Le Conseil de sécurité débat des méthodes adoptées ces dernières années pour renforcer l’efficacité des missions de maintien de la paix de l’ONU
| |||
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York |
Conseil de sécurité
7196e séance – matin & après-midi
LE CONSEIL DE SÉCURITÉ DÉBAT DES MÉTHODES ADOPTÉES CES DERNIÈRES ANNÉES POUR RENFORCER L’EFFICACITÉ DES MISSIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX DE L’ONU
Les tendances constatées récemment dans les opérations de maintien de la paix ont fait aujourd’hui l’objet d’un débat du Conseil de sécurité présidé par M. Vitaly Churkin, de la Fédération de Russie. Une cinquantaine d’intervenants ont pris la parole au cours d’une discussion dont les participants ont notamment pesé les avantages et les inconvénients de l’attribution de mandats plus « robustes » aux opérations de maintien de la paix qui s’accompagne aussi de l’utilisation de nouvelles technologies et de mesures de coopération entre différentes missions onusiennes.
Selon la note de synthèse distribuée par la Fédération de Russie, pays qui assure la présidence du Conseil pour le mois de juin, « l’évolution de la pratique concernant le maintien de la paix tient essentiellement à l’évolution de la nature des conflits dont l’Organisation est amenée à s’occuper »: aujourd’hui, l’immense majorité des crises qui déclenchent le déploiement d’une opération de maintien de la paix (OMP) sont des conflits armés dépourvus de caractère international. Il s’agit souvent de conflits, dits internes ou intra-étatiques, dans lesquels s’affrontent les forces gouvernementales et des formations armées non étatiques.
Le Secrétaire général de l’ONU, M. Ban Ki-moon, a illustré cet état de fait en évoquant les situations de violence prévalant au Darfour, au Soudan du Sud, au Mali, en République centrafricaine et dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), lieux où les missions en place comptent plus des deux tiers du personnel militaire, de police et civil de l’ONU déployés à travers le monde.
« La nature des conflits est telle aujourd’hui qu’un cessez-le-feu est rarement déclaré au moment du déploiement des opérations de maintien de la paix des Nations Unies, ce qui signifie pour les Casques bleus des risques élevés et l’existence de conditions particulièrement difficiles pour la conduite de leur mandat », a fait remarquer la représentante du Nigéria. Son homologue du Rwanda a estimé que le déploiement de missions par l’ONU ne devrait pas être autorisé en l’absence d’une capacité suffisante pour évacuer les blessés ou ouvrir des ponts aériens.
La deuxième tendance que l’on observe aujourd’hui est le déploiement d’opérations en l’absence de parties clairement identifiées dans le conflit ou de processus politique viable, a ensuite expliqué M. Ban Ki-moon, indiquant que dans le même temps, la complexité des contextes et leurs caractères asymétrique et atypique constituent une autre nouveauté. En réponse à la complexité croissante des tâches confiées aux OMP, le représentant du Chili a estimé qu’il fallait leur donner des mandats clairs et viables.
Favorable, pour sa part, à des mandats de la paix « plus souples et plus adaptables », le Secrétaire général s’est félicité de la création récente du Bureau pour les partenariats du maintien de la paix, qui est un autre moyen d’évaluation du déploiement des personnels en uniforme.
« Il y a aujourd’hui sept modèles de missions différents », a observé le représentant du Royaume-Uni, estimant que tous ces modèles ne se sont pas tous révélés efficaces. Il a plaidé pour que les missions aient les outils nécessaires à l’accomplissement de leurs mandats en vantant notamment les mérites de la coopération entre missions. Celle-ci, qui correspond à une autre évolution récente du maintien de la paix, est une réponse adaptée lorsqu’il faut renforcer ponctuellement une mission en hommes et en matériels, a remarqué le représentant de la France. Il a appelé à aller plus loin dans cette voie au nom de l’efficacité et de l’économie budgétaire.
Beaucoup attendent du mandat d’une OMP qu’il soit de plus en plus « robuste » en termes de protection des civils, ont relevé certaines délégations, tandis que d’autres ont voulu qu’une claire définition du concept de « robustesse » d’un mandat d’OMP leur soit le plus tôt possible fournie. Pour sa part, la représentante de l’Argentine a appelé à débattre plus avant de cette question, faisant remarquer que le système du maintien de la paix onusien n’a pas été conçu comme un moyen d’instaurer ou d’imposer la paix. Plusieurs autres délégations ont appelé à la prudence dans ce domaine, prévenant qu’il fallait respecter les principes d’impartialité, de non-ingérence dans leurs affaires intérieures et de consentement des États hôtes des missions de l’ONU.
Le représentant de la Nouvelle-Zélande a estimé qu’il est erroné de dire que les mandats robustes décidés par le Conseil pour les missions déployées en RDC, au Mali et en République centrafricaine sont un fait nouveau. Des mandats « robustes » sont une réalité depuis au moins 10 ans dans la plupart des missions, même si elles n’ont que rarement eu recours à l’usage de la force, a-t-il dit, indiquant que pour une mission, disposer d’une capacité à agir est un moyen de dissuasion.
Le Secrétaire général s’est montré lui-même favorable au renforcement des mandats, se basant sur l’engagement renouvelé dont a fait preuve le Conseil de sécurité dans le cas de la MONUSCO en y créant pour la première fois, par sa résolution 2098 (2013), une Brigade d’intervention autorisée à faire usage de la force à titre préventif et à mener des offensives ciblées. Si des délégations ont reconnu les effets positifs de cette Brigade, dont les actions ont renforcé la stabilité et la sécurité dans l’est de la RDC et dans la région des Grands Lacs, d’autres, dont celles du Chili, de l’Indonésie et de la Thaïlande, ont mis en garde contre les risques que ce type de mandat fait courir à la sécurité des personnels déployés sous drapeau onusien, qui peuvent dès lors être perçus comme étant partie au conflit et de ce fait perdre leur immunité et la protection que leur a longtemps assurée leur impartialité.
L’utilisation de drones non armés dans le cadre du maintien de la paix de l’ONU, qui sont une des nouvelles technologies, comme les radios sans fil et les images satellites, que le Secrétaire général recommande d’utiliser afin de permettre au personnel de travailler dans des conditions plus sûres et à moindres coûts, a fait l’objet de remarques, de réserves et de critiques de la part de certaines délégations. Nous continuerons à consulter les organes législatifs sur le déploiement de « véhicules aériens non armés et non pilotés », en nous basant sur l’expérience acquise à la MONUSCO, a assuré le Secrétaire général en réponse aux inquiétudes de pays qui exigent qu’un cadre juridique soit fixé pour réguler les conditions de l’utilisation des drones.
OPÉRATIONS DE MAINTIEN DE LA PAIX DES NATIONS UNIES : NOUVELLES TENDANCES
Lettre datée du 1er juin 2014, adressée au Secrétaire général par le Représentant permanent de la Fédération de Russie auprès de l’Organisation des Nations Unies (S/2014/384)
M. BAN KI-MOON, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies, a relevé l’ampleur des défis dans le domaine du maintien de la paix, soulignant les nouveaux phénomènes qui affectent le travail mené par l’ONU dans ce cadre, ainsi que les nouvelles approches qui sont adoptées. Il a présenté les quatre tendances du maintien de la paix les plus importantes pour la discussion de ce jour, la première étant le déploiement de plus en plus fréquent d’opérations « de maintien de la paix » dans des endroits où il n’y a en fait pas de paix. Il a cité en exemple les situations de violence au Darfour, au Soudan du Sud, au Mali, en République centrafricaine et dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), lieux où les missions en place comptent plus des deux tiers du personnel militaire, de police et civil de l’ONU déployés à travers le monde. La deuxième tendance est le déploiement d’opérations en l’absence de parties clairement identifiées dans le conflit ou de processus politique viable, a expliqué M. Ban.
Ensuite, a-t-il poursuivi, les opérations de maintien de la paix fonctionnent dans des contextes de plus en plus complexes et doivent répondre à des menaces asymétriques et atypiques. Nous devons cependant nous assurer que les opérations de maintien de la paix (OMP) sont mises en œuvre dans le plein respect du droit international des droits de l’homme et du droit international humanitaire, a-t-il souligné. Le dernier point, a ajouté le Secrétaire général, est la nécessité pour le Conseil de sécurité de faire preuve d’un engagement renouvelé. Il a donné à cet égard l’exemple de la résolution 2098 (2013) portant sur la République démocratique du Congo, qui a constitué une étape marquante en matière de mandat. Tout en notant les résultats tangibles qui en découlent, il a appelé le Conseil à s’adapter aux nouvelles demandes et à s’interroger sur les limites du maintien de la paix de l’ONU.
Alors que nous approchons du quinzième anniversaire de l’adoption du rapport Brahimi, il est peut-être temps de faire le point sur les attentes à l’égard du maintien de la paix des Nations Unies et d’examiner les moyens dont dispose l’Organisation pour œuvrer à une mission qui est commune à l’ensemble de la communauté internationale, a lancé le Secrétaire général. Il a dit avoir demandé, à cet égard, au Secrétariat d’entamer un examen du maintien de la paix de l’ONU, et notamment de se pencher sur les aspects suivants: les mandats donnés aux missions, le levier politique, le soutien logistique, la formation, la responsabilisation, les règles de fonctionnement, les innovations technologiques et l’engagement des pays fournisseurs de troupes et de contingents.
M. Ban a estimé qu’il fallait utiliser toutes les formes de technologies possibles afin de permettre au personnel de maintien de la paix de travailler dans des conditions plus sûres et à moindres coûts. Nous continuerons à consulter les organes législatifs sur le déploiement de véhicules aériens non armés et non pilotés, en nous basant sur l’expérience acquise à la MONUSCO, a-t-il assuré.
Notant par ailleurs les améliorations dans la rapidité avec laquelle l’ONU déploie une force sur le terrain, le Secrétaire général a cependant souligné que l’Organisation ne dispose pas de forces de réserve pouvant être déployées à la dernière minute. Il a demandé aux membres du Conseil et aux États Membres de travailler tous ensemble afin de pouvoir déployer les missions et les renforcer le plus rapidement possible quand cela s’avère nécessaire.
Il faut aussi avoir une vue claire sur les défis à relever, a-t-il ajouté, invitant le Conseil à fixer des mandats de la paix plus souples et plus adaptables. Avec la création récente du Bureau pour les partenariats du maintien de la paix, nous avons maintenant un autre moyen pour évaluer le déploiement des personnels en uniforme et pour identifier les domaines qu’il faut adapter et améliorer, a indiqué M. Ban.
Le Secrétaire général a ensuite souligné l’importance de disposer de structures de commandement efficaces, appelant les pays fournisseurs de contingents à travailler dans ce sens. Enfin, il a plaidé en faveur du renforcement de l’engagement de l’ONU avec les organisations régionales, citant par exemple l’Union africaine, l’Union européenne et l’OTAN.
Alors que le budget des opérations de maintien de la paix (OMP) approche des 8 milliards de dollars, le Secrétaire général a appelé à utiliser ces fonds de manière responsable. En même temps, il a demandé aux États Membres d’être prêts à faire les investissements nécessaires dans le maintien et la consolidation de la paix.
M. EUGÈNE-RICHARD GASANA (Rwanda) s’est dit satisfait par la tenue de ce débat, dans la mesure où son pays, le Rwanda, est un important contributeur de troupes aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Il a apporté son soutien au recours aux nouvelles technologies dans les théâtres d’opérations, quand et si celles-ci peuvent faciliter la mise en œuvre des mandats donnés aux missions par les Casques bleus et alléger les difficultés qu’ils rencontrent. Ceci est possible par le fait que ces technologies peuvent permettre par exemple une surveillance des mouvements des groupes armés, des personnes déplacées ou des flux d’armes. Le représentant a toutefois exprimé des réserves, notamment en ce qui concerne la confidentialité des données recueillies et la participation de pays tiers.
M. Gasana a estimé que les drones utilisés par la MONUSCO en RDC le sont à titre d’essai. Une fois leur efficacité prouvée, nous pourrons intégrer leur emploi dans d’autres mandats de maintien de la paix si la situation le justifie, et un cadre juridique sera nécessaire pour fixer les conditions de leur utilisation, a-t-il préconisé. Le délégué du Rwanda a par ailleurs apporté son soutien au déploiement de Casques bleus dotés d’un mandat robuste. Soulignant l’importance de la planification tactique et opérationnelle, il a estimé que le déploiement de missions ne devrait pas être autorisé en l’absence d’une capacité leur permettant d’évacuer les blessés ou d’ouvrir des ponts aériens. « Nous ne pensons pas que les Casques bleus ont un rôle à jouer dans les conflits asymétriques », a poursuivi le représentant rwandais, pour qui les solutions militaires doivent aller de pair avec des volets de maintien et de consolidation de la paix. L’avenir stratégique des opérations de maintien de la paix dépend aussi de la coopération entre les opérations déployées au sein d’une même région, tout particulièrement en Afrique, où il est arrivé que des personnels et des moyens soient détachés d’une mission vers une autre à plusieurs reprises lorsque la situation l’exigeait. Ceci suppose, a ajouté en conclusion M. Gasana, que l’on mette en place un cadre plus rationnel de l’architecture du maintien de la paix.
M. MAHAMAT ZENE CHERIF(Tchad) a relevé la complexité de plus en plus grande des opérations de maintien de la paix, face à des menaces qui s’accroissent. Il a souligné que lors des déploiements, il pouvait y avoir des contradictions avec les principes de base du maintien de la paix, notamment celui du non-usage de la force. Le Tchad contribue au maintien de la paix de l’ONU avec actuellement 1 600 Casques bleus sous le drapeau onusien, et le pays a consenti d’énormes sacrifices dans le maintien de la paix régional et sous-régional, a-t-il dit. En ce qui concerne le recours à la force par une mission de l’ONU, comme cela a été autorisé en RDC, il a reconnu que les actions menées par la Brigade d’intervention de la MONUSCO avaient contribué au renforcement de la stabilité et de la sécurité dans l’est du pays, même si d’autres forces négatives continuent à y sévir et à menacer la stabilité de la région des Grands Lacs. Le représentant a soutenu la création de ce genre de force lorsque la protection des civils pose de grands défis.
Le représentant du Tchad a ensuite souligné le manque de ressources dont souffrent les organisations régionales, qui envoient aussi des forces de maintien de la paix. Il a estimé que l’existence de forces internationales travaillant en parallèle avec des opérations de maintien de la paix de l’ONU entraîne des chevauchements et des conflits de compétence dans la coordination des opérations. Ces forces parallèles se retrouvent parfois en première ligne et prennent la direction des opérations de maintien de la paix, a-t-il noté en appelant à renforcer la cohérence des différents mandats. Il a souligné les avantages dont disposent les forces régionales, qui présentent une alternative en termes de proximité et de flexibilité. Concernant les drones, il semble que leur utilisation se soit révélée efficace, a-t-il ensuite dit, avant d’exprimer cependant la préoccupation de sa délégation face à l’absence de réglementation concernant l’usage de ces engins et le traitement des données et des images recueillies. Le représentant a enfin renouvelé le soutien du Tchad aux opérations de maintien de la paix et à la discussion portant sur ce thème, tant au sein du Conseil de sécurité que de l’Assemblée générale.
M. IGNACIO LLANOS (Chili) a indiqué que le nouveau cadre de déploiement des opérations de maintien de la paix exige une analyse et un débat exhaustif entre les États Membres et les pays fournisseurs de contingents et de force de police. Dans ce cadre, le Comité spécial des opérations de maintien de la paix (Comité des 34) a un rôle particulier à jouer en tant que forum intergouvernemental, a estimé le représentant en apportant l’appui de son pays à l’adoption d’une approche multidimensionnelle dans l’utilisation des mécanismes de résolution des conflits. L’approche adoptée doit en effet aller au-delà de la cessation des hostilités et englober des tâches de facilitation de processus politiques, de protection des civils, de protection des droits de l’homme, de promotion et d’appui aux activités de désarmement, de démobilisation et de réinsertion, d’instauration de l’état de droit et de promotion de la réconciliation nationale, a-t-il préconisé. Or, a-t-il poursuivi, la complexité de ces tâches exige que les mandats donnés aux missions soient clairs et viables et que le Conseil de sécurité leur alloue des ressources suffisantes. Dans ce scénario, a souligné le représentant, le thème du financement est central, puisque la fatigue des donateurs constitue une partie du problème qui se pose à l’exécution de ce modèle.
Mettant l’accent sur des missions intégrées, le représentant du Chili a estimé opportun que l’Assemblée générale et le Conseil de sécurité agissent de concert à cet égard. Il a indiqué que sa délégation partageait les appréhensions de la présidence russe du Conseil concernant les « mandats robustes » accordés à des missions incluant des brigades d’intervention, et il a appelé au respect des principes d’impartialité et de consentement des États hôtes des missions de maintien de la paix, qui sont inscrits dans la nature même du maintien de la paix onusien. « L’usage de la force par les Nations Unies aura toujours des implications politiques et sera susceptible de générer des conséquences imprévisibles », a, à cet égard, averti le représentant chilien, qui a conseillé le renforcement du contrôle politique de toute prise de décision. Il a toutefois considéré que les opérations de maintien de la paix doivent s’efforcer de juguler l’escalade de la violence et utiliser des moyens de persuasion n’impliquant pas forcément l’usage de la force. Il a en outre soutenu l’utilisation de drones non armés, selon le principe développé dans le rapport Brahimi (2000) et portant sur la nécessité de doter les opérations de maintien de la paix des meilleurs renseignements possibles en vue de leur permettre d’exécuter le mieux possible leurs mandats. Il a toutefois jugé nécessaire d’établir un cadre juridique pour l’utilisation des drones non armés.
Mme SYLVIE LUCAS (Luxembourg) a estimé que dans le cas de la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), la mise en œuvre du mandat renforcé accordé à cette mission avait aussi permis de renforcer la protection des civils en RDC et de remédier ainsi aux lacunes en la matière, mises en évidence par le récent rapport du Bureau des services de contrôle interne. Elle a souligné l’apport des nouvelles technologies, qui contribuent à améliorer la connaissance de la situation et donc aussi à renforcer la sûreté et la sécurité des Casques bleus déployés sur des terrains difficiles.
Mme Lucas a estimé que les drones permettent de suivre de près les mouvements des groupes armés et de renforcer ainsi les renseignements disponibles pour les opérations militaires. Ils permettent également une meilleure surveillance des camps de personnes déplacées. « Cette expérience positive devrait nous encourager à doter d’autres opérations de l’ONU de systèmes similaires, en fonction des besoins », a-t-elle dit.
Les opérations de maintien de la paix ont un rôle crucial à jouer en matière de protection des populations les plus vulnérables, en particulier les femmes et les enfants, a ajouté la représentante du Luxembourg, notant que le déploiement au sein des opérations de capacités spécifiques dédiées à ces tâches, et notamment de conseillers à la protection de l’enfance et de conseillers à la protection des femmes était indispensable.
M. GÉRARD ARAUD (France) a appelé à poursuivre les efforts en cours pour adapter les opérations de maintien de la paix (OMP) à un contexte en perpétuelle évolution. Il a dit que le rôle premier des OMP reste de mener à bien un processus de paix en dissuadant les fauteurs de troubles et en traitant les causes profondes du conflit. Il a ajouté que laprotection des civils doit être en toute occasion la priorité opérationnelle des OMP. Dans des environnements complexes, la mise en œuvre robuste des mandats des OMP en général et de la protection des civils en particulier est essentielle, a insisté le représentant de la France. « Nous avons pu constater la pertinence de cette posture, notamment en RDC, avec le succès de la Brigade d’intervention créée au sein de la MONUSCO », s’est-il félicité. Aujourd’hui au Soudan du Sud, tout doit s’effacer devant la nécessité pour la MINUSS de protéger les civils, a insisté M. Araud.
Par ailleurs, le représentant de la France a dit que les OMP doivent apporter leur appui aux autorités de l’État hôte de la mission tout en conservant l’objectif d’une transition pour consolider la sortie de crise. Il a dit que les OMP ne doivent pas se substituer aux efforts du pays lui-même ou à ceux des bailleurs internationaux. Au contraire, a-t-il insisté, les OMP doivent en permanence orienter leurs efforts vers la sortie de crise, qui remet les autorités locales, mais aussi l’équipe de pays des Nations Unies, au cœur des efforts de consolidation de la paix. Il a souhaité que le renouvellement des mandats ne soit pas une opération de routine mais l’instrument d’une gestion dynamique de la mission.
M. Araud a dit que les OMP doivent non seulement être plus fortes, mais aussi plus flexibles. À l’instar de ce qui a été dit au cours des débats précédents sur la question, le représentant de la France a ensuite exprimé son désarroi, concernant la question linguistique, indiquant qu’il parlait « sans grand espoir d’être entendu », sur l’utilité de déployer du personnel francophone dans les missions opérant en zones francophones. « Il est mieux de parler la langue du pays que de parler la langue de New York », a-t-il insisté en regrettant que le Secrétariat persiste à recruter des anglophones dans les missions déployées dans des pays francophones.
Il a invité les OMP à adapter plus rapidement la taille de leurs effectifs civils en accompagnant la prise de responsabilité de l’État-hôte ou de l’équipe de pays et des bailleurs. M. Araud a souhaité que cette flexibilité passe aussi par le fait de tirer le meilleur parti du recours aux technologies modernes, avant de se féliciter de l’expérimentation menée par l’emploi tactique de drones de surveillance par la MONUSCO. Mettant l’accent sur la coopération intermissions, M. Araud a estimé que lorsque des événements imprévus risquent de déstabiliser un pays, la coopération entre les missions est une réponse adaptée au besoin de renforcer ponctuellement, en hommes et en matériels, les missions qui en ont besoin. Il a appelé à aller plus loin dans cette voie au nom de l’efficacité et de l’économie budgétaire.
M. OH JOON (République de Corée) a déclaré qu’une prise en charge aux niveaux régional et sous-régional était désormais une condition préalable pour des mandats robustes de maintien de la paix. Il faut donner aux missions un appui « clair et vigoureux », à l’image de celui qui a été donné, sous la forme d’une brigade d’intervention, à la Mission des Nations Unies en République démocratique du Congo (RDC), avec l’approbation du pays hôte. La coopération intermissions peut également être une voie d’avenir pour le maintien de la paix, a poursuivi le représentant, qui a demandé au Secrétariat d’établir des directives plus systématiques tenant compte de tous les facteurs à prendre en compte. De même, il s’est dit favorable à la modernisation des opérations, estimant que les systèmes aériens de surveillance sans pilote pouvaient s’avérer efficaces, à condition de tenir compte des préoccupations politiques et juridiques que soulève leur utilisation. Soulignant la nécessité d’un cadre de coopération entre toutes les entités du système de l’ONU en matière de maintien de la paix, du Comité des 34 au Conseil de sécurité, en passant par le Département des opérations de maintien de la paix, M. Joon a demandé au Secrétaire général de présenter un rapport à ce sujet. Notant les changements immenses survenus dans la configuration du maintien de la paix depuis le rapport Brahimi en date de 2000, il a jugé important de réfléchir aux moyens de s’adapter et de répondre aux besoins posés par de nouvelles situations de conflit.
M. MARK LYALL GRANT (Royaume-Uni) a remarqué que les conflits, ces dernières années, se produisent moins souvent entre des États, mais sont plutôt internes et asymétriques. Ils sont dus à divers facteurs, comme l’exclusion économique, la corruption des institutions étatiques et l’incapacité des appareils sécuritaires à maintenir l’ordre public. Cette situation exige des interventions plus complexes, quand il s’agit d’avoir recours au maintien de la paix, a-t-il reconnu. Prenant l’exemple de la mission qui avait été déployée en Éthiopie et en Érythrée, et qui avait été autorisée en 2000, il a remarqué qu’aucune mission établie depuis n’a suivi ce modèle. Il y a aujourd’hui 7 modèles de missions différents, a observé le représentant, estimant que tous ne se sont pas révélés aussi efficaces. Certaines missions ne sont pas en mesure de réagir de manière efficace aux menaces sur le terrain, a-t-il estimé. M. Lyall Grant a plaidé pour que les missions aient les outils nécessaires à l’accomplissement de leurs mandats, ce qui peut notamment se faire par le biais de la coopération entre missions. Cette coopération ne doit pas cependant servir de prétexte à des discussions prolongées sur les budgets et la sécurité, a-t-il demandé.
Il a aussi jugé utiles la collecte et l’analyse des renseignements, notamment ceux qui sont rapportés par des drones, dont il a souligné les effets positifs en RDC. Il a estimé que l’expérience menée en RDC pouvait être répliquée dans d’autres endroits où les besoins sont similaires. Nous avons aussi la responsabilité de fixer aux missions des mandats clairs qui ne soient pas surchargés, a-t-il ajouté. Cela veut dire que tout ne doit pas nécessairement être prévu dès le premier budget, a dit M. Lyall Grant. Il a aussi estimé que les stratégies de retrait devraient être examinées dès le départ, au cours des négociations portant sur le mandat d’une mission. Enfin, il a salué le partenariat entre l’ONU et l’Union africaine qui a permis un déploiement rapide de missions dans des pays comme la Somalie. En conclusion, le représentant a conseillé d’éviter de codifier le paysage du maintien de la paix qui est en constante évolution, ceci afin de ne pas limiter les capacités d’action de la communauté internationale.
Mme RAIMAONDA MURMOKAITĖ (Lituanie) a concentré son intervention sur les capacités nécessaires pour assurer la mise en œuvre des mandats de maintien de la paix, la coopération entre les missions, et l’utilisation des technologies modernes. Sur toutes ces questions, un dialogue substantiel et continu entre le Conseil de sécurité, les pays fournisseurs de contingents et la Commission de consolidation de la paix est essentiel, a-t-elle dit.
L’ancien Secrétaire général de l’ONU Dag Hammarskjold avait déjà fait remarquer que « le maintien de la paix n’est pas un travail pour les soldats, mais seuls des soldats peuvent le faire », a souligné la représentante, ajoutant que les environnements multidimensionnels complexes d’aujourd’hui soulevaient de nouvelles exigences en matière de formation de Casques bleus et de préparation en vue d’effectuer un nombre croissant de tâches. Elle a notamment plaidé en faveur d’une politique de tolérance zéro en ce qui concerne les auteurs d’abus sexuels.
Alors que les crises se multiplient, et que le budget de maintien de la paix des Nations Unies ne cesse de croître, les tâches de maintien de la paix ne doivent pas être considérées comme un patchwork de missions distinctes, mais comme une entreprise mondiale dans laquelle l’efficacité des gains et des synergies doit être identifiée, ce qui entraînera une valeur ajoutée et des avantages pour tous les mandats, a-t-elle poursuivi.
Enfin, la représentante lituanienne a préconisé l’utilisation de moyens technologiques modernes pour non seulement améliorer la prise de conscience de la situation et faciliter le processus de prise de décisions, mais aussi pour amener les soldats de la paix au plus près des communautés qu’ils sont chargés de protéger.
Mme JOY OGWU (Nigéria) a relevé les changements considérables survenus dans le paysage du maintien de la paix au cours des dernières décennies. « La nature des conflits est telle aujourd’hui qu’un cessez-le-feu est rarement déclaré au moment du déploiement des opérations des Nations Unies, ce qui signifie pour les Casques bleus des risques élevés et l’existence de conditions particulièrement difficiles pour la conduite de leur mandat », a-t-elle fait observer. Les préoccupations croissantes des pays contributeurs de troupes quant à la sécurité de leurs personnels opérant sur le terrain ont progressivement abouti à des mandats de plus en plus robustes, a-t-elle souligné. Une tendance nouvelle, a noté la représentante, c’est le déploiement simultané d’opérations agissant de concert avec les forces d’un pays tiers, comme l’illustre le cas du Mali. « La résolution 2100 (2013) a non seulement créé la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA), elle a aussi autorisé le déploiement des troupes françaises dans le cadre de l’opération Serval », a rappelé Mme Ogwu.
Un autre exemple, a-t-elle ajouté, c’est la République centrafricaine, où la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies (MINUSCA), créée par la résolution 2149 (2014) pour remplacer la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA), travaillera aux côtés des forces françaises déployées dans le cadre de l’opération Sangaris pour protéger les civils et stabiliser la situation humanitaire. Lorsque la MINUSCA sera opérationnelle en septembre prochain, Sangaris aura été déployée en tout pendant neuf mois, a-t-elle noté. Une des nouvelles tendances du maintien de la paix est l’utilisation de drones, à laquelle le Nigéria apporte son soutien dans le domaine de la surveillance et de la protection des civils, et tout particulièrement des personnes déplacées. La coopération entre missions est également un outil qui peut permettre à l’ONU de combler les lacunes existantes en matière de personnels et de moyens logistiques, a estimé Mme Ogwu. « Nous estimons que l’heure est venue de renforcer les synergies entre le Conseil de sécurité et les États Membres, en particulier les pays fournisseurs de contingents », a-t-elle conclu.
M. ZEID RA’AD ZEID AL-HUSSEIN (Jordanie) a déclaré qu’il voulait d’abord dissiper certains mythes au sujet du maintien de la paix des Nations Unies. C’est un mythe, par exemple, de dire que le maintien de la paix aujourd’hui est plus complexe qu’il ne le fut dans les années 1960 ou 1990. C’est également un mythe, a-t-il ajouté, de dire que la Brigade d’intervention spéciale créée à la MONUSCO est une nouvelle fonctionnalité du maintien de la paix des Nations Unies. C’est un mythe d’affirmer que le maintien de la paix classique était interétatique, alors que le maintien de la paix actuel serait intra-étatique. Enfin, c’est un mythe de croire que plus de civils sont tués aujourd’hui que par le passé, a dit le représentant.
La tendance du maintien de la paix actuelle est une répétition de cycles précédents, a-t-il estimé, précisant que les défis posés par la criminalité transnationale organisée et le terrorisme international avaient accentué la demande globale de maintien de la paix. Au cœur de notre incapacité croissante se trouve le fait que les pays, moins que jamais, sont prêts à aligner des troupes et des unités de police constituées pour mener des tâches de maintien de la paix avec des commandants prêts à prendre des risques extrêmes, même si la cause est noble comme l’est celle de la protection des civils. En termes plus précis, moins de pays qu’il y a 20 ans accepteront des victimes dans leurs rangs quand il n’y a pas d’intérêt national direct en jeu pour le contributeur de contingents.
Le représentant de la Jordanie a par ailleurs jugé « catastrophique » le fait que le Comité spécial des opérations de maintien de la paix (Comité des 34) ne puisse plus être d’accord sur les résultats. Il faut, a-t-il dit, faire mieux, et discuter de ces questions fondamentales en vue de parvenir à un accord.
La réticence croissante à accepter un risque élevé a également, en partie, conduit l’ONU à envisager l’utilisation de technologies modernes, comme les drones, a-t-il poursuivi. « Ce qui est le plus nécessaire pour une opération de maintien de la paix réussie, ce n’est pas seulement le meilleur équipement, ni les soldats les mieux entraînés, pas même les unités de combat modernes, comme le fait de disposer d’artillerie et de chars. Ce qui est nécessaire, par-dessus tout le reste, c’est d’avoir des commandants dotés de qualités remarquables », a déclaré M. Al-Hussein. Il a ainsi plaidé pour la création d’une académie de commandement de terrain des Nations Unies, laquelle inculquerait aux jeunes commandants le genre de leadership qui pourrait leur être demandé.
M. JEFFREY DELAURENTIS (États-Unis) a rappelé que le maintien de la paix constitue un des piliers des activités du Conseil de sécurité, en soulignant en particulier le devoir de protection des civils. Des mandats robustes sont prévus pour les OMP, a-t-il remarqué, tout en expliquant que cela ne veut pas dire que les Casques bleus doivent avoir recours à la force. Nous devons utiliser tous les outils à notre disposition pour éviter ce recours à la force, a-t-il insisté. Le représentant a cependant reconnu que, dans les cas où l’usage de la force se révèle nécessaire pour assurer la protection des civils, les Casques bleus doivent avoir un mandat musclé pour pouvoir le faire. Il a souligné à cet égard le succès obtenu par la Brigade d’intervention mise en place à la MONUSCO, du fait notamment du professionnalisme des contingents qui la composent. Cela a permis d’appuyer la sécurité dans toute la région des Grands Lacs, a-t-il ajouté.
La représentante a poursuivi son intervention en conseillant au Conseil de sécurité d’établir des priorités clefs dans les mandats, car certains objectifs ne peuvent être atteints tant que d’autres ne l’ont pas été. Il a aussi souligné la nécessité de disposer de capacités suffisantes, comme celles qu’offrent les nouvelles technologies, qui vont des radios sans fils aux satellites, en passant par les drones. Les experts sont les mieux placés pour évaluer ce qui est nécessaire, a-t-il estimé. Il a aussi plaidé en faveur de la coopération entre les missions. Plus les modalités de cette coopération sont souples, plus il sera facile de réagir, a-t-il dit. Le représentant a également parlé du rapport du Bureau des services de contrôle interne (BSCI) sur la protection des civils, selon lequel la force n’est pratiquement jamais utilisée dans les OMP pour protéger les civils en danger. Il a estimé que le Conseil de sécurité aurait intérêt à procéder à un examen détaillé des conclusions de ce rapport qui fait apparaître un fossé entre ce que les missions réalisent et les attentes.
M. WANG MIN (Chine) s’est demandé comment les opérations de maintien peuvent répondre à des conflits en perpétuelle évolution. Il a commencé par expliquer que les principes de base du maintien de la paix –impartialité, neutralité et non-recours à la force sauf en cas légitime défense– devaient continuer de prévaloir. Si la Chine approuve les innovations apportées à certaines pratiques à la lumière de l’évolution des situations de conflit, les principes énoncés ci-dessus doivent prévaloir en toutes circonstances, a insisté le représentant. Dans l’exécution de leur mandat, les missions de l’ONU ne peuvent remplacer les forces armées nationales, auxquelles incombent au premier chef la protection des ressortissants des pays en conflit, a estimé le représentant, qui a expliqué que les Casques bleus devaient plutôt soutenir les armées nationales en ce sens et s’attacher à promouvoir le maintien de la paix grâce au dialogue et la réconciliation.
Soulignant l’importance de stratégies de sortie efficaces, M. Wang Min a également attiré l’attention du Conseil de sécurité sur la bonne gestion des opérations, certaines d’entre elles étant dotées de plus de 10 000 Casques bleus et se trouvant déployées dans des environnements à hauts risques. Concernant l’utilisation de drones, il s’agit d’une question qui exige un débat poussé entre les États Membres sur les implications juridiques et opérationnelles du recours aux systèmes aériens sans pilote, a affirmé le représentant. Enfin, a-t-il conclu, l’ONU doit renforcer sa coopération avec les organisations régionales et sous-régionales pour bénéficier des avantages comparatifs que celles-ci ont à offrir.
Mme PHILIPPA KING (Australie) a mis l’accent en particulier sur la nécessité de renforcer la capacité des Nations Unies à déployer rapidement des Casques bleus là où la vie des civils est en danger. Face à l’incertitude, les missions doivent être planifiées de manière plus souple et itérative, a-t-elle dit. Les expériences récentes au Mali et au Soudan du Sud montrent le besoin d’améliorer le soutien à la planification et à la mission, grâce à l’apport de nouvelles troupes ou à la coopération entre les missions.
L’Australie estime qu’il est également important de continuer à renforcer les liens avec les organisations régionales et sous-régionales dont les États membres sont souvent les premiers intervenants lorsqu’un conflit éclate, a dit Mme King. Les États Membres peuvent individuellement avoir un rôle décisif à jouer, a-t-elle précisé, notant la contribution de son propre pays au Soudan du Sud.
En outre, il convient de redoubler d’efforts pour améliorer la formation, afin de mieux préparer les personnels à effectuer leurs tâches et à faire face aux risques auxquels ils sont confrontés, a-t-elle souligné, considérant que la coordination du maintien de la paix et d’autres instruments du Conseil était cruciale. De même, a ajouté Mme King, il convient de ne pas perdre de vue l’importance de la partie civile du maintien de la paix pour aider au renforcement des capacités nationales en vue de résoudre les problèmes locaux.
Mme MARÍA CRISTINA PERCEVAL (Argentine) a noté l’évolution récente du mandat de certaines missions, relevant notamment la création de la Brigade d’intervention opérant dans le cadre de la MONUSCO. Elle a dit que l’Argentine partageait les préoccupations des autres États Membres concernant certaines pratiques, observées ces derniers temps, qui contredisent les principes de base du maintien de la paix. Elle a rappelé qu’on demandait de plus en plus que les missions soient dotées de mandats solides. Mais, a-t-elle argué, le système n’a pas été conçu comme un moyen d’instaurer ou d’imposer la paix. Elle a appelé à réfléchir à ce que l’on entend par « mandat robuste ». Les caractéristiques de ce genre de mandat devraient venir d’un débat entre tous les États Membres. Il nous a fallu beaucoup d’efforts pour construire l’édifice du maintien de la paix, a-t-elle rappelé. En ce qui concerne les pays fournisseurs de contingent, dont l’Argentine fait partie, Mme Perceval a assuré qu’ils ne refusent pas « de recevoir des égratignures » car leur personnel est formé à la guerre. Mais on ne peut pas non plus les soumettre à la violence en sachant que les mandats ne sont pas efficaces, a-t-elle dit. Il ne faut pas ajouter du risque au risque, a-t-elle insisté.
En ce qui concerne l’utilisation des drones et des nouvelles technologies, Mme Perceval a estimé que ces engins et ces technologies pouvaient être utiles à condition de procéder à une évaluation de leur utilisation au cas par cas. Elle a demandé au Secrétariat de donner aux délégations toutes les informations utiles à ce propos. L’usage des nouvelles technologies ne peut pas se développer et se répandre sans loi, a-t-elle estimé, s’étonnant qu’on ne puisse pas s’accorder sur leurs règles d’utilisation. Abordant ensuite la question de la coopération entre missions, elle a souhaité maintenir la discipline budgétaire prévue dans ces cas, à savoir que les prêts financiers entre missions ne sont pas autorisés. La question du financement renvoie d’ailleurs au problème politique que cela soulève dans le maintien de la paix, a-t-elle noté, expliquant qu’elle a une incidence sur la crédibilité de l’Organisation. Mme Perceval a dit que les 8 milliards de dollars consacrés au maintien de la paix à l’ONU sont dérisoires comparés aux montants colossaux des dépenses militaires dans le monde. Elle a conclu son intervention en lançant un appel en faveur de la coordination entre les organisations internationales et régionales, au lieu de les voir se livrer à la concurrence comme on le constate en ce moment.
M. VITALY CHURKIN (Fédération de Russie) a déclaré qu’il était temps d’adapter l’architecture du maintien de la paix à des défis aussi nombreux et protéiformes que les offensives militaires lancées par des acteurs non étatiques ou l’expansion des narcotrafics. L’une des tendances les plus en vogue du maintien de la paix, a-t-il relevé, c’est celle ayant trait à l’octroi de mandats robustes à des missions dotées de forces à capacités offensives et préventives, à l’image de la Brigade d’intervention dont est dotée la MONUSCO, a-t-il relevé. Mais, de tels mandats soulèvent des préoccupations d’ordre politique et juridique qui doivent soigneusement être examinées au niveau intergouvernemental, a estimé le représentant, qui s’est demandé si de tels mandats peuvent remplacer la recherche de solutions politiques négociées entre les parties au conflit et la promotion de la réconciliation nationale.
Par ailleurs, a remarqué M. Churkin, nous nous heurtons ces derniers temps à des phénomènes tels que la coexistence de multiples opérations, certaines venant des Nations Unies et d’autres de pays tiers, dans un pays ou une zone de conflit donnés. « Sans préjuger de leur utilité, il serait bienvenu de réfléchir à la meilleure coordination possible entre ces forces », a-t-il estimé. S’agissant de l’utilisation des drones, un cadre juridique et politique très clair s’impose, étant donné les multiples fonctions qu’ont ces engins, a poursuivi M. Churkin. Soucieuse d’assurer la transparence en ce domaine, la Fédération de Russie s’est dite favorable à un examen approfondi de l’utilisation des drones, a rappelé le représentant. « Plus largement, nous espérons que les leçons apprises dans le cadre de l’utilisation des nouvelles technologies jusqu’à présent seront intégrées dans le rapport du Secrétaire général », a dit le représentant.
M. Churkin a également évoqué la proposition de M. Ban Ki-moon, présentée dans son dernier rapport en date sur la question, de créer un bataillon d’intervention rapide au sein de l’Opération des Nations Unies en Côte d’Ivoire (ONUCI). Ce bataillon serait configuré et équipé pour faire face à tout incident en Côte d’Ivoire et pour intervenir rapidement dans le même temps au Libéria en cas de grave détérioration de la sécurité. M. Churkin a exprimé des réserves sur la systématisation de la coopération entre missions, même avec l’accord des pays concernés, estimant qu’il fallait réfléchir plus avant aux priorités inscrites dans les mandats des missions.
M. ASOKE KUMAR MUKERJI (Inde) a tout d’abord rappelé que son pays est l’un des principaux contributeurs de troupes aux OMP des Nations Unies, ayant déployé 170 000 Casques bleus dans 43 des 68 missions de l’ONU. Il a remarqué que les conflits que l’on observe ces dernières années sont de moins en moins internationaux, mais plutôt internes. Il a estimé que le Conseil de sécurité compromettait les principes de la Charte en donnant mandat au maintien de la paix de l’ONU pour traiter de conflits internes. Il s’est aussi inquiété de la tendance à doter les missions d’un mandat d’intervention dont s’occupe une petite partie du contingent déployé, comme cela s’est fait à la MONUSCO. Cela expose les défenseurs de la paix à des menaces inutiles, a-t-il estimé. En outre, du fait de ce changement, tous les soldats de la paix de l’ONU peuvent être traités par les parties au conflit comme des combattants en vertu du droit international et perdre ainsi leur impartialité et leur immunité. Le représentant a ensuite exprimé sa préoccupation quant aux risques croissants que courent les Casques bleus face aux groupes armés non gouvernementaux. Il a aussi relevé la tendance qu’il y a à augmenter le nombre d’OMP dotées de mandats hybrides, basés à la fois sur les Chapitres VI et VII de la Charte des Nations Unies. En ce qui concerne les nouveaux mandats et les mandats multidimensionnels, il a apprécié leur caractère ambitieux mais prévenu qu’il fallait être à la hauteur, notamment au plan financier.
M. Mukerji a dit que l’Inde était prête à contribuer à l’élaboration d’un document, comme le suggère la note de synthèse sur ce sujet. À ce titre, il a demandé au Conseil de sécurité de reconsidérer la question des mandats interventionnistes jusqu’à ce que tous les pays fournisseurs de contingents aient eu l’occasion de participer aux décisions du Conseil, en vertu de l’Article 44 de la Charte. Il lui a aussi demandé d’inclure dans les mandats des dispositions prévoyant de poursuivre, juger et neutraliser les groupes armés non gouvernementaux et les milices qui menacent les Casques bleus. En outre, il a souhaité que le Conseil mène une évaluation pour vérifier que les normes de l’ONU sont respectées par les groupes régionaux en préalable au déploiement des soldats de la paix de l’ONU dans les opérations hybrides. Par ailleurs, il a demandé l’augmentation du taux de remboursement des frais engagés pour les soldats de la paix. Enfin, a-t-il ajouté, nous demandons aussi au Conseil de considérer le rôle d’autres entités, comme le PNUD et ONU-Femmes, qui peuvent jouer un rôle dans les mandats multidimensionnels.
M. MOTOHIDE YOSHIKAWA (Japon) s’est posé la question de savoir ce qu’il faut faire pour que les opérations de maintien de la paix soient durables aux plans financier et humain. Au plan financier, le représentant a indiqué que le budget des opérations de maintien de la paix pour 2014-2015 pourrait dépasser le niveau historique de 8 milliards de dollars, alors que la situation financière des États Membres ne permet pas d’allouer des ressources illimitées à ces opérations. Il a appelé à cet égard à la prise de mesures d’efficacité fortes, dont des réductions dans les budgets, qui semblent être une approche prometteuse pour faire face au défi qui se pose.
S’agissant des ressources humaines, le représentant a déclaré que souvent, « nous sommes face à des difficultés pour pouvoir disposer de Casques bleus qualifiés, alors qu’ils sont importants pour la bonne conduite des activités de maintien de la paix ». Il est donc urgent d’accroître le nombre de soldats de la paix qualifiés, a préconisé M. Yoshikawa. À cet effet, il a souligné l’importance d’élargir le nombre des pays contributeurs de troupes et de donner plus de formation aux troupes, cela étant un instrument important à mettre en œuvre si l’on veut avoir des Casques bleus qualifiés et en nombre suffisant. Le représentant a indiqué que le Japon, qui souhaite contribuer aux opérations de maintien de la paix en y élargissant son implication sous le concept « Proactive Contribution to Peace », a offert, en mars dernier, 200 tentes et 4 000 bâches en plastique à la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud. Le Japon a également fait don de 524 000 dollars pour la conduite de programmes de formation axés sur la protection des femmes contre la violence sexuelle et sur la promotion de la prévention des abus et de l’exploitation sexuelle commis par des Casques bleus.
M. THOMAS MAYR-HARTING, Chef de la délégation de l’Union européenne, a évoqué la résolution 1353 (2001) aux termes de laquelle le Conseil a esquissé les principes et les critères de renforcement de sa coopération avec les pays fournisseurs de troupes et de contingents, ainsi que la récente approbation, par l’Assemblée générale, des recommandations du Comité spécial des opérations de maintien de la paix. Dans des situations chaque fois plus volatiles, où les Casques bleus sont confrontés à des risques plus élevés, il a estimé qu’il était essentiel que ceux-ci soient dûment formés et disposent de matériels et d’équipements dernier cri pour s’acquitter de leur mandat, en toute sûreté et sécurité pour les hommes et les femmes opérant sur le terrain.
Il a préconisé que le Conseil délivre désormais aux missions « un mandat plus robuste, et l’emploi de nouvelles capacités comme celles offertes par la Brigade d’intervention de la MONUSCO, qui a démontré que l’imposition de la paix, là où c’est nécessaire et dans des conditions bien définies, peut contribuer à la réussite et à la légitimité d’une opération de la paix ». Parallèlement, il convient de s’assurer de l’utilisation optimale des capacités existant sur place, a recommandé M. Mayr-Harting, ajoutant que les États de l’Union européenne appuyaient également la modernisation des moyens des missions, à travers notamment l’usage des nouvelles technologies. Il a en outre salué les efforts du Secrétariat visant à professionnaliser les opérations de maintien de la paix, en particulier à travers la mise en œuvre de la Stratégie globale d’appui aux missions. M. Mayr-Harting a ensuite indiqué que l’Union européenne soutenait la protection des civils et l’application de la résolution du Conseil de sécurité sur les femmes, la paix et la sécurité. Il a recommandé de déployer davantage d’efforts dans la protection des civils et a salué la politique adoptée par les Nations Unies sur la question des transitions, qui met en avant la corrélation entre paix, sécurité, développement et égalité des sexes.
M. MARTEN GRUNDITZ (Suède), qui parlait au nom des États nordiques, à savoir le Danemark, la Finlande, l’Islande, la Norvège et la Suède, a déclaré que les pays nordiques avaient une longue tradition de participation et de coopération aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies. Pour exemple, la Suède apportera bientôt une contribution au Mali, qui sera constituée d’une unité de surveillance et de reconnaissance de l’information. Elle viendra en appui à l’Unité de fusion des sources d’information de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA).
Les nouvelles technologies renforceront l’aptitude des missions à protéger les civils et à améliorer leurs opérations, et elles permettront d’améliorer l’efficacité des actions menées dans l’exécution des mandats par les missions. La Suède se réjouit de contribuer au développement de l’approche conceptuelle de l’utilisation d’unités d’information et d’analyse, ainsi que de véhicules aériens sans pilote non armés au sein des missions de l’ONU, a indiqué M. Grunditz.
Au niveau opérationnel, il est important que des systèmes appropriés soient mis au point pour atteindre un niveau pertinent de sécurisation de l’information et d’utilisation de communications sécurisées. Au niveau stratégique, l’utilisation accrue des nouvelles technologies dans le maintien de la paix doit se refléter dans la politique et les documents réglementaires des Nations Unies, a dit le représentant. Il a aussi préconisé le développement de la coopération entre les missions, y compris le recours aux forces militaires de réserve d’une mission par une autre. Des forces de réaction mobiles pourraient offrir un niveau élevé de flexibilité et de durabilité aux missions, a-t-il expliqué.
M. MASOOD KHAN (Pakistan) a rappelé que son pays était l’un des plus importants fournisseurs de contingents aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies et par conséquent l’un des mieux placés pour juger de l’évolution du paysage du maintien de la paix au cours des dernières décennies. Considérant que le concept de « maintien de la paix robuste » avait déjà été utilisé par le passé et ne constituait pas vraiment une nouvelle tendance, il a estimé que son utilisation devait cependant se poursuivre. Il a prévenu des risques qu’il y a de voir des opérations de maintien de la paix se retrouver piégées dans des conflits asymétriques.
Rappelant que des drones non armés avaient été utilisés récemment par la MONUSCO pour l’aider à protéger les civils et surveiller les mouvements de groupes armés, le représentant a apporté son soutien à l’usage des nouvelles technologies, à condition de tenir compte des préoccupations des pays hôtes et de se conformer aux principes fondamentaux de maintien de la paix. Il faut continuer à renforcer la coopération et la complémentarité entre opérations de maintien de la paix, notamment dans les régions africaines du Sahel et des Grands Lacs, a-t-il préconisé. D’une manière générale, a conclu le représentant du Pakistan, toutes les décisions relatives aux opérations de maintien de la paix devraient être prises en concertation avec les pays contributeurs de troupes.
M. SEBASTIANO CARDI (Italie) a insisté sur l’impérieuse nécessité de garantir la sécurité du personnel de maintien de la paix dans des contextes de plus en plus volatiles. Il s’est félicité que le Comité spécial des opérations de maintien de la paix (Comité des 34) ait reconnu l’importance des nouvelles technologies en recommandant de les utiliser de manière qui soit cohérente avec les principes de base du maintien de la paix. Il a aussi apprécié que la plupart des OMP de l’ONU actuelles soient dotées d’un mandat de protection des civils. Au Soudan du Sud, plus de 70 000 personnes ont été sauvées et hébergées dans des camps de l’ONU depuis la fin de l’année dernière, a-t-il donné en exemple. Rappelant que nous étions en période d’austérité budgétaire, il a invité à faire preuve d’innovation, comme l’a recommandé le Secrétaire général adjoint au maintien de la paix, M. Hervé Ladsous, devant le Comité des 34, cette année. À cet égard, M. Cardi a souligné les effets bénéfiques obtenus grâce aux nouveaux moyens utilisés par la MONUSCO, c’est-à-dire la Brigade d’intervention et les drones, qui ont permis de sauver des vies. Il a parlé de la réunion d’experts de haut niveau que l’Italie a organisée récemment sur le thème « innovation et technologies dans le maintien de la paix », qui a mis en évidence les avantages qu’offrent les nouvelles technologies, comme par exemple les images prises par satellites et l’énergie renouvelable. L’Italie a aussi financé un projet de l’UNITAR visant à surveiller par images satellites la mise en œuvre de la résolution 2139 (2014) concernant l’accès humanitaire en Syrie.
M. GERT ROSENTHAL (Guatemala) a déclaré que si sa délégation soutient généralement les mandats multidimensionnels donnés aux OMP, il faut cependant se garder de multiplier les tâches sans hiérarchiser clairement les priorités, au risque de voir les Casques bleus crouler sous des responsabilités trop nombreuses. Par ailleurs, il a exprimé l’appréhension de sa délégation devant le concept d’opérations « robustes », comme il l’avait déjà fait en mars 2013, en tant que membre non permanent du Conseil de sécurité, lors de l’adoption de la résolution 2098 qui avait doté la MONUSCO d’une brigade d’intervention.
De même, M. Rosenthal a estimé que le recours aux nouvelles technologies, en particulier les drones de surveillance, devait répondre aux principes consacrés dans la Charte des Nations Unies. S’il a reconnu la pertinence de la coopération entre missions, le Conseil devrait, a-t-il estimé, faire preuve de prudence dans l’utilisation de cet outil et veiller à ce que les mandats donnés à chaque mission soient respectés, ainsi que les mémorandums d’accord signés par les pays contributeurs de troupes avec les Nations Unies. Enfin, a dit le représentant, il faut mener une analyse coût-efficacité de la conduite des OMP qui tiendrait compte des leçons apprises jusqu’à présent, ainsi que des implications juridiques et opérationnelles qu’elles ont sur les pays fournisseurs de contingents.
M. NORACHIT SINHASENI (Thaïlande) a souligné que les opérations de maintien de la paix avaient évolué au fil du temps et que le moment est venu pour le Conseil de sécurité de prendre note des tendances émergentes, d’en évaluer les implications et de se préparer à relever les futurs défis. Il a fait remarquer à cet égard qu’au lieu de l’adoption d’un document préalablement négocié, la présidence du Conseil a choisi, cette fois-ci, de ne considérer le document final qu’à l’issue du débat. « Une telle approche est unique et louable, car elle permet aux membres du Conseil d’entendre à la fois les opinions des États membres et celles de ceux non membres du Conseil, en particulier les fournisseurs de contingents, qui participent à ce débat », s’est-il félicité.
M. Sinhaseni a ensuite fait des remarques sur les nouvelles tendances qui ont vu le jour dans les opérations de maintien de la paix et sont consignées dans l’exposé du Secrétaire général et dans la note conceptuelle de la présidence russe du Conseil, et il a rappelé en particulier les principes régissant ces opérations et qui sont, en l’occurrence, le consentement des parties, l’impartialité et le non-recours à la force sauf en cas de légitime défense et de défense du mandat donné à la mission. Dans ce contexte, il a signalé que certains développements visant à créer des missions plus robustes et proactives ne répondaient pas à ces principes de base.
Concernant l’impartialité, il a évoqué la résolution 2098 du Conseil de sécurité, portant création d’une brigade d’intervention et autorisant la brigade à neutraliser des groupes armés, venant ainsi en appui aux autorités de la République démocratique du Congo. Il a posé la question de savoir si les Casques bleus devenaient partie au conflit aux côtés du Gouvernement de la République démocratique du Congo. Il a souligné qu’une réponse positive à cette question avait de sérieuses implications sur le statut des Casques bleus, qui en principe jouissent d’une protection, ainsi que sur leur sûreté et sécurité. S’agissant de l’inclusion des femmes dans les processus de paix, le représentant a salué la nomination récente par le Secrétaire général de la première femme commandant d’une force de maintien de la paix, le général de division Kristin Lund, de la Norvège. Mais il a déploré en revanche que les femmes ne représentent que 10% des personnels de police onusiens et moins de 3% du total des personnels militaires. Il a enfin mis l’accent sur le rôle fondamental du Comité spécial sur les opérations de maintien de la paix (Comité des 34) en tant que forum idoine pour discuter et prendre des décisions sur les questions évoquées.
M. AMBRAZEVICH (Bélarus) a relevé les grands changements survenus dans les opérations de maintien de la paix, notamment leur caractère qui n’est pas nécessairement international. Il a estimé que ces opérations doivent respecter strictement les mandats qui leur sont donnés, ainsi que les principes de base du maintien de la paix, notamment le respect de la souveraineté des États et la non-ingérence dans les affaires internes d’un État. En 1993, le Bélarus a été le premier pays à renoncer aux armes nucléaires, a-t-il rappelé, indiquant qu’aujourd’hui le Bélarus envoie du personnel à la Mission de l’ONU au Liban. Il a fait part de l’intention de son pays de participer davantage, dans l’avenir, aux opérations de maintien de la paix de l’ONU.
M. KAIRAT ABDRAKHMANOV (Kazakhstan) a indiqué que face à des opérations de maintien de la paix multidimensionnelles, multiformes et au nombre sans précédent des tâches qu’elles ont à accomplir, il faut que le Conseil leur donne des mandats plus robustes, clairs et acceptés par tous les participants, avec des repères sur les phases de progression pour que les opérations deviennent réalisables. Ces nouvelles tendances appellent aussi plus de coordination, de rationalisation et l’adoption de normes élevées de formation. Le personnel opérant sur le terrain devra également avoir plus compétence dans la relation et la coopération avec les pays d’accueil, et les parties internes et externes, y compris les organisations régionales et les ONG. La priorité devrait être accordée à l’égalité des sexes, aux droits de l’homme et au respect du Code de bonne conduite, a souligné le représentant. Il a ajouté qu’avec le déploiement des drones, utilisés uniquement à des fins de surveillance, il pourrait être utile d’avoir un groupe de travail spécial et une plateforme au sein du Conseil de sécurité pour discuter de futures avancées potentielles dans le déploiement de cette technologie et des dilemmes éthiques que leur usage pourrait créer.
M. GONZALO DE BENITO (Espagne) a indiqué que sa délégation appuyait tous les efforts tendant au renforcement de la coopération avec les organisations régionales et sous-régionales, qui contribue à plus d’efficacité et de cohérence dans les activités mises en œuvre dans le maintien de la paix, à éviter les chevauchements, et à tirer avantage de la complémentarité des efforts. Une telle coopération est également inestimable pour l’appropriation régionale de la solution des conflits, a-t-il estimé, en encourageant à resserrer la coopération entre les Nations Unies et l’Union européenne, aussi bien au niveau institutionnel qu’opérationnel. La coopération qui existe sur le terrain en République démocratique du Congo, à la frontière entre le Tchad et la République centrafricaine et, plus récemment, au Mali ou encore en République centrafricaine, montre la voie à suivre et à approfondir dans les prochaines années, a affirmé le représentant espagnol.
Il a déclaré que la paix et la sécurité internationales ne sont pas des « concepts abstraits » car, « comme la réalité, dramatique, nous le rappelle chaque jour, des millions d’hommes et de femmes se voient affectés par les conflits, et c’est à eux que nous devons nos efforts ». M. de Benito s’est félicité de l’intérêt constant porté par le Conseil à la question fondamentale de la protection des civils et de son inclusion dans les mandats des opérations de maintien de la paix. À ce propos, il a mis en relief la nécessité d’assurer la protection des enfants et a réitéré le plein appui de l’Espagne à la campagne de la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les enfants et les conflits armés intitulée « Enfants, pas soldats ». Il a en outre accueilli avec satisfaction l’organisation, par le Royaume-Uni, d’un sommet sur l’élimination de la violence sexuelle liée au conflit. Il a dit sa conviction que l’adoption d’un Protocole international sur la documentation et l’enquête sur les violences sexuelles liée au conflit, pourra devenir un instrument utile de protection adéquate des victimes.
M. de Benito a annoncé que son pays fêtait cette année le vingt-cinquième anniversaire de sa participation aux opérations de maintien de la paix. À ce titre, l’Espagne a contribué au cours de l’histoire à plus de 50 missions et opérations de gestion de crise et a déployé plus de 137 000 personnels dans des théâtres d’opération aussi complexes que le Liban, l’Afghanistan, les eaux au large des côtes de la Somalie, la Somalie, le Mali et la République centrafricaine. Quelques jours après la Journée internationale des Casques bleus, le représentant a rendu hommage au travail quotidien de celui-ci et au sacrifice ultime de certains membres des opérations de maintien de la paix.
M. YURIY SERGEYEV (Ukraine) a déclaré que l’Ukraine était favorable à l’utilisation d’hélicoptères militaires dans les missions de maintien de la paix et que son pays a doublé, depuis l’année dernière, le nombre d’unités déployées en raison de leur efficacité sur le terrain et leur coût. S’agissant des mandats octroyés aux opérations de maintien de la paix, le représentant a invité le Conseil de sécurité à adapter les mandats des missions de maintien de la paix aux circonstances actuelles tout en prenant les décisions nécessaires le plus tôt possible afin de permettre aux pays de se conformer aux recommandations qui leur sont faites. Il a aussi insisté sur la nécessité du recours aux unités de police des Nations Unies dans les situations de lutte contre le trafic international transfrontalier.
M. LIBRAN N. CABACTULAN (Philippines) a déclaré que ce débat public du Conseil de sécurité marque un tournant dans l’histoire des Nations Unies, compte tenu des nouvelles menaces que posent de nouveaux acteurs, non étatiques. Les opérations de maintien de la paix continuent pour leur part à se heurter à des défis de taille en matière de ressources financières, a déploré le représentant. En dépit de leur modeste contribution, les Philippines continuent de participer à ces opérations afin de garantir leur succès. Certains éléments du déploiement des OMP doivent être constants: fixer des mandats clairs, garantir la sûreté et la sécurité du personnel, ainsi que sa libre circulation, et s’assurer de la coopération des acteurs nationaux, a dit le représentant.
Réagissant à la note de synthèse distribuée avant la tenue du débat de ce jour, il a rappelé que les Philippines font partie des trois pays ayant le nombre le plus élevé de personnels civils dans les opérations de maintien de la paix, d’où la nécessité d’assurer le renforcement des mesures de protection de ce personnel. Le représentant a aussi souligné la nécessité de doter les missions des ressources et de l’équipement nécessaires à l’accomplissement de leur tâche, et il a invité le Conseil à réduire au minimum les transferts de matériels et d’activités entre missions. Parmi les questions devant trouver des réponses rapides, il a appelé à mener des études sur la propagation des maladies, pour que la présence et les activités des contingents dans un pays ne laissent pas d’empreintes délétères sur son environnement et sur les populations locales. Il a ensuite demandé un ajustement dans les remboursements des frais engagés par les pays contributeurs de troupes.
M. GUSTAVO MEZA-CUADRA VELAZQUEZ (Pérou) a indiqué que son pays participe depuis 1958 aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, cette date marquant l’année du déploiement de la Mission des observateurs de l’ONU au Liban. Depuis, le Pérou a fourni plus de 6 700 Casques bleus aux OMP, dont trois ont perdu la vie en défendant la paix et la sécurité internationales. La création d’opérations aux mandats multidimensionnels constitue une nouvelle donne, et dans ce sens, le principe d’impartialité doit être respecté afin d’affirmer la légitimité de la mission sur le terrain, de garantir la sûreté et la sécurité de son personnel, ainsi que son efficacité à long terme, a dit M. Velazquez. Il a aussi demandé que les activités de la Brigade d’intervention de la MONUSCO ne deviennent pas un précédent, tout en reconnaissant le rôle de celle-ci dans la protection des civils. À cet égard, il a proposé que le Comité spécial des opérations de maintien de la paix demeure l’organe compétent pour débattre des futures prérogatives des opérations de maintien de la paix.
Le représentant du Pérou a souligné par ailleurs que la complexité croissante des mandats de ces opérations exige une coordination accrue entre le Conseil de sécurité, le Département des opérations de maintien de la paix et les pays fournisseurs de contingents dans les différentes phases de mise en œuvre du mandat, y compris au stade de la conception et du renouvellement. Il a demandé une mise à jour des remboursements des dépenses liées aux contingents, car il y a un décalage entre les montants actuels et le coût réel des troupes. Il a enfin estimé crucial de réaffirmer le principe d’appropriation nationale, étant entendu que la consolidation de la paix doit être un processus fondamentalement national dans lequel le rôle joué par les opérations de maintien de la paix se limite à soutenir les autorités nationales dans l’articulation de leurs priorités de consolidation de la paix et de développement.
M. GONZALO KONCKE (Uruguay) a déclaré que l’objectif majeur de la participation de son pays aux opérations de maintien de la paix n’était pas la recherche d’un quelconque prestige au niveau international, mais était dû à « l’impératif catégorique éthico-moral et de solidarité avec les frères latino-américains et avec les pays en butte à des situations de conflit graves et d’instabilité, afin de contribuer à la première valeur de la Charte des Nations Unies qu’est le maintien de la paix et de la sécurité internationales ». En tant que pays fournisseur de contingents, l’Uruguay attache une grande importance au dialogue, à la consultation et à l’interaction entre tous ceux qui ont une influence directe ou indirecte sur le travail des Casques bleus, a dit M. Koncke. Il a plaidé pour que soit donnée voix au chapitre aux pays fournisseurs de contingents dans la formulation des politiques et dans le processus de prise de décisions concernant la conduite des OMP et ce, en vue d’un véritable partenariat et de la consolidation des liens entre la formulation des politiques de maintien de la paix et leur exécution sur le terrain.
En sa qualité de pays qui est l’un des principaux fournisseurs de troupes à la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO), l’Uruguay a considéré que l’établissement d’une brigade d’intervention au sein de cette Mission, en vertu de la résolution 2098 (2013), allait au-delà de la définition traditionnelle des opérations de maintien de la paix, qui doivent rarement avoir recours à l’usage de la force, sauf en cas de légitime défense et de défense du mandat qui leur est donné, a dit M. Koncke. Il a exprimé la préoccupation que ressent son pays concernant les effets que peuvent avoir les activités de la Brigade, en particulier en matière de protection des civils et de répercussions sur la sécurité des Casques bleus et sur le principe même d’impartialité. Il a déploré, en outre, l’absence de consultation préalable du Conseil avec les pays fournisseurs de contingents. Dans un climat marqué par la crise financière mondiale, le représentant a réaffirmé la nécessité que se tienne un dialogue « dynamique, ouvert et constructif » pour pouvoir arriver à un accord sur le taux de remboursement des troupes. Il a également encouragé le dialogue entre États Membres afin de parvenir à un accord sur l’utilisation de nouvelles technologies, comme les drones non armés. Tout accord devra inclure des règles bien définies et transparentes, a-t-il conclu.
M. TEKEDA ALEMU (Éthiopie) a tenu à attirer l’attention sur la nécessité de réexaminer certains principes, comme celui exprimé par le slogan « il n’y a pas de paix à maintenir ». Il est impératif que les principes de l’impartialité du maintien de la paix, du consentement du pays-hôte, du non-recours à l’usage de la force sauf en cas de légitime défense, qui sont inscrits dans la Charte, soient respectés. L’utilisation des technologies nouvelles et les questions éthiques et morales qu’elles impliquent, ainsi que le rôle croissant des mécanismes régionaux dans les opérations de maintien de la paix, notamment en Afrique, où sont déployés 70% des missions de maintien des Nations Unies, et l’exécution des mandats de maintien de la paix des Nations Unies, doivent faire l’objet de discussions ouvertes à tous les États Membres, a souligné le représentant.
Mme SITI HAJJAR ADNIN (Malaisie) a rappelé la commémoration récente, le 29 mai dernier, de la Journée internationale des Casques bleus. La Malaisie a participé, avec 29 000 personnes, aux opérations de maintien de la paix onusiennes pour lesquelles environ 116 000 personnels originaires des quatre coins du monde sont déployés actuellement dans les 16 opérations existantes. Comme l’ampleur des activités menées s’élargit et que les OMP deviennent de plus en plus complexes, les Casques bleus doivent faire face à des risques de plus en plus nombreux, comme les prises d’otages et la prise pour cible des membres des missions de l’ONU, a regretté la représentante. Elle a noté la décision du Conseil de sécurité concernant le déploiement d’une Brigade d’intervention au sein de la MONUSCO, et a estimé que cette brigade pourrait s’avérer utile et aider à garantir la sûreté et la sécurité des Casques bleus. Sur ce point, elle a exhorté à la prudence et au respect des principes énoncés par la Charte.
Tous les soldats de la paix doivent bénéficier de matériels et d’équipements de qualité et travailler dans des conditions optimales afin de réagir efficacement à des situations imprévues sur le terrain, a ensuite recommandé la représentante. L’utilisation de technologies modernes tels les drones non armés, ainsi que l’imagerie satellitaire, pourrait renforcer l’efficacité des soldats de la paix, a-t-elle estimé. La représentante a souligné, à cet égard, le fait que tous les pays fournisseurs de contingents ne peuvent fournir à leurs Casques bleus des moyens optimaux, ce qui justifie la demande relative à l’ajustement à apporter aux remboursements des coûts. La représentante a indiqué que la Malaisie réaffirme son engagement à œuvrer avec tous les partenaires en faveur du maintien de la paix par les Nations Unies.
M. ANTONIO DE AGUIAR PATRIOTA (Brésil) a dit que les guerres et tensions entre États restent et demeurent les tendances observables dans les conflits, même à l’heure actuelle, malgré la recrudescence des conflits internes. Les civils continuent d’en être les victimes principales. À cet égard, le maintien de la paix reste l’instrument international pour maintenir la paix dans le monde, a dit le représentant. Mais son évolution a entrainé aussi des engagements élevés de la part des États contributeurs de troupes, pour lesquels le représentant a demandé un taux de remboursement plus juste des frais qu’ils engagent.
Il a rejeté le discours selon lequel l’insuffisance des ressources conduirait l’ONU et la communauté internationale à se détourner des tâches de reconstruction et de développement après les conflits. Ce serait un échec si les nouvelles tendances du maintien de la paix favorisaient la prévalence de solutions à caractère militaire au détriment des mandats multidimensionnels, a ajouté le représentant du Brésil.
Il a aussi dénoncé le fait que la coopération entre les missions soit vue comme un moyen de réduction des coûts. Il a refusé le fait qu’elle pourrait conduire à sous-traiter les activités incombant aux missions de maintien de la paix, notamment en Afrique. Concernant certaines nouvelles tendances, comme celle ayant trait à l’utilisation des drones, elles pourraient réduire à néant le maintien de la paix si elles entrainent une réduction de la présence de Casques bleus bien formés et bien équipés sur le terrain, a averti le représentant. D’autre part, seul un Conseil de sécurité reformé aura dans l’avenir la légitimité nécessaire pour répondre aux demandes d’opérations de maintien de la paix, a-t-il prévenu.
M. OMAR HILALE (Maroc) a déclaré qu’en tant que contributeur de contingents africains aux OMP depuis 1960, qui lui ont permis de faire participer plus de 60 000 personnels dans 13 opérations de maintien de la paix déployées dans quatre continents, le Maroc souhaite contribuer à la fixation d’un objectif ambitieux qui puisse rapprocher les réalités qui existent sur le terrain du Siège de New York. M. Hilale a dit que cet objectif ne peut être atteint que par le biais du dialogue, de l’interaction et de la réflexion collective.
Pour assurer le succès de toute opération de maintien de la paix, quelle que soit sa portée, il a estimé qu’il fallait mettre l’accent sur le « réalisme des mandats établis par le Conseil de sécurité, la coopération triangulaire entre le Secrétariat, les pays contributeurs de troupes et l’instance exécutive dans les phases de planification et de mise en œuvre de ces mandats, et des véritables stratégies de sortie accompagnées de mesures assurant un développement durable.
Le représentant a réitéré les principes fondamentaux régissant les opérations de maintien de la paix, notamment le consentement des parties, l’impartialité et le non-recours à la force, sauf en cas de légitime défense; le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des pays concernés; la non-ingérence dans leurs affaires intérieures; et la prise en compte de la spécificité de chaque situation. S’agissant de la coopération entre les missions, M. Hilale a rappelé que la présidence marocaine du Conseil avait organisé, en décembre 2012, un débat dédié spécialement à cette thématique, qui avait permis de mettre en valeur tout le potentiel de cette coopération et d’identifier les difficultés à surmonter. Cet outil a beaucoup d’avantages dans le contexte d’optimisation des ressources et pour combler les lacunes logistiques en cas de crise, mais il ne doit pas être considéré comme une solution durable aux nombreux problèmes structurels qui entravent l’efficacité du maintien de la paix, a indiqué M. Hilale. Il a encouragé le Conseil et les États Membres à conduire une « plus ample réflexion » sur l’utilisation des nouvelles technologies afin de parvenir à un consensus à ce sujet au niveau du Comité des 34, ceci, en vue de clarifier tous les aspects liés à leur utilisation.
M. WILBERT A. IBUGE (République-Unie de Tanzanie) a jugé indispensable que les opérations de maintien de la paix de l’ONU travaillent de concert avec les gouvernements des pays hôtes et aident ces gouvernements à atteindre leurs objectifs et priorités s’agissant de la paix durable et du développement économique et social. M. Ibuge a dit que les OMP devaient être assez robustes pour dissuader les groupes armés de passer à l’action. Notant que 106 Casques bleus ont perdu la vie en 2013, le représentant de la Tanzanie a rappelé que ce chiffre illustre le danger auquel font face ces missions. Alors que de plus en plus de missions se voient dotées d’un mandat placé sous le « Chapitre VII », le représentant de la Tanzanie a jugé indispensable que ces missions se voient dotées des moyens qui leur permettraient de mettre en œuvre ces ambitieux mandats. Il a donc appelé le Conseil de sécurité à s’assurer que les mandats adoptés soient en phase avec les moyens disponibles. À cet égard, il a appelé à une meilleure coopération triangulaire entre le Conseil de sécurité, le Secrétariat, et les pays fournisseurs de contingents. Il a, par ailleurs, appelé à mesurer l’efficacité tactique et opérationnelle du recours aux nouvelles technologies, et les implications politiques et juridiques qu’entraine leur usage.
M. ABDOU SALAM DIALLO (Sénégal) a déclaré que les nouvelles tendances à l’œuvre dans le maintien de la paix étaient le résultat des mutations profondes opérées pour juguler les multiples menaces à la paix et à la sécurité internationales. Il est toutefois de la responsabilité du Conseil de sécurité et de l’ensemble de ses membres de porter un regard attentif sur l’impact recherché et le résultat obtenu de cette pratique évolutive du maintien de la paix, a-t-il dit. Les liens étroits entre sécurité, droits de l’homme, droit international humanitaire et processus politiques de consolidation de la paix, exigent le déploiement de missions aux compétences larges pour éviter la résurgence des violences qui naissent de situation pré ou postélectorales, de procédures judiciaires liées à la reddition de comptes, ou de l’échec des efforts de réconciliation nationale, a expliqué le représentant. Il convient toutefois d’établir un ordre de priorités suivant une approche de long terme, mais également un système de coordination apte à réaliser les objectifs assignés, a-t-il prévenu. L’octroi de l’établissement de mandats robustes aux missions, quoique s’écartant du principe de neutralité, peut contribuer fondamentalement à la protection des populations civiles et au rétablissement de l’intégrité territoriale, a estimé M. Diallo. Après avoir expliqué l’intérêt que peuvent avoir les véhicules aériens non armés, il a jugé que la coopération entre missions pouvait participer du renforcement des aptitudes opérationnelles des troupes en cas d’ouverture de nouvelles missions et combler les déficits d’effectifs des contingents déjà déployés.
M. LE HOAI TRUNG (Viet Nam) a tenu à rendre hommage aux plus de 118 000 hommes et femmes, issus de 122 États Membres, qui servent dans les 16 opérations de maintien de la paix déployées par l’ONU à travers le monde, et dont le dur labeur et le dévouement, souvent dans des situations difficiles et dangereuses, sont symboliques de la détermination collective des Nations Unies à maintenir la paix et la sécurité internationales. Il a annoncé que dès la fin de ce mois, des soldats des Forces armées vietnamiennes vont être dépêchés à la Mission des Nations Unies au Soudan du Sud. Le Viet Nam a également établi un centre de maintien de la paix en tant que noyau de formation des futurs Casques bleus, de façon à garantir leur professionnalisme, leur dynamisme, et le respect des normes les plus élevées dans l’exercice de leur mandat.
M. Le Hoai Trung a rappelé à son tour les principes fondamentaux régissant les opérations de maintien de la paix, citant plus particulièrement celui de leur totale impartialité, le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale des États, et la non-ingérence dans leurs affaires intérieures. Le représentant a en outre fortement condamné les récentes attaques ciblant les Casques bleus, et a exhorté le Conseil à garantir que les normes maximales de sûreté et de sécurité sont mises en œuvre en leur faveur. Dans ce contexte, il a appelé à fournir aux missions de maintien de la paix les ressources suffisantes pour protéger les Casques bleus en toutes circonstances. Il importe, d’un autre côté, de s’attaquer aux causes profondes des conflits en engageant toutes les parties impliquées sur la base du dialogue et du règlement pacifique des différends, notamment par le biais de solutions globales à long terme aux dimensions politiques, sécuritaires, économiques et humanitaire des conflits, a-t-il proposé. Il faut en outre ne ménager aucun effort dans le cadre de la diplomatie préventive, de la prévention des conflits et du règlement des différends par des moyens pacifiques, a préconisé le représentant.
M. OSAMA ABDELKHALEK MAHMOUD (Égypte), qui parlait au nom des pays non alignés, a souligné l’importance de trouver un consensus entre les États Membres sur les politiques et sur la mise en œuvre des idées et des approches adoptées collectivement. Le Comité spécial des opérations de maintien de la paix (C34) reste la seule enceinte légitime en matière de maintien de la paix, a-t-il rappelé. Il a ajouté que le déploiement de missions de la paix doit s’accompagner de l’octroi des moyens humains, financiers et matériels nécessaires à l’accomplissement des mandats qui sont confiés à ces missions. Il est également impératif que le Conseil ait recours aux expériences des pays contributeurs quand il s’agit de discuter de la prolongation des mandats des missions.
Le représentant a demandé à l’Assemblée générale de revoir à la hausse le taux de remboursement des coûts des contingents avant la fin de ce mois. Il a mis en garde l’ONU et les autres États Membres, indiquant qu’aucune solution ponctuelle ou temporaire ne serait acceptée par le Groupe des pays non alignés. Concernant l’utilisation des drones, les non-alignés préconisent le recours à ces engins au cas par cas, et selon les nécessités du terrain. Les pays non alignés soulignent aussi la nécessité de considérer les implications juridiques, opérationnelles, techniques et financières de l’utilisation des drones au sein du Comité des 34 sans plus tarder.
M. DESRA PERCAYA (Indonésie) a indiqué que sa délégation appréciait la note de synthèse « bien rédigée et réaliste » distribuée aux États Membres, et il a noté qu’au fil des ans, les opérations de maintien de la paix ont évolué pour devenir plus complexes du point de vue conceptuel et opérationnel. Recommandant l’adoption de paramètres souples, il a appelé à la prudence, afin de ne pas remettre en question la légitimité des OMP et la crédibilité des Nations Unies. Il a établi une nette distinction entre le maintien de la paix et l’imposition de la paix, les deux concepts étant tout à fait différents.
Pour M. Percaya, l’établissement et le déploiement d’opérations de maintien de la paix par le Conseil de sécurité ne doivent pas être utilisés par certains États pour favoriser des interventions dans d’autres pays et y imposer leurs intérêts. Il a mis en garde contre l’élargissement du mandat d’une mission et l’autorisation donnée à cette mission concernant l’usage de la force en l’absence d’un plan global scrupuleusement conçu et appuyé de façon adéquate. Dans ce contexte, il a mis le doigt sur la nécessité de mieux définir, sans ambiguïté et dans la transparence, ce que l’on entend par « opérations de maintien de la paix robustes ». Le représentant indonésien a réaffirmé le rôle central du Comité des 34 dans l’examen de plusieurs aspects de ces opérations et a prié le Secrétariat de s’abstenir de concevoir des politiques ou des directives sans que celles-ci soient préalablement discutées au niveau intergouvernemental.
M. CHARLES P. MSOSA (Malawi) a déclaré que le Conseil de sécurité doit demeurer le seul organe mandaté à maintenir la paix et la sécurité dans le monde. Il a rappelé que les conflits actuels sont des conflits intra-étatiques dans lesquels des gouvernements légitimes font face à des groupes armés, dont certains ont des objectifs politiques clairs. Face à cela, les mandats des missions de maintien de la paix doivent être clairs, afin qu’elles reçoivent l’appui et la coopération des populations dans les endroits où elles sont déployées. Le représentant a ajouté la nécessité de combattre l’impunité, afin de lutter contre ceux qui s’attaquent aux Casques bleus et aux civils. Il a déclaré, concernant le déploiement d’une Brigade d’intervention en République démocratique du Congo (RDC) que celle-ci a permis de neutraliser le M23, un groupe armé illégal qui avait bénéficié d’un niveau d’impunité inacceptable et intolérable.
M. KAREL VAN OOSTEROM (Pays-Bas) a espéré que des améliorations seront apportées l’année prochaine aux commémorations du 29 mai, Journée internationale des Casques bleus. Aux fins de l’amélioration de l’efficacité des missions, de la protection des civils et du personnel, et de la facilitation de la transition à la fin du conflit, le représentant néerlandais a estimé que la prise en compte des quatre dimensions suivantes est indispensable au succès des OMP: l’innovation, l’intégration, l’instruction et l’information. Dans cet esprit, il a préconisé d’analyser de plus près les possibilités offertes par les nouvelles technologies et d’améliorer la robustesse des opérations. À cet égard, a-t-il annoncé, les Pays-Bas ont déployé des appareils technologiques de pointe à la MINUSMA, car l’efficacité est la gageure d’une transition rapide à l’issue d’un conflit. Par ailleurs, les opérations de maintien de la paix ne peuvent fonctionner dans l’isolement et, dans les situations de conflit, la paix, la justice et le développement sont des questions intimement liées, a-t-il souligné, ajoutant que l’intégration doit être réalisée aux niveaux stratégique, opérationnel et tactique, ainsi que durant tout le cycle de vie de la mission. M. Oosterom a aussi encouragé la coopération civile et militaire et la coordination à l’échelle du pays
M. LEVENT ELER (Turquie) a dit que le maintien de la paix était devenu « le visage » des Nations Unies. Mais cette image a elle-même évolué avec les circonstances, et elle demande dans son état actuel, que des changements soient effectués concernant notamment la question de l’attribution de mandats « robustes » aux missions. Ces mandats devraient préserver l’impartialité qui caractérise les Nations Unies, a ajouté le représentant. Il faut aussi, a-t-il dit, s’assurer que la sécurité des Casques bleus exerçant leurs missions soit respectée. À cet effet, l’utilisation de drones peut être d’une grande aide, a estimé le représentant. Mais toute utilisation de drones doit aussi respecter la Charte des Nations Unies, a-t-il préconisé.
Il a en outre salué le nouveau concept multidimensionnel, souple et réaliste appliqué aux missions de maintien de la paix. Avant d’avoir recours au maintien de la paix, des efforts doivent cependant être déployés pour anticiper et prévenir les conflits, a poursuivi le représentant qui a préconisé le recours à la médiation préventive comme un des moyens pour préserver la paix et la sécurité. À cet égard, il a suggéré le renforcement des capacités des Nations Unies et des organisations régionales en la matière.
M. TIM MAWE (Irlande) a déclaré que l’adaptation était le mot clef pour faire face aux environnements et aux défis à la fois nouveaux et différents qui se posent aux opérations de maintien de la paix. Il a souligné que l’Irlande jouissait d’une solide expérience en la matière depuis son premier déploiement, qui a eu lieu en 1958, date depuis laquelle l’Irlande a assuré à 12 occasions le commandement d’une mission de l’ONU. La réalité actuelle est que le maintien de la paix a tellement changé que le terme même ne réussit plus à décrire la portée et la nature des activités menées sous ce label, a fait remarquer M. Mawe. Il a affirmé à ce propos que la note de synthèse appelle à une approche plus systématique et conjointe. Il a émis le vœu de voir des opérations de maintien de la paix de l’ONU plus « intelligentes, qui soient en harmonie avec leur objectif et qui soient dûment financées ». M. Mawe a aussi annoncé que l’Irlande va organiser un nouveau débat au Siège de l’ONU afin d’analyser les progrès accomplis en matière d’OMP. Il a mis l’accent sur la nécessité d’assurer la protection du personnel de maintien de la paix, et a déploré la perte de 37 Casques bleus pour la seule année 2014, encore en cours.
Le représentant a noté que le mandat donné aux missions aujourd’hui était en moyenne plus long et plus complexe qu’autrefois, alors que les ressources n’ont pas évolué proportionnellement. Il a reconnu qu’il faudra procéder à des choix difficiles pour parvenir à la définition de mandats clairs et plus réalistes. Il sera sans doute nécessaire de réduire les effectifs, voire de fermer certaines missions existant de longue date, a-t-il constaté.
M. ABDUL MOMEN (Bangladesh) a dit que pour répondre aux demandes croissantes exprimées en matière d’opérations de maintien de la paix, il est nécessaire d’améliorer le déploiement rapide des forces. Le Bangladesh appuie le recours aux technologies modernes pertinentes et adaptées à un environnement de plus en plus complexe. Mais elles doivent être utilisées de manière prudente et réaliste et non pour remplacer les soldats de la paix sur le terrain, a prévenu M. Momen.
Les opérations de maintien de la paix des Nations Unies ont des limites de fonctionnement en termes de collecte de renseignements en temps réel. Ces limitations doivent être comprises avant de les déployer dans des situations complexes et contradictoires. Aujourd’hui, la technologie vient en appui à un large éventail de tâches dans la conduite des opérations de maintien de la paix des Nations Unies et au-delà, de celles qui sont menées par des forces militaires et de police nationales ou extérieures; englobant des unités d’information et de communication, un soutien médical et des fonctions d’analyse et de rapport, a poursuivi M. Momen.
L’utilisation d’un système de surveillance aérien sans pilote pourrait aider à l’amélioration de la connaissance de la situation prévalant sur le terrain, à l’amélioration de la capacité d’alerte précoce et à la sécurisation du personnel de maintien de la paix. « Nous soutenons pleinement l’utilisation de la technologie moderne appropriée pour augmenter les capacités opérationnelles des soldats de la paix dans un environnement complexe », a expliqué le représentant qui a soutenu l’appel lancé par son homologue de l’Inde en faveur de l’augmentation du taux de remboursement des dépenses engagées par les pays contributeurs de troupes, ceci sur la base des taux proposés par l’enquête ordonnée par l’Assemblée générale.
Mme MALENGA OMOY CHARLOTTE (République démocratique du Congo) a cité en exemple la pratique suivie par le Conseil de sécurité dans son propre pays, lorsqu’il a adopté en 2014 une résolution renouvelant le mandat de la MONUSCO et celui de la Brigade d’intervention créée au sein de la MONUSCO. Par ailleurs, l’utilisation pour la toute première fois en RDC de drones de surveillance dans le cadre d’une opération de maintien de la paix est un cas d’école qui sonne le glas d’une conception traditionnelle du maintien de la paix et ouvre la voie au recours aux technologies modernes pour rendre plus efficace le maintien de la paix, a poursuivi la représentante. Pour les populations de la région, l’Accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération, signé par 11 pays en 2013 pour traiter de la situation dans la région des Grands Lacs, et la résolution 2098 (2013), qui est venue renforcer l’Accord, sont perçus comme des « preuves éloquentes » de la détermination de la communauté internationale à trouver une solution définitive à une instabilité qui n’a que trop duré et pour laquelle la RDC a payé un lourd tribut, a ajouté Mme Malenga Omoy. « Il faut en effet rappeler une triste réalité, souvent méconnue, à savoir que, du fait des conflits à répétition, la RDC, notre pays, a perdu plus de 6 millions d’âmes, a déploré la représentante. C’est une tragédie dont l’ampleur n’a pas d’égale dans l’histoire de l’humanité, et qui ne peut laisser cette dernière indifférente, sauf à perdre son âme, a conclu la représentante.
M. JIM MCLAY (Nouvelle-Zélande) a relevé les nouvelles pressions que subissent les opérations de maintien de la paix à l’ONU et a souligné la responsabilité de l’Organisation d’y répondre. Il a regretté à cet égard que le Comité spécial des opérations de maintien de la paix (aussi appelé le « C34 ») se trouve trop souvent dans une impasse et donc incapable d’apporter le soutien nécessaire à ce secteur. Il a souhaité que le C34 parvienne rapidement à une solution juste sur la question du remboursement à verser aux pays fournisseurs de contingents. La Nouvelle-Zélande appuie l’évolution des mandats multidimensionnels donnés aux OMP, dès lors qu’ils sont bien conçus et dotés de ressources suffisantes, a-t-il poursuivi. Concernant les préoccupations exprimées sur les mandats « robustes » approuvés par le Conseil, il a rappelé que l’ONU ne peut pas toujours rester sur la touche. Elle doit parfois agir, a-t-il dit.
De l’avis du représentant, « il est erroné de dire que les mandats robustes décidés par le Conseil de sécurité pour les missions en RDC, au Mali et en République centrafricaine sont complètement nouveaux ». Ce genre de mandat, qui prévoit une forte protection des civils, est une réalité depuis au moins 10 ans pour la plupart des missions, a-t-il estimé. Heureusement, a-t-il ajouté, l’usage de la force a été rarement nécessaire. Il a toutefois estimé que la capacité à agir des missions est un bon moyen de dissuasion. M. McLay a, par ailleurs, reconnu le rôle important des organisations régionales et sous-régionales dans le maintien de la paix, comme son pays en a fait l’expérience dans sa propre région. Enfin, il a invité à consulter davantage les pays contributeurs de troupes pour les décisions relatives à la mise en œuvre ou à la conception des mandats et l’usage des nouvelles technologies.
M. NICHOLAS EMILIOU (Chypre) a rappelé que le maintien de la paix demeure un des outils primordiaux grâce auxquels l’ONU est en mesure d’assurer son principal mandat: le maintien de la paix et de la sécurité internationale. L’émergence de nouveaux défis exige donc une réponse collective et organisée de la part de la communauté internationale, a estimé le représentant, pour qui il est indispensable que les Casques bleus et personnels civils soient correctement équipés, notamment en disposant des technologies les plus avancées. Chypre est également favorable à l’expansion des mandats des missions lorsque cela s’avère nécessaire, afin de garantir la sécurité et la sûreté des Casques bleus, a indiqué M. Emiliou, pour qui une perspective sexospécifique doit être pleinement intégrée aux mandats des opérations de maintien de la paix, dans la mesure où les femmes peuvent jouer un rôle significatif dans la résolution des conflits.
* *** *
À l’intention des organes d’information • Document non officiel