En cours au Siège de l'ONU

7335e séance – matin
CS/11692

Conseil de sécurité: l’Envoyée spéciale du Secrétaire général présente l’état de mise en œuvre de la stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel

L’Envoyée spéciale du Secrétaire général pour le Sahel, Mme Hiroute Guebre Sellassie, a déclaré, ce matin devant le Conseil de sécurité, que la situation  sécuritaire, humanitaire et politique dans la région se détériorait.  Elle s’efforce, a-t-elle dit, de superviser la mise en œuvre, dans cette zone aride, de la Stratégie intégrée des Nations Unies qui repose sur trois piliers, à savoir la paix et sécurité, la gouvernance et la résilience.

Dans une région déjà touchée par de multiples crises, a prévenu Mme Sellassie, « l’épidémie d’Ebola qui vient d’éclater au Mali risque d’être le choc de trop ».  Il est urgent pour les pays du Sahel, a-t-elle souligné, de se doter des capacités nécessaires pour prévenir la propagation d’une épidémie dont les conséquences ne sont pas seulement sanitaires, mais aussi économiques et sociales.

Autre fait nouveau, a relevé l’Envoyée spéciale, c’est la crise politique au Burkina Faso, qui atteste, avec la persistance du conflit au Mali, de clivages.  Ceux-ci ne pourront pas être résolus « tant que les pays de la région n’adhèreront pas à des normes de bonne gouvernance ».

Au Sahel, où les crises fonctionnent à la manière de vases communicants, l’insécurité découle directement de l’absence d’autorité et d’administration de l’État, comme par exemple en Libye, où désormais « l’État islamique aurait établi des camps d’entraînement », s’est alarmée l’Envoyée spéciale.

D’autres allégations, a-t-elle poursuivi, font état du recrutement, par Boko Haram, de combattants parmi les populations fuyant les violences extrêmes perpétrées par ce groupe terroriste dans le nord du Nigéria.  « L’onde de choc s’étend jusque dans le Sahel, avec l’arrivée de 100 000 réfugiés au Niger et près de 10 000 autres au Tchad et au Cameroun », a constaté l’Envoyée spéciale, en soulignant l’impact humanitaire d’une insécurité qui se joue des frontières.

Le Tchad, qui assure la présidence du Conseil de sécurité pour le mois de décembre, et dont le pays est un contributeur de troupes à la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), a demandé aux autorités maliennes d’ouvrir des enquêtes et de poursuivre en justice les auteurs d’attaques terroristes perpétrées contre les soldats de la Mission, dont trois ont été blessés par un engin explosif au début du mois.

Pour le représentant de la France, les négociations qui réunissent, « pour la première fois à Alger », les parties maliennes, pourraient, en cas d’accord inclusif, profiter à l’ensemble du Sahel et au-delà.  La troisième Réunion de la Plateforme ministérielle de coordination de la Stratégie intégrée pour le Sahel, qui s’est tenue à Bamako le 18 novembre dernier, a permis de soutenir cet élan, se sont félicitées les délégations de l’Argentine et du Luxembourg.

Parallèlement, a ajouté le représentant de la France, l’opération militaire Barkhane, lancée le 1er août par la France à la demande de cinq pays du Sahel « et en étroite coopération avec eux », mobilise plus de 3 000 soldats à l’appui de la lutte antiterroriste.  De son côté, le représentant de la République de Corée a salué le rôle de la mission de surveillance dépêchée par les États membres de la Commission du bassin du lac Tchad, dont le Nigéria et le Tchad, qui siègent au Conseil.

Après avoir souligné l’importance d’éradiquer les « causes profondes » du terrorisme et de la lutte armée, comme l’absence de services de base et la déshérence dans laquelle sont laissées des communautés entières, la Fédération de Russie s’est toutefois opposée à l’idée de s’ingérer dans les affaires intérieures des États.  C’est la raison pour laquelle elle a salué le  G-5 Sahel, un cadre institutionnel de coordination et de suivi de la coopération entre la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad, comme un exemple d’appropriation par les pays concernés.

La Libye, le nord du Mali, le nord du Nigéria et la République centrafricaine (RCA) sont confrontés à des crises multidimensionnelles qui sont étroitement liées entre elles, a souligné l’Envoyée spéciale, qui a été encouragée par le Conseil à redoubler d’efforts pour harmoniser l’ensemble des initiatives en cours et à venir, à prévenir les doubles emplois et à mobiliser les ressources.  Celles-ci demeurent insuffisantes en dépit d’« indicateurs humanitaires alarmants ».

Mme Sellassie a rappelé que, sous son impulsion, un Groupe international de contact avait été établi en novembre dernier.  Elle a ensuite observé que dans le cadre du pilier « résilience » de la Stratégie intégrée, le partenariat « AGIR », sous le leadership de l’Union européenne, avait permis de réunir des promesses de contributions d’un montant total de 1,5 milliard d’euros pour la période 2014-2020.

Dans le cadre du pilier « gouvernance », a poursuivi l’Envoyée spéciale, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a aidé le Mali à assurer une plus grande cohérence dans la fourniture de ses services sociaux et le Niger à promouvoir son développement durable et sa croissance inclusive.  Enfin, a-t-elle indiqué, dans le cadre du pilier « paix et sécurité », l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a soutenu l’établissement de systèmes judiciaires « accessibles, efficaces et responsables » dans les pays du Sahel.

Répondant aux membres du Conseil, Mme Sellassie a tenu à rappeler que la Plateforme ministérielle de coordination de la Stratégie intégrée et le G-5 Sahel avaient des prérogatives « distinctes ».  « Le G-5 Sahel est une initiative d’appropriation et un mécanisme de coopération interétatique en vue d’élaborer des programmes communs, tandis que la Plateforme coordonne les efforts de tous les partenaires, y compris en dehors du Sahel », a-t-elle précisé.

PAIX ET SÉCURITÉ EN AFRIQUE

Déclarations

Mme HIROUTE GUEBRE SELLASSIE, Envoyée spéciale du Secrétaire général pour le Sahel, a commencé son intervention en expliquant que dans le domaine de la gouvernance, la région du Sahel continue de souffrir d’un manque de services essentiels, de l’exclusion sociale et d’obstacles au commerce et à l’investissement.  « La récente apparition de l’épidémie d’Ebola au Mali risque d’être le choc de trop pour la région », a prévenu Mme Sellassie, qui a souligné l’importance pour les pays du Sahel de se doter des capacités nécessaires pour prévenir la propagation de l’épidémie. »

Elle s’est ensuite livrée à un bilan général de la situation dans toute la bande sahélienne, où la crise politique au Burkina Faso et le conflit persistant au Mali attestent du fait que nos efforts dans la sous-région ne seront pas productifs à moins que les pays de la région adhèrent à des normes de gouvernance.  La sécurité y est menacée par les crises en Libye, dans le nord du Nigéria et du Mali et en République centrafricaine (RCA).  « Les allégations persistantes selon lesquelles le groupe extrémiste État islamique a établi des camps d’entraînement en Libye sont particulièrement inquiétantes », a-t-elle déclaré, avant de prévenir que si la situation en Libye n’est pas rapidement maîtrisée, de nombreux États pourraient s’en trouver déstabilisés. 

Au Mali, en dépit des progrès réalisés dans le cadre des pourparlers intermaliens à Alger, les conditions de sécurité dans le nord du pays se sont détériorées, à la suite de l’intensification des attaques meurtrières contre des Casques bleus et les communautés vivant le long de la frontière avec le Niger.  « Il est encourageant de constater que la récente réunion des pays contributeurs de troupes à la MINUSMA a conclu à la nécessité de renforcer les mécanismes de coopération régionaux sur le plan sécuritaire », a indiqué l’Envoyée spéciale, qui a pris acte de la réunion de réflexion du Conseil de sécurité sur les meilleurs moyens de relever les défis, y compris au travers de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel. 

Mme Sellassie s’est également faite l’écho des atrocités commises par Boko Haram dans le nord du Nigéria, dont l’onde de choc se propage jusque dans les communautés et pays du Sahel, avec l’arrivée de 100 000 réfugiés au Niger et près de 10 000 autres au Tchad et au Cameroun.  « Les allégations selon lesquelles Boko Haram recrute des rebelles parmi ces populations déplacées sont encore plus alarmantes », a déploré l’Envoyée spéciale.  Les liens entre groupes terroristes et réseaux criminels deviennent de plus en plus clairs en Libye, au Mali et dans le nord du Nigeria, a-t-elle souligné. 

« Ces réseaux fournissent les marchés sur lesquels s’échangent armes et combattants et où se pratiquent toutes sortes de trafics illicites, notamment de stupéfiants », a poursuivi l’Envoyée spéciale, en précisant que près de 20 000 armes à feu en provenance de Libye se trouvaient aujourd’hui au Sahel et que 18 tonnes de cocaïne acheminées jusqu’en Afrique de l’Ouest jusqu’à présent avaient transité par le Sahel, pour un montant de 1,25 milliard de dollars.  Ce sont également des milliers de migrants, exposés à des risques de trafic d’êtres humains, qui transitent chaque année par la sous-région à destination de l’Europe et du Moyen-Orient, a-t-elle ajouté.

Après avoir fait état d’« indicateurs humanitaires alarmants », avec cinq millions de personnes en plus menacées d’insécurité alimentaire au cours de la période à l’examen, l’Envoyée spéciale a noté que les interventions pour inverser cette dynamique étaient sous-financées: les promesses de contributions s’élèvent pour le moment à 1,1 milliard de dollars alors que l’appel était initialement d’un montant de 1,9 milliard de dollars.

L’Envoyée spéciale a parlé ensuite des efforts qu’elle a déployés pour engager toutes les parties prenantes à répondre de manière coordonnée aux défis qui se posent au Sahel.  Elle a rappelé que, sous son impulsion, un Groupe international de contact avait été établi en novembre dernier.  Dans le cadre du pilier « résilience » de la Stratégie, le partenariat « AGIR », mené par l’Union européenne, a permis de réunir des promesses de contribution d’un montant de 1,5 milliard d’euros pour la période 2014-2020. 

Dans le cadre du pilier « gouvernance », a poursuivi l’Envoyée spéciale, le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) a soutenu le Mali pour assurer une plus grande cohérence dans la fourniture des services sociaux, ainsi que le Niger dans la promotion du développement durable et de la croissance inclusive.  Enfin, dans le cadre du pilier « sécurité », l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) a soutenu l’établissement de systèmes judiciaires accessibles, efficaces et responsables dans les pays du Sahel.

Tout en se félicitant de l’attention que le Conseil de sécurité continue d’accorder à la situation au Sahel, Mme Sellassie a appelé à un renforcement de l’engagement et la coordination des pays de la région.  Elle a expliqué que ses priorités pour les mois à venir seraient de soutenir la mise en œuvre de projets tant nationaux que régionaux, et de contribuer au renforcement de la coordination des interventions de la communauté internationale et de celles de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) et de la Plateforme ministérielle de coordination et du G-5 Sahel.

M. DAVID PRESSMAN (États-Unis) a déclaré qu’outre le terrorisme, les crises politiques avaient un impact énorme et durable sur le développement des pays de la région du Sahel.  De vastes espaces ne sont pas gouvernés, créant les conditions propices à l’essor des groupes armés non étatiques, a-t-il ajouté.  Pour le représentant, la communauté internationale doit d’abord renforcer les capacités sécuritaires des États de la région et aider à coordonner les interactions à ce niveau.  « Le renforcement de la coopération régionale n’apporte que des avantages, comme on l’a vu au Mali. » 

Saluant ensuite l’initiative G-5 Sahel, qui s’articule autour d’un secrétariat désormais opérationnel, le représentant a prôné l’intégration de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel dans les cadres juridiques nationaux.  Les Nations Unies sont essentielles à cette fin, a-t-il souligné, en rappelant qu’il était nécessaire pour les États de la région de s’approprier les grandes lignes de la Stratégie intégrée des Nations Unies.  Le représentant a par ailleurs rappelé que le Président Obama avait annoncé, en août dernier, l’allocation de 65 millions de dollars d’aide au développement des capacités sécuritaires de cinq pays de la région. 

Cet appui est adapté pour répondre aux menaces transnationales et s’inscrit dans le Partenariat de lutte contre le terrorisme dans le Sahara, qui prévoit également un volet humanitaire, a expliqué le représentant.  Les États-Unis ont octroyé 270 millions de dollars d’aide humanitaire pour la région, où 20 millions de personnes connaissent l’insécurité alimentaire, a-t-il encore noté.

M. GARY QUINLAN (Australie) a déclaré que la Stratégie intégrée des Nations Unies était un outil de choix pour relever « de manière globale » des défis très complexes.  La coordination entre les pays du Sahel, qui sont engagés dans près de 10 stratégies différentes, est encore insuffisante, a-t-il constaté.  M. Quinlan a estimé que pour parvenir à des résultats, « les efforts doivent être harmonisés, en levant par exemple les barrières institutionnelles et en ciblant plus avant les mesures ».  Le représentant a également souligné l’importance pour les pays concernés de s’approprier les objectifs fixés dans le cadre de la Stratégie, en axant leurs efforts sur la consolidation des institutions et la lutte contre la circulation massive et illégale des armes légères et de petit calibre « qui alimentent les réseaux terroristes ».  M. Quinlan, qui a présidé le Comité des sanctions contre Al-Qaida au cours de ces deux dernières années, a par ailleurs indiqué qu’en novembre dernier, le Comité avait ajouté plusieurs membres d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) sur sa Liste récapitulative.

M. MARK LYALL GRANT (Royaume-Uni) a jugé la situation au Sahel préoccupante, que ce soit sur les plans sécuritaire, humanitaire et politique, comme en témoignent la résurgence des attaques terroristes dans le nord du Mali et la crise au Burkina Faso.  Déplorant les victimes faites parmi des Casques bleus, il a rendu hommage aux « soldats de la paix » qui sont actuellement déployés dans le nord du Mali, en particulier les membres du contingent du Tchad.  Appuyant les pourparlers en cours entre les parties maliennes grâce à la médiation de l’Algérie, le représentant britannique a toutefois souligné que la responsabilité de parvenir à un accord mutuellement acceptable incombait aux Maliens eux-mêmes. 

Face à tous ces défis, la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel constitue un outil précieux, a souligné M. Grant.  Il faudrait œuvrer au renforcement de la bonne gouvernance dans les États de la région et de la résilience des communautés aux « chocs climatiques », a-t-il estimé.  Le représentant a annoncé, avant de conclure, que le Royaume-Uni consacrera plus de 60 millions de dollars pour financer les initiatives à l’appui du Sahel.

Mme SYLVIE LUCAS (Luxembourg) a constaté que la situation n’avait cessé de se détériorer depuis le mois de juin dans le nord du Mali, en Libye et dans la région du lac Tchad.  Ces violences accrues n’ont fait qu’aggraver encore la situation humanitaire extrêmement fragile dans le Sahel, où au moins 20 millions de personnes demeurent exposées à l’insécurité alimentaire.

Aucun État n’est en mesure de contrer seul la menace, a déclaré Mme Lucas, qui juge impératif le renforcement de la coopération régionale.  La représentante s’est félicitée des progrès réalisés par les deux initiatives régionales que sont la Plateforme ministérielle de coordination de la Stratégie du Sahel actuellement présidée par le Mali, et le groupe régional G-5 Sahel.  Elle a ainsi demandé à Mme Sellassie de préciser dans quelle mesure le rapprochement entre ces deux initiatives permettrait de renforcer la confiance entre les pays de la région et d’accroître leur coopération en matière de sécurité.

Faisant référence au récent soulèvement populaire au Burkina Faso, Mme Lucas a mis l’accent sur la nécessité de faire du renforcement de la légitimité des États une priorité.  Certes, les pays du Sahel devront bénéficier pour répondre aux défis de capacités supplémentaires dans le domaine de la sécurité, mais il faut en même temps faciliter l’émergence d’institutions qui soient redevables devant les citoyens et en mesure de fournir des services de base à l’ensemble de la population, y compris l’accès à la justice, a insisté la représentante.  Elle a notamment demandé que soit encouragée la participation des femmes et que la société civile puisse jouer tout son rôle.  

En même temps, Mme Lucas a plaidé pour qu’une attention particulière soit accordée aux zones frontalières et aux infrastructures qui favorisent l’intégration régionale.  À cet égard, elle a cité le partenariat régional « Initiatives transfrontalières de développement local » que le Luxembourg finance depuis 2012 entre l’Union économique et monétaire ouest-africaine et le Fonds d’équipement des Nations Unies.

M. KAYODE LARO (Nigéria) s’est, lui aussi, inquiété de la multiplication de groupes armés et terroristes opérant dans la bande sahélienne.  Une solution durable à cette source d’instabilité est absolument essentielle, a plaidé le représentant, en demandant à la communauté internationale de soutenir toutes les initiatives régionales en cours.  Pour y parvenir, les réseaux criminels, qui permettent à ces groupes de prospérer, doivent être défaits, ce que s’efforce de faire le Nigéria dans le cadre d’opérations nationales ou bilatérales. 

Rappelant que l’exclusion et la marginalisation figurent parmi les causes profondes de ces conflits, M. Laro a estimé qu’un engagement renforcé de la part des États de la région était nécessaire pour intégrer des communautés qui sont à la fois touchées par les violences et au sein desquelles recrutent les groupes armés.  Après s’être félicité de l’action du système des Nations Unies pour atténuer la situation humanitaire au Sahel, en particulier du Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA), le représentant a demandé là aussi un soutien accru de la part de la communauté internationale.

Mme DINA KAWAR (Jordanie) a déclaré que « ce qui compte, c’est d’apporter une riposte régionale et une approche intégrée pour relever les défis à long terme ».  La représentante a souligné la nécessité de lutter plus efficacement contre la vulnérabilité économique, l’extrême pauvreté et les conséquences sociales du changement climatique.  Ce sont autant de facteurs favorables au renforcement des groupes armés non étatiques et des réseaux terroristes, a-t-elle estimé.  La coopération régionale doit jeter les bases de solution destinées à régler des problèmes étroitement liés entre eux, a ajouté la représentante jordanienne.  En conclusion, elle a demandé aux parties prenantes de redoubler d’efforts dans le domaine « trop négligé » de la diplomatie préventive.  « Il ne faut marginaliser aucun groupe », a-t-elle encore noté, en insistant sur l’importance du rôle que jouent les organisations régionales dans ce domaine. 

M. CARLOS OLGUÍN CIGARROA (Chili) a noté que la mise en œuvre de la Stratégie intégrée des Nations Unies était essentielle pour l’avenir de la région du Sahel car, a-t-il dit, elle s’attaque aux défis en matière de sécurité mais aussi de développement et d’intégration sociale.  Les réponses doivent permettre de faire sortir les populations de la pauvreté, a-t-il aussi souligné.  Le représentant chilien a appelé les pays et leurs soutiens à veiller en priorité au renforcement de l’état de droit et des institutions des États de la région, afin que ces derniers puissent « avancer sur la voie de la démocratie ».  Pour venir en aide au plus de 10 millions de personnes déplacées dans la région du Sahel, il a demandé aux Nations Unies et à leurs partenaires de continuer à chercher activement des solutions adéquates. 

      M. PETR V. ILIICHEV (Fédération de Russie) a plaidé, lui aussi, pour la mise en place d’un « commandement unique » pour la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel, sous peine de voir la notion d’« intégration » perdre tout son sens.  Pour sa délégation, le G-5 Sahel, un cadre institutionnel de coordination et de suivi de la coopération régionale regroupant la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad, est un élément essentiel du dispositif.  Le représentant a également souligné le rôle indispensable que jouent les organisations régionales comme l’Union africaine.  Préoccupée par l’ensemble des menaces interconnectées qui se propagent dans la zone saharo-sahélienne, « où Boko Haram étend désormais son influence », la Fédération de Russie a souligné qu’il était prioritaire de remédier aux crises politiques « pour éviter toute radicalisation ».  Elle s’est toutefois déclarée opposée par principe à l’ingérence dans les crises politiques internes.

Mme MARÍA CRISTINA PERCEVAL (Argentine) a déclaré que la cohérence est absolument essentielle lorsqu’on aborde les crises multidimensionnelles au Sahel.  En l’absence de vision intégrée, nous serions exposés à un risque de « dissémination » des différents conflits qui touchent la zone.  Pour ce qui est de la lutte antiterroriste, certains éléments ne doivent pas être négligés au détriment d’autres, comme par exemple la situation humanitaire.  « L’élimination de la pauvreté et du terrorisme doit être menée conjointement », a insisté la représentante, qui s’est félicitée du renforcement des liens entre la Plateforme ministérielle de coordination de la Stratégie des Nations Unies pour le Sahel et le G-5 Sahel. 

Mme Perceval a indiqué que sa délégation était d’accord avec les conclusions de la réunion du 18 novembre de la Plateforme, qui avait été présidée par le Mali.  Elle a aussi conclu qu’une approche, fondée seulement sur la dimension sécuritaire, serait vouée à l’échec.  « Il faut se pencher sur les causes profondes du terrorisme et de la pauvreté », a rappelé la déléguée, avant de lancer un appel pour modifier les structures de l’économie mondiale afin qu’elle soit véritablement au service du développement durable.

M. LIY JIEYI (Chine) a considéré que les questions de la région doivent être traitées aux niveaux régional, national et international.  Le processus de réconciliation au Mali, la situation sécuritaire en Libye et la situation politique au Burkina Faso sont fragiles, a-t-il reconnu.  Pour le représentant de la Chine, la communauté internationale doit aider les pays de la région à atténuer les tensions en proposant des solutions politiques respectueuses de leur souveraineté. 

« Nous appuyons les initiatives des organisations régionales telles que l’Union africaine et ses partenaires ».  « Ces derniers sont les mieux placés pour régler des problèmes qui sont d’abord africains », a estimé le représentant chinois.  Il a ensuite invité l’ONU à continuer de se rendre dans les pays du continent pour s’inspirer des succès en matière de développement économique, « et qui pourraient servir de modèles aux pays de la région du Sahel ».  « La Chine reste disposée à contribuer à la paix et la sécurité durable au Sahel », a assuré le représentant. 

M. EMMANUEL NIBISHAKA (Rwanda) a relevé que l’épidémie d’Ebola représentait un des défis transversaux auxquels il faudrait répondre dans la région.  « À cette fin, la Stratégie intégrée des Nations Unies est un cadre pertinent. »  « Pour arriver à des résultats concrets, les pays doivent s’approprier les objectifs de la Stratégie avec l’appui actif de la communauté internationale », a-t-il souligné. 

Le représentant a également insisté sur le besoin de renforcer les synergies entre partenaires, d’assurer le décaissement rapide des dons promis, de promouvoir la coopération transfrontalière aux fins de lutte contre le terrorisme et de renforcer les efforts pour opérationnaliser la Force d’intervention rapide africaine.  La Stratégie intégrée des Nations Unies est un cadre souple qui doit être ajusté en fonction de l’évolution des situations sur le terrain, a conclu le représentant rwandais. 

M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a estimé que les négociations qui réunissent pour la première fois à Alger les parties maliennes sous l’égide de l’ensemble de la communauté internationale pourraient, en cas d’accord inclusif et réellement appliquable, avoir des conséquences bénéfiques pour l’ensemble du Sahel et au-delà.  Les Nations Unies et la communauté internationale ont une responsabilité forte à exercer pour continuer à inciter les parties maliennes à négocier dans un esprit de compromis en vue de conclure un accord de paix durable et inclusif, a estimé le représentant.

La France est très engagée au Sahel et, en complément de son engagement au sein de l’Union européenne et des Nations Unies, elle a revu en 2013 sa stratégie pour la région, qu’elle avait lancée au niveau national en 2008.  M. Delattre a rappelé que la stratégie française pour le Sahel couvre six pays: Tchad, Niger, Burkina Faso, Mali, Mauritanie et Sénégal.  Elle repose sur quatre priorités: contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations, renforcer les capacités des États à lutter contre le terrorisme et les grands trafics, lutter contre la radicalisation en soutenant le développement de l’éducation et des medias, encourager et faciliter la coopération régionale en matière de sécurité.  Cette stratégie représente plus de 400 millions d’euros d’aide bilatérale au développement, a également rappelé le représentant.

La contribution de la France à la lutte contre le terrorisme dans la région et à l’amélioration de la sécurité est représentée par l’opération militaire Barkhane, que la France a lancée le 1er août à la demande de cinq pays du Sahel et en étroite coopération avec eux, a précisé M. Delattre.  Cette opération, qui mobilise plus de 3 000 soldats et d’importants moyens vise deux objectifs, la lutte contre la menace terroriste au niveau régional et le développement des capacités des États du Sahel en matière de sécurité, a-t-il indiqué.

Pour la France, la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel doit aider l’ensemble des acteurs à coordonner leurs efforts en faveur de la région.  Estimant que la multiplicité des initiatives sur le Sahel était le signe d’une forte mobilisation internationale, M. Delattre a jugé important qu’elles soient coordonnées et a considéré la Plateforme ministérielle de coordination mise en place en novembre comme un cadre unique.  Il a par ailleurs salué la création du Groupe de cinq pays du Sahel (G-5 Sahel) pour coordonner les efforts des cinq principaux pays concernés et salué les efforts de l’Envoyée spéciale du Secrétaire général pour faire converger les efforts.  Le représentant s’est, en particulier, félicité du renforcement de la coopération entre la Plateforme ministérielle et le G-5 Sahel.

La Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel doit aussi déboucher sur des projets concrets, a déclaré le représentant, qui a cité notamment la sécurité, l’assistance humanitaire, le développement et la gouvernance.  À ce sujet, il a salué le courage du peuple burkinabé au cours des dernières semaines, en estimant que son exemple démontre qu’il incombe aux peuples de décider de leur avenir.  Il a émis l’espoir que les Burkinabé sauront désormais maîtriser le processus de transition, parvenir à la réconciliation et organiser des élections libres et transparentes dans un délai d’un an.

Mme RAIMONDA MURMOKAITĖ (Lituanie) a jugé encourageant que les Nations Unies, l’Union africaine et la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) aient mis en place des stratégies intégrées pour répondre aux multiples défis du Sahel.  Ces stratégies doivent désormais être mises en œuvre et coordonnées pour être efficaces dans les domaines de la sécurité, de la gouvernance et de la résilience.  La représentante a ainsi souligné qu’il était essentiel que la coordination soit renforcée entre les différents pays de la région et entre les principaux acteurs.  La représentante a rappelé le rôle de l’Union européenne, qui améliore son approche en fonction des derniers événements, de même que l’accent que l’Union met sur la réforme du secteur de la sécurité, réforme à laquelle la Lituanie participe.

Mme Murmokaitė a regretté que la situation se soit détériorée depuis le mois de juin, à la fois dans les domaines politique, sécuritaire et humanitaire.  Elle a rappelé les menaces que posent la situation humanitaire, le développement, l’épidémie d’Ebola et les conséquences négatives du changement climatique.  Elle a rappelé que le taux élevé du chômage augmentait les risques de recrutement, notamment parmi les jeunes, par les groupes terroristes, et que la libre circulation des armes favorisait la violence.  Le terrorisme reste une menace majeure au Sahel, a poursuivi la représentante, qui a rappelé les liens de plus en plus forts entre les groupes terroristes et la criminalité transnationale, notamment le trafic de drogues. 

Ce sont là des défis considérables pour la région, qui exigent des réponses complexes et bien coordonnées, a insisté Mme Murmokaitė, qui a notamment plaidé en faveur d’un renforcement de la coopération et de la coordination en matière de renseignement et de partage des informations entre les différents pays de la région.  Elle a également demandé aux États de la région de renforcer, individuellement et collectivement, la lutte contre les menaces transfrontalières.  À cet égard, elle a salué l’engagement de l’Union africaine et les efforts du G-5 Sahel. 

La crise au Mali et dans l’ensemble de la région du Sahel ne pourra être résolue que par un accord inclusif, général et transparent, a fait remarquer la représentante.  Elle a regretté que les discussions d’Alger n’aient pas encore abouti et c’est pourquoi elle a souhaité que les Nations Unies envoient un message fort concernant leurs attentes.  S’agissant de la situation en Libye, la représentante a préconisé de rechercher une solution politique, afin d’éviter que ce pays ne devienne un autre foyer d’extrémisme radical et de terrorisme.  Mme Murmokaitė a par ailleurs salué les efforts de la communauté internationale au Burkina Faso, tout en ajoutant qu’il faudrait rester vigilant face à la situation politique et au processus de transition en cours.

M. JOON OH (République de Corée) a estimé que, pour mettre pleinement en œuvre le pilier sécuritaire de la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel, une surveillance renforcée le long des frontières était nécessaire.  Aussi, s’est-il félicité de l’initiative lancée en ce sens par le Nigéria, en coopération avec ses voisins, dans le cadre de la Commission du bassin du Lac Tchad.  S’agissant de la résilience des communautés locales, il s’est déclaré préoccupé par les flux de personnes déplacées causés par la violence extrémiste de Boko Haram. 

Plaidant pour des solutions durables et à long terme à l’instabilité au Sahel, le représentant a expliqué qu’il faudrait éviter les doubles emplois dans le cadre des différentes initiatives entreprises dans la région, en accordant à la Stratégie intégrée un rôle primordial dans la mobilisation des ressources.  La communauté internationale doit également réaffirmer son attachement à la restauration de la bonne gouvernance dans la région, a souligné le représentant de la République de Corée, avant de conclure.

M. MAHAMAT ZENE CHERIF (Tchad) a rappelé que face à l’ampleur des défis multiformes qui se posent au Sahel, la réaction de la communauté internationale ne s’est pas fait attendre, grâce à des ressources importantes mobilisées pour financer les initiatives lancées dans la région.  « Le chômage des jeunes fait le lit du terrorisme et de la criminalité », a souligné le représentant, qui a réaffirmé que la paix, la stabilité et le développement allaient de pair.  Il a salué la tenue, à Bamako le 18 novembre dernier, de la troisième Réunion de la Plateforme ministérielle.  Le représentant a par ailleurs condamné les attaques terroristes perpétrées contre les soldats de la MINUSMA et demandé aux autorités maliennes d’ouvrir des enquêtes et de poursuivre les responsables en justice. 

À l’Envoyée spéciale, M. Cherif a demandé de continuer à harmoniser les différentes initiatives en cours et à venir et au Conseil de sécurité de réfléchir aux moyens de régler le conflit en Libye et dans le nord du Mali.  En outre, il faut prendre des mesures pour faire face aux agissements de Boko Haram, qui menace la paix dans le nord du Nigéria, a-t-il lancé.  Pour la délégation tchadienne, le salut des pays de la région réside dans le renforcement de leur coopération.  C’est la raison pour laquelle il a demandé que se poursuivent les échanges d’informations entre pays concernés, par le biais de leurs missions permanentes à New York.  En conclusion, il a demandé à Mme Sellassie en quoi la Stratégie intégrée des Nations Unies pour le Sahel pourrait aider à l’opérationnalisation des initiatives citées au cours du débat.

Reprenant la parole, l’Envoyée spéciale du Secrétaire général pour le Sahel a déclaré que les barrières institutionnelles bloquant la coopération étaient levées de fait avec la participation des pays aux initiatives de la communauté internationale dans la région.  Les pays s’engagent à coopérer dans ces cadres souples et ouverts à la participation de tous, a-t-elle assuré.  Concernant la distinction entre le mandat de son Bureau et celui de l’UNOWA, elle a rappelé que son rôle était de mettre en œuvre une stratégie qui s’attaque aux causes structurelles de l’instabilité dans le Sahel.  « Je dois coordonner les efforts de la famille des Nations Unies dans la région. »  Or, le Sahel, qui comprend une partie de l’Afrique de l’Ouest, s’étend au-delà, a-t-elle rappelé. 

L’Envoyée spéciale a ensuite assuré qu’il était désormais clair pour tous les acteurs que la Plateforme ministérielle de la Stratégie intégrée et le G-5 Sahel avaient des prérogatives distinctes.  « Le G-5 Sahel est une initiative d’appropriation et un mécanisme de coopération entre États pour élaborer des programmes communs.  La Plateforme coordonne les efforts de tous les partenaires, ceux de pays du Sahel mais aussi du Maghreb et d’autres régions africaines », a-t-elle précisé. 

 

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