Le Conseil de sécurité réfléchit aux moyens d’adapter les opérations de maintien de la paix à des environnements toujours plus complexes et volatiles
En présence des commandants des forces de trois opérations de maintien de la paix des Nations Unies, le Conseil de sécurité a pris acte, ce matin, des environnements de plus en plus complexes, hostiles et imprévisibles dans lesquels évoluent aujourd’hui les Casques bleus, qui sont régulièrement pris pour cible par des acteurs non étatiques, du Golan syrien au nord du Mali, en passant par la République démocratique du Congo (RDC).
Le général de division Jean Bosco Kazura, qui commande la force de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), a fait ainsi état de l’insécurité qui règne dans la zone de déploiement de ses troupes. La réduction des effectifs de troupes et le départ de l’opération Serval, sous conduite française, a en effet eu pour corollaire le retour en force dans des zones qui avaient été pacifiées de groupes terroristes, dont les attaques ont fait 10 victimes parmi les soldats de la paix déployés sous le drapeau de l’ONU au cours des derniers jours, a déploré le général Kazura.
« La MINUSMA a le plus grand mal à empêcher que le nord du Mali soit contrôlé par ces groupes », a indiqué le général aux membres du Conseil tout en s’interrogeant sur le rôle d’une mission comme la MINUSMA qui pour l’heure « est dépourvue de moyens logistiques et humains » suffisants, auxquels devraient s’ajouter les « multiplicateurs d’effets » que sont les ponts aériens, le soutien sanitaire et les unités de génie, selon la formule employée par le représentant de la France.
Cette question a été posée alors que le Secrétariat de l’ONU est engagé dans une réévaluation de l’architecture du maintien de la paix à travers le monde, en vue de permettre aux troupes onusiennes de mieux assurer la protection des civils dans les zones de conflit tout en étant capables de se protéger elles-mêmes contre les menaces émergentes.
« Nous devons nous adapter à ce nouvel environnement, faute de quoi le nord du Mali deviendra un endroit encore plus dangereux qu’il ne l’est déjà, ceci, non seulement pour les Casques bleus, mais aussi pour les populations civiles », a prévenu le général Kazura.
À la tête de la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD), le Général de corps d’armée Iqbal Singh Singha a également signalé aux membres du Conseil de sécurité que la situation dans le Golan syrien a connu une sérieuse détérioration, le respect du cessez-le-feu entre Israël et la Syrie ayant récemment été émaillé d’incidents qui ont opposé des forces gouvernementales syriennes à des groupes armés de l’opposition.
« Des échanges de tirs, des tirs de mortiers, ainsi que des vols de voitures et d’armes ont été commis, tandis que des Casques bleus ont été enlevés ou séquestrés et que des locaux de l’ONU ont été vandalisés », a expliqué le général Singha, Commandant de la FNUOD, qui a précisé que les responsables de ces attaques avaient annoncé leur intention de recommencer aussi longtemps que se poursuivrait la présence onusienne sur la ligne de démarcation du Golan.
C’est la raison pour laquelle, a indiqué le général Singha, nous avons pris la décision, dans le cadre du mandat existant de la Force, et dans le respect des principes fondamentaux du maintien de la paix de l’ONU –consentement des parties, impartialité et non-recours à la force, sauf en cas de légitime défense– de procéder à des ajustements pour améliorer la réactivité de la FNUOD.
Plusieurs membres du Conseil, dont les représentants de la République de Corée et de la Lituanie, se sont demandés dans quelle mesure les mandats des missions existantes ne devaient pas être revus et adaptés, ceci à l’aune des succès remportés par la brigade d’intervention créée en mars 2013 au sein de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), qui est une opération qui a aussi été la première à bénéficier du déploiement de drones d’observation et de surveillance aérienne.
Également présent à ce débat, le Commandant de la force de la MONUSCO, le général de corps d’armée Carlos Alberto Dos Santos Cruz, a estimé qu’au-delà de la question d’affiner et de revoir les mandats confiés aux missions en fonction de l’évolution des situations auxquelles elles sont confrontées sur le terrain, il était possible de mettre à profit la « marge de manœuvre » qui existe dans l’« interprétation » qui peut être faite des termes des mandats existants.
Partisan lui aussi d’une telle créativité, le représentant du Royaume-Uni a estimé que si le problème qui se pose est lié à une interprétation des résolutions du Conseil, qui définissent les mandats des opérations de maintien de la paix, alors « il convient dès lors de le résoudre en consultation avec le Secrétariat de l’ONU et les pays contributeurs de troupes ».
Son homologue de la France s’est montré quant à lui favorable au renforcement de la « coopération intermissions » et des synergies entre opérations de maintien de la paix, à l’image de celles qui prévalent en Afrique de l’Ouest entre l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) et la Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL), par exemple. Les délégations du Chili, de la Chine et de la Fédération de Russie ont largement abondé dans ce sens.
Par ailleurs, alors que des missions de l’ONU sont présentes en Haïti, en République centrafricaine ou encore au Mali, le représentant français a jugé que la fourniture de personnels et de contingents francophones dans les opérations de maintien de la paix (OMP) déployées dans des zones où le français est parlé serait un « puissant facteur d’efficacité opérationnelle ».
Reprenant la parole au terme du débat, le Commandant de la force de la MONUSCO a, en définitive, reconnu que « seule une force proactive et robuste est à même de combattre les menaces qui pèsent aujourd’hui sur les civils ».
Le général Maqsood Ahmed, Conseiller militaire aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies, a présenté aux membres du Conseil les trois commandants de force présents lors de ce débat.
OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX DES NATIONS UNIES
Déclarations
M. CARLOS ALBERTO DOS SANTOS CRUZ, Général de corps d’armée et Commandant de la force de la Mission de l’Opération des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), a rappelé que les opérations de maintien de la paix des Nations Unies se voient confier des tâches par le Conseil de sécurité, et a toutefois signalé que les dispositions des résolutions offrent généralement une certaine marge d’interprétation pour l’exécution des mandats. Dans des environnements en constante évolution, les missions de maintien de la paix doivent pouvoir s’adapter en ayant à l’esprit un objectif fondamental, qui est la protection des civils, a souligné le général dos Santos Cruz. La question la plus importante maintenant est de savoir comment il serait possible d’améliorer cette protection. À cette fin, l’ONU doit identifier les menaces existantes et prendre les mesures qui s’imposent pour protéger les populations locales des violences et exactions perpétrées le plus souvent contre elles par des gangs et des milices. L’ONU ne doit pas attendre que des crimes soient commis, mais doit au contraire prendre des mesures préventives, a insisté le général. Sur le plan conceptuel, a-t-il poursuivi, les principes qui sous-tendent les mandats des opérations –à savoir le consentement des parties, l’impartialité et le non-recours à la force, sauf en cas de légitime défense– ne sont plus toujours valables, pour les criminels auxquels les Casques bleus font de plus en plus souvent face sur le terrain. « Seule une force proactive et robuste est à même de combattre les menaces qui pèsent aujourd’hui sur les civils », a-t-il jugé. Par ailleurs, la présence de Casques bleus impuissants à protéger les civils nuit à la réputation des opérations de maintien de la paix, a noté le Commandant de la force de la MONUSCO.
Le général dos Santos Cruz a estimé que les mandats confiés aux opérations de maintien ou de consolidation de la paix devraient tous comprendre les mêmes obligations. Si les risques font partie de la vie quotidienne des Casques bleus, ils peuvent cependant être atténués grâce à une meilleure formation des personnels militaires et à la mise à leur disposition d’équipements plus performants et de meilleure qualité, a-t-il ajouté. Il faut donc prendre des mesures en amont pour protéger les civils dans le respect des trois principes fondamentaux, a préconisé le général. L’action de la composante militaire de chaque mission doit être coordonnée avec celle de sa composante civile, a-t-il conclu.
M. JEAN BOSCO KAZURA, Général de division et Commandant de la force de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), a qualifié l’environnement dans lequel évolue actuellement la Mission de « complexe », et « marqué par une insécurité croissante à laquelle les troupes n’étaient pas préparées ». L’environnement sécuritaire au nord du Mali rend délicate l’exécution de notre mandat, a-t-il souligné, notant que depuis le départ des forces françaises déployées dans le cadre de l’opération Serval, une partie du nord du Mali était en voie de devenir un sanctuaire pour les terroristes et autres fauteurs de troubles. La stabilité qu’avait apportée Serval a laissé la place à la multiplication des incidents visant en particulier nos troupes, a ajouté le général Kazura, déplorant que l’application de l’Accord de Ouagadougou soit actuellement au point mort, les parties campant sur des positions de principes totalement incompatibles. Indiquant que la MINUSMA avait le plus grand mal à empêcher que le nord du Mali soit contrôlé par les groupes terroristes, il s’est interrogé sur le rôle de la Mission, qui est dépourvue des moyens logistiques et humains qui lui permettraient de répondre aux défis posés par une telle situation sécuritaire.
« Les contingents de troupes attendent que votre Conseil agisse, mais aussi que les Forces maliennes de sécurité soient rapidement réorganisées afin qu’elles puissent tenir leur rôle de garant de la sécurité sur l’ensemble du territoire malien », a expliqué M. Kazura. Le général a estimé que la communauté internationale doit en outre accompagner plus avant le Gouvernement du Mali dans ses efforts de réconciliation et de désarmement, démobilisation et réintégration des ex-combattants dans la vie civile (DDR). « Nous devons nous adapter à l’environnement que je viens de décrire, faute de quoi, cette partie du monde deviendra un endroit encore plus dangereux qu’elle ne l’est déjà, ceci non seulement pour les troupes, mais aussi pour les populations civiles », a conclu le Commandant de la force de la MINUSMA.
M. IQBAL SINGH SINGHA, Général de corps d’armée et Commandant de la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD), a rappelé que le mandat de la FNUOD est exécuté de manière satisfaisante depuis son déploiement, en 1974. Cette Mission est chargée de surveiller la zone de séparation entre Israël et la Syrie, qui s’étend sur environ 80 kilomètres et varie en largeur entre environ 10 km au centre et moins de 1 km à l’extrémité sud. La FNUOD est déployée à l’intérieur et aux abords de la zone de séparation, a-t-il expliqué, précisant que la Mission opérait jusqu’à présent avec deux camps de base, 20 positions et 11 postes d´observation. « La Force envoie des patrouilles qui se relaient nuit et jour », a ajouté le Commandant de la FNUOD.
Tout récemment, nous nous sommes heurtés à des difficultés, a toutefois reconnu le général Singha, notamment face à des groupes d’opposition divers qui n’étaient pas signataires de l’Accord sur le désengagement. Des échanges de tirs, des tirs de mortiers, des enlèvements, des vols de voitures et d’armes ont été commis dans le Golan syrien par des groupes d’opposition syriens, qui ont également visé des Casques bleus de la FNUOD et ont vandalisé des locaux de l’ONU, a précisé le Commandant de la FNUOD. Ces groupes ont lancé une offensive systématique depuis la frontière jordanienne, repoussant les forces syriennes jusque dans la zone tampon, a-t-il ajouté. Des Casques bleus ont été pris directement pour cible, a déploré le général. Les radicaux ont encerclé des Casques bleus du contingent des Philippines, a-t-il relaté. Lors de la libération des membres de ce contingent, les agresseurs ont réitéré leur intention de s’emparer et d’emprisonner d’autres Casques bleus, de vandaliser des locaux onusiens et de perpétrer des violences, estimant que l’ONU n’avait pas de raison d’être présente sur le terrain.
« Il n’est pas aisé d’opérer dans un tel environnement, mais nous avons pris des mesures pour nous adapter », a assuré le Commandant au Conseil de sécurité. Il a expliqué que, dans le cadre du mandat existant, la FNUOD avait été renforcée au maximum et qu’il avait été décidé de redéployer et réinstaller la plupart de ses moyens du côté A. En outre, le mandat de la Force a été ajusté de façon progressive afin de garantir une plus grande cohésion, et la capacité opérationnelle de la Mission a été renforcée en même temps que les chaînes d’approvisionnement et de la logistique ont été repensées. Soucieuse de faire face à la situation, la Force a également amélioré ses règlementations applicables aux mouvements de ses véhicules, qui sont désormais tous blindés. Malgré le retrait de quatre pays fournisseurs de contingents à la Force, nous avons pu autonomiser la Mission en lui donnant 200 soldats de plus, et en obtenant le déploiement d’une unité mécanisée et des armes plus lourdes. À ceci il faut ajouter le fait qu’un Conseiller spécial a été affecté à la FNUOD, a précisé le général Singha au terme de son intervention.
M. EUGÈNE-RICHARD GASANA (Rwanda) s’est réjoui de la tenue des débats sur le maintien de la paix, qui depuis quelques années permettent au Conseil de sécurité, à ses membres et aux États Membres de mieux appréhender les perspectives sur le terrain, et en particulier la dimension opérationnelle des OMP. Les mandats autorisés par le Conseil doivent établir des tâches claires, a souligné le représentant, jugeant que, comme l’a déclaré le Président du Rwanda, M. Paul Kagame, « rien ne compte plus que de sauver des vies innocentes quand elles sont en jeu ». Le représentant a estimé que, compte tenu des nouvelles menaces émergentes, qui font basculer des environnements de maintien de la paix en y créant des situations sécuritaires extrêmement périlleuses, les contingents déployés dans les OMP doivent être formés et équipés en conséquence.
« Si les troupes ne sont pas prêtes, à quoi bon les déployer? » a demandé le représentant qui a indiqué que des Casques bleus mal préparés font courir des risques énormes aux populations et sapent la crédibilité que doivent avoir les Nations Unies aux yeux du monde. Après avoir rendu hommage aux 33 Casques bleus qui ont perdu la vie au Mali depuis le déploiement de la MINUSMA, le représentant a interpellé le général Kazura, Commandant de la force de la MINUSMA. « Maintenant que les forces françaises ne sont plus là, comment faire respecter un cessez-le-feu? » a-t-il demandé. « Comment peut-on faire pour lutter contre la montée en puissance, en Afrique, de groupes de terroristes qui s’avèrent capables de paralyser des régions entières? ». « Que faut-il corriger? L’utilisation de drones au nord du Mali est-elle pertinente? » a demandé le représentant du Rwanda. Concernant les propositions sur la reconfiguration de la MINUSMA, il a indiqué que le Conseil de sécurité devrait réfléchir de manière approfondie à cette question importante.
M. CRISTIÁN BARROS (Chili) a réaffirmé l’attachement de son pays aux opérations de maintien de la paix, qui « demeurent un outil fondamental des Nations Unies, notamment pour son pilier paix et sécurité ». À son tour, il a souligné que les nouveaux environnements auxquels font face les contingents de troupes onusiennes « forcent » le Conseil à réfléchir au rôle des missions qui sont confrontées, par exemple, à des menaces asymétriques. Évoquant ensuite les activités de la MONUSCO, il a salué l’apport des réseaux d’alerte communautaires et des drones « qui pourraient être transposés dans d’autres opérations ». « La coopération intermissions et la formation des forces de police aux problématiques du genre sont également des moyens relativement simples à mettre en œuvre pour renforcer l’efficacité du maintien de la paix », a ajouté le représentant. Concernant les activités de la FNUOD, le représentant du Chili a suggéré d’accroître en nombre les personnels arabophones de la Force, ceci, en vue d’améliorer la coopération et le dialogue avec les pays concernés.
M. JOON OH (République de Corée) s’est, à l’instar d’autres intervenants, déclaré préoccupé par la montée en puissance d’acteurs non étatiques dans les théâtres où sont déployées des opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Il a relevé que ces acteurs non étatiques ne sont pas toujours signataires des accords de paix ou de cessez-le-feu agréés par les autres parties. Une telle situation suppose donc une adaptation des mandats confiés aux OMP onusiennes et de donner aux contingents les moyens opérationnels dont ils ont besoin pour assurer la protection des civils, a souligné le représentant. Dans ce contexte, les missions doivent aussi bénéficier de la coopération avec le pays hôte, a-t-il précisé.
M. Joon Oh a estimé que l’exemple de la MONUSCO démontre qu’il est tout à fait possible pour les Casques bleus de simultanément protéger les civils et d’assurer leur propre légitime défense.
Par ailleurs, a ajouté le représentant de la République de Corée, avec le retrait des forces maliennes du nord du Mali et la réduction des effectifs de l’opération Serval, la MINUSMA est davantage exposée à des attaques terroristes. Face à ces risques sécuritaires accrus, la Mission est tenue d’élargir son champ d’action dans le nord du pays afin de pouvoir repousser des offensives menées par des groupes armés. Mais, alors que le plafond approuvé en termes de personnels n’est toujours pas atteint, la MINUSMA ne parviendra peut-être pas à s’acquitter de son mandat, a prévenu M. Joon Oh. Il a enfin souhaité savoir si le général Singha était en mesure de fournir davantage de précisions sur les mesures prises par la FNUOD pour faire face à la situation volatile qui prévaut sur le plateau du Golan et qui est due aux retombées de la crise syrienne.
M. MARK LYALL GRANT (Royaume-Uni) a, à la suite d’autres membres du Conseil, constaté que la protection des civils figure désormais au cœur des mandats de nombreuses opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Malheureusement, a-t-il relevé, les Casques bleus ne font pas toujours usage de la force lorsqu’ils le devraient. C’est une situation « inacceptable » a jugé M. Lyall Grant. Le Conseil de sécurité, a-t-il précisé, doit donc veiller à donner aux opérations les moyens dont elles ont besoin pour mieux s’acquitter de leurs mandats. Si le problème qui se pose est lié à une interprétation des résolutions, il convient alors de le résoudre en consultation avec le Secrétariat et les pays contributeurs de troupes, a tranché le représentant du Royaume-Uni. « Des recommandations, sur lesquelles le Conseil devrait se pencher, ont été faites aujourd’hui en ce sens par le général dos Santos Cruz », a noté M. Lyall Grant. Il a estimé que la capture de soldats de la FNUOD survenue au mois d’août reflète l’urgence de la situation. Il y a parfois des « discordances problématiques » entre la substance des mandats et la véritable capacité d’une Mission à agir, a-t-il reconnu. Dans ce contexte, a-t-il estimé, l’appui du Secrétariat aux missions est crucial. M. Lyall Grant s’est, en conclusion, demandé si les difficultés rencontrées en matière de protection des civils et des personnels des OMP ne relevaient pas avant tout d’un problème de formation et de préparation.
Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a reconnu qu’il est nécessaire que les forces onusiennes disposent de moyens adaptés aux nouveaux environnements hostiles auxquels elles font face. Après avoir rendu hommage aux Casques bleus de la MINUSMA tués depuis le déploiement de la Mission il y a un peu plus d’un an, elle a appelé les autorités maliennes à arrêter et à traduire en justice les auteurs de ces actes. « L’impunité règne, ces attaques en attestent », a constaté avec regret Mme Power. La représentante a ensuite mis l’accent sur l’importance pour le Conseil de sécurité d’éviter les échecs systémiques, ce qui est possible « en tenant rigoureusement compte des commentaires et analyses présentés par les commandants des forces déployées sur le terrain ». « La protection des civils doit se faire par l’action, et non pas uniquement par la simple présence des OMP », a-t-elle insisté à cet égard, soulignant la nécessité pour les contingents onusiens de mieux réagir en cas d’attaques et d’être proactifs pour empêcher que ces attaques ne se produisent.
« Les civils comptent sur les Casques bleus. Or, des cas d’indiscipline de la part des soldats sont trop souvent signalés », a par ailleurs déploré Mme Power. Sur ce point, elle a demandé que la réforme du maintien de la paix permette d’établir une chaine de commandement unique au sein de chaque mission. Notant que la MINUSMA est confrontée à un environnement terroriste, alors qu’elle n’a pas été dotée d’un mandat antiterroriste, ou encore que la Mission a attendu plus d’un an avant que toutes les troupes dont elle avait besoin soient finalement déployées, la représentante a rendu hommage au courage et à la souplesse dont fait preuve le général Kazura, Commandant de la force de la MINUSMA. Elle lui a par ailleurs demandé comment adapter les moyens de la MINUSMA aux nouveaux périls auxquels est soumise la Mission.
Mme RAIMONDA MURMOKAITĖ (Lituanie) a réaffirmé l’engagement de la Lituanie à soutenir toute initiative destinée à renforcer la protection des civils par les Casques bleus. Elle a remarqué que la présence accrue des troupes de la MONUSCO dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) avait eu un effet dissuasif à l’égard des groupes armés qui visaient les civils dans cette partie du pays. Elle a cependant estimé que la seule présence des troupes onusiennes ne suffirait peut-être pas, et a souligné qu’il est nécessaire que les Casques bleus démontrent leur détermination à agir de manière forte et efficace pour protéger les civils contre tous abus ou exactions. La représentante s’est félicitée des progrès accomplis par la MONUSCO dans l’amélioration du fonctionnement de ses mécanismes d’alerte et de réaction précoces, citant à cet égard la création de lignes téléphoniques destinées à des appels d’urgence.
Mme Murmokaitė a exprimé le plein soutien de sa délégation à l’approche « un mandat, une mission, une force », car sauver des vies est la première tâche de toutes les unités d’une mission de maintien ou de consolidation de la paix. Relevant ensuite que les environnements dans lesquels opèrent les Casques bleus évoluent sans cesse, elle a regretté le manque d’adéquation entre les mandats décidés par le Conseil de sécurité et les ressources allouées aux missions. « Tout le monde y perd », a-t-elle fait remarquer, indiquant que « les Nations Unies perdent leur crédibilité, tandis que les civils et beaucoup de Casques bleus perdent la vie ». Elle a donné l’exemple du Mali, où le manque de mobilité aérienne a limité les capacités de la MINUSMA à accomplir efficacement son mandat. Elle a aussi demandé au Conseil de réfléchir à des cas où, comme cela est observable au Mali, les OMP n’opèrent plus dans des situations de maintien de la paix, ce qui fait peser un poids très lourd sur le dos des pays contributeurs de troupes.
M. PETR V. ILIICHEV (Fédération de Russie) a estimé que la MONUSCO était une bonne base de réflexion pour que le Conseil puisse évaluer l’efficacité du recours aux brigades d’intervention rapides et aux drones d’observation. Il a ensuite condamné ceux « qui détournent le principe de la protection des civils pour, en pratique, poursuivre des objectifs politiques ». « La coopération entre opérations et les organes de pouvoir locaux, qui ont la responsabilité première de protéger leurs populations, doit être renforcée », a souligné le représentant. S’agissant des activités de la MINUSMA au Mali, le représentant de la Fédération de Russie a prévenu que redéployer des effectifs militaires de la MINUSMA dans le nord du pays « ne peut se faire qu’au prix de risques énormes et injustifiés pour les Casques bleus ». « Il incombe aux autorités de Bamako de restaurer l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire malien », a estimé le représentant.
M. FRANÇOIS DELATTRE (France) a remarqué que les mandats des opérations de maintien de la paix (OMP) sont aujourd’hui plus complets et complexes qu’avant, ce qui oblige à leur donner les moyens de leur succès et à renforcer leur professionnalisme. Il a souligné, à cet égard, l’importance des « multiplicateurs d’effets », comme les moyens aériens, le soutien sanitaire et les unités de génie. Il a aussi salué la décision du Mexique de se réengager dans les composantes en uniforme des OMP et l’offre qu’a faite l’Angola, qui se propose d’apporter des services au bénéfice du Département chargé des OMP. M. Delattre a aussi invité à renforcer le soutien logistique et opérationnel dont les missions ont besoin, comme le font les Forces françaises au Mali et en République centrafricaine (RCA).
Le représentant de la France a conseillé au Conseil de mieux adapter les modes opératoires des OMP à leurs mandats. Il a demandé de veiller à un bon équilibre entre la protection des Casques bleus et leur efficacité, ce qui est particulièrement important dans le cadre de la protection des civils. « L’immobilisme n’est pas une option », a-t-il dit en prônant une attitude dynamique et proactive. Il faut également, a-t-il ajouté, « ouvrir les OMP à la technologie moderne », en ce qu’elle permet de « mieux comprendre l’environnement, d’anticiper et d’agir en amont des pics de violence pour s’auto-protéger et protéger les populations ». M. Delattre a donné l’exemple des drones d’observation de la MONUSCO et a demandé au Commandant de cette force de parler des cas d’expériences acquises par cette Mission. Il a demandé aux autres commandants de forces onusiennes d’expliquer comment les apports technologiques pourraient bénéficier à leurs forces.
M. Delattre a aussi recommandé au Conseil de favoriser la coopération intermissions et de multiplier les synergies, à l’image de celle qui existe entre l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI) et la Mission des Nations Unies au Libéria (MINUL) en Afrique de l’Ouest. Enfin, il a demandé aux missions de s’adapter aux contextes locaux et de tisser des liens étroits avec les populations. « La francophonie doit être pleinement prise en compte », a-t-il d’autre part noté à cet égard, avant de rappeler le besoin de disposer de plus de personnels francophones dans les opérations déployées en zone de langue française à tous les niveaux. Il a fait valoir qu’il s’agit d’un « puissant facteur d’efficacité opérationnelle. »
M. LIU JIEYI (Chine) a relevé à son tour que les conflits régionaux avaient gagné en complexité au fil des années et que les opérations de maintien de la paix se heurtent désormais à de réelles difficultés dans la mise en œuvre de leur mandat. Il a espéré que la réforme des opérations de maintien de la paix initiée par le Secrétariat permettra de mieux répondre aux nouveaux défis qui se posent à l’heure actuelle. Au moment du déploiement des opérations, a préconisé le représentant, il faut veiller à les doter de mandats réalistes. Les résultats observés sur le terrain devraient donc donner lieu à des ajustements constants, qui doivent toutefois se faire dans le respect de la souveraineté des États, a-t-il souligné. En effet, a affirmé M. Liu Jieyi, la coopération du pays hôte s’avère indispensable pour le succès des opérations conduites par les Casques bleus. En outre, les mécanismes d’appui logistique devraient être optimisés, de même que les ressources disponibles, et la coopération intermissions peut jouer un rôle déterminant à cet égard. Pour sa part, a rappelé le représentant, la Chine, qui a fourni plus de 25 000 Casques bleus à l’ONU jusqu’à présent, a annoncé son intention d’envoyer un bataillon d’infanterie supplémentaire à la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS). Elle envisage également de mettre à disposition des hélicoptères et de renforcer les effectifs de police au sein de plusieurs opérations, a précisé M. Liu Jieyi.
M. MANGARAL BANTE (Tchad) a jugé primordial que les opérations des Nations Unies se concentrent sur le maintien de la paix. Il a cité en exemples l’assistance et la protection offertes par la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud (MINUSS) à des civils menacés et a salué l’efficacité des mécanismes d’alerte rapide mis en place par la MONUSCO. Le représentant a ensuite recommandé d’accroître le nombre de personnels féminins au sein des missions. Évoquant l’environnement sécuritaire « difficile et asymétrique » dans lequel opèrent actuellement plusieurs opérations, M. Bante s’est élevé contre les attaques visant des Casques bleus. Au-delà des déclarations à la presse et des condoléances, il a demandé au Conseil de sécurité de tout mettre en œuvre pour identifier les auteurs des attaques perpétrées contre des « soldats de la paix ». Il a conclu son intervention en posant deux questions. Il a tout d’abord demandé au général Kazura quelle est la stratégie la plus appropriée, selon lui, pour pouvoir prévenir les attentats perpétrés contre la MISNUMA. M. Bante s’est demandé si les mécanismes d’alerte rapide de la MONUSCO pouvaient trouver leur utilité dans le nord du Mali. Il a également demandé au général Singha ce qu’il comptait faire pour renforcer l’efficacité de la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD), qui a été récemment mise à rude épreuve.
M. GARY QUINLAN (Australie) a salué l’initiative qu’entend lancer le Secrétaire général pour mener un examen stratégique des opérations de maintien de la paix, afin de tirer les leçons des expériences vécues par les trois missions examinées aujourd’hui. Il a rappelé que la protection des civils était une des tâches principales confiées aux opérations de maintien de la paix (OMP). Cette tâche est d’ailleurs inscrite dans la majorité des mandats confiés par le Conseil aux OMP. Le déploiement d’une brigade d’intervention en RDC représente un changement « sismique » dans la manière dont opèrent les missions et il a été rendu nécessaire pour pouvoir combattre les groupes armés rebelles qui menacent les civils. « Les résultats atteints par la brigade d’intervention de la MONUSCO parlent d’eux-mêmes », a dit le représentant, tout en estimant que « collectivement, nous pouvons apporter des améliorations à la manière dont ce genre d’outil opère et fonctionne ».
M. Quinlan a indiqué qu’une des leçons tirées de l’expérience menée en RDC était la reconnaissance de l’importance des nouvelles technologies et de l’amélioration des formations dispensées aux troupes en ce qui concerne les moyens à utiliser pour protéger les populations vulnérables dans les zones de conflit. « Tout moyen qui permet aux personnels déployés sur le terrain de mener ou d’accomplir les mandats qui leur sont confiés de façon plus sûre, plus efficace et efficiente, doit être adopté et intégré plus largement dans les OMP », a préconisé le représentant. Il a voulu connaitre l’avis du général dos Santos Cruz à ce sujet, notamment pour que le Conseil sache comment les brigades déployées au sein des OMP pourraient être rendues plus mobiles et pourraient être mieux intégrées dans la planification des opérations de la brigade d’intervention.
Le représentant australien a aussi soulevé le problème des missions qui opèrent dans des contextes où « il n’y a pas de paix à maintenir », et où l’environnement se révèle favorable à des menaces asymétriques. M. Quinlan a souhaité que le Conseil apporte une réponse sérieuse à cette question. S’adressant au général Kazura, Commandant de la MINUSMA, il a voulu savoir ce qu’apporte l’Unité de fusion de toutes les sources d’information, dont dispose la Mission, avant de demander ce qui peut être fait par rapport à l’utilisation, par les terroristes, d’engins explosifs improvisés au Mali. Il a enfin interrogé le général Singha pour savoir comment la FNUOD pouvait remplir son mandat dans les circonstances actuelles, qui sont très différentes de celles au sein desquelles la Force évoluait auparavant.
M. ANTHONY BOSAH (Nigéria) a déclaré que les besoins en matière de maintien de la paix étaient désormais différents et plus complexes qu’auparavant. « Souvent, les attentes sont difficilement satisfaites en termes de protection des civils », a-t-il poursuivi, ajoutant que le mandat de protection des civils devait être réaliste et « appliqué de manière réaliste, et ce, en fixant des tâches claires aux OMP dès la phase de planification des missions ». Le représentant a ensuite attiré l’attention sur le fait qu’aujourd’hui les Casques bleus ne peuvent pas se contenter de superviser le respect de cessez-le-feu: « ils doivent agir en fonction de l’aggravation de la situation au plan sécuritaire ». « Les troupes doivent s’adapter aux changements brutaux de situation, et le Conseil de sécurité doit réagir lui aussi plus vite en remaniant les mandats afin de les adapter à chaque nouveau contexte », a encore estimé le représentant nigérian. S’adressant au Commandant Kazura, il lui a demandé quels moyens il fallait mettre en place pour répondre plus efficacement aux défis sécuritaires dans le nord du Mali?
Mme DINA KAWAR (Jordanie) s’est dite fière des contributions de son pays aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies. « Il est nécessaire que les forces des opérations de maintien de la paix accomplissent leur difficile travail de manière transparente, intègre et neutre », a-t-elle préconisé. « Il convient également d’évaluer régulièrement, et de manière approfondie, les ressources financières et humaines des missions et leur capacité générale d’honorer leurs mandats fondamentaux de protection des civils », a aussi insisté la représentante. Concernant la MONUSCO, elle a noté avec inquiétude qu’en dépit des progrès réalisés pour lutter contre les violations des droits de l’homme et consolider l’état de droit dans l’est de la RDC, les violences et les attaques contre le personnel de la Mission persistent dans cette région. Les autorités nationales, aux côtés de la Mission, doivent intensifier les opérations de DDR auprès de toutes les factions, au premier rang desquelles les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), a-t-elle souligné. Concernant les activités de la MINUSMA, elle a demandé au Commandant Kazura ce qu’il fallait faire pour aider la Mission à instaurer les conditions de l’état de droit dans cette zone. Pour ce qui est de la FNUOD, la représentante a appelé au renforcement de la sécurité du personnel onusien et des observateurs internationaux déployés dans le Golan.
M. OLIVIER MAES (Luxembourg) a jugé indispensable que les missions de maintien de la paix disposent, en plus de leurs personnels militaires et policiers « des capacités civiles spécifiquement dédiées à la protection des civils » et, pour la partie militaire, de « personnel professionnel, bien formé, sensibilisé, et disposant des capacités et des ressources requises pour protéger efficacement les civils ». Pour cela, il a plaidé en faveur de la mise sur pied de formations spécifiques pour les soldats. Ces formations devraient être dispensées aux troupes avant qu’elles ne soient déployées, comme le prévoit d’ailleurs la résolution 2143 en ce qui concerne la nécessité d’assurer une bonne préparation au personnel afin de résoudre la question posée par les violations commises sur le terrain contre des enfants et autres personnes vulnérables.
En termes de capacités, M. Maes a considéré que la MONUSCO, grâce à sa brigade d’intervention, était « bien outillée pour protéger les civils dans l’est de la République démocratique du Congo ». Il a demandé au général dos Santos Cruz s’il pensait que l’expérience acquise par la MONUSCO à cet égard pourrait être utile à d’autres missions, « tout en sachant qu’il n’y a pas de modèle universellement applicable à toutes les crises ». M. Maes a rappelé que le Ministre des affaires étrangères du Mali avait, hier, suggéré au Conseil de sécurité de renforcer la Mission de l’ONU déployée dans son pays, la MINUSMA, en la dotant d’une force de réaction rapide calquée sur celle mise sur pied en RDC. « Pour notre part, a-t-il indiqué, nous estimons que des moyens tels que les drones de surveillance, qui ont été utilisés pour la première fois en RDC, peuvent avoir un impact positif en termes de prévention de conflit et de protection des civils sur d’autres théâtres d’opérations. »
M. Maes a ensuite évoqué les faits survenus sur le plateau du Golan, en soulignant notamment les enlèvements répétés de personnels de la FNUOD. Il a appelé les Nations Unies à poursuivre les consultations avec les pays contributeurs de troupes et avec les deux pays signataires de l’Accord sur le désengagement de 1974 en vue de mieux encadrer le dispositif de la FNUOD. « Il est crucial, a-t-il ajouté, que les autorités syriennes permettent à la FNUOD de disposer, dans les meilleurs délais, de l’ensemble des équipements dont la Force a besoin pour lutter contre les engins explosifs improvisés. » Le représentant du Luxembourg a ensuite posé la question de savoir quel appui le Bureau du partenariat stratégique pour le maintien de la paix pouvait apporter aux missions pour les aider à faire face aux changements qui se produisent dans l’environnement où elles opèrent.
Mme MARÍA CRISTINA PERCEVAL (Argentine) a rappelé que le maintien de la paix et de la sécurité internationales était l’objectif ultime du Conseil de sécurité, mais que cela englobait un ensemble de tâches complémentaires –sécuritaires, humanitaires et de développement– qui doivent être menées dans un esprit de coordination. S’agissant de la MONUSCO, la création au sein de cette Mission d’une brigade d’intervention, qui a été « un pari risqué », mais justifié, a-t-elle estimé, a permis de renforcer la paix dans l’est de la RDC. Le mandat de cette unité spéciale, « aussi exceptionnel que spécifique », ne doit toutefois pas être confondu avec celui du reste de la Mission, même lorsque ses personnels sont engagés dans la protection des civils, a dit Mme Perceval. Les offensives, a-t-elle souligné, doivent être menées uniquement par la brigade.
Quant au conflit en Syrie, a poursuivi la représentante, il a eu de toute évidence un impact sur le maintien du cessez-le-feu entre Israël et la Syrie, avec les agissements de groupes armés dans la zone tampon créée entre les deux pays. Les incidents récents doivent nous faire réfléchir aux moyens les plus efficaces dont pourrait bénéficier la FNUOD pour s’acquitter de son mandat, a estimé Mme Perceval. Dans un contexte volatile, il est extrêmement important que les parties s’abstiennent de toute provocation ultérieure. Elle a demandé au général Singha, qui dirige la Force, quelle était son appréciation de la relation entre la Mission, les pays contributeurs de troupes et le Département des opérations de maintien de la paix (DOMP)? Que faudrait-il changer? En ce qui concerne la MINUSMA, la Mission ne doit pas se substituer aux forces nationales du Mali, a estimé la représentante. C’est pourquoi, alors que les attaques se multiplient dans ce pays contre les Casques bleus, nous devons nous interroger sur l’avenir de la Mission, a-t-elle proposé.
Enfin, s’agissant de la MINUSTAH, présente en Haïti, « seule opération déployée dans l’hémisphère des Amériques », a relevé Mme Perceval qui a ensuite fait deux observations. Inquiète de l’accélération du calendrier de retrait de la Mission du territoire haïtien, elle a jugé insuffisante l’amélioration de la situation sur le terrain en Haïti. Cette pseudo-amélioration de la situation ne suffit pas pour justifier une réduction des effectifs de la MINUSTAH, comme le propose le Secrétaire général dans son rapport, a dit Mme Perceval. Elle a toutefois reconnu que la MINUSTAH ne devait pas rester éternellement déployée sur le sol haïtien.
Le Général de corps d’armée MAQSOOD AHMED, Conseiller militaire aux opérations de maintien de la paix, a repris la parole en fin de séance pour se féliciter de la qualité des échanges, « qui ne manqueront pas d’être utiles aux commandants de force, notamment ceux ayant pris leurs fonctions récemment ». Il a ajouté que d’un point de vue militaire, il convient toujours de protéger physiquement les vies des Casques bleus et celles des civils. La réalisation de ces tâches fondamentales dépend du niveau de compréhension entre les décideurs et les personnels opérant sur le terrain, a noté le général Ahmed, jugeant que « les premiers doivent comprendre que les choses ont changé, car sur place, l’environnement du maintien de la paix a dramatiquement évolué ».
« Tout le monde, sur le terrain, ne respecte pas les troupes de l’ONU », a relevé le général Ahmed. Il a en outre considéré que l’appui des dirigeants politiques aux troupes était un préalable indispensable. Il a également plaidé pour une cohésion accrue entre les troupes de différentes nationalités. Le Conseiller militaire aux OMP a ensuite rappelé que la formation des personnels des opérations de maintien de la paix s’appuyait sur plus de 10 manuels respectant rigoureusement les normes en vigueur aux Nations Unies. Concernant le manque de ressources, soulevé par nombre d’intervenants au débat, il a estimé que les pays non contributeurs doivent aider les pays contributeurs de fonds ou de troupes à combler les lacunes existantes. Pour ce qui est de l’utilisation des nouvelles technologies, le général Ahmed s’est félicité de leur contribution en en ce concerne la prévention des actes d’atrocités, notamment « grâce à la réception en temps réel d’informations ». Enfin, il a considéré que la protection des Casques bleus et des civils « par le recours éventuel à la force » restait un principe valable.
Reprenant la parole, le Général de corps d’armée et Commandant de la force de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) a estimé que les mandats donnés aux missions par le Conseil n’avaient jamais interdit le recours à la force dans les cas de légitime défense, un principe universellement admis. Le général dos Santos Cruz a estimé qu’il faut non seulement affiner les mandats, mais aussi se livrer à une interprétation plus pratique des textes existants. « Ce sont les contingents qui exécutent les mandats et protègent les civils sur le terrain », a-t-il rappelé. Dans le contexte actuel, il faut non seulement disposer d’effectifs et de technologies en qualité et en nombres suffisants, mais aussi de la « volonté » et de l’« engagement » qui sont nécessaires pour faire la différence sur le terrain, a insisté le général. Il a précisé en conclusion que le camp de déplacés dans lequel une centaine de personnes aurait perdu la vie en RDC, selon Human Rights Watch, n’est pas administré par la MONUSCO, mais par les autorités de la RDC, « même si nous nous efforçons de prêter assistance ».
Le Commandant de la force de la MINUSMA a répondu aux questions des délégations en répétant notamment que le terrorisme était le premier problème à régler dans le nord du Mali. « Nous ne sommes plus dans un contexte de maintien de la paix », a-t-il insisté, « ce qui exige d’intensifier la coopération entre les acteurs qui s’efforcent de promouvoir la stabilité sur le terrain et dans la région ». « La solution passe par la démonstration d’une volonté politique accrue, qui doit déboucher sur des actes concrets. » Le général Kazura a averti que si les pourparlers d’Alger ne permettent pas de faire « rapidement la différence, nous devrons trouver une alternative sans délais ». Concernant le déploiement éventuel d’une brigade d’intervention rapide dans le nord du Mali, il a souhaité que cette idée soit discutée dans le cadre du réexamen stratégique de la MINUSMA. Nous devons former et entrainer nos troupes pour les préparer aux changements brutaux de situations qui ont été décrits au cours de ce débat, a signalé le Commandant de la force de la MINUSMA.
Réagissant à son tour aux interventions et interrogations des membres du Conseil de sécurité, le Général de corps d’armée et Commandant de la Force des Nations Unies chargée d’observer le désengagement (FNUOD) leur a demandé, ainsi qu’à tous les États Membres, d’user de leur influence pour convaincre toutes les parties au conflit de ne pas prendre les Casques bleus pour cible et de veiller à ce que la zone tampon entre Israël et la Syrie soit exempte de toutes opérations militaires. Nous voulons occuper davantage de positions le long de la ligne Alpha, a-t-il annoncé au Conseil. Pour ce qui est du renforcement de nos capacités, il nous manque notamment des lasers, a relevé le général. Il a assuré en conclusion que la FNUOD allait continuer de renforcer sa capacité de collecte de renseignements et ses moyens et capacités d’intervention rapide.