Guinée-Bissau: le Conseil de sécurité proroge le mandat du BINUGBIS pour une période de trois mois
Une semaine après avoir reconnu la nécessité d’accompagner une Guinée-Bissau encore fragile sur la voie de la démocratie, le Conseil de sécurité a décidé, ce matin, de prolonger, pour une période de 3 mois, le mandat du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix dans ce pays (BINUGBIS).
Dans ce contexte, le Conseil de sécurité demande au Bureau d’accompagner, pour la période allant du 1er décembre 2014 au 28 février 2015, la concertation politique et la réconciliation nationale afin de faciliter la gouvernance et d’aider à renforcer les institutions démocratiques.
Aux termes d’une résolution adoptée à l’unanimité de ses 15 membres, le Conseil demande également au Bureau de fournir un appui stratégique et technique pour mettre en place des systèmes efficaces et rationnels de maintien de l’ordre, de justice pénale et d’administration pénitentiaire « qui permettent de maintenir la sécurité publique et de combattre l’impunité, dans le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales ». Par la résolution 2186 (2014), le BINUGBIS doit en outre fournir un appui à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et sa mission en Guinée-Bissau pour que soient appliquées les stratégies nationales de réforme du secteur de la sécurité et de renforcement de l’état de droit, et mis en place des systèmes de justice civile et militaire conformes aux normes internationales.
De plus, le Bureau doit aider les autorités nationales à lutter contre le trafic de drogues et la criminalité transnationale organisée, en étroite collaboration avec l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC). Il doit aussi œuvrer, avec la Commission de consolidation de la paix (CCP), à la mise en œuvre des priorités pertinentes de la Guinée-Bissau. Parmi les autres tâches qui lui sont confiées, le BINUGBIS doit contribuer à la coordination de l’assistance internationale et au renforcement de la coopération avec l’Union africaine, la CEDEAO, la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP) et l’Union européenne pour concourir au maintien de l’ordre constitutionnel et à la stabilisation du pays.
D’autre part, le Conseil de sécurité exige « de nouveau » des forces de sécurité et de défense qu’elles se soumettent pleinement à la tutelle du pouvoir civil, et il demande instamment aux autorités bissau-guinéennes de mettre fin à l’impunité et d’identifier les personnes responsables de violations des droits de l’homme et de les traduire en justice.
LA SITUATION EN GUINÉE-BISSAU
Lettre datée du 11 novembre 2014, adressée au Président du Conseil de sécurité par le Secrétaire général (S/2014/805)
Texte du projet de résolution S/2014/842
Le Conseil de sécurité,
Rappelant ses précédentes résolutions, les déclarations de son président et les déclarations à la presse concernant la situation en Guinée-Bissau, en particulier ses résolutions 1876 (2009), 2030 (2011), 2048 (2012), 2092 (2013), 2103 (2013) et 2157 (2014),
Prenant note du rapport du Secrétaire général sur la Guinée-Bissau en date du 18 août 2014 (S/2014/603) et de sa lettre datée du 11 novembre 2014 (S/2014/805), ainsi que des recommandations qui y sont formulées, et se félicitant de l’action menée par le Représentant spécial du Secrétaire général et Chef du Bureau intégré des Nations Unies pour la consolidation de la paix en Guinée-Bissau (BINUGBIS),
Se félicitant des progrès que le Gouvernement bissau-guinéen a accomplis dans la définition des priorités nationales à la suite du rétablissement de l’ordre institutionnel,
Soulignant que les principes démocratiques doivent être respectés et qu’il importe d’assurer une gouvernance sans exclusive, essentielle à l’instauration d’une paix durable en Guinée-Bissau,
Soulignant que la consolidation de la paix et de la stabilité en Guinée-Bissau passe nécessairement par une transition consensuelle et sans exclusive conduite par les Bissau-Guinéens, le respect de l’ordre constitutionnel, la réforme de la défense, de la sécurité et de la justice, la promotion de l’état de droit, la défense des droits de l’homme, la promotion du développement socioéconomique et la lutte contre l’impunité et le trafic de drogues,
Soulignant que toutes les parties prenantes bissau-guinéennes doivent s’employer à garantir la stabilité à court, moyen et long terme en manifestant clairement leur volonté d’engager un véritable dialogue politique sans exclusive pour créer des conditions propices à trouver des solutions viables et durables aux problèmes sociaux, économiques, politiques et militaires du pays de manière à faciliter la mise en œuvre de réformes clefs et le renforcement des institutions de l’État,
Soulignant qu’il importe de mettre en œuvre une stratégie de réconciliation nationale et de cohésion sociale et insistant sur la nécessité d’inclure tous les Bissau-Guinéens dans le processus de réconciliation aux niveaux national et local, dans le respect de la justice et de l’état de droit et le rejet de l’impunité,
Notant les efforts que fait le Gouvernement pour asseoir le contrôle et la tutelle effectifs des autorités civiles sur les forces de défense et de sécurité, faute de quoi le bon fonctionnement des institutions de l’État pourrait être entravé par la collusion entre certains acteurs politiques et les chefs militaires,
Saluant les efforts que déploie la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour aider à préserver la paix, la sécurité et le développement et appuyer l’entreprise de réforme du secteur de la sécurité en Guinée-Bissau grâce aux activités de sa mission dans ce pays (ECOMIB),
Notant que les nouvelles autorités bissau-guinéennes souhaitent que l’ECOMIB reste dans le pays pour aider à la mise en œuvre des mesures de réforme et renforcer la confiance des partenaires internationaux,
Se déclarant de nouveau préoccupé par les informations selon lesquelles des violations des droits de l’homme et atteintes à ces droits continueraient d’être commises, et demandant au Gouvernement de Guinée-Bissau d’entreprendre des enquêtes transparentes et crédibles sur toutes ces violations présumées, conformément aux normes internationales, et d’en punir les auteurs,
Redisant sa vive préoccupation face à la menace que le trafic de drogues représente pour la stabilité et insistant de nouveau sur la nécessité de s’attaquer au problème du trafic de drogues dans les pays d’origine, de transit et de destination finale selon le principe de la responsabilité commune partagée,
Soulignant que, pour être durable, toute solution à l’instabilité qui règne en Guinée-Bissau doit comprendre des mesures concrètes de lutte contre l’impunité et garantir que les responsables d’assassinats à motivation politique et d’autres crimes graves tels que les atteintes à l’ordre constitutionnel et les activités liées au trafic de drogues sont traduits en justice, notamment par des mécanismes de justice nationaux,
Se félicitant que le Gouvernement s’emploie à actualiser le plan triennal national de lutte contre le trafic de drogues et la criminalité organisée établi en juin 2011 et à définir de nouvelles priorités,
Redisant combien l’appui constant du système des Nations Unies et des partenaires internationaux, régionaux, sous-régionaux et bilatéraux à la sécurité et au développement à long terme de la Guinée-Bissau est important, notamment pour la mise en œuvre de la réforme du secteur de la sécurité et de la justice, la lutte contre le trafic de drogues, la criminalité organisée et la traite d’êtres humains, et la création d’un climat propice à la bonne gouvernance et au développement économique et social durable et sans exclusive,
Saluant l’œuvre importante qu’accomplit l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC), en collaboration avec les entités compétentes des Nations Unies, au service de la lutte contre le trafic de drogues et la criminalité transnationale organisée en Guinée-Bissau et dans la sous-région, et préconisant le renforcement de la coopération entre l’ONUDC et le BINUGBIS,
Soulignant l’urgente nécessité de conserver une capacité d’évaluation continue en Guinée-Bissau et de continuer d’appuyer les institutions nationales, sous-régionales, régionales et internationales chargées de combattre le trafic de drogues,
Soulignant également la nécessité d’accroître la cohérence, la coordination et l’efficacité de l’action des partenaires concernés afin de démultiplier leur action collective de lutte contre le trafic de drogues en Guinée-Bissau, notamment grâce à des échanges d’informations,
Insistant sur le rôle important que les femmes jouent dans la prévention et le règlement des conflits et la consolidation de la paix, comme il l’a affirmé dans ses résolutions 1325 (2000), 1820 (2008), 1888 (2009), 1889 (2009), 1960 (2010), 2106 (2013) et 2122 (2013), se félicitant de l’action que mène la Mission pour que le rôle des femmes soit renforcé en Guinée-Bissau et soulignant que la problématique hommes-femmes doit continuer d’être prise en compte dans la mise en œuvre de tous les aspects du mandat du BINUGBIS,
Condamnant les activités de pêche illégale et non autorisée dans les eaux territoriales et la zone économique exclusive de la Guinée-Bissau, ainsi que l’exploitation illicite des ressources naturelles, qui compromettent les perspectives de développement économique du pays,
Réaffirmant que les partenaires de la Guinée-Bissau doivent activement et étroitement coordonner leur action pour aider à apporter des solutions aux défis d’ordre politique, sécuritaire et de développement et saluant à cet égard les efforts que fait le Représentant spécial du Secrétaire général pour la Guinée-Bissau pour organiser une conférence de donateurs, en étroite consultation avec les partenaires de développement internationaux, régionaux et sous-régionaux, afin de mobiliser des ressources pour des activités répondant aux priorités de développement du pays, notamment les priorités immédiates et à long terme définies dans le programme du Gouvernement pour 2014-2018,
Prenant note de la déclaration du Président de la formation Guinée-Bissau de la Commission de consolidation de la paix datée du 18 novembre 2014 et se réjouissant de la coopération entre la formation et la Guinée-Bissau,
Accueillant avec satisfaction la réactivation du Groupe de contact international pour la Guinée-Bissau et la 10e séance qu’il a tenue le 18 novembre 2014,
Affirmant que le BINUGBIS doit soutenir les efforts déployés par les autorités du pays pour maintenir l’ordre constitutionnel et favoriser un dialogue national à plusieurs niveaux en faveur de la paix et de la réconciliation,
Réaffirmant qu’il importe que tous les États Membres prennent des mesures de préparation pour pouvoir détecter les cas d’Ebola, prévenir la contagion, réagir en cas de contamination, isoler les personnes qui pourraient avoir contracté le virus et réduire les risques à l’intérieur et au-delà des frontières nationales, et rappelant le Règlement sanitaire international de 2005, qui vise à renforcer les moyens dont disposent tous les pays pour détecter, évaluer et notifier les menaces pesant sur la santé publique et y faire face,
Réaffirmant son attachement sans faille à la consolidation de la paix et à la stabilité en Guinée-Bissau,
1. Décide de prolonger le mandat du BINUGBIS pour une période de trois mois allant du 1er décembre 2014 au 28 février 2015 afin qu’il puisse accomplir les tâches ci-après:
a) Accompagner la concertation politique sans exclusive et la réconciliation nationale pour faciliter la gouvernance démocratique;
b) Aider à renforcer les institutions démocratiques et donner aux organes de l’État les moyens de fonctionner efficacement et dans le respect des règles constitutionnelles;
c) Fournir des conseils et un appui stratégiques et techniques en vue de la mise en place de systèmes efficaces et rationnels de maintien de l’ordre, de justice pénale et d’administration pénitentiaire qui permettent de maintenir la sécurité publique et de combattre l’impunité, dans le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
d) Fournir des conseils et un appui stratégiques et techniques aux autorités nationales et aux parties concernées, dont la CEDEAO et sa mission en Guinée-Bissau, s’agissant de mettre en œuvre les stratégies nationales de réforme du secteur de la sécurité et de renforcement de l’état de droit et de mettre en place des systèmes de justice civile et militaire conformes aux normes internationales;
e) Aider les autorités nationales à lutter contre le trafic de drogues et la criminalité transnationale organisée, en étroite collaboration avec l’ONUDC;
f) Aider les autorités nationales à promouvoir et protéger les droits de l’homme, mener des activités de surveillance des droits de l’homme et rendre compte à ce sujet;
g) Prendre systématiquement en compte la problématique hommes-femmes dans l’entreprise de consolidation de la paix, conformément aux résolutions 1325 (2000) et 1820 (2008);
h) Œuvrer avec la Commission de consolidation de la paix à la mise en œuvre des priorités de la Guinée-Bissau en matière de consolidation de la paix; et
i) Contribuer à mobiliser, harmoniser et coordonner l’assistance internationale, y compris pour mettre en œuvre les stratégies nationales de réforme du secteur de la sécurité et de renforcement de l’état de droit, et renforcer la coopération avec l’Union africaine (UA), la CEDEAO, la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), l’Union européenne (UE) et d’autres partenaires, pour concourir au maintien de l’ordre constitutionnel et à la stabilisation du pays;
2. Exige de nouveau des forces de sécurité et de défense qu’elles se soumettent pleinement à la tutelle du pouvoir civil;
3. Demande instamment aux autorités bissau-guinéennes de prendre les mesures nécessaires pour protéger les droits de l’homme, mettre fin à l’impunité, diligenter des enquêtes en vue d’identifier les personnes responsables de violations des droits de l’homme et de les traduire en justice, et de faire le nécessaire pour protéger les témoins afin de faire prévaloir la justice;
4. Se félicite des efforts que font les partenaires internationaux, en particulier l’ONU, l’UA, la CEDEAO, l’UE et la CPLP pour accroître leur coopération à l’appui du Gouvernement démocratique et légitime de la Guinée-Bissau et les encourage à continuer d’œuvrer ensemble à la stabilisation du pays;
5. Souhaite que se poursuivent les efforts déployés pour appuyer la réforme du secteur de la sécurité, facteur déterminant pour la stabilité à long terme de la Guinée-Bissau, et encourage tous les partenaires sous-régionaux, régionaux et internationaux concernés de la Guinée-Bissau à agir de manière coordonnée dans ce domaine pour obtenir rapidement des résultats positifs;
6. Demande aux autorités bissau-guinéennes de revoir les textes législatifs et les mécanismes nationaux existants, d’en adopter de nouveau et de les appliquer pour combattre efficacement la criminalité transnationale organisée, notamment le trafic de drogues et le blanchiment d’argent et, dans ce contexte, de fournir un appui supplémentaire à la Cellule de lutte contre la criminalité transnationale mise en place dans le cadre de l’Initiative côtes de l’Afrique de l’Ouest, les engage, ainsi que les services de sécurité et de défense, à faire preuve d’une pleine détermination à lutter contre le trafic de drogues, et demande aux partenaires internationaux d’appuyer leur action;
7. Engage les membres de la communauté internationale à intensifier leur coopération avec la Guinée-Bissau, de manière à permettre au pays de contrôler son trafic aérien et de surveiller sa sécurité maritime dans la zone relevant de sa juridiction, notamment pour lutter contre le trafic de drogues et la criminalité organisée ainsi que contre les activités de pêche illégale dans ses eaux territoriales et sa zone économique exclusive et les autres formes d’exploitation illicite de ses ressources naturelles;
8. Prie le Représentant spécial du Secrétaire général de redoubler d’efforts pour que l’action des institutions, fonds et programmes des Nations Unies intervenant en Guinée-Bissau soit plus cohérente, mieux coordonnée et plus efficace de sorte qu’ensemble, ces entités puissent lutter plus efficacement contre le trafic de drogues, notamment en communiquant au Représentant spécial tous renseignements utiles sur les individus, groupes, entreprises et entités liés au trafic de drogues qui font peser une menace pour la paix, la stabilité et la sécurité en Guinée-Bissau et dans la sous-région;
9. Invite le Représentant spécial du Secrétaire général à partager tous renseignements utiles avec le Comité créé par sa résolution 2048 (2012), notamment les noms des individus répondant aux critères énumérés au paragraphe 6 et précisés au paragraphe 7 de ladite résolution;
10. Souligne les problèmes que pose le trafic de drogues dans la recherche de solutions à la crise politique et économique globale en Guinée-Bissau et prie le Secrétaire général de donner au BINUGBIS les moyens nécessaires, en maintenant une composante antidrogue dotée des spécialistes requis;
11. Encourage les partenaires internationaux bilatéraux et multilatéraux à continuer, par leur soutien technique, d’aider la Guinée-Bissau à combattre plus vigoureusement la criminalité transnationale organisée et notamment les activités illégales telles que le blanchiment d’argent et le trafic de drogues, les engage à accroître leur soutien à l’Initiative côtes de l’Afrique de l’Ouest et à la Cellule de lutte contre la criminalité transnationale afin de combattre la criminalité organisée et le trafic de drogues, qui sont autant de menaces pour la sécurité et la stabilité en Guinée-Bissau et dans la sous-région, et les encourage par ailleurs à financer la présence de l’ONUDC en Guinée-Bissau et à verser des contributions au Fonds d’affectation spéciale du BINUGBIS afin de répondre aux priorités immédiates à moyen et à long terme, notamment les réformes postélectorales;
12. Se félicite que les autorités bissau-guinéennes aient exprimé l’intention d’organiser une conférence internationale de donateurs à Bruxelles, en février 2015, et engage les États Membres à y participer;
13. Engage vivement la Guinée-Bissau à appliquer les recommandations temporaires pertinentes formulées dans le cadre du Règlement sanitaire international de 2005 pour combattre l’épidémie d’Ebola qui s’est déclarée en 2014 en Afrique de l’Ouest et à superviser l’organisation, la coordination et la mise en œuvre des activités nationales de planification préalable et d’intervention, notamment, selon qu’il conviendra, en collaboration avec des partenaires internationaux œuvrant dans les domaines du développement et de l’action humanitaire, en particulier le BINUGBIS, dans les limites de son mandat;
14. Attend avec intérêt les conclusions et recommandations de la mission d’évaluation stratégique devant figurer dans le rapport que le Secrétaire général lui présentera en janvier 2015, qu’il entend examiner en vue d’apporter les modifications nécessaires au mandat du BINUGBIS;
15. Décide de rester activement saisi de la question.