Ukraine: le Conseil de sécurité débat des conclusions du rapport préliminaire sur les causes de la catastrophe aérienne du vol MH 17, abattu le 17 juillet
De nombreuses délégations ont, ce matin, au Conseil de sécurité, accusé la Fédération de Russie d’être responsable des agissements des insurgés qui, selon certains, auraient causé la catastrophe survenue au vol MH 17 de la Malaysia Airlines, abattu au-dessus de l’Ukraine, le 17 juillet. Quelques jours après la parution, le 9 septembre, d’un rapport préliminaire sur l’enquête menée pour élucider les causes du drame et établir les responsabilités, le représentant de la Fédération de Russie a pris la parole, et a exercé son droit de réponse, pour réagir aux accusations lancées par plusieurs délégations. Parmi celles-ci, celle du Royaume-Uni, dont le représentant a estimé que son homologue russe a « menti à chacune de ses interventions » depuis le début de la crise ukrainienne.
Présentant le rapport préliminaire de la commission d’enquête, M. Jeffrey Feltman, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, a précisé que les premiers éléments de preuves, dont l’enregistrement des voix dans le cockpit de l’appareil, le contenu de l’enregistreur de vol, les données du trafic aérien et les images satellites, permettaient de conclure que le vol MH 17 s’est disloqué au-dessus de l’Ukraine après la pénétration dans la carlingue et les dérives d’un nombre important d’« objets propulsés à haute énergie provenant de l’extérieur de l’appareil ».
Alors que le rapport d’enquête pointe vers l’hypothèse d’une destruction en vol du vol MH 17 de la Malaysia Airlines par un missile sol-air, le représentant de la Fédération de Russie a dénoncé la « guerre des médias » menée contre son pays. Jugeant que le processus d’enquête n’était ni neutre ni transparent, contrairement à ce qui avait été promis, il a demandé que le Secrétaire général de l’ONU mène une évaluation de la situation et a demandé la création d’un poste de représentant spécial sur l’accident survenu au vol MH 17 de la Malaysia Airlines au-dessus de l’Ukraine, afin de garantir une meilleure coopération avec la mission de l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Le rapport provisoire n’accuse aucune partie d’être responsable de l’accident, a-t-il été noté au cours de la réunion.
Aucun des pays affectés par la catastrophe n’a émis le moindre doute sur l’enquête, a dit la représentante de la Lituanie, qui s’est étonnée des réserves de la Fédération de Russie, estimant que la position russe « est une insulte à la mémoire des victimes ».
Son homologue des États-Unis a jugé « fantaisiste » la théorie de la presse russe selon laquelle le vol MH 17 aurait été abattu par des avions de combat ukrainiens, « alors que seule la présence d’avions commerciaux a été attestée par les contrôleurs aériens ».
Alors que la représentante des États-Unis estimait que la Fédération de Russie, qu’elle a accusé de fournir des armes et des missiles aux séparatistes, « n’avait aucune crédibilité pour faire des commentaires sur l’enquête, son homologue russe lui a rappelé l’obligation de respect envers toutes les délégations attendue d’un Président du Conseil de sécurité, fonction qu’assume ce mois les États-Unis.
Le représentant de la France a demandé que ceux qui ont manipulé les armes responsables de l’accident assument toutes les conséquences de leurs actes, tout comme ceux qui ont fait en sorte que ce genre d’armement « tombe dans les mains de criminels ».
« Lorsqu’on se sait coupable, on est jamais tranquille », a lancé le représentant de l’Ukraine en expliquant que cette réunion, convoquée à la demande de la Fédération de Russie était conforme à « cette vieille rhétorique russe consistant à nier toute responsabilité ». Il ne fait aucun doute que l’avion a été abattu par un missile russe; la Fédération de Russie ayant fourni aux miliciens des systèmes capables d’abattre un avion à 15 000 mètres d’altitude, a annoncé le représentant.
Le représentant russe lui a rétorqué que c’est aux séparatistes que l’on doit la sécurisation du site du crash et de la boite noire de l’appareil. Il s’est étonné que l’enquête n’évoque pas la présence de systèmes de défense antiaériens ukrainiens dans la zone au moment de la catastrophe.
Le Ministre des affaires étrangères des Pays-Bas a regretté que les enquêtes qui devaient être conduites sur le site du crash aient été suspendues à la suite de la détérioration de la situation sécuritaire, le 6 août dernier. Il a promis, dans l’optique du rapport final qui doit paraître l’année prochaine, que son pays ne s’accordera aucun répit tant que les responsables du crime atroce qu’est l’attaque contre le vol MH 17, qui a coûté la vie à 298 innocents originaires de 11 pays et de 4 continents, ne seront pas identifiés, arrêtés, poursuivis et condamnés.
Nonobstant les interprétations des différentes parties, la Ministre des affaires étrangères de l’Australie a estimé que la Fédération de Russie avait le pouvoir de « rappeler les séparatistes afin que nous ayons accès au site et que nous puissions reprendre les enquêtes ». Réagissant à ces propos, le représentant russe a rejeté cette hypothèse « tant que les troupes du régime de Kiev continueront de tirer sur la zone ».
Le vol MH 17 transportait 298 personnes, dont 193 Néerlandais, et avait quitté l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol aux alentours de midi, en direction de Kuala Lumpur. L’Ukraine a établi un protocole d’accord le 24 juillet avec le Gouvernement des Pays-Bas confiant l’enquête au Bureau d’enquête néerlandais pour la sécurité.
Lettre datée du 13 avril 2014, adressée à la Présidente du Conseil de sécurité par le Représentant permanent de la Fédération de Russie auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2014/264)
Déclarations
M. JEFFREY FELTMAN, Secrétaire général adjoint aux affaires politiques, a indiqué que le 9 septembre, le Bureau néerlandais de la sécurité aérienne avait soumis son rapport préliminaire sur l’enquête concernant l’accident survenu au vol MH 17 de la Malaysia Airlines. Il a fait savoir que ce document contient les premiers éléments de preuves conclusifs, notamment l’enregistrement des voix de l’équipage présent dans le cockpit de l’appareil, le contenu de l’enregistreur de vol, les données de trafic aérien et des images satellites.
Selon ce rapport, a ajouté M. Feltman, le vol MH 17 s’est disloqué au-dessus de l’Ukraine suite à la pénétration dans la carlingue et les dérives de l’avion d’un nombre important d’« objets propulsés à haute énergie provenant de l’extérieur de l’appareil ». L’avion n’avait aucun problème technique ou opérationnel, et l’équipe de vol avait les licences nécessaires. Aucune erreur humaine n’a été signalée et aucun message de détresse n’a été envoyé.
M. Feltman a aussi indiqué que 255 victimes avaient été identifiées jusqu’à présent et que les enquêteurs internationaux s’efforceraient de nouveau d’avoir accès au site du crash afin de procéder au rapatriement des dépouilles et des débris humains encore présents sur les lieux et de collecter des preuves supplémentaires. Il a ajouté qu’en dépit du maintien du cessez-le-feu dans le sud-est de l’Ukraine, les conditions actuelles ne permettent toujours pas aux enquêteurs de jouir d’un plein accès au site de l’accident. Il a averti qu’à l’approche de l’hiver, il sera bientôt impossible de collecter d’autres dépouilles ou éléments de preuve.
M. Feltman a ensuite fait savoir que selon les données fournies par les radars, trois autres vols commerciaux se trouvaient dans la même zone de contrôle aérien que le vol MH 17 lorsque celui-ci a été « frappé ». Il a par ailleurs annoncé que l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a l’intention de convoquer une conférence de haut-niveau sur la sécurité aérienne en février 2015.
M. FRANS TIMMERMANS, Ministre des affaires étrangères des Pays-Bas, a dit que son pays ne s’accordera aucun répit tant que les responsables du crime atroce que représente l’attaque contre le vol MH 17, qui a coûté la vie à 298 innocents originaires de 11 pays et de 4 continents, ne seront pas identifiés, arrêtés, poursuivis et condamnés. Il a remercié les pays qui ont soutenu la mise en œuvre de la résolution 2166. Il a regretté que les opérations et les enquêtes qui devaient être conduites sur le site du crash aient dues être suspendues à la suite de la détérioration de la situation sécuritaire le 6 août dernier. La première priorité des Pays-Bas reste de rapatrier les restes des victimes et leurs biens, a insisté M. Timmermans avant de préciser que 225 des 298 victimes ont été identifiées grâce au travail accompli par des experts venant de 11 pays. Il a précisé que le rapport définitif, qui doit être publié à l’été 2015, comprendra un examen plus poussé des circonstances, des éléments preuves et des données recueillis sur l’incident. Il a indiqué que le parquet néerlandais a lancé la plus grande enquête criminelle de son histoire, afin que ceux qui sont responsables de la destruction du vol MH 17 soient poursuivis. Pour garantir les trois dimensions de cette démarche, -enquête, récupération et redevabilité– il faut que les enquêteurs aient accès au site, a insisté M. Timmermans
M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a déclaré que la délégation russe était heureuse de constater que l’on reconnaissait la contribution positive de la population locale à l’enquête menée sur la tragédie du vol MH 17, alors que les miliciens de la région avaient très vite été montrés du doigt par certains acteurs extérieurs et par les autorités de Kiev. Passant au conflit qui perdure dans l’est de l’Ukraine, il a exhorté toutes les parties à observer le cessez-le-feu dans les environs du lieu du crash de l’avion et à fournir, sans poser de condition, un accès au site à l’équipe d’enquête. Le représentant a demandé que le Secrétaire général des Nations Unies mène une évaluation de la situation et a suggéré la création d’un poste de représentant spécial du Secrétaire général sur la question de l’accident survenu au vol de la Malaysia Airlines, afin de garantir une meilleure coopération avec la mission de l’OACI. « Nous regrettons qu’à ce jour, la transparence qui avait été promise sur les conditions et le processus des investigations n’existe toujours pas, et que l’enquête soit menée par un petit nombre de pays qui s’en sont accaparés », a ajouté le représentant de la Fédération de Russie en déplorant qu’il ait fallu attendre la fin du mois d’août pour obtenir les données de vol détenues par le contrôle aérien ukrainien. Il s’est étonné qu’il n’y ait pas d’information concernant la présence de systèmes de défense antiaériens ukrainiens dans la zone au moment de la catastrophe. « On ne comprend pas ce qui empêche aujourd’hui la commission d’enquête d’aller sur place, alors qu’un cessez-le-feu est effectivement en vigueur », a relevé le représentant. Il a dénoncé « une guerre de l’information » qui entoure les faits, et il a appelé les pays qui disposent d’images satellites à les rendre publiques le plus rapidement possible.
Mme JULIE BISHOP, Ministre des affaires étrangères de l’Australie, a appelé « les groupes armés qui contrôlent les lieux où l’avion s’est abîmé à veiller à l’intégrité du site et à permettre aux enquêteurs d’y accéder ». Elle a dit que l’Ukraine avait agi rapidement pour faciliter la tenue de l’enquête, et a ensuite salué le travail « remarquable » accompli par les enquêteurs qui ont pu récupérer les effets personnels des victimes. Elle a regretté que par la suite, la situation sécuritaire se soit dégradée, entravant alors le travail des enquêteurs. Mme Bishop a salué « le leadership fort » dont ont fait preuve les Pays-Bas sur ce dossier. Elle a regretté que le processus d’identification des victimes ait été lent, et a ensuite noté que le rapport préliminaire n’assigne aucun blâme et n’accuse aucune partie. Elle a toutefois indiqué qu’une enquête australienne avait conclu que le vol MH 17 avait été abattu par un missile sol-air, et que le rapport international « contient des éléments qui corroborent cette conclusion ». Mme Bishop s’est ensuite inquiétée du fait que la vie de personnels de l’OSCE ait été mise en danger. Elle a dit que « la situation sur le terrain s’était détériorée en raison de l’appui fourni par la Russie aux groupes armés ».
M. JEAN ASSELBORN, Ministre des affaires étrangères du Luxembourg, a jugé essentiel de poursuivre le travail de rapatriement des dépouilles et d’identification des victimes du vol MH 17 pour permettre aux familles et aux amis de tous ceux qui ont perdu la vie d’avoir une certaine certitude sur le sort de leurs proches. Il a déploré que le travail mené par les enquêteurs sur le site ait dû être suspendu le 6 août en raison de la détérioration de la situation sécuritaire. Il a appelé « les groupes armés qui contrôlent le site de l’accident et la zone environnante » à permettre la reprise de l’enquête « sans délai ». Il s’agit d’une disposition clef de la résolution 2166, a dit M. Asselborn.
Le Ministre luxembourgeois a déclaré que ceux qui ont abattu le vol MH 17, et sont « les responsables de cet acte odieux », devront en répondre, et que cet acte pourrait constituer un crime de guerre. Il a aussi souligné qu’il est urgent de mettre un terme au conflit en Ukraine, s’inquiétant notamment de son bilan « accablant » en termes de pertes en vies humaines. M. Asselborn a estimé que la conclusion, le 5 septembre, d’un « fragile cessez-le-feu », était un pas dans la bonne direction et a dit être encouragé par les mesures concrètes prises par le Président et le Gouvernement de l’Ukraine pour mettre en œuvre les engagements qu’ils ont pris à Minsk. Il a appelé « les groupes armés illégaux à respecter les leurs et à se retirer du territoire de l’Ukraine » comme cela a été convenu à Minsk. Il est essentiel, a-t-il ajouté, que la Russie s’engage de bonne foi pour une solution politique durable.
Mme UCHE JOY OGWU (Nigéria) a estimé que des enquêtes supplémentaires fourniront des informations déterminantes sur la séquence des incidents qui ont mené à la catastrophe du vol MH 17. Elle a appelé toutes les parties à la retenue et à la persévérance afin que le processus d’enquête puisse avancer. C’est ce que la communauté internationale doit aux victimes et à leurs familles, a-t-elle insisté.
M. MARK LYALL GRANT (Royaume-Uni) a indiqué qu’il ne faisait plus aucun doute que l’avion MH 17 avait été abattu par une ogive à fragmentation placée sur un missile sol-air. « Nous savons que quelques secondes avant la catastrophe, un tir de missile a été détecté dans la zone contrôlée par les miliciens pro-russes », a-t-il dit. Il a aussi cité un message publié sur des médias sociaux de militants pro-russes qui se seraient félicités d’avoir abattu un avion. « Nous savons que la Russie a fourni une formation aux miliciens sur l’utilisation de missile sol-air », a annoncé le représentant. « Les accusations de la presse russe, qui prétend que l’Ukraine a une responsabilité, ne tiennent pas la route », a dit le représentant du Royaume-Uni avant de parler de preuves radar qui ne montrent la présence que d’avions commerciaux dans l’espace aérien au moment de la catastrophe. « La version russe est une pure fiction », a estimé le représentant en citant aussi la transcription d’une conversation entre les pilotes du vol MH 17 et les contrôleurs aériens ukrainiens. Contrairement aux affirmations russes, a-t-il estimé, « l’enquête est menée de manière pleinement indépendante ».
M. BARROS MELET (Chili) a jugé indispensable de déterminer quel type de projectile a touché l’avion pour savoir qui sont les responsables de cette attaque. Il a souhaité qu’aucune amnistie ne puisse couvrir les responsables de cette catastrophe, avant d’appeler les parties en conflit à garantir aux enquêteurs un accès sans limite au site du crash.
Mme DINA KAWAR (Jordanie) a souligné la nécessité de poursuivre l’enquête sur les causes et les circonstances de la tragédie survenue au vol MH 17 afin de préparer le rapport définitif. Elle a appelé toutes les parties à coopérer à cette fin afin d’identifier les responsables de l’attaque lancée contre l’avion. Elle a également souligné l’importance que revêt l’enquête pour l’aviation civile, et a mis en garde contre toute tentative de politisation ou de manipulation des investigations. La représentante s’est ensuite félicitée de la conclusion du cessez-le-feu, le 5 septembre dernier, et a appelé tous les groupes armés à le maintenir. Une solution militaire ne permettra pas de déboucher sur la paix et la sécurité, a-t-elle averti. Elle a ensuite appelé le Gouvernement ukrainien à trouver une solution durable à la crise qui satisfasse les intérêts de toutes les communautés.
M. ALEXIS LAMEK (France) a estimé que les conclusions du rapport préliminaire sur l’accident du vol MH 17 sont graves. La commission d’enquête exclut l’hypothèse d’une erreur technique et pointe clairement le doigt vers l’hypothèse d’une destruction du vol MH 17 par un missile sol-air, « confirmant les pires craintes qui avaient été exprimées devant ce Conseil », a dit M. Lamek. Les séparatistes n’ont pas coopéré avec les autorités ukrainiennes en ce qui concerne les recherches, car ils n’ont pas accordé un accès sûr, immédiat et plein aux enquêteurs, a-t-il regretté. Ce manque de coopération parle davantage que tous les discours de propagande des séparatistes et de leurs soutiens, a affirmé le représentant.
M. Lamek a déclaré que remettre en cause la qualité du travail accompli par les enquêteurs et les conclusions du rapport préliminaire « serait revenir aux méthodes d’un temps que nous espérions révolu ». Il a appelé au respect du cessez-le-feu du 5 septembre et a souligné que pour parvenir à une solution à long terme, les discussions au sein du groupe de contact doivent se poursuivre. Le règlement du conflit ne peut passer que par l’arrêt, par la Fédération de Russie, de ses livraisons d’armes aux séparatistes; par l’établissement d’un cessez-le-feu durable et vérifié; et par le contrôle de la frontière et la poursuite du dialogue politique, a par ailleurs souligné M. Lamek.
Mme PAIK JI-AH (République de Corée) a déclaré qu’il est nécessaire que les enquêteurs puissent de nouveau avoir accès au site du crash du vol MH 17. Évoquant les élections prévues au mois d’octobre en Ukraine, elle a insisté sur la nécessité de lancer un processus politique inclusif dans ce pays. Elle a salué les dispositions prises par le Gouvernement ukrainien pour mettre en œuvre les engagements pris à Minsk, notamment les mesures destinées à assurer une plus grande autonomie aux régions de l’est.
M. MARIO OYARZÁBAL (Argentine) a jugé qu’il est important de préciser dans le rapport que des poursuites pénales sont possibles contre les auteurs du crash du vol MH 17. Il a dit qu’il faut garantir aux enquêteurs un accès total au site de l’accident et a souligné qu’une solution pacifique doit être trouvée à la crise en Ukraine. Le représentant a indiqué que sa délégation était préoccupée par la fragilité du cessez-le-feu. La seule solution possible à ce conflit est celle qui sera obtenue par le biais du dialogue en évitant toute ingérence dans les affaires intérieures de l’Ukraine, a-t-il insisté.
M. BANTE MANGARAL(Tchad) a salué le processus de recherche et d’identification des dépouilles des victimes du crash du vol MH 17. Il a encouragé la poursuite des recherches pour recueillir des preuves suffisantes contre les responsables de l’attaque et pour déterminer les éventuels dédommagements à verser aux familles des victimes. Le représentant a regretté que le cessez-le-feu soit quotidiennement violé sur le terrain, et a déploré le nombre de victimes civiles. Il s’est félicité de la proposition du Président ukrainien d’offrir un statut d’autonomie aux régions de Donetsk et Lougansk.
Mme RAIMONDA MURMOKAITÉ (Lituanie) a indiqué que lors d’une mission menée au mois d’août, les membres du Conseil de sécurité avaient eu l’occasion de visiter le mémorial temporaire érigé à l’aéroport Schiphol d’Amsterdam pour honorer la mémoire des victimes du crash du vol MH 17. Elle a déclaré l’opposition de sa délégation à toute tentative d’interférence dans le déroulement de l’enquête et s’est inquiétée que les enquêteurs n’aient eu qu’un accès intermittent au lieu du sinistre. La représentante a dit « qu’alors que certains s’efforcent de mettre en doute l’intégrité de l’enquête préliminaire, l’invasion insidieuse de l’Ukraine se poursuit ». Plus de 400 violations du cessez-le-feu ont été répertoriées depuis son entrée en vigueur, a-t-elle estimé.
Elle a déclaré qu’un « deuxième convoi humanitaire russe composé de 200 camions avait traversé la frontière ukrainienne sous le couvert de la nuit et sans le consentement de l’Ukraine », et « qu’un troisième convoi de ce type est actuellement en route pour ce pays, toujours sans le consentement de son gouvernement ». La représentante a aussi affirmé que « la frontière russe est totalement ouverte aux flux de mercenaires, d’armes et d’artillerie lourde ». Elle a annoncé que « 12 000 Cosaques s’étaient portés volontaires pour rejoindre les forces de la République populaire de Lugansk », et s’est alarmée « de la création, dans le Donbass, d’une armée unifiée de Novorossiya ».
La représentante de la Lituanie s’est aussi inquiétée de « la détérioration de la situation des Tatars de Crimée » qui, a-t-elle affirmé, « sont de plus en plus fréquemment persécutés ». « Plus de 17 000 d’entre eux ont été déplacés depuis l’annexion du territoire », a-t-elle notamment annoncé. Selon la déléguée, une « guerre non déclarée contre l’État souverain de l’Ukraine » est à l’origine de la tragédie du vol MH 17. La responsabilité ultime de cette tragédie, a-t-elle affirmé, incombe « à ceux qui, poussés par l’ambition dangereuse de retracer les frontières de l’Europe moderne », continuent d’alimenter la guerre en dépit du cessez-le-feu.
M. WANG MIN (Chine) a insisté qu’il est nécessaire de veiller à ce que l’impartialité et la crédibilité de l’enquête soient assurées et de créer sur le terrain les conditions qui permettent aux enquêteurs d’effectuer leur travail. Le représentant a souligné qu’il est essentiel que soient mis en œuvre les engagements qui ont été pris à Minsk, et il a salué l’adoption récente, par le Gouvernement ukrainien, d’une loi qui confère un statut spécial aux régions de l’est de l’Ukraine. Il est absolument indispensable de lancer un dialogue politique inclusif dès que possible en Ukraine, a-t-il préconisé.
M. OLIVIER NDUHUNGIREHE (Rwanda) a déploré que deux mois après la catastrophe, tous les restes des victimes du crash du vol MH 17 n’ont toujours pas pu être récupérés. Il est important qu’une enquête criminelle soit menée rapidement afin d’identifier les auteurs de ce crime, a-t-il insisté. Il a salué le lancement d’une enquête criminelle par le parquet des Pays-Bas, en collaboration avec les parquets des autres pays touchés. Il a regretté les informations faisant état de violations du cessez-le-feu dans l’est de l’Ukraine en notant que la vie d’observateurs de l’OSCE a été mise en danger par des tirs croisés échangés entre belligérants.
Mme SAMANTHA POWER (États-Unis) a dit que les conclusions de l’enquête présentées le 9 septembre confirment que l’avion a été abattu par un objet extérieur. Alors que la Russie « prétend que l’avion aurait pu être abattu par un avion ukrainien », a dit la représentante des États-Unis, « il n’y avait que des vols commerciaux dans l’espace aérien de la zone au moment de la catastrophe ». Elle a dénoncé « la fiction propagée par la Russie » en rappelant que « les miliciens appuyés par la Russie ont interdit l’accès du site pendant de nombreux jours ». Le moment est venu de révéler les faits, aussi inconfortables soient-ils, a-t-elle insisté.
« Si la Russie a des preuves, elle a la responsabilité de les partager », a dit la représentante des États-Unis avant d’appeler la Fédération de Russie « à respecter l’accord de Minsk et à permettre la désescalade ». L’intégrité territoriale de l’Ukraine n’est pas négociable, a-t-elle dit. Elle a exhorté la Fédération de Russie « à retirer ses forces et matériels de l’Ukraine, y compris de la Crimée ».
M. DATO SRI ANIFAH AMAN, Ministre des affaires étrangères de la Malaisie, a salué la conclusion du cessez-le-feu du 5 septembre et a appelé les parties à faire preuve de la plus haute retenue pour éviter une escalade du conflit. Il a souligné que le maintien du cessez-le-feu est essentiel pour le déroulement de l’enquête portant sur l’incident dont a été victime le vol MH 17 de la Malaysia Airlines. Le Ministre a regretté qu’un accès libre et sans entraves aux lieux du sinistre n’ait toujours pas été accordé aux enquêteurs. Il a ensuite fait savoir que les dépouilles de 225 des 298 victimes avaient été identifiées. Sur les 43 victimes malaisiennes, 40 ont pu être identifiées et 35 d’entre elles ont été rapatriées, a-t-il précisé.
M. Anifah Aman a ensuite souligné que le rapport préliminaire indique que le vol MH 17 se trouvait dans une zone aérienne libre, que l’appareil respectait la trajectoire et le couloir aérien qui lui avaient été assignés et volait à l’altitude que lui avait prescrite les autorités de contrôle du trafic aérien de l’Ukraine. Il a fait savoir que la Malaisie avait dépêché, la semaine dernière, en Ukraine, en Fédération de Russie et aux Pays-Bas, une délégation de haut niveau conduite par son Ministre de la défense, dans le but d’envisager par quels moyens permettre aux enquêteurs de travailler sans entraves. Il a indiqué que la Malaisie avait obtenu l’engagement renouvelé de l’Ukraine et de la Fédération de Russie que l’accès des enquêteurs aux lieux du sinistre leur serait facilité. Le Ministre des affaires étrangères de la Malaisie a souligné que le facteur temps est essentiel, l’approche de l’hiver risquant de gravement entraver les efforts des enquêteurs.
M. YURIY A. SERGEYEV (Ukraine) a souhaité que les responsables de la tragédie soient identifiés et traduits en justice. Il a souligné que les autorités ukrainiennes avaient donné aux enquêteurs l’appui nécessaire à la conduite de leur travail. Il a dit que « contrairement à ce qu’affirme la Fédération de Russie », une semaine après l’accident, le 23 juillet, « un groupe d’experts avait présenté la transcription des conversations entre le cockpit et le centre de contrôle aérien, et que l’Ukraine avait transmis l’enregistrement des conversations qui ont eu lieu entre les membres de l’équipage et le centre de contrôle aérien ukrainien. Il a dénoncé les actions des séparatistes « qui ont entravé l’accès des enquêteurs sur le lieu du sinistre » et qui, a-t-il affirmé, « en ont retiré des éléments de preuves ». L’Ukraine estime que l’avion a été abattu par un missile sol-air russe tiré par les forces pro-russes, a dit le représentant.
Il a également affirmé que « les militants pro-russes avaient récemment reçu des équipements capables d’abattre des cibles situées à 15 000 mètres d’altitude ». La Fédération de Russie semble n’avoir tiré aucune leçon de la destruction du vol MH 17, a dit le représentant. Il a aussi dénoncé le fait que « la Fédération de Russie n’avait mis en œuvre aucune des dispositions du protocole de Minsk et que le cessez-le-feu du 5 septembre avait été violé à 480 reprises par les rebelles ». Il a appelé la Fédération de Russie et les autres parties à honorer les engagements pris.
M. MICHAEL GRANT (Canada) a indiqué qu’il n’y a plus de doute aujourd’hui que le vol MH 17 a été abattu par un missile, avant de dénoncer « le comportement irresponsable de la Russie en Ukraine ». Il a souhaité que la Fédération de Russie et les insurgés « commencent à agir de bonne foi » et a exhorté la « Russie à permettre le plein accès au site du crash ».
M. HEIKO THOMS (Allemagne) a jugé scandaleux que les enquêtes et le rapatriement des restes humains de l’accident survenu au vol MH 17 « soient toujours entravés ». Il a appelé à la mise en place d’un processus politique capable de mettre fin au conflit. Il a jugé urgent de sécuriser la frontière entre la Russie et l’Ukraine et d’assurer « la réintégration de toutes les zones contrôlées par les miliciens, y compris la Crimée, sous la responsabilité de l’Ukraine ».
M. DESRA PERCAYA (Indonésie) a appelé le Conseil de sécurité à continuer de manifester son ferme engagement en faveur de la mise en œuvre de la résolution 2166. Il a pris note des conclusions du rapport préliminaire d’enquête, qui indique notamment que le vol MH 17 se trouvait dans un espace aérien libre et n’avait aucun problème technique. Il a appuyé l’intention du Bureau de sécurité néerlandais de mener une enquête supplémentaire. Le représentant a insisté sur la nécessité de mener une enquête transparente et impartiale et a souligné que les enquêteurs doivent bénéficier d’un accès immédiat et sans entrave aux lieux du sinistre. Il faut également assurer la sureté et la sécurité de l’équipe d’enquête, a-t-il ajouté.
Droits de réponse
Réagissant aux attaques dont a été l’objet son pays de la part de certaines délégations, le représentant de la Fédération de Russie a dénoncé les « étranges déclarations » du représentant ukrainien, qui a prétendu que les miliciens auraient essayé de détruire ou cacher des éléments de preuves concernant l’accident survenu au vol MH 17, et celles de la représentante des États-Unis qui a prétendu que des miliciens « ont indiqué que Moscou souhaitait récupérer les boites noires ». Il a souhaité remercier les miliciens qui ont su préserver la boite noire afin qu’elle soit remise à la communauté internationale. Il a dit que deux tirs de missiles ont été détectés provenant de positions ukrainiennes. Nous n’avons jamais accusé personne, mais nous posons des questions, a insisté le représentant russe avant de préciser que le rapport ne dit pas qu’il n’y avait pas d’avions militaires présents dans le ciel de la région au moment des faits. Il a souhaité que l’on mette un terme aux insinuations et que l’on se concentre sur l’enquête plutôt que sur des interprétations fallacieuses sur les origines du conflit en Ukraine.
« La Russie se bat en Ukraine, la Russie a fourni de l’artillerie et des missiles sol-air aux séparatistes, elle a formé les séparatistes et a envoyé des troupes en Ukraine », a dit la représentante des États-Unis en intervenant dans le cadre des droits de réponse. Elle a dit que la Fédération de Russie est mal placée pour donner des conseils sur le déroulement de l’enquête, car elle n’a aucune crédibilité.
Le représentant de la Fédération de Russie a répondu à la représentante américaine que même si elle était aujourd’hui assise sur le siège de la présidence du Conseil de sécurité, cela ne lui donne aucun droit de juger la Fédération de Russie. « Vous essayez de noyer le poisson. Ce que vous venez de dire n’a aucun rapport avec l’enquête sur le vol MH 17 », a-t-il lancé à la représentante.
Le représentant du Royaume-Uni a déclaré que sur le dossier ukrainien, la Fédération de Russie avait fait de nombreuses déclarations devant le Conseil de sécurité qui se sont ensuite « révélées fausses », à commencer par les affirmations du représentant russe selon lesquelles aucune force russe ne se trouvait en Crimée juste avant l’annexion de ce territoire. Le représentant du Royaume-Uni a aussi commenté le fait que le 10 septembre, son homologue russe avait affirmé à la presse qu’il n’y a pas eu de véritable enquête sur le crash du vol MH 17. C’était une tentative de saper le processus d’enquête, a dit le représentant britannique.
La représentante de la Lituanie a dit que tous les pays qui comptent des ressortissants parmi les victimes du crash avaient fait part de l’appui qu’ils apportent à l’enquête et que la Fédération de Russie est sans doute seule à contester ouvertement la crédibilité du processus.
« Lorsqu’on se sait coupable on n’est jamais tranquille », a dit le représentant de l’Ukraine en estimant que la demande de la tenue de cette réunion, faite par la Fédération de Russie, correspondait à « cette vieille rhétorique russe consistant à nier toute responsabilité ».
Le représentant du Royaume-Uni a déclaré que l’histoire des débats du Conseil de sécurité sur le conflit en Ukraine a montré que l’Ambassadeur de la Fédération de Russe a toujours prétendu que la Russie ne fournissait pas d’armes aux insurgés, qu’elle ne les formait pas et qu’elle n’avait pas de soldats en Ukraine. En fait ce sont des mensonges, a dit le représentant.
Notant qu’aucun des pays affectés par la catastrophe n’a évoqué le moindre doute concernant le processus d’enquête, la représentante de la Lituanie s’est dite surprise des doutes exprimés par la Fédération de Russie, en estimant que ces doutes et la démarche russe représentaient une insulte pour la mémoire des victimes.
Reprenant la parole, le représentant de la Fédération de Russie a déploré les propos tenus par la représentante de la Lituanie qui a déclaré que la démarche russe représentait une insulte pour la mémoire des victimes. Réagissant aux déclarations du représentant du Royaume-Uni, il a demandé qu’il fournisse les documents transcrits qui donneraient la preuve que sa délégation avait menti lors des réunions du Conseil de sécurité.
Nonobstant les interprétations des différentes parties, la Ministre des affaires étrangères de l’Australie, a rappelé au représentant russe que son pays avait le pouvoir de « rappeler les séparatistes afin que nous ayons accès au site et que nous puissions reprendre les enquêtes ».
Réagissant à ces propos, le représentant russe a dit qu’aucune sécurisation du site ne sera possible tant que les troupes du régime de Kiev continuent de tirer sur cette zone.