Le Conseil de sécurité entend les exposés de cinq Présidents de ses organes subsidiaires chargés de l’application de régimes de sanctions
Le Conseil de sécurité a entendu, cet après-midi, les exposés de cinq de ses Présidents d’organes subsidiaires. Portant pour l’essentiel sur l’application de régimes de sanctions imposés par l’ONU à des pays, des entités ou des individus, les interventions de ces cinq Présidents, tous arrivés au terme de leur mandat à la tête de Comités des sanctions créés par des résolutions du Conseil, leur ont permis de rappeler au cours de leurs présentations que les mesures contraignantes du Conseil ne doivent pas être perçues comme des punitions, mais comme des moyens de parvenir au règlement politique de crises menaçant la paix et la sécurité internationales.
L’Ambassadeur de l’Australie, M. Gary Francis Quinlan, qui a présidé pendant deux ans le Comité des sanctions contre Al-Qaida, celui contre les Taliban, et celui concernant la République islamique d’Iran et la non-prolifération, a déclaré qu’il s’était efforcé de démontrer l’utilité que peuvent avoir les sanctions pour protéger des États fragiles touchés par des crises ou des conflits et des populations vulnérables, « mais aussi pour prévenir l’escalade des violences ».
Ces propos ont été appuyés par ceux de l’Ambassadeur de l’Argentine, Mme María Cristina Perceval, qui a expliqué qu’elle avait dirigé le Comité des sanctions relatif au Soudan en se concentrant sur l’approfondissement du dialogue entre le Groupe d’experts du Comité et le Gouvernement soudanais. « Il faut lever toute confusion entre les sanctions du Conseil de sécurité et celles imposées unilatéralement par des États Membres au Soudan », a-t-elle également souligné. Elle a en outre appelé le Comité à continuer d’expliquer la nature et la portée des sanctions, « afin de dire aux Soudanais qu’elles ne sont pas un instrument pour punir, mais un moyen de parvenir à une solution pacifique à un conflit, en l’occurrence celui au Darfour ».
Il est revenu à l’Ambassadeur du Rwanda, M. Eugène-Richard Gasana, de saluer la capacité de l’ONU d’adapter rapidement ses mesures à l’évolution des situations sur le terrain. Évoquant les travaux du Comité des sanctions sur la Libye, qu’il aura présidé également pendant deux ans, M. Gasana a relevé que les mesures qui avaient été initialement prises pour empêcher de nouvelles attaques contre les civils en Libye étaient désormais tournées vers l’appui à la transition politique en cours, à la reconstruction du pays et à la stabilisation régionale. « Le Conseil sait faire preuve de souplesse pour permettre à son régime des sanctions en Libye de servir au mieux ses objectifs de prévention », s’est-il par conséquent réjoui.
Quant aux travaux du Comité des sanctions concernant la situation en Somalie et celle prévalant en Érythrée, son Président au cours des deux dernières années, M. Oh Joon, qui est l’Ambassadeur de la République de Corée auprès des Nations Unies, a estimé que les régimes de sanctions relatifs à l’Afrique de l’Est pouvaient être améliorés pour que soit renforcée la promotion de la paix et de la stabilité dans la région. « La situation en Somalie est complexe et nécessite une approche globale », a-t-il aussi préconisé, mettant en avant les défis à relever, tels que ceux que présentent la menace persistante posée par les Chabab, les violations des embargos sur les armes, ou encore la crise humanitaire en cours.
Mme Sylvie Lucas, Représentante permanente du Luxembourg et Présidente sortante du Comité concernant la République populaire démocratique de Corée (RPDC), a quant à elle indiqué que, sous sa direction, le Comité avait été confronté à la saisie, par le Panama, d’une importante cargaison d’armes conventionnelles chargée à bord d’un navire qui faisait route de Cuba vers la RPDC. Notant que cet incident avait mis en évidence la constante évolution des techniques de contournement des sanctions employées par la RPDC, Mme Lucas a rappelé que le Comité concerné continuait de faire face à deux défis majeurs: sensibiliser les États Membres à l’utilité des mesures contraignantes, et encadrer leur mise en œuvre en fournissant au besoin l’assistance requise.
La prochaine réunion du Conseil de sécurité aura lieu demain, mercredi 10 décembre, à 10 heures.
EXPOSÉS DES PRÉSIDENTS DES ORGANES SUBSIDIAIRES DU CONSEIL DE SÉCURITÉ
M. OH JOON (République de Corée), Président du Comité du Conseil de sécurité créé par les résolutions 751 (1992) et 1907 (2009) concernant la Somalie et l’Érythrée et Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1540 (2004), a déclaré, au sujet du Comité 1540 sur la non-prolifération, qu’en 10 ans, la mise en œuvre de la résolution 1540 avait connu des progrès. Les efforts de mise en œuvre des États Membres ont été salués lors des événements ayant marqué, tout au long de l’année, les 10 ans de la résolution 1540, a-t-il noté. Rappelant qu’il avait déjà présenté longuement les travaux du Comité au Conseil de sécurité en novembre dernier, M. Oh a souhaité que la préparation de l’Examen complet de l’état d’application de la résolution 1540, qui aura lieu en 2016, s’appuie sur l’élan actuel qui prévaut en matière de désarmement et de non-prolifération d’armes de destruction massive.
Sur les travaux du Comité concernant la Somalie et l’Érythrée, il a souligné que les régimes de sanctions relatifs à l’Afrique de l’Est pouvaient être encore améliorés pour que soit renforcée la promotion de la paix et de la stabilité dans la région. La situation en Somalie est complexe et nécessite une approche globale, a-t-il dit, mettant en avant les défis à relever, tels que ceux présentés par la menace persistante des Chabab, les violations des embargos sur les armes, la crise humanitaire en cours ou les violations des droits de l’homme. M. Oh a ainsi indiqué que le Comité du Conseil s’était efforcé, sous sa présidence, d’appuyer le Gouvernement somalien pour que celui-ci améliore ses capacités de surveillance du respect des embargos sur les armes. Cette année, le Comité s’est également doté de sa première note d’information d’aide à la mise en œuvre des résolutions concernées. C’est un document, a-t-il précisé, qui contient des recommandations pratiques à l’intention des États Membres. M. Oh Joon a en outre insisté sur le fait qu’à ses yeux, l’application « efficace et responsable » des sanctions n’est pas possible sans le soutien et la coopération des pays directement concernés et sans ceux des acteurs régionaux. À cet égard, il a admis que, pendant ses deux ans de présidence, il n’avait jamais été possible pour le Groupe d’experts du Comité de se rendre en Érythrée. En conclusion, il a déclaré que les régimes de sanctions imposés contre la Somalie et l’Érythrée avaient contribué à la promotion de la paix et de la stabilité dans la Corne de l’Afrique.
M. GARY FRANCIS QUINLAN (Australie) s’est exprimé en sa qualité de Président de trois Comités du Conseil de sécurité: le Comité créé par la résolution 1267 –Comité contre Al-Qaida–; le Comité créé par la résolution 1988 –Comité contre les Taliban–; et le Comité créé par la résolution 1737, qui porte sur l’Iran et la non-prolifération. Dans le cadre du travail qui nous a été confié, a-t-il dit, nous nous sommes efforcés de démontrer l’impact positif que pouvaient avoir les sanctions, compte tenu de leur rôle, pour protéger des États fragiles touchés par des crises ou des conflits, ainsi que les populations vulnérables, mais aussi pour prévenir l’escalade des violences.
M. Quinlan a porté son intervention sur quatre domaines, à commencer par celui des efforts à déployer pour une transparence accrue. Pour le représentant, la pratique qui consistait pour les Comités, sauf exception, à ne faire généralement rapport au Conseil de sécurité qu’en consultations à huis clos est en train de changer: « Ainsi, ce mois-ci, les Comités sur la République centrafricaine et le Yémen feront de nouveau un exposé en séance publique, tandis que ceux sur le Soudan et la Côte d’Ivoire ont, ces derniers mois, fait rapport au Conseil pour la première fois dans ce genre de cadre », s’est-il félicité.
Le second domaine sur lequel il a attiré l’attention du Conseil est celui de la nécessité de s’engager davantage auprès des Etats Membres. Il a à cet égard cité en exemple le travail fourni dans le cadre du régime de sanctions imposé par la résolution 1988. « La confiance inspirée par le degré de coopération du Comité avec les autorités afghanes a permis à l’Équipe de surveillance d’avoir accès à tous les échelons des Forces de sécurité nationales, ceci non pas seulement à Kaboul, mais aussi dans toutes les provinces, ce qui a renforcé de manière significative la qualité de l’analyse fournie et la mise en œuvre des sanctions », s’est réjoui M. Quinlan. Il a annoncé que ce type d’engagement était en train de devenir la norme au sein de tous les Comités
Le troisième domaine qu’il a évoqué avait trait aux synergies entre Comités. Les Comités contre Al-Qaida et les Taliban ont été longtemps des « incubateurs d’idées », mais c’étaient des idées qui malheureusement ne trouvaient pas d’application à d’autres régimes de sanctions que ceux relevant des deux Comités mentionnés, a dit M. Quinlan. Il a rappelé que l’Australie, son pays, surpris par l’absence de mécanisme capable d’appréhender, « de manière transversale », l’ensemble des régimes de sanctions, fait actuellement circuler un projet de résolution pour doter le Conseil ou le Secrétariat d’un tel mécanisme.
Enfin, M. Quinlan a rendu un hommage appuyé aux Groupes d’experts, qui soutiennent le travail de tous les Comités, saluant en particulier l’Équipe de surveillance du Comité contre Al-Qaida, mais aussi la Médiatrice du Comité contre Al-Qaida, Mme Kimberly Prost, « pour sa féroce indépendance d’esprit et son intégrité professionnelle ».
Mme MARÍA CRISTINA PERCEVAL (Argentine), Présidente du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1591 (2005) concernant le Soudan et Présidente du Groupe de travail informel sur la documentation et les autres questions de procédure, a assuré, au sujet du Groupe, que sa présidence biannuelle s’était concentrée sur le renforcement de la démocratisation, de la transparence et de l’esprit d’ouverture du Conseil de sécurité. Elle a ainsi expliqué que le Groupe de travail informel avait publié des notes en ce sens, ainsi que d’autres, destinées à l’amélioration des consultations du Conseil avec les pays fournisseurs de contingents militaires et de police. « Plus de participation, de dialogue et d’ouverture n’entraîne pas nécessairement de révolution dans les méthodes de travail », a-t-elle dit. Après avoir souligné la nécessité d’améliorer encore plus la fidélité du contenu des procès-verbaux du Conseil et de faire évoluer « en fonction des besoins », la formule « aria » de certains débats, Mme Perceval a parlé du rapport du Conseil de sécurité présenté chaque année à l’Assemblée générale. « L’élaboration de ce document et sa présentation ne sont pas une obligation purement formelle, mais relèvent de la reddition de comptes. » « Nous pouvons améliorer son élaboration sans pour autant en raccourcir le volume ou le remplacer par une page Internet, comme cela a été proposé », a ajouté Mme Perceval. Ce document « important » a une valeur historique, et invoquer ses coûts de production pour en réduire la portée n’est pas pertinent, a-t-elle estimé. Ce document, a-t-elle encore rappelé, découle des obligations de la Charte. Avant d’aborder les activités du Comité sur le Soudan, elle a répété que le dialogue était le meilleur outil du Conseil de sécurité pour renforcer la légitimité normative de ses méthodes de travail.
S’agissant du régime de sanctions relatif au Soudan, elle a indiqué que sous sa présidence, le Comité 1591 s’était concentré sur l’approfondissement du dialogue direct entre le Groupe d’experts et le Gouvernement du Soudan. « Il s’agissait de renforcer la confiance et la coopération entre les parties », a-t-elle souligné, en saluant la tenue de la première visite du Comité à Khartoum et au Darfour en janvier dernier. « Sur place, aux côtés de la MINUAD, nous avons essayé de promouvoir une culture de dialogue et d’instaurer un climat de négociation indispensable à la mise en œuvre des sanctions », a expliqué Mme Perceval. À ce propos, elle a noté l’importance de lever toute confusion entre les sanctions du Conseil de sécurité et les sanctions unilatérales imposées par des États Membres au Soudan. Le Comité doit poursuivre un travail pédagogique pour expliquer la nature ou la portée des sanctions, afin de dire aux Soudanais que les sanctions ne sont pas un instrument pour punir, mais un moyen considérable de parvenir à une solution pacifique à un conflit, en l’occurrence au Darfour, a insisté Mme Pervecal.
Mme SYLVIE LUCAS (Luxembourg) s’est d’abord exprimée en tant que Présidente sortante du Comité établi par la résolution 1718 sur la République populaire démocratique de Corée (RPDC). Elle a à cet égard fait le bilan d’un programme de travail qui était divisé en deux tâches principales: la mise en œuvre des résolutions, et la réponse au non-respect des mesures de sanctions et la sensibilisation, l’assistance et la coopération.
Au cours des deux années écoulées, le Comité á été confronté à l’affaire la plus importante dont il a eu connaissance à ce jour, avec la saisine, par le Panama, d’une importante cargaison d’armes conventionnelles chargée à bord du Chong Chon Gang, un navire qui faisait route de Cuba vers la RPDC. C’est « une affaire qui a mis en évidence la constante évolution des techniques de contournement des sanctions utilisées par la RPDC, ainsi que l’importance, pour les États Membres, de procéder à l’interdiction et la saisie des cargaisons suspectes en temps utile », a indiqué Mme Lucas. Le Comité, a-t-elle dit, a achevé en juillet 2014 ses délibérations sur la désignation de l’entité Ocean Maritime Management Company, Limited (OMM), qui a joué un rôle essentiel dans l’organisation de l’envoi à la RPDC de la cargaison d’armes découverte à bord d’un navire arraisonné.
La Présidente a déclaré que le Comité 1718 sur la RPDC fait face à deux défis majeurs: le premier est de sensibiliser les États Membres et les acteurs concernés, et le second d’assurer la mise en œuvre efficace des mesures décidées en fournissant au besoin l’assistance nécessaire à cette fin.
S’exprimant ensuite en tant que Présidente sortante du Groupe de travail du Conseil de sécurité sur les enfants et les conflits armés, Mme Lucas a déclaré que le Groupe a été en mesure de s’acquitter de son mandat « de façon responsable et solidaire », en dépit des divergences de vue existant entre les membres du Conseil de sécurité, en particulier sur le dossier syrien. L’action du Groupe de travail a été déterminée par trois priorités, a-t-elle précisé. La première, c’est l’importance qui a été attachée à l’idée que la protection des enfants doit être pleinement intégrée dans les travaux du Conseil de sécurité, notamment au moment d’élaborer les mandats des opérations de maintien de la paix. En outre, a précisé Mme Lucas, « sous l’impulsion de la présidence luxembourgeoise », le Groupe a organisé régulièrement des « briefings d’actualité », dont un certain nombre ont été faits par la Représentante spéciale pour le sort des enfants en temps de conflit armé, qui a informé ses membres de l’évolution de la situation dans les pays inscrits à l’ordre du jour des travaux du Groupe. Enfin, a dit Mme Lucas, comme troisième priorité, le Luxembourg s’est engagé à renforcer le cadre normatif en matière de protection de l’enfance. Ceci a été notamment fait avec l’adoption d’une déclaration présidentielle le 17 juin 2013 et celle de la résolution 2143 (2014). Adoptée sous la présidence luxembourgeoise du Conseil, cette résolution encourage notamment tous les États Membres à prendre des mesures concrètes en vue de dissuader les forces armées et les groupes armés non étatiques d’utiliser les écoles à des fins militaires, a expliqué Mme Lucas.
Le principal défi auquel fait face le Comité aujourd’hui est « de prendre à bras le corps » le problème des acteurs non étatiques, qui constituent la « très grande majorité » des parties listées dans les annexes du rapport annuel du Secrétaire général, a conclu Mme Lucas.
M. EUGÈNE-RICHARD GASANA (Rwanda), Président du Comité du Conseil de sécurité créé par la résolution 1970 (2011) concernant la Libye, et Président du Groupe de travail sur les opérations de maintien de la paix, a déclaré que la situation en Libye avait évolué depuis la mise en place des sanctions contre ce pays, il y a quatre ans. Les mesures qui étaient destinées à empêcher des attaques contre les civils sont désormais tournées vers l’appui à la transition politique en cours, au processus de reconstruction de la Libye, et à la restauration de la stabilité régionale, a-t-il ajouté. M. Gasana s’est ainsi félicité de la capacité de l’ONU d’adapter rapidement ses mesures à l’évolution des situations sur le terrain. Lorsque la situation en matière de sécurité s’est dégradée l’an dernier, nous avons renforcé l’embargo sur les armes et introduit des critères pour désigner nommément ceux qui sabotent le processus de transition, a-t-il ainsi rappelé. Le Conseil sait faire preuve de souplesse pour permettre à son régime de sanctions en Libye de servir au mieux ses objectifs de prévention, a indiqué le représentant du Rwanda et Président du Comité créé par la résolution 1970 (2011).
Nous souhaitons que la prochaine présidence du Comité 1970 poursuive le renforcement des interactions avec les organisations pertinentes, comme INTERPOL, les organisations régionales, et la Mission libyenne auprès des Nations Unies, a ajouté l’Ambassadeur du Rwanda auprès des Nations Unies. Il a ensuite reconnu que, comme l’indique le Groupe d’experts du Comité 1970, la situation qui règne en Libye complique l’application et la surveillance de l’embargo sur les armes imposé à ce pays. Dans ce contexte, le Comité, à lui seul, ne peut rien. L’effort de contrôle doit être partagé par tous les États Membres, a insisté M. Gasana.
Concernant les activités du Groupe de travail sur les opérations de maintien de la paix, il a mis l’accent sur la nécessité d’améliorer les capacités, en matière de transformation rapide, de la configuration de missions confrontées à des défis soudains auxquels elles n’étaient pas au départ préparées. M. Gasana a notamment cité à ce propos les missions de l’ONU au Mali et en République centrafricaine. Il a par ailleurs prôné un examen plus approfondi de la question de la coopération intermissions, et en particuliers entre les missions déployées dans les deux Soudan, et il a plaidé pour une féminisation accrue de toutes les composantes des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Avant de conclure, M. Gasana a indiqué que la dernière réunion du Groupe de travail, qui aura lieu le 17 décembre, porterait sur la question complexe de la protection des civils. Nous devons parvenir à une compréhension commune de cet objectif crucial, des mandats qui y sont afférents et des modalités de leur mise en œuvre, a-t-il préconisé.