Conseil de sécurité: Valerie Amos dénonce les restrictions « arbitraires » imposées à la livraison de l’aide humanitaire en Syrie par le Gouvernement
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Conseil de sécurité
7212e séance – matin
CONSEIL DE SÉCURITÉ: VALERIE AMOS DÉNONCE LES RESTRICTIONS « ARBITRAIRES » IMPOSÉES À LA LIVRAISON DE L’AIDE HUMANITAIRE EN SYRIE PAR LE GOUVERNEMENT
Le représentant de la Syrie rejette le rapport sur la situation humanitaire et dénonce la politique du « deux poids, deux mesures » menée contre le Gouvernement syrien à travers l’ONU.
La Secrétaire générale adjointe aux affaires humanitaires et Coordonnatrice des secours d’urgence du système de l’ONU, Mme Valerie Amos, a longuement dénoncé, ce matin, devant le Conseil de sécurité les « restrictions et des obstructions arbitraires » imposées par le Gouvernement de la Syrie à la livraison de l’aide humanitaire dans le pays.
Venue présenter le rapport* du Secrétaire général sur l’application de la résolution 2139, Mme Amos s’est également alarmée du fait que le nombre de personnes nécessitant une aide humanitaire en Syrie était passé d’un million en 2011 à 10,8 millions aujourd’hui, dont un million et demi de personnes supplémentaires rien qu’au cours des six derniers mois.
Le Représentant permanent de la République arabe syrienne auprès des Nations Unies, M. Bashar Ja’afari, a pour sa part accusé Mme Amos de présenter au Conseil de sécurité un rapport contenant des « chiffres gonflés » et des données manipulées en matière d’aide humanitaire en Syrie. M. Ja’afari a également dénoncé le fait que ce document n’aborde pas la question de la présence de combattants étrangers en Syrie, et ne parle pas des actes qu’ils commettent contre la population, faisant notamment observer que l’émergence de cette situation et l’escalade du terrorisme en Syrie, qui a des graves conséquences sur le plan humanitaire, sont le fait de groupes terroristes.
Adoptée le 22 février 2014, la résolution 2139, qui porte sur l’accès humanitaire en Syrie, engage toutes les parties au conflit syrien de « lever immédiatement le siège des zones peuplées » à travers le pays. Par ce texte, le Conseil de sécurité exige aussi que toutes les parties autorisent l’acheminement de l’aide humanitaire, y compris l’aide médicale, et permettent l’évacuation rapide, en toute sécurité et sans entrave, de tous les civils qui souhaitent partir.
Dans son intervention, Mme Amos a indiqué que la violence contre les civils, qui vient de toutes les parties au conflit en Syrie, continue sans relâche avec des « conséquences catastrophiques » pour les personnes touchées. Elle a signalé que les exemples d’attaques ciblées et indiscriminées à l’encontre de zones à importante densité de peuplement abondent. Mme Amos a notamment dénoncé l’attaque qui a eu lieu le 18 juin contre un camp de personnes déplacées à proximité de la frontière avec la Jordanie et qui a fait des dizaines de morts.
Ce matin même, a-t-elle enchainé, au moins 17 civils auraient été tués à Alep, et plus de 30 autres blessés lorsque des bombes en tonneau ont été larguées sur la place Halawaniyeh. Au moins une quinzaine d’autres personnes auraient aussi été tuées ce matin à la suite de frappes visant plusieurs cibles à Ar-Raqqa, dont un centre éducatif et une bibliothèque. Mme Amos a également signalé que 241 000 personnes continuent de vivre dans des conditions de siège et que seulement 1% d’entre elles ont pu obtenir une aide alimentaire. Un tel niveau d’obstruction, a-t-elle dénoncé, est inhumain.
Mme Amos a ensuite indiqué que le 21 juin, un cessez-le-feu avait été conclu à Yarmouk, mais que l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) ne s’était pas vu accorder un rôle de surveillance. L’Office, a-t-elle indiqué, cherche à obtenir l’appui de toutes les parties pour obtenir un accès sans entrave au camp. Elle a aussi signalé que ces dernières semaines, les attaques perpétrées par des groupes armés de l’opposition contre des infrastructures civiles avaient augmenté, endommageant de manière significative les systèmes d’approvisionnement en eau et en électricité ainsi que d’évacuation des eaux usées à Alep, Idleb et Deir-ez-Zor. À Alep, au moins un million de personnes n’ont pas accès à l’eau potable, s’est-elle notamment inquiétée.
La Secrétaire générale adjointe a poursuivi son intervention en signalant que le nombre de personnes nécessitant une aide humanitaire en Syrie était passé d’un million en 2011 à 10,8 millions aujourd’hui. Sur ce chiffre, un million et demi de personnes sont venues joindre les rangs des nécessiteux rien qu’au cours des six derniers mois, a-t-elle précisé. Quatre millions sept cent mille personnes se trouvent dans des zones difficiles d’accès, soit une augmentation de 1,2 million depuis l’adoption de la résolution 2139 en février, a-t-elle indiqué. Mme Amos a rapporté que des travailleurs humanitaires avaient été déployés dans des zones difficiles et dangereuses pour négocier l’accès aux personnes dans le besoin et la livraison de l’aide. Plus de 60 de ces travailleurs humanitaires ont perdu la vie dans l’exercice de leurs fonctions, a-t-elle dénoncé. « Malgré tous ces efforts, en quatre ans de guerre, nous sommes incapables d’atteindre près de la moitié des personnes qui se trouvent dans les situations les plus désespérées », s’est-elle notamment alarmée.
Mme Amos a ensuite signalé que des « restrictions et des obstructions arbitraires » imposées par le Gouvernement syrien limitent ou entravent la livraison de l’aide humanitaire. Certains groupes de l’opposition ont également attaqué, menacé ou refusé de coopérer avec des travailleurs humanitaires, s’est-elle inquiétée. La Secrétaire générale adjointe a aussi signalé que les nouvelles procédures s’appliquant au scellement des camions d’aide, introduites par le Gouvernement syrien au mois d’avril pour assurer le passage des livraisons de biens d’assistance, avaient été mal mises en œuvre, ce qui a provoqué d’importants retards. On peine toujours à rétablir les niveaux de livraison précédents, a-t-elle signalé. Le 9 juin, a ajouté Mme Amos, le Gouvernement syrien a réclamé la présentation d’un plan de livraison mensuel et d’un plan de chargement hebdomadaire. De nouvelles procédures pour la livraison de l’aide dans des zones difficiles d’accès nécessitent trois niveaux d’accord et sapent les accords précédents, s’est-elle inquiétée. « Je peine à décrire la frustration ressentie par des travailleurs humanitaires expérimentés, qui passent d’innombrables heures pour tenter de conclure des accords afin de pouvoir fournir une aide à des personnes dont la vie est en jeu », a fait savoir la Secrétaire générale adjointe.
Mme Amos s’est également inquiétée du fait que le Gouvernement continue d’interdire l’inclusion de matériel médical dans les convois à destination de zones contrôlées par l’opposition. Ce déni délibéré de médicaments et d’équipements médicaux essentiels sape la base même de l’action humanitaire, a-t-elle déploré. Elle a aussi dénoncé le fait que la proposition d’amendement du Mémorandum d’accord sur le travail des ONG, qui a été présentée au Gouvernement syrien le 26 février, demeure lettre morte.
La Secrétaire générale adjointe a indiqué que l’ONU et ses partenaires sont prêts à augmenter l’étendue de leurs opérations dans le pays en dépit de l’environnement opérationnel dangereux qui y prévaut. Près de 3,3 millions de personnes ont obtenu une aide alimentaire du Programme alimentaire mondial (PAM), et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) a pu distribuer des tablettes de chlore à 16 millions de personnes. 2,9 millions d’enfants ont été vaccinés contre la polio lors de la dernière campagne de vaccination, a-t-elle dit. Cependant, s’est-elle inquiétée, les besoins continuent de dépasser de loin la réponse que pouvons apporter, et nous sommes toujours dans l’incapacité de venir en aide à 4,7 millions de personnes qui se trouvent dans des zones difficiles d’accès. Mme Amos a jugé nécessaire de renforcer les livraisons transfrontalières, expliquant notamment qu’environ 1,3 million de personnes pourraient être atteintes par l’intermédiaire de points de passage frontaliers avec la Turquie, la Jordanie et l’Iraq.
Prenant la parole après cette présentation de la Coordonnatrice des affaires humanitaires, le Représentant de la République arabe syrienne a estimé que Mme Amos avait fait un exposé partiel de la situation humanitaire en Syrie. Il a jugé « scandaleuses » certaines parties du rapport, comme par exemple le paragraphe 3, qui parle des « combats entre les groupes d’opposition armés et les forces extrémistes », ou le paragraphe 7, qui dit que « les combats entre groupes d’opposition se sont intensifiés » et que « l’État islamique d’Iraq et du Cham a gagné du terrain dans l’est de la province ».
Il a trouvé scandaleux qu’un rapport officiel de l’ONU fasse référence à certaines organisations que le Conseil a rangées dans la catégorie « terroriste » en les décrivant comme des « groupes armés de l’opposition ». Il a, de plus, remarqué que la Secrétaire générale adjointe utilise les mêmes expressions, malgré les messages et les représentations faites auprès du Secrétaire général par sa délégation, qui a souligné qu’elle était contre l’utilisation de ces termes et de ce genre de langage. Il a demandé à Mme Amos d’expliquer pourquoi son rapport ne fait pas référence à la présence en Syrie d’entités terroristes affiliées à Al-Qaida.
M. Ja’afari a estimé, par ailleurs, que le rapport contient des données et des chiffres délibérément gonflés et exagérés. « Le nombre de personnes dans le besoin aurait augmenté de 1,5 million, et le nombre de personnes dans les régions difficiles à atteindre de 1,2 million », s’est-il étonné, citant la déclaration de Mme Amos. Le rapport, a-t-il observé, ne dit pas comment ses auteurs sont parvenus à ces « chiffres gonflés ». Il a indiqué avoir exprimé le mécontentent de sa délégation sur la façon superficielle dont les chiffres sont présentés sans être étayés. Cette présentation est malhonnête, au moment où on envisage d’adopter un projet de résolution humanitaire, a accusé le représentant.
M. Ja’afari a ensuite observé que les élections qui ont eu lieu en Syrie ne vont pas à l’encontre, mais sont au contraire dans le sens du Communiqué de Genève. Il a aussi noté que les Nations Unies ne sont toujours pas en mesure de présenter des informations corroborées et fiables sur la présence de combattants étrangers en Syrie. Il s’est dit surpris que le rapport ignore l’émergence de cette situation et l’escalade du terrorisme en Syrie, qui a de graves conséquences sur le plan humanitaire. Ceux qui ont préparé ce rapport auraient mieux fait d’y parler des États et de tous « ceux qui soutiennent l’insurrection terroriste en Syrie, y compris l’Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie », a accusé le représentant.
M. Ja’afari a dénoncé la politique du « deux poids, deux mesures », « délibérément appliquée par le Secrétariat de l’ONU à l’égard de la Syrie ». Il a aussi dénoncé les sommes considérables dépensées en faveur du soutien aux terroristes en Syrie, alors qu’il y aurait tout intérêt à les affecter à la réponse humanitaire. Il a rappelé, à cet égard, que l’appel humanitaire de 2014 n’a été financé qu’à hauteur de 29%. « Le New York Times disait hier que la Turquie paie un prix élevé pour la politique qu’elle a menée en Syrie », a-t-il dit.
Le Gouvernement syrien fournit environ 75% de l’assistance humanitaire en Syrie, a indiqué M. Ja’afari, précisant que des convois d’assistance sont organisés pour assurer la fourniture de l’aide à la population dans les meilleurs délais. Il a indiqué que le Haut-Commissariat pour les réfugiés avait ouvert un bureau dans une province de la Syrie, ce qui a permis la livraison de l’aide humanitaire dans certaines régions, dont celles de Damas et Alep. En outre, il a cité le rapport du Programme alimentaire mondial (PAM) selon lequel il y a eu de nettes améliorations dans l’accès aux zones particulièrement troublées. « Si Mme Amos a parlé des vaccins et aliments fournis à la population dans le besoin, elle n’a pas précisé si cela s’était fait avec ou sans l’aide du Gouvernement syrien », a-t-il regretté. M. Ja’afari a d’autre part fait remarquer que le rapport omet en outre de mentionner que les autorités turques ont empêché le passage de l’aide humanitaire aux points de passage où, curieusement, elles laissent pourtant passer les terroristes.
Le représentant syrien a conclu son intervention en saluant l’implication positive des Nations Unies qui, d’une certaine manière, contribue à améliorer la situation humanitaire en Syrie. Il a toutefois rejeté l’utilisation et la manipulation des Nations Unies par certains États, ce qui va à l’encontre de certains principes de la Charte. Il a refusé en particulier que l’on se serve de l’ONU pour cibler certains États Membres. Les situations en Libye et en Iraq avaient fait l’objet d’un examen facile, a-t-il rappelé, en comparant ces processus avec celui mené quand son pays est concerné.
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