société civile, d’associations citoyennes et de chefs d’entreprises, qui seraient les interlocuteurs privilégiés des autorités locales. Cette proposition a été saluée par M. Clos, qui a vu dans les villes de Lima et de Ouagadougou, où la mobilisation d’acteurs non gouvernementaux a été décisive, des exemples à suivre. Le Directeur exécutif a rappelé que si le secteur privé était très bon pour construire des immeubles, c’est-à-dire des unités séparées, l’aménagement de l’espace public relève avant tout de la responsabilité des autorités locales.
Déclaration de clôture
M. VLADIMIR DROBJNAK (Croatie), Vice-Président du Conseil économique et social, s’est félicité du succès de ce tout premier segment sur l’intégration qui a rassemblé des acteurs divers pour dialoguer sur l’urbanisation et le développement durable. Ce segment a également souligné le rôle que le Conseil peut jouer pour établir une coopération effective entre les différentes parties prenantes, a-t-il estimé. Il faudrait examiner de façon équilibrée les trois dimensions du développement durable - économique, sociale et environnementale, a souligné M. Drobjnak. Les discussions des tables rondes, a-t-il observé, ont apporté des réponses à des questions clefs concernant notamment les inégalités urbaines et le développement durable en Afrique. Pour développer des réponses intégrées, le renforcement des capacités est nécessaire, a-t-il ajouté, en rappelant que la planification urbaine exigeait la concertation de tous les niveaux de gouvernement. Il faudrait aussi des capacités adéquates pour analyser et gérer ces processus. Le Vice-Président de l’ECOSOC a appelé la communauté internationale à continuer à apporter des réponses pour faire face aux défis que pose l’urbanisation durable. Avant de conclure, M. Drobjnak a indiqué que le résumé des discussions de ce sommet de trois jours serait disponible, la semaine prochaine, sur le site Internet de l’ECOSOC.
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