Darfour: le Chef du maintien de la paix exhorte le Gouvernement du Soudan à coopérer avec l’ONU « en faveur des intérêts de la population »
« Il est regrettable que la situation sécuritaire au Darfour et les conditions de protection de populations locales demeurent fragiles », a déclaré, ce matin, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Hervé Ladsous devant les membres du Conseil de sécurité. Présentant le dernier rapport du Secrétaire général sur l’Opération hybride Union africaine-Nations Unies au Darfour (MINUAD), il a imputé cette situation aux affrontements intertribaux et aux déplacements qu’ils engendrent.
Pour M. Ladsous, l’amélioration de la situation humanitaire au Darfour exige l’instauration d’un cessez-le-feu immédiat et la conclusion d’un accord de paix « exhaustif ». Au cours de ces trois derniers mois, les heurts entre tribus ont été moins nombreux mais plus coûteux en vies humaines, a-t-il indiqué, en précisant que 377 personnes avaient trouvé la mort contre 93 au cours de la période précédente. « Le Gouvernement soudanais doit, aux côtés des Nations Unies, résoudre les problèmes afin de créer un environnement qui soit le plus favorable possible aux intérêts de la population au Darfour », a demandé le Chef du maintien de la paix.
La réunion a par ailleurs été marquée par l’intervention « cinglante » du représentant du Soudan, qui a rejeté en bloc les accusations visant le Gouvernement soudanais en ce qui concerne des allégations de viols à grande échelle qui auraient été commis à Thabit, dans la région nord du Darfour, les 30 et 31 octobre dernier.
Sur ce point, M. Ladsous s’est contenté de rappeler qu’à la suite des « demandes répétées », la MINUAD avait dépêché sur place une mission intégrée de vérification le 9 novembre. Cette mission, a-t-il précisé, avait pour unique objectif d’interagir avec les communautés locales afin de reconstituer les faits allégués par des médias. « Les conclusions des enquêteurs ne peuvent pas être définitives car les investigations ont été menées en présence de militaires et de policiers dans le village », a-t-il noté. Le Secrétaire général adjoint a souligné que seule une enquête indépendante de la MINUAD permettrait de vérifier « les allégations graves de viols de masse » et que, par conséquent, « le Gouvernement du Soudan doit permettre l’accès immédiat et indépendant de la Mission à Thabit et à ses habitants ».
Avant de lui répondre directement, le représentant soudanais, M. Rahamtalla Mohamed Osman Elnor, est revenu sur un autre incident, la fermeture par les autorités du Soudan d’un bureau de liaison de la MINUAD à Khartoum. « L’ouverture de ce bureau des droits de l’homme de la Mission a été faite sans que le Gouvernement de mon pays en soit préalablement informé », a-t-il expliqué, avant d’ajouter que « nulle part dans le mandat de la Mission, il est demandé qu’un bureau de ce type soit ouvert ailleurs qu’au Darfour ».
Sur les incidents de Thabit, M. Elnor s’est montré ferme, en assurant que la mission d’investigation de la MINUAD avait pu accéder à la localité sans entrave. Les enquêteurs ont passé le temps qu’ils voulaient sur place, ils ont pu ensuite préparer un rapport et le présenter. Ce rapport est un tissu de mensonges reprenant ceux qui sont propagés par la Radio Dabanga. Celle-ci, a-t-il soutenu, multiplie les provocations et accuse le Gouvernement soudanais. M. Elnor a expliqué que c’est en raison du caractère « mensonger et provocateur » du rapport que la Mission n’avait pas été autorisée à retourner au village pour y mener des investigations supplémentaires.
« Nous condamnons les propos tenus par cette station de radio affiliée aux groupes qui refusent de signer l’Accord de paix de Doha sur le Darfour », a-t-il lancé. Le représentant s’est par ailleurs demandé comment 200 femmes et fillettes pouvaient avoir été violées sans qu’ensuite aucune d’entre elles ou des membres de leur famille n’aient porté plainte. Il s’est par ailleurs interrogé sur le comportement des enquêteurs. « Si, comme l’a indiqué M. Ladsous, la présence militaire et de la police à Thabit ne pouvait pas garantir la conduite d’une enquête indépendante, pourquoi les enquêteurs ne se sont-ils pas retirés tout de suite? » Les rapports de la MINUAD, « qui étaient pendant des années une référence sacrée sur laquelle ne pesait aucun doute », sont devenus « ces tissus de mensonges », a déploré M. Elnor. « Le rapport que vous venez de présenter fait du Gouvernement du Soudan le coupable idéal », a-t-il fait remarquer à M. Ladsous.
Le représentant soudanais a demandé au Conseil de sécurité de ne pas prêter attention aux rumeurs et aux informations infondées mais d’œuvrer en faveur de la paix en enjoignant tous les groupes armés qui ne l’ont pas encore fait à adhérer au processus de paix de Doha.
Concernant précisément les initiatives de paix, M. Ladsous a fait savoir que les pourparlers directs entre le Gouvernement du Soudan et les mouvements armés au Darfour, l’Armée de libération du Soudan-Mini Minawi (ALS-MM) et le Mouvement pour la justice et l’égalité (MJ), avaient débuté le 23 novembre. Tenues à Addis-Abeba sous les auspices du Groupe de mise en œuvre de haut niveau de l’Union africaine, ces discussions doivent permettre à ces mouvements de prendre part au futur dialogue national, a rappelé M. Ladsous. Les négociations ont été interrompues le 30 novembre, a-t-il dit, « pour que les parties puissent consulter leurs dirigeants quant au format des prochains échanges ». S’agissant de l’application même du Document de Doha, qui prévoit le partage du pouvoir entre le Gouvernement du Soudan et le Mouvement pour la libération et la justice (MLJ) et la conclusion d’accords de sécurité entre les deux parties, il a souligné qu’il était nécessaire que le processus de vérification du désarmement du MLJ soit finalisé au plus vite.
En outre, le Secrétaire général adjoint a de nouveau regretté que la situation humanitaire au Darfour demeure préoccupante. « Depuis le début de l’année, les combats ont provoqué le déplacement de plus de 430 000 personnes, qui sont venus s’ajouter à plus de 2 millions de personnes déplacées », a-t-il fait observer. « Les réfugiés sont de plus affectés par les intempéries et les conséquences des inondations qui ont eu lieu au mois d’août à travers toute la province », a-t-il ajouté.
M. Ladsous a assuré que la MINUAD continuait de travailler de manière étroite avec les agences humanitaires pour fournir une aide indispensable aux communautés les plus touchées par les répercussions de la crise. Après avoir rendu hommage aux trois Casques bleus de la Mission qui ont été tués au cours de la période considérée, il a exhorté le Gouvernement du Soudan à identifier tous les auteurs d’attaques contre la MINUAD et le personnel des Nations Unies et de les traduire en justice. Il a également demandé aux autorités à Khartoum de poursuivre les efforts pour réduire les tensions dans les camps de personnes déplacées et, aux côtés des Nations Unies, « de résoudre les problèmes afin de créer un environnement le plus favorable possible aux intérêts de la population au Darfour ».