CS/11393

La Procureure de la Cour pénale internationale exhorte à nouveau la Libye à remettre à la Cour Saif Al-Islam Qadhafi

13/5/2014
Conseil de sécuritéCS/11393
Département de l’information • Service des informations et des accréditations • New York

Conseil de sécurité                                        

7173e séance – matin                                       


LA PROCUREURE DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE EXHORTE À NOUVEAU LA LIBYE À REMETTRE À LA COUR SAIF AL-ISLAM QADHAFI


Le Conseil de sécurité a entendu, ce matin, l’exposé semestriel en application de la résolution 1970 (2011) de la Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), Mme Fatou Bensouda, qui a, une nouvelle fois, exhorté la Libye à immédiatement satisfaire la demande que lui a adressée la Cour de lui remettre le fils de l’ancien dictateur, Saif Al-Islam Qadhafi.


« La démocratie avance en Libye », a assuré aux membres du Conseil le représentant de la Libye, en précisant que les Libyens étaient déterminés à la réaliser pleinement.  « La Libye est fermement engagée à établir la responsabilité de tous ceux qui ont commis des crimes graves et à respecter la sécurité de l’ensemble de ses citoyens sur l’ensemble du territoire libyen », a-t-il ajouté.


Mme Bensouda a rappelé que le Conseil de sécurité, en vertu de sa résolution 1970 (2011) du 26 février 2011, avait déféré au Procureur de la CPI la situation en Libye pour les graves violations du droit international et des droits de l’homme commises dans le pays depuis le 15 février 2011.


Dans le septième rapport qu’elle présentait au Conseil de sécurité, elle estime que « la mission de la CPI de mettre un terme à l’impunité en Libye demeure cruciale ».


La Libye, a-t-elle expliqué au cours de son intervention, « continue à faire face à des problèmes de sécurité graves et à une crise politique profonde qui compromettent sa capacité à apporter des changements judiciaires et autres, à la fois significatifs et indispensables ».


Pour Mme Bensouda, renforcer la capacité de la Libye à assumer ses responsabilités en matière de sécurité demeure la clef du succès des efforts communs pour une paix durable dans le pays.  « Les Libyens devraient répondre à l’appel de ce Conseil à soutenir la transition démocratique en Libye, à engager un dialogue politique et à s’abstenir de toute violence et d’actes qui remettraient en cause la stabilité de l’État », a-t-elle dit.


La Procureure a rappelé que les personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes graves en Libye devraient être traduites en justice, soit en Libye, soit devant la CPI.  « Ceci n’est pas négociable », a-t-elle affirmé, en regrettant que les progrès fussent lents dans la procédure de recevabilité concernant l’affaire Abdullah Al-Senussi. 


De même, la Libye doit immédiatement satisfaire à la demande que lui a adressée la CPI de lui remettre Saif Al-Islam Qadhafi, a-t-elle poursuivi, en affirmant que les procédures judiciaires nationales ne devraient jamais servir de prétexte pour éviter d’exécuter la décision de la Chambre préliminaire de la Cour. 


Au cours du débat qui a suivi l’exposé de la Procureure, de nombreuses délégations se sont félicitées des premiers contacts qui ont eu lieu entre le Bureau du Procureur et le Procureur général de la Libye, M. Abdul Qader Radwan, sur les modalités de mise en œuvre du mémorandum d’accord, signé l’an dernier, entre les autorités libyennes et la CPI pour favoriser la collaboration et le partage des tâches en matière d’enquêtes et de poursuites.


Le délégué libyen a souligné, pour sa part, que le mémorandum d’accord se fondait sur une « complémentarité positive entre le système judiciaire libyen et la CPI ».  Il a émis l’espoir que les deux parties réussiront à se mettre d’accord sur la mise en œuvre de cet accord lors de la prochaine visite de la Procureure en Libye.


De même, plusieurs pays, préoccupés par le fait qu’environ 7 000 personnes sont toujours détenues par des brigades armées sans qu’elles puissent bénéficier des droits de la défense et, en particulier un procès équitable, nombre d’entre elles étant soumises à la torture et autres traitements inhumains et dégradants, ont appelé la Libye à veiller à ce qu’elles soient placées sous le contrôle effectif de l’État, conformément, comme l’a souligné le Luxembourg, aux recommandations de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) et du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.


« Tous les détenus doivent être traités dans les meilleures conditions et être transférés vers des centres de détention appropriés contrôlés par le Gouvernement libyen dans les meilleurs délais », a insisté le représentant des États-Unis.  « Les accusés doivent être informés des motifs d’accusation retenus contre eux, traduits en justice, avoir accès aux preuves et être assistés d’un avocat », a fait observer son homologue de l’Australie.


Certains, comme l’Argentine, ont également jugé qu’il était indispensable de mettre en place une stratégie visant à assurer le retour des personnes déplacées.


Le représentant de la France a, quant à lui, appelé les Libyens à se rassembler autour d’un projet politique commun pour mener à bien la transition démocratique, en souhaitant, à cet égard, qu’un gouvernement d’union nationale soit rapidement formé par le Premier Ministre élu, M. Ahmed Meiteg, et ce, avec le soutien du Conseil de sécurité.



LA SITUATION EN LIBYE


Déclarations


Mme FATOU BENSOUDA, Procureure de la Cour pénale internationale (CPI), qui présentait son septième rapport en application de la résolution 1970 (2011), a rappelé qu’il y a un peu plus de trois ans, son Bureau avait commencé à travailler avec le Conseil de sécurité après que celui-ci eut déféré à la CPI la situation en Libye. 


En mars de cette année, la Libye avait marqué le troisième anniversaire de sa révolution, a-t-elle dit, en soulignant la forte détermination du peuple libyen à consolider sa liberté et à construire un État moderne et démocratique qui respecte l’état de droit et les droits de l’homme.


Néanmoins, la Libye continue à faire face à des problèmes de sécurité graves et à une crise politique profonde qui compromettent sa capacité à apporter des changements judiciaires et autres, à la fois significatifs et indispensables.  La détérioration constante de la situation en matière de sécurité a sapé les activités d’enquête du Bureau et entravé les possibilités d’interaction efficace avec le Gouvernement de la Libye, a-t-elle regretté. 


Pour Mme Bensouda, renforcer la capacité de la Libye à assumer ses responsabilités en matière de sécurité demeure la clef du succès des efforts communs pour une paix durable dans le pays.  Les Libyens devraient répondre à l’appel de ce Conseil à soutenir la transition démocratique en Libye, à engager un dialogue politique et à s’abstenir de toute violence et d’actes qui remettraient en cause la stabilité de l’État.


La Procureure a notamment expliqué que, tandis que le nombre de détenus nécessitant le transfert vers des centres de détention appropriés contrôlés par le Gouvernement libyen a chuté de 8 000 à 7 000, le processus de transfert doit cependant être accéléré.  Les détentions illégales et la torture n’ont pas leur place dans la Libye moderne, a-t-elle déclaré.


Il est temps également pour le Gouvernement libyen de résoudre la question de Tawergha, a poursuivi la Procureure.  Les mesures prises par le Gouvernement libyen, avec la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) pour organiser une conférence nationale sur les déplacements internes et des réunions avec les Conseils locaux de Tawergha et de Misrata sont la bienvenue, a-t-elle dit.  Elle a précisé que ces efforts n’avaient pas encore porté leurs fruits et qu’il convenait de les intensifier.


Il ne fera aucun doute, a estimé Mme Bensouda, que la Libye a besoin d’aide pour réussir dans ses aspirations pour la transition vers la démocratie et l’état de droit.  La justice est la clef pour parvenir à instaurer une paix durable et elle doit être au centre des efforts internationaux pour aider la Libye. 


Les principaux partenaires de la Libye devraient sérieusement envisager de former un groupe de contact sur les questions de justice par le biais duquel un appui matériel et juridique pourrait être fourni régulièrement en vue d’améliorer les efforts de la Libye à rendre justice aux victimes.


La Procureure a rappelé que les personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes graves en Libye devraient être traduites en justice, soit en Libye, soit devant la Cour pénale internationale.  « Ceci n’est pas négociable », a-t-elle affirmé, en regrettant que les progrès fussent lents dans la procédure de recevabilité concernant l’affaire Abdullah Al-Senussi.  Elle a exhorté le Gouvernement libyen à faire en sorte que ce dossier puisse être traité sans retard et dans le plein respect de ses droits à un procès équitable.


Elle s’est dite préoccupée par le fait que, malgré la décision de la Chambre préliminaire obligeant le Gouvernement libyen à remettre Saif Al-Islam Qadhafi à la Cour, ce dernier n’avait toujours pas été extradé.  Le Gouvernement de la Libye doit immédiatement remettre Saif Al-Islam Qadhafi à la Cour, a-t-elle insisté, en estimant que les procédures judiciaires nationales ne devraient jamais servir de prétexte pour ne pas exécuter la décision de cette Chambre.  Il incombe au Gouvernement libyen de s’engager à coopérer pleinement avec les juges et à fournir l’assurance que ses procédures internes contre Saif Al-Islam Qadhafi n’entraveront pas son obligation de le remettre à la Cour.


Mme Bensouda a encouragé le Gouvernement de la Libye à être totalement transparent dans les activités judiciaires.  La Procureure a exprimé l’espoir sincère de son Bureau de voir la proposition d’établir un groupe de contact aboutir dès que possible.  Ceci, a-t-elle conclu, enverrait un message clair au Gouvernement de la Libye selon lequel ses principaux partenaires ont l’intention de donner suite à leurs engagements à soutenir les initiatives de justice et à appuyer le développement des relations entre la CPI et le Gouvernement libyen.


M. MAHAMAT ZENE CHERIF (Tchad) s’est dit préoccupé par le fait que plus de 7 000 personnes soient toujours emprisonnées depuis le conflit passé sans motifs d’inculpation, en violation de leurs droits fondamentaux.  Concernant les procès en cours, il a souhaité que la CPI aille jusqu’au bout de ses efforts pour que le procès d’Abdullah Al-Senussi aboutisse à une décision.  Les responsables des violations graves des droits de l’homme doivent répondre de leurs actes, même si nous sommes conscients que la situation politique et sécuritaire reste précaire, a souligné le représentant.  Le représentant du Tchad a déclaré en conclusion qu’il espérait que Saif Al-Islam Qadhafi fasse l’objet d’un procès équitable.


M. EIHAB OMAISH (Jordanie) a assuré que depuis 2011, les autorités successives en Libye s’étaient engagées à continuer d’établir l’état de droit et à exercer la reddition de comptes pour les crimes commis pendant le conflit, en dépit des obstacles rencontrés.  Il a félicité le Gouvernement libyen pour ses efforts et sa coopération avec le Bureau du Procureur.


Le délégué s’est dit préoccupé par les progrès lents accomplis concernant la situation des détenus en Libye, en encourageant le Gouvernement libyen à œuvrer étroitement avec les Nations Unies en vue de mettre fin à ce problème. 


Mme MARÍA CRISTINA PERCEVAL (Argentine), tout en notant que la Libye avait de nombreux défis à relever pour rétablir l’état de droit, s’est déclarée encouragée par le dialogue et la coopération constants entre le Bureau de la Procureure et les autorités libyennes.  Elle a ensuite rappelé que la Libye avait pour obligation de remettre Saif Al-Islam Qadhafi à la CPI.  Consciente que la Libye avait engagé des poursuites contre ce dernier, la représentante de l’Argentine a donc demandé que cette procédure ne soit pas menée en violation des obligations de la Libye vis-à-vis de la Cour.  Par ailleurs, comme le note la

Procureure dans son rapport, 7 000 détenus en raison du conflit ne bénéficient toujours pas de leurs droits de défense et, de ce fait, ne peuvent avoir un procès équitable.  La représentante a ainsi demandé au Gouvernement libyen de garantir des procès dans le respect de la justice transitionnelle et de libérer tous les individus dont la culpabilité n’a pas été établie ou qui ont déjà purgé leur peine.  Il est également indispensable, a-t-elle estimé, de mettre en place une stratégie pour assurer le retour des personnes déplacées.


La déléguée a ensuite jugé inacceptable la clause qui cherche à exclure de la juridiction de la Cour les pays qui ne sont pas parties au Statut de Rome, en soulignant qu’une telle exception pourrait avoir un impact sur la crédibilité même de la Cour et du Conseil de sécurité.  Il est tout aussi inexplicable pour l’Argentine que le Conseil ait décidé que les dépenses découlant du renvoi d’une affaire devant la Cour ne soient pas couvertes par les Nations Unies, mais uniquement par les États parties au Statut de Rome.  « La lutte contre l’impunité n’est pas un objectif exclusif des États parties, elle est menée par l’ensemble des États Membres de l’Organisation », a-t-elle précisé.


M. MARK A. SIMONOFF (États-Unis) a estimé que de vrais pas en avant avaient été réalisés en Libye depuis trois ans.  La coopération est vraiment la clef de la stabilité et du développement du pays, a-t-il dit.  Le représentant a exhorté la Libye à continuer à coopérer avec la CPI afin de veiller à ce que les auteurs des pires crimes puissent répondre de leurs actes.  Tous les détenus doivent être traités dans les meilleures conditions et être transférés vers des centres de détention appropriés contrôlés par le Gouvernement libyen dans les meilleurs délais, a-t-il insisté.


Le délégué des États-Unis s’est dit particulièrement préoccupé par l’instabilité dans certaines régions du pays qui menace de saper la révolution que les Libyens ont menée avec tant de courage.  Il a également indiqué que son pays saluait la création d’une Assemblée constituante et appuyait les Libyens en vue de les aider à traverser cette phase difficile.


Mme PHILIPPA KING (Australie) a appelé les autorités libyennes à poursuivre leurs efforts pour régler la situation sécuritaire et maintenir la transition politique sur la bonne voie.  Les autorités doivent continuer à soutenir le processus d’élaboration constitutionnel et de réforme en faveur de l’état de droit, a-t-elle ajouté.  La représentante a insisté sur l’importance de la réforme du secteur de la sécurité, qui doit être, a-t-elle dit, une priorité pour le pays.  Mme King s’est ensuite dite préoccupée par la promulgation de lois d’amnistie en faveur de « révolutionnaires », avant d’exhorter la Libye à respecter le principe d’égalité devant la loi.  À l’inverse, a-t-elle dénoncé, des milliers de personnes sont toujours détenues en raison du conflit dans le pays et sont, de ce fait, privées de leur droit à un procès équitable et, parfois même, soumises à la torture.  Elle a exhorté la Libye à assurer le transfert de ces détenus dans des lieux de détention contrôlés par l’État et à examiner leur dossier.  Les accusés doivent être informés des motifs d’accusation retenus contre eux, traduits en justice, avoir accès aux preuves et être assistés d’un avocat, a-t-elle rappelé.


En ce qui concerne les activités de la Cour pénale internationale (CPI), Mme King a apprécié que la Libye ait suivi les affaires Saif Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi en conformité avec le Statut de Rome.  « Nous sommes conscients, a-t-elle indiqué, que la Libye doit remettre Qadhafi à la CPI et que l’affaire Al-Senussi est en procédure d’appel.  Elle a demandé à la Libye de s’abstenir de s’immiscer dans les procédures en cours devant la CPI et, au contraire, de coopérer avec la Cour.  La représentante s’est félicitée des recommandations de la Procureure sur les mesures à prendre pour mettre en œuvre le mémorandum d’accord conclu entre son Bureau et le Gouvernement libyen en ce qui concerne le partage des tâches en matière d’enquête, de poursuites judiciaires et d’arrestation.  Enfin, notant que plusieurs personnes recherchées avaient fui la Libye, elle a appelé les États Membres, en particulier les pays voisins de la Libye, à coopérer avec la CPI.


M. KAYODE LARO (Nigéria) a salué la signature d’un mémorandum d’accord entre la Procureure de la Libye et son homologue à la CPI afin de poursuivre leur coopération en vue de faire la lumière sur les crimes graves commis en Libye.  « S’agissant du procès de M. Saif Al-Islam Qadhafi, nous comprenons la volonté de la Libye de le juger, mais il est nécessaire que les actions de la justice libyenne soient conformes aux normes juridiques en vigueur au sein de la Cour pénale internationale », a-t-il déclaré.  En ce qui concerne les crimes commis par les différentes parties en Libye, nous sommes consternés par le fait que 7 000 individus continuent d’être détenus en violation de leurs droits fondamentaux et que la Libye n’a toujours pas respecté la date butoir de mars 2014 pour les libérer alors qu’ils sont incarcérés en l’absence de chefs d’inculpation.


M. GÉRARD ARAUD (France) a rappelé qu’il y avait des moments dans l’histoire des relations internationales où l’unité se forme pour prévenir ou mettre fin à des atrocités.  L’annonce, en février 2011, par le régime libyen lui-même, qu’il s’apprêtait à commettre un bain de sang a suscité une telle unité et conduit à l’adoption de la résolution 1970.  Le représentant a aussi noté que la Cour pénale internationale (CPI) avait été au cœur du processus marquant l’isolement des criminels, quel que soit leur rang, et quel que soit leur camp.  M. Araud a estimé que des milliers de vies humaines avaient été sauvées grâce à la mise en œuvre de la résolution 1970.


Dans la phase de transition dans laquelle se trouve actuellement la Libye, il a souligné que malgré les actes violents commis et le legs catastrophique du « Kadhafisme », les Libyens font preuve de détermination.  Il les a appelés à se rassembler autour d’un projet politique commun pour mener à bien la transition démocratique, en souhaitant, à cet égard, qu’un gouvernement d’union nationale soit rapidement formé par le Premier Ministre élu, M. Ahmed Meiteg, et ce, avec le soutien du Conseil de sécurité.


La coopération de la Libye avec la CPI, a estimé M. Araud, est déterminante pour clore l’ère de l’impunité dans ce pays.  Rappelant que la Libye avait demandé à juger elle-même Saif Al-Islam Qadhafi et Abdallah Al-Senussi, il a souligné que ce pays devrait se plier à la décision des juges, quelle que soit la décision qui sera prise.  « La Libye a des obligations en vertu de la résolution 1970 (2011), elle s’est engagée à les respecter et elle doit le faire », a rappelé le représentant de la France.  M. Araud a ensuite recensé les autres défis qui existent, comme les allégations de crimes commis par des proches de Qadhafi, qui pourraient se trouver aujourd’hui hors du territoire libyen.  Il s’est aussi inquiété de la pratique de la torture et des cas de décès en détention dans les centres illégaux contrôlés par les brigades armées.  Il a donc encouragé les autorités libyennes à mettre en œuvre la loi adoptée en avril 2013, pénalisant la torture, les disparitions forcées et la discrimination.   Les groupes armés doivent comprendre que la lutte contre l’impunité s’applique à tous.


M. CAI WEIMING (Chine) a estimé que la situation s’était aggravée en Libye.  La Chine, a-t-il dit, respecte la volonté des choix du peuple libyen et espère que les obstacles de la transition puissent être surmontés en vue d’assurer une stabilité à long terme.  Le représentant a rappelé la position de principe de la Chine selon laquelle les organes de justice internationaux devraient respecter pleinement la souveraineté nationale des pays concernés.


M. EVGENY T. ZAGAYNOV (Fédération de Russie) a commencé son intervention en demandant qu’à l’avenir « les rapports du Bureau du Procureur soient transmis aux délégations bien à l’avance afin de permettre à ces dernières d’examiner ces documents de manière approfondie avant qu’ils ne soient discutés par le Conseil ».  Il a ensuite noté que la situation en Libye restait précaire et que des actes de violence y étaient perpétrés par des groupes contre lesquels le gouvernement central lutte avec de grandes difficultés.  Le représentant a fait aussi état d’attaques et de menaces à l’encontre des juges.


À l’instar d’autres membres du Conseil, il a pris note de l’absence de véritables procédures judiciaires contre les présumés protagonistes du conflit, qui sont encore trop nombreux à être emprisonnés.  Tout en soulignant que le rôle de la CPI de mener ses enquêtes dans les pays où des situations lui ont été déférées est important, le représentant russe a estimé qu’il y avait malheureusement trop peu de progrès accomplis dans ce domaine à ce jour.  « Compte tenu du climat politique actuel, la logique qui sous-tend les décisions prises par la Cour soulèvent des interrogations », a-t-il dit.  Par ailleurs, a fait remarquer le représentant de la Fédération de Russie, les actions de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) pendant le conflit auraient dû faire l’objet d’un examen approfondi afin de respecter le principe d’impartialité.


Mme RITA KAZRAGIENĖ (Lituanie) a souligné que la CPI était un partenaire important et nécessaire aux autorités libyennes dans la restauration de l’état de droit et du principe de la responsabilité concernant les crimes les plus graves commis dans le pays.  Elle a noté que depuis l’adoption de la résolution 1970 (2011), le Gouvernement libyen avait continué de démontrer sa détermination à coopérer avec la Cour.  Cependant, dans les affaires concernant MM. Saif Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi, la représentante a tenu à rappeler que la recevabilité était une question judiciaire relevant de la compétence exclusive des Chambres de la Cour.  Bien que les deux décisions de recevabilité fassent l’objet d’un appel, la Libye a l’obligation de remettre M. Saif Al-Islam Qadhafi à la CPI.  L’obligation de remettre à la Cour les personnes contre lesquelles des mandats d’arrêt ont été délivrés, doit être respectée, a précisé la représentante qui s’est dite gravement préoccupée par la situation des détenus de guerre.  Cette situation, a-t-elle dit, nécessite une solution urgente.


Mme SYLVIE LUCAS (Luxembourg) a rappelé qu’il incombait aux autorités libyennes de garantir le respect de l’état de droit dans leur pays.  Elle a appelé les autorités libyennes à redoubler d’efforts pour créer un environnement sécuritaire stable, qui garantisse la liberté, la justice et le respect des droits de chacun.  Elle a aussi invité la communauté internationale à continuer d’aider la Libye dans cette phase cruciale de sa transition.  La représentante a fait observer que si le rapport du Procureur de la CPI fait état de progrès concernant les personnes détenues à la suite du conflit, environ 7 000 personnes sont toujours détenues par des brigades armées sans bénéficier de procédures équitables. 


Nombre de ces prisonniers ont été soumis à des tortures et autres mauvais traitements, a regretté la représentante, avant d’insister pour que la Libye veille à ce que les détenus soient placés sous le contrôle effectif de l’État, conformément aux recommandations de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye

et du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.  Elle a exhorté la Libye à faire en sorte que les responsables de ces mauvais traitements, ou autres crimes, telles les disparitions forcées, rendent compte de leurs actes, conformément à la loi pénalisant la torture, les disparitions forcées et la discrimination adoptée en avril 2013. 


La représentante du Luxembourg a aussi encouragé le Gouvernement libyen à développer et à mettre en œuvre une stratégie globale pour mettre fin aux crimes et à l’impunité en Libye, en ayant recours à l’aide de partenaires clefs.  Il est crucial, a-t-elle dit, que le Gouvernement de la Libye conclut dans les meilleurs délais les négociations avec le Greffe de la CPI sur la reconnaissance des privilèges et immunités du personnel de la Cour en Libye.  « Mis à part les défis sécuritaires qui se posent au bon déroulement des enquêtes de la CPI, le personnel de la Cour et le Bureau du Procureur doivent pouvoir travailler sans entraves ni restriction d’aucune sorte », a estimé la représentante.


M. EDUARDO GÁLVEZ (Chili) a rappelé le rôle primordial du Conseil de sécurité concernant la situation en Libye.  Il a souligné que le Conseil de sécurité ne devrait pas estimer que son devoir était accompli une fois qu’une situation était déférée devant la Cour pénale internationale.  Par conséquent, le Chili appuie l’établissement d’une procédure de suivi efficace de la part du Conseil de sécurité, a-t-il dit.


Le délégué chilien a en outre regretté que les cas de torture et de mauvais traitements dans les prisons ne fassent pas l’objet de procédures judiciaires.  Il a exprimé l’appui de son pays aux efforts de la Procureure en vue de veiller à ce que les auteurs de crimes soient traduits en justice, que ce soit devant la CPI ou devant les tribunaux libyens, conformément au principe de complémentarité stipulé dans le Statut de Rome.  Il a ainsi exhorté le Gouvernement libyen à remettre Saif Al-Islam Qadhafi à la CPI.


M. OLIVIER NDUHUNGIREHE (Rwanda) a tenu à préciser que la reddition de comptes pour les crimes les plus graves « n’était pas négociable ».  Il a insisté sur les liens étroits entre état de droit et réforme du secteur de la sécurité, lesquels, a-t-il dit, doivent être renforcés avec l’appui des partenaires internationaux.  Le représentant a pris note de l’engagement de la Libye en faveur de la justice, tout en exprimant sa préoccupation devant la détérioration de la situation sécuritaire qui constitue, a-t-il regretté, une entrave aux enquêtes de la CPI sur les crimes commis pendant le conflit dans ce pays.  Il a qualifié le principe de complémentarité de la plus haute importance, dans la mesure où la communauté internationale se doit d’aider la Libye à renforcer ses capacités judiciaires.  En ce qui concerne les procès concernant Saif Al-Islam Qadhafi et Abdullah Al-Senussi, il a souligné qu’il était nécessaire de veiller à ce que tous les suspects de crimes soient jugés.  « La réconciliation passe par l’établissement des responsabilités », a ajouté le représentant.


M. PAUL MCKELL (Royaume-Uni) a estimé que la Libye se trouvait dans une phase critique de sa transition.  L’appui aux efforts visant à parvenir à un règlement politique stable nécessite une participation large qui ne se limite pas aux problèmes de la sécurité, a-t-il déclaré. 


Le représentant britannique s’est réjoui du dialogue constant qui est établi entre la Cour pénale internationale et le Gouvernement de la Libye.  Il est impératif que tous les prisonniers soient détenus par une autorité nationale reconnue et puissent bénéficier de soins et d’une assistance juridique, a souligné le représentant.  Il a rappelé l’obligation de la Libye à coopérer pleinement avec la Cour et le Bureau du Procureur, conformément à la résolution 1970 (2011).


M. OH JOON (République de Corée) s’est félicité, à l’instar d’autres membres du Conseil, de la signature d’un mémorandum d’accord entre le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale et son homologue au sein de la justice libyenne.  Il a estimé qu’une solution à la situation des 7 000 individus toujours emprisonnés depuis la fin du conflit, et à celle des personnes déplacées marquerait un pas en avant.  En ce qui concerne l’affaire Said Al-Islam Qadhafi et Al-Senussi, le représentant de la République de Corée a émis l’espoir qu’une solution viable serait trouvée grâce à la coopération dont font preuve le Bureau du Procureur et les autorités libyennes.  Cette coopération montre clairement ce qui a fait une différence entre cette situation et d’autres qui avaient été renvoyées à la Cour par le Conseil de sécurité, a affirmé le représentant.


M. IBRAHIM O. A. DABBASHI (Libye) a rappelé que son pays, qui n’avait pas ratifié le Statut de Rome, avait choisi de son propre gré de travailler avec la Cour pénale internationale et avait demandé à la communauté internationale de l’aider, en ce sens, à renforcer ses capacités. 


Le délégué libyen a souligné que le mémorandum d’accord signé l’an dernier avec la Cour se fondait sur une complémentarité positive entre le système judiciaire libyen et la CPI.  Il a émis l’espoir que les deux parties réussiront à se mettre d’accord sur la mise en œuvre de ce mémorandum lors de la prochaine visite de la Procureure en Libye.


Le représentant a également souligné les efforts déployés par les autorités libyennes en vue de procéder au recensement de tous les détenus dans le pays et de mener à bien les procédures judiciaires pour tous les accusés.


Il a notamment réaffirmé la compétence du système judiciaire national pour assurer le procès d’Abdullah Al-Senussi.  La démocratie avance en Libye, a-t-il assuré, en précisant que les Libyens étaient déterminés à la réaliser pleinement.  La communauté internationale ne devrait jamais remettre en doute la capacité des Libyens de s’atteler à cette tâche, a-t-il ajouté. 


La Libye est fermement engagée à assurer la reddition de comptes pour tous les crimes commis et à respecter la sécurité de l’ensemble des citoyens sur tout le territoire libyen, a tenu à souligner le représentant, avant de conclure.


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À l’intention des organes d’information • Document non officiel
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