Conseil de sécurité: face à un avenir « plus incertain que jamais » au Moyen-Orient, Robert Serry presse Israéliens et Palestiniens de reprendre les négociations
C’est une année « dramatique » qui s’achève au Moyen-Orient, avec l’impasse persistance à laquelle se heurtent les négociations entre Israéliens et Palestiniens, une guerre dévastatrice de 51 jours dans la bande de Gaza et un regain de violences et de tensions en Cisjordanie, y compris à Jérusalem-Est, a constaté, ce matin devant le Conseil de sécurité, le Coordonnateur spécial de l’ONU pour le processus de paix dans la région.
« J’ai le sentiment que 2014 a changé le cours du conflit israélo-palestinien et que son avenir est plus incertain que jamais », a déclaré M. Robert Serry à l’occasion de l’exposé mensuel sur la situation au Moyen-Orient.
Alors que les Israéliens devraient se rendre aux urnes le 17 mars 2015, après la récente dissolution de la coalition au pouvoir, le « vide diplomatique » est dangereux et ne peut servir d’excuse pour la détérioration de la situation, a prévenu M. Serry. « Il est temps de s’abstenir de toute provocation et de poser les bases d’un retour aux négociations susceptibles de résoudre le conflit avant qu’il ne soit trop tard », a-t-il tranché.
Pour y parvenir, le soutien de la communauté internationale sera indispensable, a assuré le Coordonnateur. « Poursuivant une tendance notable en Europe, les Parlements de France, d’Espagne et du Portugal viennent d’adopter des résolutions non contraignantes appelant leurs gouvernements respectifs à reconnaître un État palestinien. Pour le Coordonnateur, il s’agit d’un développement révélateur de l’« impatience grandissante » face au manque continu de progrès dans la réalisation d’une solution à deux États et de la pression exercée par les opinions publiques sur leurs dirigeants.
Le Coordonnateur a pris note de la décision récente de la Ligue des États arabes de présenter au Conseil de sécurité un projet de résolution fixant un calendrier précis pour la création d’un État palestinien. Parallèlement, a-t-il rappelé, les membres du Conseil négocient un autre texte soulignant les paramètres d’un accord sur le statut final entre Israéliens et Palestiniens.
Saluant ces deux initiatives, M. Serry a toutefois tenu à préciser qu’elles « ne se substituent pas à un processus de paix négocié directement entre les deux parties ». Le Secrétaire général, a-t-il ajouté, espère cependant que l’action du Conseil insufflera un élan constructif en ce sens. « Cela marquera une étape majeure, presque 50 ans après l’adoption de la résolution 252 (1968) », a souligné le Coordonnateur.
M. Serry s’est ensuite déclaré « profondément préoccupé » par la récente escalade des tensions à Jérusalem et en Cisjordanie. « Même si le conflit a toujours eu des soubassements confessionnels, il est de plus en plus inquiétant de constater qu’il est maintenant davantage inspiré par la religion », a-t-il déploré.
Le 18 novembre, a rappelé le Coordonnateur, 2 Palestiniens ont tué 5 Israéliens et blessé plusieurs autres dans une synagogue de Jérusalem-Est, avant d’être abattus par la police israélienne. Le 29 novembre, une école mixte juive-arabe de Jérusalem a été incendiée et ses murs couverts de graffitis anti-Arabes. « En tout, 633 Palestiniens, dont 73 enfants, avaient été blessés et 406 autres arrêtés par les Forces de sécurité israéliennes au cours du mois écoulé », a-t-il constaté.
Neuf soldats et 20 colons israéliens ont également été blessés lors d’échauffourées avec des Palestiniens, a poursuivi M. Serry. Le 10 décembre dernier, le Ministre palestinien Ziad Abou Ein a trouvé la mort lors d’une manifestation qui a dégénéré en confrontation avec la police israélienne. « Le Conseil a demandé aux parties d’ouvrir rapidement une enquête afin de faire la lumière sur les circonstances de son décès », a-t-il précisé.
Le Coordonnateur a toutefois salué les mesures constructives prises par les parties, lors de la réunion qui s’est déroulée à Amman, le mois dernier, en présence du Secrétaire d’État américain, M. John Kerry, en vue de désamorcer les tensions aux abords des lieux saints. M. Serry s’est félicité par exemple que les Palestiniens de Gaza soient de nouveau autorisés à aller prier, « pour la première fois depuis 2007 », à la mosquée Al-Aqsa.
La reprise des « démolitions punitives », après une interruption de presque 10 ans, demeure très préoccupante, a-t-il dit. Le Coordonnateur a dénoncé en particulier la démolition, par les Forces de défense israéliennes, de la maison de la famille du Palestinien responsable de la mort, le 22 octobre, de deux Israéliens, en estimant que cette punition collective constituait une violation du droit international.
S’agissant de la situation à Gaza, M. Serry s’est félicité de la poursuite des livraisons de matériaux de construction grâce, a-t-il dit, au mécanisme temporaire pour la reconstruction, qui a permis à 17 000 personnes de se procurer ces matériaux. Au total, 25 000 personnes en bénéficieront d’ici à la fin du mois de décembre. Parallèlement, le commerce entre Gaza et la Cisjordanie a été rétabli, mais de manière encore limitée, a-t-il noté.
« Avec près de 80 000 familles vivant dans des foyers endommagés à des degrés divers et 19 000 personnes déplacées, il faut agir de toute urgence alors qu’un hiver pluvieux s’est d’ores et déjà installé », a averti le Coordonnateur. Pour lui, les trois priorités triennales à Gaza doivent être « une énergie durable, l’accès à l’eau potable et la reconstruction ». Il sera possible d’y parvenir, a estimé M. Serry, à condition que les points de passage vers la bande de Gaza soient ouverts pour l’acheminement des articles requis, « dans le respect des conditions posées par Israël pour sa sécurité ».
Mais l’accélération de cette phase de reconstruction de Gaza est entravée par plusieurs facteurs, dont certains sont d’ordre politique, a expliqué le Coordonnateur, en mettant l’accent sur la fragilité du cessez-le-feu, le manque de gouvernance effective au sein du nouveau Gouvernement de consensus national en place à Gaza, la nécessité d’engager des réformes civiles et les retards dans le paiement de milliers de fonctionnaires.
Le manque de ressources est « peut-être un élément encore plus urgent », s’est-il inquiété, en demandant à la communauté des donateurs de tenir les promesses faites lors de la Conférence du Caire d’octobre dernier, « sous peine de voir une situation déjà accablante se détériorer davantage ».
Des incidents liés à la sécurité témoignent des conséquences de la pression exercée sur la société gazaouie, a relevé M. Serry. Vendredi dernier, a-t-il rappelé, une explosion a eu lieu près du Centre culturel français, faisant deux blessés. En attendant le « plein transfert des responsabilités en matière de sécurité » au Gouvernement de consensus national, le Hamas est responsable de la sûreté du personnel de l’ONU et des personnels associés, a-t-il rappelé.
Évoquant la situation en Syrie, le Coordonnateur a rappelé que l’Envoyé spécial du Secrétaire général poursuit ses consultations avec les parties en vue de « geler » les hostilités dans la ville d’Alep, première étape, selon lui, « vers un processus politique national sans préconditions sur la base du Communiqué de Genève ». Sur le Golan Syrien, où la situation reste tendue, forces gouvernementales syriennes et groupes armés se livrent à des affrontements ponctuels dans les zones de séparation et de limitation des armements, en violation de l’Accord sur le désengagement de 1974, a fait observer M. Serry.
Concluant par un tour d’horizon de la situation au Liban, où des incidents meurtriers se produisent sporadiquement, le Coordonnateur a indiqué que le Secrétaire général aux affaires politiques, M. Jeffrey Feltman, se trouve en ce moment même à Beyrouth à l’occasion du lancement du Plan libanais de réponse à la crise que pose la présence de nombreux réfugiés dans ce pays.
Sur le plan politique, s’est-il félicité, le Président de l’Assemblée nationale libanaise, M. Nabih Berri, a annoncé que les préparatifs du dialogue entre le Hezbollah et le Mouvement futur étaient en cours et qu’une première session devrait avoir lieu avant la fin de cette année. M. Serry a enfin rappelé au Conseil que la question la plus urgente est de combler le « vide » de la présidence de la République, qui dure depuis maintenant sept mois.