Le général Babacar Gaye prévient que la réponse à la crise en République centrafricaine exige qu’on consacre du temps et des ressources suffisantes à ce pays
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Conseil de sécurité
7206e séance – après-midi
LE GÉNÉRAL BABACAR GAYE PRÉVIENT QUE LA RÉPONSE À LA CRISE EN RÉPUBLIQUE CENTRAFRICAINE EXIGE QU’ON CONSACRE DU TEMPS ET DES RESSOURCES SUFFISANTES À CE PAYS
S’exprimant par vidéoconférence depuis Bangui, capitale de la République centrafricaine, le général de corps d’armée Babacar Gaye, Représentant spécial du Secrétaire général en République centrafricaine (RCA), a présenté au Conseil de sécurité, cet après-midi, la situation sécuritaire tendue prévalant dans la capitale et à l’intérieur du pays. Cette situation a besoin d’un engagement continu de la communauté internationale et des forces de la région en particulier, a dit le général Gaye. Face à la complexité de la situation, il a prévenu qu’il fallait consacrer du temps et des ressources pour y faire face.
La Ministre de la santé publique, des affaires sociales, du genre et de l’action humanitaire de la République centrafricaine, Mme Marguerite-Marie Maliavo-Samba, a participé à cette séance de travail du Conseil de sécurité pour solliciter de la communauté internationale un appui qui permettrait à son pays de poursuivre les criminels et les auteurs des violations des droits de l’homme. Présente également à cette réunion, la Directrice exécutive d’ONU-Femmes, Mme Phumzile Mlambo-Ngcuka, a déploré les souffrances particulières dont sont victimes les femmes dans les circonstances actuelles en RCA, et a proposé de déployer des enquêteurs spécialisés sur les questions relatives au genre.
Le général Babacar Gaye, qui est aussi Chef de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), a expliqué que la récente attaque lancée contre l’église Notre-Dame de Fatima, qui a fait 11 morts à Bangui le 28 mai, illustre non seulement la dangereuse spirale d’attaques et de représailles en cours, mais aussi une radicalisation des deux parties au conflit. Cette attaque a fait suite à un incident au cours duquel trois jeunes musulmans ont été sauvagement assassinés alors qu’ils se rendaient à un match de football, a-t-il précisé.
Il a dit que la spirale de violence et de représailles concernait également l’intérieur du pays, l’ouest et le centre en particulier. Dans le nord-ouest, le long de la frontière avec le Tchad, il y aurait de plus en plus d’attaques de villages menées par les ex-Séléka et des groupes peulhs (Mbororo), a-t-il dit. Il s’agit, a-t-il estimé, d’une tentative des ex-Séléka d’étendre leur zone de contrôle vers l’ouest, alors qu’au même moment les milices antibalaka renforcent leur présence dans ces mêmes zones.
Le général Gaye a précisé que les forces de la Mission de soutien à la Centrafrique (MISCA) et de l’opération Sangaris avaient été déployées à Bambari où les ex-Séléka ont installé leur centre de commandement. Dix-huit personnes auraient été tuées hier à Bambari, dont trois enfants et une femme, lors d’une attaque menée par des antibalaka contre des Peuhls. En représailles, les ex-Séléka ont tués huit personnes et ont blessé quatre autres, a indiqué le général Gaye. Il a précisé que 129 civils ont trouvé refuge à la base de la MISCA, parmi lesquels 58 ont été transférés vers la base de la MINUSCA.
Les quelques communautés musulmanes qui restent à Bangui sont confinées dans leurs quartiers, notamment le quartier PK5, a indiqué le Représentant spécial. Il a également cité des informations indiquant que les antibalaka s’attaquent aussi à des non-musulmans suspectés d’aider des populations musulmanes en leur fournissant de la nourriture et d’autres services. Des éléments des Forces armées centrafricaines (FACA) seraient impliqués dans ces incidents aux côtés des antibalaka. Environ 20 000 personnes issues de communautés minoritaires sont coincées dans 16 lieux différents, a dit le général Gaye.
Alors que la MISCA et l’opération Sangaris font tout ce qui est en leur pouvoir pour stabiliser la situation et protéger les civils, l’EUFOR-RCA, la force de l’Union européenne, a atteint sa pleine capacité opérationnelle et garantit la sécurité à l’aéroport de Bangui ainsi que dans les troisième et cinquième arrondissements de la ville de Bangui. Le Représentant spécial a souligné la nécessité urgente de renforcer les capacités de la MISCA et de fournir une réponse efficace en matière de protection des civils.
Le Chef de la MINUSCA a ensuite indiqué que les violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire sont le fait de tous les groupes armés et de nombreux civils. Plus d’un demi-million de personnes sont déplacées, dont 370 000 ont traversé les frontières centrafricaines. Il a dit que la moitié de la population de la Centrafrique avait besoin d’assistance humanitaire.
Au niveau politique, il a souligné la difficulté à laquelle fait face le Gouvernement quand il s’agit de gouverner sans en avoir les forces et les moyens financiers nécessaires. De plus, l’élite politique est divisée. Pour parvenir à une sécurité durable, le désarmement et un dialogue politique inclusif sont des étapes essentielles, a dit le général Gaye en estimant que le récent séminaire facilité par le Centre du dialogue humanitaire, ainsi que l’initiative de dialogue d’une ONG locale, montrent que de nombreux habitants veulent pouvoir discuter.
Sur la base de consultations avec des acteurs régionaux clefs, dont le médiateur, le Président Sassou Nguesso, de la République du Congo, et de représentants de la présidence de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC), le Président Idriss Déby Itno, du Tchad, et d’acteurs nationaux, nous sommes persuadés du besoin immédiat d’appuyer un processus de négociation inclusif, a dit le Chef de la MINUSCA.
Intervenant à son tour, Mme Phumzile Mlambo-Ngcuka, Directrice exécutive d’ONU-Femmes, a indiqué s’être rendue à Bangui, il y a un mois, dans le cadre de la première mission conjointe d’ONU-Femmes et de l’Envoyé spécial de l’Union africaine pour les femmes, la paix et la sécurité. L’objectif de cette visite était de donner de la visibilité au sort des femmes et des filles, de s’assurer que les questions d’égalité soient traitées dès le départ dans les missions des Nations Unies, et de promouvoir la participation des femmes à la réconciliation nationale.
« Ce que nous avons vu dans les camps de déplacés est désespérant », a dit la responsable d’ONU-Femmes en se disant désolée par les conditions de vie inhumaines imposées aux populations. Elle a aussi déploré les actes de viols, d’esclavage sexuel, et les mariages forcés qui auraient été commis par des personnes armées, comme cela a été établi par la mission d’établissement des faits du Bureau du Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Elle a ajouté que 90% des sites de personnes déplacées ne disposent pas de services médicaux et psychologiques pour les survivants de violence sexiste. Il y a en outre un nombre impressionnant de femmes enceintes qui n’ont pas d’accès aux soins de santé reproductive et obstétriques.
Elle a ensuite parlé des conséquences des destructions d’infrastructures telles que les écoles, les marchés, les centres de santé et les tribunaux. Près des deux tiers des écoles en RCA sont toujours fermées, a-t-elle précisé. Elle a aussi constaté le fardeau que représentent les réfugiés centrafricains pour les pays voisins de la RCA, comme le Cameroun, qui accueille 100 000 nouveaux réfugiés, dont 84% sont des femmes. Or la communauté internationale n’a, à ce jour, financé que moins du tiers du montant attendu au titre de l’appel humanitaire, a-t-elle regretté.
D’un autre côté, la Directrice exécutive d’ONU-Femmes a salué la résilience de la population qui s’organise pour survivre. « Les femmes, en particulier, ont des idées et du courage à revendre. » Elle a souligné l’importance du soutien apporté aux organisations de femmes, avertissant que la réussite des initiatives de réconciliation, des élections à venir, et du redressement du pays dépendait du leadership et de la participation des femmes.
« J’exhorte les membres du Conseil de sécurité à mettre en œuvre les recommandations relatives à l’égalité des sexes formulées par la mission d’évaluation des besoins électoraux menée par l’ONU », a-t-elle lancé, mettant l’accent sur les quotas de femmes et la protection que doit donner la MINUSCA aux femmes participant aux élections. Elle a aussi demandé de mieux protéger les civils, de refaire fonctionner les tribunaux et les prisons, et de payer les émoluments des fonctionnaires chargés du maintien de l’ordre.
L’ONU-Femmes a contribué à un programme visant à améliorer l’accès des femmes à la justice, a-t-elle indiqué, avant de signaler que l’entité avait aussi proposé de déployer des enquêteurs spécialisés sur les questions relatives au genre.
Mme Mlambo-Ngcuka a dit qu’elle est favorable à la création d’une mission de maintien de la paix robuste au sein de la MINUSCA. Elle a rappelé le déploiement prévu, cette année, de conseillers sur la question du genre, et d’autres, chargés de la question de la protection des femmes. Elle a souhaité que ces expertises aillent ensuite au-delà de Bangui. Nous avons besoin de davantage de femmes dans les composantes militaire, de police et civile de la Mission, a-t-elle ajouté.
La Directrice exécutive a ensuite annoncé qu’ONU-Femmes et le Département des opérations de maintien de la paix allaient offrir, aux membres des troupes en passe d’être déployés sur le terrain, une formation axée sur la prévention de la violence sexuelle liée à un conflit. Elle a aussi demandé à la communauté internationale d’augmenter le financement consacré à la sécurité des femmes et des filles, ainsi qu’à leur autonomisation économique et à leur éducation. Elle a cité en exemple l’initiative de la Banque mondiale et de la FAO visant à autonomiser des milliers d’agricultrices.
Les femmes doivent être les bénéficiaires prioritaires des programmes « liquidités contre travail » et autres initiatives d’urgence, a-t-elle notamment recommandé. Elle a aussi suggéré de soutenir les femmes dans leur rôle d’agents de la paix et du développement.
La Ministre de la santé publique, des affaires sociales, du genre et de l’action humanitaire de la République centrafricaine, Mme Marguerite-Marie Maliavo-Samba, a noté les nombreux défis qu’il faut relever en RCA, à commencer par le défi sécuritaire. Le pays n’a pas d’armée nationale pour assurer la sécurité de la population, a-t-elle signalé, rappelant l’embargo qui lui est imposé. Elle a expliqué que le rétablissement de la sécurité est essentiel pour remédier aux problèmes d’un système judiciaire malade et pour réhabiliter la police et la gendarmerie.
Abordant ensuite le défi de la gouvernance, la Ministre a indiqué que les préfets ne peuvent pas regagner leurs postes pour des questions de sécurité. Il en résulte que l’État n’existe que dans la capitale et pratiquement pas dans l’arrière-pays, a-t-elle expliqué. En s’adressant au Conseil de sécurité, elle a demandé que toute la compassion exprimée à l’égard de la RCA soit transformée en action.
Mme Maliavo-Samba a aussi voulu rectifier une erreur d’interprétation quant à l’origine de la crise. « Ce n’est pas une crise confessionnelle », a-t-elle assuré. Elle a expliqué que c’était au départ une crise communautaire dont l’aspect confessionnel a été le résultat de manifestations politiques et du rôle négatif de certains médias nationaux et internationaux.
La Ministre centrafricaine a salué la mission conduite sous l’égide du Haut-Commissariat aux droits de l’homme, ainsi que la mission de la Commission d’enquête. Elle a jugé important de fournir un appui à son pays pour lui permettre de poursuivre les criminels qui continuent de tuer et de violer la population avec impunité. Elle a sollicité une « action rapide et efficace », une véritable « mobilisation ». Il faut prendre en compte la situation des personnes qui souffrent dans les sites de déplacés, a-t-elle ajouté, demandant que l’aide destinée à la RCA atteigne vraiment les Centrafricains.
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